TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

Canada

Province de Québec

Dossier no: S19-040203-NP

Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC)

 

9264-3212 Québec inc.

(« Entrepreneur »)

 

c.

 

NICOLE MOSEKA et JACKSON DUFREINE

(« Bénéficiaires »)

 

et

 

GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE GCR

(« Administrateur »)

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                                                                  Me Jean Philippe Ewart

 

Pour l’Entrepreneur:                                                                      Me Pierre-Olivier Baillargeon

                                                                            Crochetière Pétrin avocats

Richard Lussier, président

      

Pour les Bénéficiaires:                                                                                   Nicole Moseka

      Jackson Dufreine

 

Pour l’Administrateur:                                                                               Me Pierre-Marc Boyer

                                                            Garantie construction résidentielle

 

Dates de l’audition:                                                                                     27 septembre 2019

24 octobre 2019

 

Date de la Décision :                                                                                         31 octobre 2019

                                                                                                         


Identification des Parties

 

 

ENTREPRENEUR :                                                                                 9264-3212 Québec

    Attention: Me Pierre-Olivier Baillargeon

          Crochetière Pétrin avocats

5800 Boulevard Louis-H. La Fontaine

Anjou (Québec)

 H1M 1S7

 

Bénéficiaires:                                                                                        NICOLE MOSEKA

       JACKSON DUFREINE

[...]

Longueuil (Québec)

[...]

 

ADMINISTRATEUR                                GARANTIE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE

Attention: Me Pierre-Marc Boyer

Garantie construction résidentielle

7171, rue Jean-Talon Est, bureau 200

Montréal (Québec)

H1M 3N2

 

 

 

Introduction

 

[1]          Les Bénéficiaires sont propriétaires d’une maison neuve situé dans l’arrondissement St-Hubert, Ville de Longueuil, Québec (« Bâtiment »).

 

 

Mandat et Juridiction

 

[2]          Le présent dossier a fait l’objet de diverses décisions, initialement d’une décision de l’Administrateur (J. Dubuc, conciliateur) datée du 12 septembre 2016 (« Décision Adm 2016 ») portée en arbitrage par l’Entrepreneur dont décision sous intitulé de ‘décision arbitrale complémentaire’ du 8 février 2017 rendue par Me Avelino De Andrade (GAMM 2016-16-020) (« Décision De Andrade fév. 2017 ») et suivi d’une décision supplémentaire de l’Administrateur (J. Dubuc, conciliateur) datée du 20 juin 2017 (« Décision Adm suppl. 2017 ») (Pièce A-11).

 

[3]          Une demande d’arbitrage fut formulée en date du 27 juin 2017 (Pièce A-12) auprès du Groupe d’Arbitrage et de Médiation sur Mesure (« GAMM ») afin de porter l’intégralité de la Décision Adm suppl. 2017 en arbitrage.

 

[4]          La décision arbitrale du GAMM sur la Décision Adm suppl. 2017 fut rendue par Me Avelino De Andrade en date du 14 novembre 2017 (« Décision De Andrade nov. 2017 ») (Pièce A-13).

 

[5]          La Décision De Andrade nov. 2017 a fait objet d’une Demande de pourvoi en contrôle judiciaire déposée par l’Entrepreneur auprès de la Cour supérieure, pour laquelle jugement fut rendu par l’Honorable Johanne Brodeur, j.c.s., le 6 décembre 2018 (Pièce A-14). Au terme de ce jugement, la Cour conclut que les conclusions de la Décision De Andrade nov. 2017 sont inintelligibles et que, par souci d’impartialité, le présent dossier devait être étudié par un nouvel arbitre (« Jugement CS 2018 »).

 

[6]          L’Administrateur présente en date du 11 mars 2019 une demande d’arbitrage auprès du GAMM suite au Jugement CS 2018 requérant que le dossier soit retourné devant un nouvel arbitre (Pièce A-15).

 

[7]           Le GAMM procède à la nomination de Me Jean Morissette à titre d’arbitre. Le Tribunal est informé que Me Morissette a été avisé que ses services ne sont plus requis suite entre autres à une conférence de gestion d’instance du 26 mars 2019 présidée par Me Morissette; nous y reviendrons.

 

[8]          L’Entrepreneur dépose par la suite le 2 avril 2019, par correspondance de ses procureurs, une demande d’arbitrage en suivi du Jugement CS 2018 auprès du Centre Canadien d’arbitrage commercial (CCAC).

 

[9]          Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné en date du 1 mai 2019.

 

[10]       Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal est inter alia confirmée par les Parties sous conférence préparatoire du 7 mai 2019.

 

Litige

 

[11]        La Décision Adm suppl. 2017 conclut à ce que l’Administrateur prenne en charge les travaux correctifs des point 1 (luminaires) et plus particulièrement pour nos fins le Point 6 intitulé ‘Escaliers intérieurs / dimensions’.

 

[12]       Alors que la décision initiale de l’Administrateur, Décision Adm 2016, statue que les dimensions des escaliers intérieurs ne sont pas conformes, la Décision Adm suppl. 2017 indique que l’Entrepreneur a effectué des travaux correctifs, que l’escalier du sous-sol est conséquemment conforme mais, nonobstant que l’Entrepreneur aie pourvu correctif afin de modifier le plafond du rez-de-chaussée, l’échappée demeure déficiente mais alors uniquement où convergent les rayons des marches d’angle de l’escalier vers l’étage.

 

[13]       Le seul Point porté au présent arbitrage concerne donc l’escalier intérieur entre le rez-de-chaussée et l’étage dont les dimensions sont avancées selon ces décisions de l’Administrateur et les allégués des Bénéficiaires comme encore inférieures aux règles de l’art, aux dispositions du Code de construction du Québec, et prenant considération les dispositions du Jugement CS 2018.

 

 

Pièces

 

[14]       Les Pièces contenus au Cahier de l’Administrateur sont identifiés comme A- avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé; les Pièces déposées par l’Entrepreneur sont identifiées sous cote E- avec sous-numérotation à l’onglet applicable au Cahier visé.

