ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Le Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
ENTRE :
Lise White
(ci-après la « bénéficiaire »)
ET :
Le Groupe Trigone Construction inc.
(ci-après l’«entrepreneur »)
ET :
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.
(ci-après l’«administrateur »)
No dossier de La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ : 012230
SENTENCE ARBITRALE
Arbitre : Monsieur Claude Dupuis, ing.
Pour la bénéficiaire : Madame Lise White
Pour l’entrepreneur : Monsieur Daniel Fortin
Pour l’administrateur : Maître François Laplante
Date d’audience : 8 mars 2005
Lieu d’audience : La Prairie
Date de la sentence : Le 28 mars 2005
I. INTRODUCTION
[1] À la demande de l’arbitre, l’audience s’est tenue à la résidence de la bénéficiaire.
[2] À la suite d’une demande de réclamation de la bénéficiaire, l’administrateur en date du 3 novembre 2004 a déposé son rapport d’inspection ayant trait au point suivant : Problème de fissuration au revêtement de céramique à la cuisine.
[3] Dans son rapport, l’administrateur refuse en ces termes la réclamation de la bénéficiaire :
« Nous constatons que le point qui suit a été dénoncé par écrit après l’échéance de la garantie portant sur les vices cachés, dont la durée est de trois (3) ans à partir de la réception. Par conséquent, nous devons statuer sur ce point uniquement dans le cadre de l’article 3.4 du contrat de garantie. Or, nous sommes d’avis que la situation observée ne comporte par le niveau de gravité d’un vice majeur tel que défini au contrat de garantie.
De plus, nous devons nous référer aux articles 3.2, 3.3 et 3.4 du contrat de garantie, lesquels stipulent que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
Dans le cas présent, la situation a été dénoncée par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur en date du 31 mars 2004 alors que le bénéficiaire nous a confirmé avoir constaté les premières manifestations environ 1 an après réception. »
[4] En cours d’enquête, monsieur Pierre Bonneville, inspecteur conciliateur, est venu témoigner.
[5] À l’appui de son argumentation, le procureur de l’administrateur a déposé les documents mentionnés ci-dessous :
Jeanne Cyr et Pierre Girard et Le Groupe Trigone Construction inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc, M. Claude Dupuis, le 4 février 2005;
France Brousseau et Le Groupe Trigone Construction inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., M. Claude Dupuis, le 4 février 2005;
Michèle Bilodeau et Le Groupe Trigone Construction inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., M. Claude Dupuis, le 4 février 2005;
Eleonora Fiore et Khalid Boudribila et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Construction Trilikon inc, Me Johanne Despatis, le 18 février 2005.
II. LES FAITS
[6] Les faits sont simples et non contredits.
[7] Madame White a signé l’acte de réception de sa propriété le 23 juin 2000.
[8] Elle a pris connaissance de la première manifestation de la fissure (de 24 pouces à 36 pouces de long) sur le recouvrement en tuiles du plancher de la cuisine en juin 2001.
[9] À la même date, elle a communiqué avec l’entrepreneur pour lui signaler ce défaut.
[10] En 2002, 2003 et 2004, madame White a de nouveau communiqué et ce, à plusieurs reprises, avec l’entrepreneur dans le but de faire corriger cette situation.
[11] Le 16 mars 2004, Centre Décoration Des Sols faisait parvenir, à la demande de l’entrepreneur, la note suivante relativement à la correction de cette fissure :
« Après 12 mois de recherche pour trouver le même lot de tuile installée PA Brown Centura et sans succès votre solution est d’enlever la tuile pour vous permettre de réparer le plywood et d’installer à nouveau une nouvelle céramique. »
[12] N’ayant pas obtenu de nouvelle de la part de l’entrepreneur, madame White a dénoncé par écrit le 31 mars 2004 ladite situation à l’entrepreneur et à l’administrateur.
[13] À ce jour, ladite fissure a maintenant quelque 15 pieds de long partant d’une extrémité de la cuisine et allant jusqu’à la salle de bain située à l’autre extrémité.