 

Chronologie

 

[15]       Sommaire de certains éléments de chronologie du présent arbitrage, pour les fins des présentes:

 

2016.02.24                Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur (Pièce A-1).

                                    Contrat préliminaire et l’annexe A signés par les Bénéficiaires

(Pièce A-2).

2016.02.29                Contrat préliminaire signé par l’Entrepreneur (Pièce A-2).

2016.03.15                Permis de construction émis par la ville de Longueuil (Pièce E-2).

2016.06.23                Certificat d’inspection pré-réception signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur (Pièce A-3).

2016.06.29                Acte de vente signé par l’Entrepreneur et Bénéficiaires (Pièce A-4).    

2016.07.06                Dénonciation des Bénéficiaires (Pièce A-5 en liasse).

2016.08.11                Dénonciation des Bénéficiaires (Pièce A-5 en liasse).

2016.09.12                Décision Adm 2016 rendue par Jocelyn Dubuc (Pièce A-11).

2017.02.08                Décision arbitrale rendue par l’arbitre Me Avelino De Andrade (Décision De Andrade fév. 2017) (Pièce A-13).

2017.06.20                Décision Adm suppl. 2017 rendue par Jocelyn Dubuc (Pièce A-11).

2017.10.05                Rapport d’expertise de l’escalier intérieur par Jacques Monty, architecte (Pièce E-4).

2017.11.14                Décision De Andrade nov. 2017 rendue par Me Avelino De Andrade (Pièce A-13).

2018.12.06                Décision rendue par la Cour Supérieure par l’Honorable Johanne Brodeur (Pièce A-14).

2019.03.11                Demande d’arbitrage par l’Administrateur au GAMM (nomination de Me Jean Morissette) (Pièce A-15). Retrait subséquent de cette demande d’arbitrage.

2019.04.02                Demande d’arbitrage par l’Entrepreneur au CCAC.

2019.05.01                Nomination de Me Jean Philippe Ewart à titre d’arbitre.

2019.07.08                Rapport d’expertise de Technorm (Ginette Lafontaine, architecte) relativement à l’escalier intérieur du Bâtiment (Pièce E-3).

 

 

Le Règlement

 

[16]       Le Tribunal s’appuie pour les présentes que le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c.B-1.1, r.08) (le « Règlement »), en conformité de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1), est d’ordre public tel que confirmé à diverses reprises par notre Cour d’appel[1].

 

[17]        D’autre part, le Règlement prévoit que toute disposition d’un plan de garantie (« Plan » ou « Garantie ») qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[2] et conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est. 

 

[18]       La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[3]. 

 

[19]       Quant au parachèvement des travaux ou travaux correctifs de malfaçons ou vices dans les circonstances particulières du présent dossier, ceux-ci sont régis inter alia par les dispositions suivantes du Règlement qui se lit alors :

 

« 10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

1°  le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en œuvre de la garantie de parachèvement des travaux du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception;

 

2°  la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en œuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception;

 

3°  la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons;

 

4°  la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;

 

5°  la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation significative;

 

6°  le relogement, le déménagement et l’entreposage des biens du bénéficiaire, lorsque, lors de travaux correctifs, le bâtiment n’est plus habitable;

 

7°  la remise en état du bâtiment et la réparation des dommages matériels causés par les travaux correctifs. »

 

 

Le Code de construction

 

[20]       Le Code de construction du Québec (RLBQ c. B-1.1, r2), Chapitre I - Bâtiment, intégrant par renvoi le Code national du bâtiment - Canada 2010 (modifié) (« CNB 2010 modifié Québec ») est entré en vigueur le 13 juin 2015 [4].

 

[21]       Toutefois, une période transitoire de 18 mois est prévue permettant que les dispositions du Code de Construction du Québec Chapitre 1 - Bâtiment, et Code national du bâtiment - Canada 2005 (modifié)CNB 2005 modifié Québec ») peuvent être appliquées à la construction d’un bâtiment ou à sa transformation à la condition que le début des travaux ait eu lieu avant le 15 décembre 2016.

 

[22]       Le Tribunal est avisé dans le cas en espèce que le Bâtiment a été construit en 2016 selon le rôle évaluation foncière de la Ville de Longueuil et le permis de construction a été attribué le 15 mars 2016. La réglementation en vigueur applicable au Bâtiment est le CNB 2005 modifié Québec, tel qu’alors adopté en vertu de l’article 19 du règlement municipal 1408 (CO-2011-707, art.3) de l’arrondissement de Saint-Hubert de la Ville de Longueuil.

 

[23]       Conséquemment les dimensions de l’escalier intérieur du Bâtiment dans un cadre du Code de construction du Québec sont régies par les articles 9.8.2.1 et 9.8.2.2 du CNB 2005 modifié Québec qui se lisent alors :

 

« 9.8.2. Dimensions des escaliers

 

9.8.2.1. Largeur

1) Les escaliers d’issue exigés et les escaliers utilisés par le public doivent avoir une largeur d’au moins 900 mm.

2) Au moins un escalier entre deux niveaux successifs d’un logement et les escaliers extérieurs desservant un seul logement, sauf les escaliers d’issue exigés, doivent avoir une largeur d’au moins 860 mm.

 

9.8.2.2. Échappée

1) L’échappée mesurée à partir du bord extérieur des nez de marche doit être d’au moins :

a) 1950 mm pour les escaliers situés dans les logements; et

b) 2050 mm pour les autres escaliers. 

 

9.8.4.5. Marches rayonnantes

 

1)           Sous réserve des paragraphes 3) et 4), les marches rayonnantes individuelles qui convergent vers un point central doivent permettre de tourner à un angle :

a)           de 30°, sans écart positif ou négatif; ou

b)           de 45°, sans écart positif ou négatif.

2)           Sous réserve des paragraphes 3) et 4), chaque série de marches rayonnantes intégrée à un escalier ne doit pas permettre de tourner à plus de 90° ».

 

[24]       Le permis de construction et certificat d’autorisation de la ville de Longueuil   (Pièce E-2, p.1) indique sous ‘Conditions particulières’ que « les travaux doivent être conformes au Code de construction du Québec, Bâtiment et Code national du bâtiment - Canada 2005 (modifié) + partie 11 ».

 

Faits Pertinents

 

[25]       Le 24 février 2016 et le 29 février 2016, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur sont intervenus à un contrat préliminaire et contrat de garantie (Pièces A-1 et A-2) (« Contrat ») auquel est joint en annexe - qui fait partie intégrante du Contrat - une liste « Inclusions/Exclusions/Modifications » (« Annexe A »). Le Contrat prévoit une date d’occupation pour le 23 juin 2016.

 

[26]       Au formulaire d’inspection préréception (formulaire pré-imprimé de l’Administrateur) signé par les Bénéficiaires le 23 juin 2016, une liste d’éléments de travaux à parachever ou à corriger a été notée (Pièce A-3).  Une date de fin de travaux du 30 juin 2016 est alors indiquée comme prévue.

 

[27]       Les Bénéficiaires reconnaissent leur signature sur un document intitulé « Démarches du Promettant-Acheteur » (Pièce E-1) qui contient un modèle du Bâtiment.

 

[28]       Le 15 mars 2016, un permis de construction et certificat d’autorisation est émise par la ville de Longueuil pour le Bâtiment (Pièce E-2). Des plans de construction sont annexés avec le permis.

 

[29]       Les Parties reconnaissent qu’il y a eu réception avec réserve du Bâtiment en date du 23 juin 2016 (Pièce A-3) et un acte de vente pour le Bâtiment est intervenu en date du 29 juin 2016 (no 19 989 des minutes de Me Beaudoin, notaire) (Pièce A-4).   

 

[30]       Le 6 juillet 2016, les Bénéficiaires pourvoient à dénonciation spécifiant entre autre qu’il y a un défaut de construction de l’escalier « … qui nous empêche de monter notre lit et matelas/sommiers à l’étage et du sous-sol » que le Tribunal comprend est référence à notamment un sommier de lit format Queen (Pièce A-5).

 

[31]       Le 11 août 2016, les Bénéficiaires pourvoient à dénonciation :

 

« …si nous avions su que notre lit ne rentrerait pas dans la maison, on aurait jamais [sic] allé de l’avant avec l’hypothèque et on se serait jamais [sic] rendu chez le notaire pour signer les documents » (Pièce A-5).

 

[32]       Les Bénéficiaires soumettent une réclamation à l’Administrateur reçue le 19 août 2016, dont découle la Décision Adm 2016 (Pièce A-11).

 

[33]       Le Tribunal comprend que l’Entrepreneur a participé à une intervention afin de permettre d’insérer lit et sommier des Bénéficiaires à une chambre à coucher à l’étage du Bâtiment par l’extérieur de celui-ci incluant le retrait de fenêtres requis pour cette insertion.

 

[34]       La Décision Adm 2016 stipule des problématiques concernant l’escalier entre autre pour nos fins que la largeur n’est pas conforme au Code de la construction du Québec (art. 9.8.2.1 du Code) et l’échappée doit mesurer 1950 mm (art. 9.8.2.2 du Code) et ajoute :

 

« Évidemment, la bénéficiaire dit ne pas vouloir être tenue de retirer les fenêtres lorsque sera venu le moment de changer de lit, raison pour laquelle elle demande que les escaliers intérieurs soient réaménagés conformément aux normes et de façon à ce qu’il soit possible d’y passer un sommier et un matelas de format « grand lit » (Queen) ».

 

[35]       L’Administrateur constate (Décision Adm 2016, Point 6) lors de la visite des lieux que la largeur de l’escalier menant au sous-sol est de 845 mm de mur à mur, inférieur aux exigences de l’article 9.8.2.1.2 du Code de construction du Québec. Quant à l’escalier qui mène à l’étage (« l’escalier étage »), celui que vise les présentes, il y a constat que l’échappé libre à l’endroit où convergent les rayons des 3 marches rayonnantes est insuffisante.

 

[36]       Quant à ce Point 6, l’Administrateur considère malfaçon non apparente, accueille la réclamation des Bénéficiaires et ordonne que l’Entrepreneur règle ce point.

 

[37]       Insatisfait, l’Entrepreneur a soumis les points 1, 6 et 9 de la Décision Adm 2016 au processus d’arbitrage. Le 8 février 2017, l’arbitre Me Avelino De Andrade du GAMM rejette la demande de l’Entrepreneur et ordonne alors à ce dernier de procéder aux travaux correctifs dans un délai de 90 jours.

 

[38]       Le Tribunal comprend aux présentes que l’Entrepreneur exécute par la suite des travaux correctifs suivi d’une visite supplémentaire des lieux de l’inspecteur-conciliateur au dossier. Le 20 juin 2017, l’Administrateur rend la Décision Adm suppl. 2017 (Pièce A-11).

 

[39]       La Décision Adm suppl. 2017 emporte constat que les correctifs apportés à l’escalier étage le rendent maintenant conforme aux normes en vigueur quant à la largeur (maintenant de 900 mm). Cependant, il y a constat que l’échappée de l’escalier étage est toujours déficiente à l’endroit où convergent les rayons des 3 marches d’angle (rayonnantes) est alors de 1705 mm alors qu’elle devrait être de 1950 mm selon l’article 9.8.2.2 du Code de construction de Québec.

 

[40]       Le Décision Adm suppl. 2017 conclut à la prise en charge immédiate des travaux correctifs par l’Administrateur sur ce point.

 

[41]       Le 27 juin 2017, l’Entrepreneur demande l’arbitrage sur « l’intégralité » de la Décision Adm suppl. 2017 (Pièce A-12).

 

[42]       Une décision arbitrale, la Décision De Andrade nov. 2017 (Pièce A-13) est rendue en date du 14 novembre 2017.

[43]       L’Entrepreneur a produit un rapport de la firme Monty et Associés lors de l’Instruction de la Décision De Andrade nov. 2017.