[14] L’administrateur de même que l’entrepreneur reconnaissent que cette fissure résulte d’une malfaçon (qui pourrait même constituer un vice caché) en cours de construction, la sous-couche n’ayant pas été fixée adéquatement.
[15] Selon l’administrateur, le remède consiste à reprendre le plancher de la cuisine au complet puisqu’une réparation locale ne serait pas suffisante et la preuve est prépondérante à l’effet que de nouvelles tuiles ne peuvent être assorties aux tuiles déjà existantes.
[16] L’administrateur estime le coût de ces réparations à environ 4 500,00 $.
[17] En date du 17 juin 2004, l’entrepreneur offrait à madame White de lui verser une compensation :
«Objet : problème de céramique cuisine
Madame,
Suite à l’analyse de votre dossier et à la visite de M. Patrice St-Pierre à votre domicile le 18 mai dernier, nous devons nous prononcer comme suit :
Au lieu de procéder aux travaux de réparations de céramique de votre cuisine nous vous offrons une compensation finale au montant de 300$, afin que vous puissiez vous-même faire vos travaux. Veuillez nous faire part, si vous accepter cette proposition. »
III. DÉCISION ET MOTIFS
[18] La preuve a démontré et les parties s’entendent à l’effet que cette fissure au plancher de la cuisine constitue une malfaçon (l’administrateur aurait consenti à la considérer comme un vice caché) au sens de l’article 10 du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[19] À l’évidence, il ne s’agit pas d’un vice de conception ou de construction au sens de l’article 2118 du Code civil.
[20] Je cite ci-après les articles 10.3 et 10.4 du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :
«10- La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
[…]
10.3 - La réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peux excéder 6 mois de la découverte des malfaçons.
10.4 - La réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil.
[21] Quelque soit le cas, ces articles du Plan stipule que toute dénonciation doit être présentée par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte.
[22] Le problème est que la bénéficiaire, qui a constaté cette malfaçon en juin 2001, ne l’a dénoncée par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur qu’en mars 2004, soit quelque 33 mois après la découverte. Il est vrai que la bénéficiaire a dénoncé la situation, verbalement à l’entrepreneur bien auparavant, mais ce dernier n’a pas réagi.
[23] Un délai de dénonciation de 33 mois m’apparaît tout à fait déraisonnable. Une décision contraire serait tout à fait injuste envers l’administrateur, lequel se porterait garant des travaux alors qu’il aurait été informé de la situation plus de trois ans après la découverte.
[24] Il n’en demeure pas moins, selon la preuve recueillie, que madame White a complètement été bernée par l’entrepreneur. Elle a de bonne foi communiqué avec ce dernier, lequel a laissé traîner en longueur les pourparlers jusqu’à épuisement de ses recours légaux prévus au Plan.
[25] Alors que le sous-traitant de l’entrepreneur indique à ce dernier qu’il est impossible d’assortir les tuiles et que la solution est de remplacer le plancher au complet, alors que l’administrateur indique que le coût de ces réparations est de l’ordre de 4 500,00 $ (ce qui n’a pas été nié par le représentant de l’entrepreneur), ce dernier offre à madame White une compensation de 300,00 $ en ajoutant :
«… afin que vous puissiez vous-même faire vos travaux.»
[26] C’est là un contraste entre une réalité cruelle et ce que l’on devrait s’attendre.
[27] Le moins que je puisse ajouter est que dans ce dossier, l’entrepreneur n’a pas agi en professionnel du milieu.
[28] Malgré tout, pour les motifs ci-dessus mentionnés, la présente réclamation est rejetée.
[29] Conformément à la disposition du 2e alinéa de l’article 21 du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, et en prenant en considération les circonstances particulières de cette affaire justifiant ainsi l’arbitre de faire appel à l’équité, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l’administrateur.
BELOEIL, le 28 mars 2005
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Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]