[44]        Le Tribunal considère que le rapport de Monty et Associés (J. Monty, architecte), (Pièce E-4) déposé par l’Entrepreneur réfère incorrectement au CNB 2010 modifié Québec et n’est d’autre part pas suffisamment détaillé ni clair et de peu d’utilité aux présentes.  

[45]       Sous la Décision De Andrade nov. 2017, il appert que la hauteur inférieure à 1950 mm n’est présente que sur une partie du prolongement de la marche en dehors de la largeur minimale exigée et qu’au besoin, Monty et Associés recommande de diminuer l’ouverture de l’escalier, si les bénéficiaires désirent conserver que la largeur où l’échappée est d’au moins 1950 mm.

[46]       La Décision De Andrade nov. 2017 indique que la preuve non contredite est que les Bénéficiaires ne peuvent transporter à l’étage supérieur où sont les chambres un lit de grandeur ‘Queen’ et considère « qu’une maison neuve qui respecte les règles de l’art doit permettre à des nouveaux acquéreurs de pouvoir monter un lit de grandeur ‘Queen’ à l’étage supérieur ».

[47]       L’Entrepreneur se pourvoit en contrôle judiciaire de la Décision De Andrade nov. 2017.

 

[48]       Le Tribunal note au Jugement CS 2018 que l’Honorable Johanne Brodeur, j.c.s. souligne que « … la correction nécessitera la modification de la structure du bâtiment par le déplacement d’un mur porteur ».

 

[49]       Le Jugement CS 2018 détermine que la Décision De Andrade nov. 2017 et ses conclusions sont inintelligibles et la motivation insuffisante puisqu’elle ne permet pas de comprendre l’issue du dossier et Ordonne par conséquent que le dossier devra être étudié par un nouvel arbitre.  

 

[50]       Dans une demande datée du 11 mars 2019, l’Administrateur a fait une demande d’arbitrage au GAMM suite au Jugement CS 2018 demandant que le dossier soit retourné devant un nouvel arbitre, et le GAMM procède alors à la nomination de Me Jean Morissette à titre d’arbitre.

 

[51]       Suite à sa nomination, Me Morissette, dans un procès-verbal de la conférence téléphonique d’une gestion d’instance du 26 mars 2019 et avis identifié en vertu de l’article 633(3) du Code de Procédure Civile du Québec, souligne qu’il est l’associé de l’arbitre qui a été l’objet de la décision de pourvoi en contrôle judiciaire et recommande que cet aspect du dossier [ndlr : sa nomination] soit réfléchi, analysé et déterminé par chacune des parties de manière à éviter que le recours soit entaché de toute apparence de conflit d’intérêt.

 

[52]       Dans une demande datée du 2 avril 2019, l’Entrepreneur dépose une demande d’arbitrage auprès du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) et  « entend porter en arbitrage l’intégralité de la décision initiale du 20 juin 2017 ».

 

 

Déroulement de l’instance

 

[53]       Lors de l’Instruction le 27 septembre 2017, après l’interrogatoire et contre-interrogatoire de Richard Lussier, président de 9264-3212 Québec inc. (l’Entrepreneur) et de Ginette Lafontaine, architecte auprès de la firme Technorm, le Tribunal a pourvu à suspension afin de permettre aux parties de tenter de trouver une solution dans la collégialité, sans succès.

 

Prétentions des Parties

 

Entrepreneur

[54]        L’Entrepreneur dépose un rapport de la firme Technorm (auteur, Ginette Lafontaine, architecte et conseillère technique) sur la hauteur de l’escalier intérieur du Bâtiment. Le mandat identifié est de valider si les exigences réglementaires relatives aux hauteurs libres pour l’escalier intérieur entre le rez-de-chaussée et l’étage sont respectées pour le Bâtiment.

 

[55]       Mme Lafontaine est confirmée comme expert pour nos fins et le rapport est caractérisé de rapport d’expertise (« Rapport Technorm ») (Pièce E-3).

 

[56]       Le Rapport Technorm est détaillé, incluant photographies, croquis et extraits de la règlementation à l’appui et porte constat que le seul endroit où la hauteur minimale libre de 1950 mm n’est pas respectée dans l’escalier entre le rez-de-chaussée et l’étage (l’escalier étage) est à l’endroit du nez de la troisième marche rayonnante (la « Marche »).

 

[57]       Le Rapport Technorm préconise que cette situation pourrait être corrigé en prolongeant la cloison près du point convergeant des marches rayonnantes. Cette correction aurait pour effet de réduire l’ouverture existante entre les murs, mais sans toutefois être en-deçà de la largeur minimale exigée de 860 mm.

 

[58]       À l’enquête, Richard Lussier, président de l’Entrepreneur, souligne au Tribunal un plan du Bâtiment Pièce E-2 (p.41) et qu’un des côtés des marches est un mur porteur (le « Mur »). L’on comprendra que le Mur est celui auquel réfère le Jugement CS 2018. Nous y reviendrons.

 

Bénéficiaires

[59]       Les Bénéficiaires renforcent le point qu’achetant une maison neuve, ils avaient l’expectative de pouvoir aménager des meubles dans leurs maison aisément.

 

Administrateur

[60]       À l’audition, M. Bérubé de l’Administrateur (l’inspecteur-conciliateur auteur des décisions sous étude n’est alors plus à l’emploi de l’Administrateur) soumet qu’il y a seulement une solution pour rendre l’escalier conforme au Code de Bâtiment, la solution préconisée au Rapport Technorm.

 

[61]       M. Bérubé avance d’autre part qu’il est possible de trouver une solution qui plairait possiblement plus aux Bénéficiaires, soit de faire une ouverture partielle de la section de l’escalier afin d’augmenter l’espace, mais cela générera clairement des coûts additionnels et ne rendra pas selon lui l’escalier étage conforme au Code de construction quant à tous ses critères.

 

 

ANALYSE ET MOTIFS

 

Introduction

 

[62]       Une des bases législatives des obligations de l’Entrepreneur, tant dans un cadre de vente que de contrat d’entreprise (par entre l’application de l’article 2124 C.c.Q - promoteur immobilier) se retrouve à l’article 2100 C.c.Q. [5]qui est d’ordre public de protection[6] et requiert que l’Entrepreneur, sous son obligation de bonne exécution technique des travaux, agisse avec prudence et diligence et se conforme aux usages et règles de son art.

 

[63]       Dans l’affaire D'Aoust c. Lanthier,[7] la juge Lynne Landry commente l'obligation d'agir ‘avec prudence et diligence’ de l'entrepreneur souscrivant à la norme de conduite objective et abstraite de la personne avisée, placée en semblables circonstances [8].

 

[64]       Cette obligation de bonne exécution, et l’absence de subordination entre l’entrepreneur et son client et le libre choix des méthodes d’exécution des travaux (art. 2099 C.c.Q.[9]) qui en découle, est toutefois encadrée par certaines obligations, dont une obligation d’information (art. 2102 C.c.Q.) et d’autre part une obligation de conseil envers son client.

 

Obligations de l’Entrepreneur - de résultat 

 

[65]        Les obligations de l’Entrepreneur dans le contexte sous étude sont-elles des obligations de résultat ou des obligations de moyens?

 

[66]       Les auteurs Edwards et Ignacz dans La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur[10] soulignent :

 

« Le deuxième alinéa de l’article 2100 C.c.Q., au chapitre du contrat d’entreprise ou de service, énonce maintenant formellement le principe général selon lequel l’entrepreneur ne peut, lorsqu’il est tenu à une obligation de résultat, se dégager de sa responsabilité qu’en prouvant la force majeure. »

 

[67]       La doctrine concrétise cette obligation de résultat, s’appuyant sur notre Cour d’appel et les écrits de l’Hon. T. Rousseau-Houle (par la suite de notre Cour d’appel) [11] :

« De fait, l’entrepreneur étant normalement considéré comme un expert en construction, il est généralement tenu à une obligation de résultat. »

et conclut d’autre part :

 

« Dans le même sens, l’entrepreneur est tenu de livrer un ouvrage conforme aux plans et devis[12]                                                                                    (nos soulignés)

 

 

[68]       L’obligation de l’Entrepreneur est donc généralement une obligation de résultat, non seulement quant aux obligations prévues au contrat et aux plans et devis, mais aussi quant au respect des règles de l’art et de la conformité aux usages de l’industrie, tel que le souligne le Pr Karim :

 

« L’exécution d’un ouvrage en tous points conforme ne signifie pas nécessairement une exécution conforme seulement aux obligations prévues au contrat et aux spécifications prévues dans les plans et devis, mais aussi conforme aux règles de l’art et aux usages[13] » [ndlr : l’auteur citant diverses décisions en appui en note[14]].

 

Le Code de construction

 

[69]       La Cour d’appel dans l’affaire Groulx c Pilacan nous enseigne (citations en référence):

 

«On trouve souvent des règles de pratique dans les guides d’instructions des fabricants, des normes élaborées par différents organismes, sans qu’aucune de ces sources ne soit obligatoire en soi [15] ni ne lie les tribunaux [16]. […] Il importe de préciser qu’il est possible de déroger aux normes du Code national du bâtiment[17] dans la mesure où une telle dérogation n’entraîne pas une diminution de la qualité de l’ouvrage ou ne pourra pas être perçue comme un vice de construction ou une malfaçon[18]. »[19]                                                         (nos soulignés)

 

[70]       Les codes de construction constituent des guides importants et valables des règles de l’art en matière de construction, mais leur non-respect de façon intégrale n’ouvre pas la porte nécessairement à un recours basé sur vices ou malfaçons.

 

[71]        Voir aussi, et le Tribunal a consulté entre autres, Exigences relatives aux issues et escaliers, rampes, mains courantes et garde-corps, Association de la construction du Québec, Fiche Technique FT-3.4/9.8 (Mai 2016), L’échappée d’un escalier - Comment la mesurer, Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec APCHQ (Octobre 2014) et Code modèles nationaux de construction de 2010 ― Escaliers, rampes, mains courantes et garde-corps, Centre canadien des codes du CNRC, Conseil national de recherches Canada (Février 2011) qui analyse les différences entre les CNB 2005 modifié Québec et CNB 2010 modifié Québec sur la question.

 

[72]        L’ensemble de ces sources, tant associations que conseil des normes sont aux mêmes effets et confirment le code applicable, le CNB 2005 modifié Québec.

 

[73]        Il est à noter que la version du CNB 2010 modifié Québec reprend les mêmes exigences que celles du CNB 2005 modifié Québec quant à la hauteur (échappée) minimale requise dans les circonstances.

 

[74]       Richard Lussier (président de l’Entrepreneur) témoigne, accompagné de M. Serge Lépine de Kefor Structures Ltée sur la pièce P-5 en liasse (soit P-5.1 Woodl - Layout 33562 - NIV-0Plan Niv0 ») /   P-5.2 Woodl - Layout 33562 - NIV-1-FIN    (« Plan Niv1 ») et P-5.2 Kefor Structures Ltée no 33562PM (002)Plan Kefor »)), et confirmation que les plans P-5.1 et P-5.2 sont émis aussi par Kefor.

 

[75]       M. Lussier réfère d’autre part au plan d’architecture de Les Créabitations N. Perron inc - Pièce P-2 (p. 44/47) planche 7 de 10 afin d’identifier le positionnement de l’escalier et du Mur, dont constat entre autres qu’il est parallèle au mur longitudinal du garage.

 

[76]       Le Tribunal note que la Pièce P-2 est extensive et inclut la documentation du permis de construction et certificat d’autorisation de la direction de l’aménagement et urbanisme de Ville de Longueuil (« DAU ») dont l’ensemble des plans d’architecture (annotés DAU) ce qui est très utile pour les fins des constats de mur et structure aux présentes.

 

[77]       Pour le lecteur notons que ces plans P-2 ne sont pas des plans TQC (tel que construits) mais ceci n’est pas requis dans les circonstances alors que le Rapport Technorm identifie avec précision les mesures TQC nécessaires à la présente décision.

 

[78]       Le Plan Kefor fait mention d’un ‘poteau continu jusqu’au fondation’ et la preuve testimoniale établit corrélation au point P3/P4 du Plan Niv0 de même, la preuve confirme par corrélation des plans Pièce P-2 (p. 44 et 45/47) planches 7 et 8 de 10 que le Mur est mur porteur.

 

[79]       Force est de conclure que d’une part la solution proposée par le Rapport Technorm résulte en une conformité de l’échappée au Code et aux règles de l’art mais réduit (quoique demeurant conforme) la largeur de l’escalier, ce qui porte le Tribunal vers une solution autre. La preuve lors de l’Instruction confirme que la solution de réduire la longueur du Mur emporte des modifications qui peuvent affecter la structure du Bâtiment alors que la preuve est à l’effet que le Mur est un mur porteur, ce qui porte le Tribunal de même vers une solution autre.

 

[80]       L’Entrepreneur a souligné en témoignage que de ‘couper ou ‘sectionner’ l’extrémité libre de la Marche rendra le tout confirme aux normes et que cette extrémité libre avait été allongée par l’installateur de l’escalier alors que non initialement prévu.

 

Autorité du Tribunal de déterminer spécifiquement les travaux correctifs

 

[81]       Le principe de l’autonomie de l’entrepreneur et son libre choix des moyens d’exécution des travaux dans le cadre d’un contrat d’entreprise est codifié à l’art. 2099 C.c.Q.

 

[82]       Une distinction se doit d’être faite entre d’une part le choix des méthodes ou modes d’exécution des travaux et, d’autre part, les type et qualité des travaux, de l’ouvrage lui-même.

 

[83]       Dans l’affaire Rae [20] (sentence arbitrale annulée par jugement de la Cour Supérieure sur révision judiciaire, jugement infirmé par la Cour d’appel, Construction Réal Landry inc. c. Rae qui rétablit la sentence arbitrale) l’arbitre Me J. Despatis indique, propos auquel le Tribunal souscrit :

 

« (116) … L’administrateur a l’autorité, … de statuer sur les travaux que doit faire l’entrepreneur assujetti au Plan.

 

(117) Cet énoncé, avec égards, ne contredit pas celui de l’argument de l’administrateur voulant que l’entrepreneur ait le libre choix des méthodes correctives. … En cela le choix des travaux et méthodes d’exécution renvoie à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver. »

 

[84]        Dans l’affaire Garantie Habitation et Sotramont la Cour supérieure, sous la plume du juge J. Dufresne (maintenant de notre Cour d’appel) énonce dans un cadre du Règlement:

« 91 … L’Arbitre a-t-il, toutefois, excéder sa compétence en imposant à l’entrepreneur de vérifier certaines composantes de la structure avant de procéder au relèvement du plancher de bois franc?  Le Tribunal ne le croit pas.

 

92.  Après avoir constaté, à la lumière de la preuve entendue, dont la preuve d’expert présentée par les parties, l’existence et la nature du vice, l’Arbitre agit à l’intérieur de sa compétence lorsqu’il fixe les conditions de correction ou de réfection du plancher.  En ce faisant, l’Arbitre accomplit son mandat à l’intérieur de la compétence que lui accorde la loi. »[21]                                       (nos soulignés)

[85]        Conséquemment [22], et alors qu’une sentence arbitrale à l’instar de tout jugement doit être exécutable, le Tribunal dans le cadre du Règlement a clairement compétence pour ordonner des travaux correctifs spécifiques et fixer des conditions de correction.

 

Travaux correctifs

 

[86]       Nous sommes en présence d’une malfaçon non-apparente de nature technique qui prend sa source au positionnent du point de départ du calcul de l’échappée - alors que la preuve est à l’effet qu’une mesure légèrement en retrait de ce positionnement sur la Marche rend l’échappée conforme aux règles de l’art et normes sans travaux correctifs.

 

[87]       La solution la plus appropriée, et qui a le double résultat de ne pas réduire la largeur de l’escalier (et tient compte de la proportionnalité de l’affaire à ne pas affecter la structure du Bâtiment par un correctif de réduction du Mur ou l’allongement du Mur proposé par le Rapport Technorm)  est selon le Tribunal d’effectivement apporter un correctif par une réduction de l’extrémité libre de la Marche avec travaux de finition (permettant entre autre que le correctif soit teint ou autrement fini afin de s’intégrer dans l’ensemble de l’esthétique du fini de l’escalier).

 

[88]       De plus, cette ordonnance du Tribunal de travaux correctifs peut faire l’objet d’une entente entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires qui peuvent d’un accord et règlement accepter que la Marche et le Mur demeurent dans leur état actuel respectif, et dont alors quittance finale à ce sujet.)

 

Coûts d’arbitrage et Frais d’expertise

 

[89]       Les dispositions 123 et 124 du Règlement énoncent :

 

« 123. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

[…]

 

124. L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

[…] »

 

[90]       Lors de l’audition, le procureur de l’Administrateur en plaidoirie a voulu éclairer le Tribunal sur les frais d’experts de l’Entrepreneur qu’il conteste. Il prétend que l’Entrepreneur a porté en arbitrage la Décision Adm suppl. 2017 (Pièce A-11) et qu’en réalité, le Rapport Technorm (Pièce E-3) est afin de se conformer à cette décision.

 

[91]       Plaidant d’abondant, iI soumet qu’il n’y a aucune utilité d’avoir tenu le présent arbitrage alors que le Rapport n’a d’utilité que pour se conformer à cette Décision Adm suppl. 2017 qui stipule que les normes n’ont pas été respectés.

 

[92]       Il est d’intérêt de noter que cette inutilité soulevée par l’Administrateur ne semblait pas être préoccupante alors qu’il dépose une demande d’arbitrage en date du 11 mars 2019 auprès du GAMM, demande qui sera remplacée par la demande dont découle le présent arbitrage.

 

[93]       Le procureur de l’Administrateur soumet que même si le Tribunal adopte totalement la recommandation de l’expert de l’Entrepreneur (Rapport Technorm), ceci n’aura pas pour effet de renverser la Décision Adm suppl. 2017. Le procureur avance que le Rapport Technorm confirme que l’escalier n’est pas conforme aux normes et donc confirme la Décision Adm suppl. 2017.

 

[94]       De nature analogue, le procureur plaide que l’Entrepreneur n’aura pas gain de cause au sens de l’article 124 de Règlement.

 

[95]       Quoique habile, ces arguments ne convainquent pas. D’une part, la Décision Adm suppl. 2017 conclut que l’Administrateur prenne immédiatement charge des travaux correctifs; déjà, on peut saisir que la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur aux présentes est aussi quant à cette conclusion.

 

[96]       D’autre part, il est établi sous de nombreuses décisions des tribunaux de droit commun et décisions arbitrales, incluant par le soussigné, que le ‘différend’ prévu au Règlement est plus large que la seule réclamation d’une Partie.

 

[97]        Le Règlement prévoit pour la contestation en arbitrage, sous la section relative aux bâtiments non détenus en copropriété divise, à la rubrique ‘Recours’ :

 

«19 Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur …»

 

et sous le Chapitre ‘Normes et Critères du plan de garantie …’, Section III ~Arbitrage :

 

« 106.   Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l'annulation de l'adhésion d'un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section

Peut demander l’arbitrage, toute partie intéressée:

1° pour une réclamation, le bénéficiaire ou l’entrepreneur; […]».

 

[98]       Il est requis de suivre le déroulement procédural de cette affaire qui a pourvu à compétence et juridiction du Tribunal, soit les Décision Adm 2016 et Décision Adm suppl. 2017 dont demande d’arbitrage qui résultent en la Décision De Andrade nov. 2017, mais plus encore le Jugement CS 2018 qui ordonne le présent arbitrage.

 

[99]        Quant à circonscrire un différend au sens du Règlement, le jugement phare de notre Cour d’appel[23] sous la plume de Madame la juge Rayle (J.C.A.) dans l’affaire Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Desindes[24] où le juge de première instance avait qualifié le ‘différend’ uniquement comme portant sur la décision de l’administrateur et avait statué que la décision de l’arbitre à ce dossier était en excès de juridiction [25] ce qui porte la Cour d’appel à renverser le jugement de première instance et nous enseigne à conclure qu’un différend n’est pas fonction de la seule réclamation d’un bénéficiaire, applicable de même à une réclamation d’un entrepreneur (en conformité des articles 19 et 106 du Règlement):

 

« On ne doit pas confondre la réclamation des intimés avec le différend qui découle de la suite des événements, le cas échéant.»[26]

(nos soulignés)

et, de plus stipuler:

 

« Je conclus de ce qui précède que le différend n’est pas fonction de la seule réclamation des bénéficiaires; qu’il est le produit de l’insatisfaction du bénéficiaire ou de l’entrepreneur face à la décision prise par l’administrateur […] et que ce différend, s’il n’est pas résolu par entente… le sera par la décision d’un arbitre qui est finale et sans appel… » [27]                                                                                                                                                                                        (nos soulignés)

 

[100]     On peut aussi souligner que le Tribunal a compétence pour suppléer au silence du Règlement ~ quoique ceci n’est pas inféré pour nos fins, ni essentiel aux présentes ~ tel que confirmé à diverses reprises par notre Cour Supérieure dans des dossiers de révision de décisions arbitrales, tel dans l’affaire Dupuis[28] sous la plume du Juge M. Monast qui affirme dans un cadre du Règlement:

 

« [75] … Il [ndlr. arbitre] peut cependant faire appel aux règles de l'équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu'il peut suppléer au silence du règlement ou l'interpréter de manière plus favorable à une partie. ».

 

[101]     La preuve lors de l’Instruction, présentée par l’Entrepreneur et confirmée par l’auteur du Rapport Technorm (Mme Lafontaine), indique un montant de 4 000 $ pour visite des lieux et rédaction du rapport, avant les honoraires du temps de présence à l’Instruction.

 

[102]     Dans les circonstances, d’une part le Tribunal n’a pas retenu la solution proposée par le Rapport Technorm mais s’appuie inter alia sur l’ensemble des éléments autres du rapport, soit tant les mesures sur les lieux que les informations règlementaires et normes qui y sont contenues et de même l’illustration claire et les schémas de la problématique, qui ont permis au Tribunal de valider l’approche proposée par l’Entrepreneur et de l’adopter par la suite comme ordonnance des travaux requis dans un cadre de respect des règles de l’art - et conséquemment le Tribunal accorde sur une base des honoraires en preuve remboursement des frais d’expertise fixé à 3 200$ plus taxes applicables.

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

 

[103]     ACCUEILLE            la demande de l’Entrepreneur qui dans les circonstances requérait arbitrage de la décision de l’Administrateur du 20 juin 2017 et par conséquent en partie de la décision de l’Administrateur du 12 septembre 2016 quant aux éléments de correctifs subséquents et s’objectait de nouveau par conséquent des décisions arbitrales sous la plume de A. De Andrade, arbitre en suivi du pourvoi en contrôle judiciaire dont jugement de la Cour supérieure du 6 décembre 2018 (Hon. J. Brodeur, j.c.s.).

 

[104]     ORDONNE, à défaut d’une entente à intervenir entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires dans les dix (10) jours de la transmission de la présente décision arbitrale pour fins d’accord et règlement sous lequel les Bénéficiaires acceptent que l’état de l’escalier demeure dans son état actuel, et dont quittance finale à ce sujet, que l’Entrepreneur dans un délai de trente (30) jours de la transmission de la présente décision arbitrale (ou par la suite à défaut l’Administrateur) procède à une réduction de l’extrémité libre de la marche (ou marches si requis) de l’escalier entre le rez-de-chaussée et l’étage du bâtiment afin que l’échappée de l’escalier précité soit d’un minimum de 1950 mm en conformité de l’art. 9.8.2.2. paragr. 2) du Code de Construction du Québec Chapitre 1 - Bâtiment, et Code national du bâtiment - Canada 2005 (modifié) mesurée à partir du bord extérieur du (ou des) nez de la marche (ou marches, si requis), avec travaux de finition permettant entre autres que le correctif soit teint ou autrement fini afin de s’intégrer dans l’ensemble de l’esthétique du fini de l’escalier.

 

[105]     ORDONNE que l’Administrateur rembourse et paie à l’Entrepreneur un montant de trois mille deux cents dollars (3 200$) plus toutes taxes applicables en remboursement des frais d’expertises encourus par l’Entrepreneur.

 

[106]    RÉSERVE à Garantie Construction Résidentielle ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur pour tous travaux, action et toute somme versée sauf quant au remboursement des frais d’expertise incluant si applicable dans les circonstances les coûts exigibles pour l’arbitrage (paragr.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

 

[107]     ORDONNE que l’Administrateur et l’Entrepreneur assument pour moitié chacun (50%/50%) les coûts du présent arbitrage, avec la portion des coûts de l’arbitrage à charge de l’Administrateur portant intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

 

 

 

DATE : 31 octobre 2019

 

 

Me Jean Philippe Ewart

Arbitre

 



[1] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QC CA) para. 11 et   Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de) 2013 QCCA 1211 para.18.

 

[2] Article 5 du Règlement, (L.R.Q. c. B-1.1, r.08).

 

[3] Articles 20 et 120 du Règlement.

 

[4] Décret 347-2015, adopté le 15 avril 2015, Section V, article 5.

[5]  « 2100.  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure ».

 

[6] Développement Tanaka inc. c. Corporation d’hébergement du Québec, 2009 QCCS 3659 (appel rejeté).

 

[7] 2005 CanLII 14422 (QC CQ), para. 47 à 49

 

[8] Reid, H. Dictionnaire du Droit québécois et canadien, Wilson et Lafleur, 2001, p. 182 et note 1, p. 451.

 

[9] « 2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution. »

 

[10] IGNACZ, Marianne et EDWARDS, Jeffrey La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur dans le cadre de La construction au Québec : perspectives juridiques - sous la direction de KOTT, Olivier F. et ROY, Claudine, Wilson & Lafleur Ltée, Montréal, 1998, p. 542.

 

[11] Montréal (Communauté urbaine de) c. Ciment Indépendant Inc., J.E. 88-1127 (C.A.); Construction Cogerex ltée c. Banque Royale de Canada, J.E. 96-497 (C.A.); citation :  ROUSSEAU-HOULE, T., Les contrats de construction en droit public & privé, Montréal, Wilson & Lafleur/Sorej, 1982, p. 194 et 195;

 

[12] Op. cit. IGNACZ et EDWARDS, La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur, p. 542.

 

[13] KARIM, Vincent, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation) Contrats de prestation de services et l’hypothèque légale, Éd. Wilson & Lafleur, 2e édition, 2011,  para. 248.

 

[14] Motel Lévesque inc. c. Industries Desjardins ltée, AZ-97021094, J.E. 97-246 (C.S.); Assurance mutuelle des fabriques de Montréal c. Constructions Loracon inc., AZ-50427814, 2007 QCCQ 3215; Compagnie d’assurances St-Paul/St-Paul Fire & Marine Insurance Company c. SNC-Lavalin inc., 2009 QCCQ 56 (jugement porté en appel).

 

[15] Voir les lois constitutives des corporations professionnelles. En guise d’illustrations, voir : Arsenault c. Coser Construction Inc., [1974] C.A. 651; Paquet c. Construction Godin & Leclerc, J.E. 98-199, REJB 1998-04212 (C.A.); Groupe commerce c. Chabot, AZ-50161688 (2003) (C.Q.).

 

[16] Voir, à ce sujet, Op. cit. BEAUDOUIN et DESLAURIERS, La responsabilité civile, vol. 2, no 2-19, p. 20.

 

[17] Paquet c. Construction Godin & Leclerc inc., AZ-98011105, J.E. 98-199, REJB 1998-04212 (C.A.); Groulx c. Habitation unique Pilacan inc., AZ-50452136, J.E.2007-1880

 

[18] Idem, Groulx c. Habitation unique Pilacan inc., (C.A.).

 

[19] Op. cit. KARIM, Contrats d’entreprise, paragr. 264.

 

[20] Rae et Nutter et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Construction Réal Landry inc., Me Johanne Despatis, arbitre, 10 juin 2008; GAMM 2007-09-013, confirmé Cour d’appel 2011 QCCA 1851.

 

[21] La Garantie Habitation du Québec inc. et Sotramont Québec inc. c. Gilles Lebire et SORECONI et Lise Piquette et Claude Leguy et Maurice Garzon; Cour supérieure, 12 juillet 2002, 540-05-006049-013.

 

[22] VOIR aussi Ménard c. Les Entreprises Christian Dionne et Fils inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ inc., SA, 3 juillet 2006, Jean Morissette, Arbitre, para 34 et 35. Syndicat de copropriété 4767 à 4827 8e avenue et 3189 rue Claude-Jodoin c. St-Luc Habitation inc., Me Albert Zoltowski, arbitre, Soreconi 09 1221002, 27 avril 2010, para. 93.

[23] Juges Rousseau-Houle, Morin et Rayle.

 

[24] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes et al, 2004 CanLII 47872

(QC C.A.), 15 décembre 2004.

 

[25] Jugement en date du 11 mars 2003, Hon. Pierre Fournier, C.S., paragr. 47 et 48 cités au jugement de la Cour d’appel.

 

[26] Op. cit, Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes, paragr. 32.

 

[27] Idem, paragr. 33.  L’Honorable Rayle fait référence en note à l’article 18 (7) du Règlement, qui a été par la suite remplacé par une combinaison d’une nouvelle rédaction des paragr. 5 et 6 de l’article 18, qui sont toutefois au même effet et, pour les fins des présentes, sont en parallèle aux dispositions de l’art. 34 du Règlement applicable dans les cas de bâtiments détenus en copropriété divise.

 

[28] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis, 2007 QCCS 4701.