ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :CCAC
ENTRE : NATACHA RENAUD
PATRICE MEUNIER;
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : CONSTRUCTION OVI INC.;
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : RAYMOND CHABOT ÈS QUALITÉS D’ADMINISTRATEUR PROVISOIRE DE LA GARANTIE ABRITAT INC.;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier : CCAC (S18-021201-NP)
Décision
Arbitre : Me Carole St-Jean
Pour les Bénéficiaires : Me Franco Schiro
Pour l’Entrepreneur : Me Thinam Larouche
Pour l’Administrateur : Me Nancy Nantel
Date de l’audition : 25 octobre 2018
Date de prise en délibéré : 25 octobre 2018
Date de la décision : 13 novembre 2018
Identification complète des parties
Bénéficiaires : Natacha Renaud
Patrice Meunier
[...]
Saint-Calixte (Québec) [...]
Et leur avocat :
Me Franco Schiro
Étude Légale Franco Schiro Inc. - Avocats/Attorneys
10852, Armand-Lavergne, suite 1
Montréal (Québec) H1H 3P4
Entrepreneur: Construction OVI inc.
Monsieur Vivian Tessier
71, chemin des Épinettes
Sainte-Anne-des-Lacs (Québec) J0R 1B0
Et son avocat :
Me Thinam Larouche
Pepper, Villeneuve-Gagné
30, rue Berlioz, Bureau PH 2.0
Montréal (Québec) H3E 1L3
Administrateur : Raymond Chabot, ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc.
7333, Place des Roseraies, bureau 300
Montréal (Québec) H1M 2X6
Et son avocat :
Me Nancy Nantel
Contentieux des garanties
7333, Place des Roseraies, bureau 300
Montréal (Québec) H1M 2X6
1. Le présent arbitrage est tenu en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (B-1.1, r.8) (ci-après le « Règlement »).
LA DÉCISION DE L’ADMINISTRATEUR
2. Par décision rendue en date du 18 décembre 2017, l’administrateur a :
ACCUEILLI la demande de réclamation supplémentaire des bénéficiaires pour le point 18.
ORDONNÉ à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait au point 18, et ce, dans un délai de quarante-cinq (45) jours suivant réception de la présente.
3. La décision a été transmise aux bénéficiaires par poste recommandée et reçue par eux en date du 21 décembre 2017 (Pièce A-8).
4. Dans une lettre reçue en date du 11 janvier 2018, transmise par poste recommandée à l’administrateur à l’attention du directeur monsieur Jasmin Girard et reçue en date du 17 janvier 2018, les bénéficiaires indiquent d’entrée de jeu qu’ils contestent le dossier en entier (Pièce A-15).
5. Dans une lettre en date du 30 janvier 2018, l’administrateur répondait aux doléances des bénéficiaires en référant aux extraits pertinents de la décision du conciliateur et en se faisant rassurant quant au suivi de ce dossier (Pièce A-16).
6. En date du 12 février 2018, l’organisme recevait la demande d’arbitrage des bénéficiaires (Pièce A-18).
L’AUDIENCE PRÉLIMINAIRE PAR CONFÉRENCE TÉLÉPHONIQUE
7. Une audience préliminaire par conférence téléphonique a été tenue en date du 23 mai 2018.
8. Tel qu’annoncé dans sa missive en date du 21 mars 2018, l’administrateur soulève deux (2) moyens préliminaires à l’encontre de la demande d’arbitrage, à savoir :
· La demande d’arbitrage a été formulée hors délai;
· L’absence de juridiction de l’arbitre concernant les points n’ayant pas fait l’objet de la décision rendue par l’administrateur.
9. Un délai jusqu’en date du 22 juin 2018 a été alloué aux bénéficiaires pour soumettre leur argumentation écrite en réponse aux moyens préliminaires soulevées par l’administrateur laquelle argumentation fut soumise en date du 20 juin 2018.
10. L’audience par voie de conférence téléphonique a été fixée au 4 juillet 2018.
11. La date de cette audience a été reportée à la demande de l’avocate de l’administrateur.
12. Vu la non-disponibilité de l’avocat des bénéficiaires au cours des mois de juillet et août 2018, l’audience a été reportée au 18 septembre 2018.
13. Dans un courriel en date du 17 septembre 2018, soit à la veille de l’audience fixée au lendemain, l’entrepreneur informait le Tribunal arbitral ainsi que les parties de la substitution de son avocat.
14. Vu cette substitution, l’audience fixée en date du 18 septembre 2018 fut à nouveau reportée à la demande du nouvel avocat de l’entrepreneur.
15. L’avis de substitution de procureurs sera effectivement notifié en date du 20 septembre 2018 et l’audience fut à nouveau fixée en date du 25 octobre 2018.
L’AUDIENCE
L’argumentation de l’administrateur
16. L’administrateur soumet que la décision rendue par le conciliateur Richard Berthiaume en date du 18 décembre 2017 indique clairement d’une part, que la demande d’arbitrage doit être soumise dans les trente (30) jours suivant la réception de la décision et d’autre part, que cette demande doit être soumise directement à l’un des organismes d’arbitrage identifiés.
17. Or, la demande d’arbitrage des bénéficiaires n’a été soumise à l’organisme d’arbitrage qu’en date du 12 février 2018, soit une vingtaine de jours après l’expiration du délai.
18. L’administrateur rappelle le caractère public du règlement, tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’affaire de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Desindes et Larochelle, 15 décembre 2004.
19. L’administrateur ajoute qu’il n’y a aucune preuve de circonstances exceptionnelles justifiant la prolongation de ce délai.
20. Il cite à ce sujet les décisions suivantes :
Guy Lessard c. Construction Gilles Rancourt et fils inc.
GAMM 2011-04-002
Monsieur Claude Dupuis 1er août 2011
Michael Girard c. Groupe Pro-Fab inc.
SORECONI 112109001
Me Reynald Poulin, 28 juin 2012
Lucie Mezzapelle c. Les Habitations Classique V inc.
GAMM 2015-16-006
Me Jean Doyle, 8 octobre 2015
21. L’administrateur transmet également une récente décision portant sur la rigueur du délai rendue dans l’affaire de Syndicat des copropriétaires B Loft Phase 1 c. 9247-7363 Québec inc., CCAC S18-051101-NP, Me Roland-Yves Gagné, 24 septembre 2018.
22. Finalement, l’administrateur plaide l’absence de compétence de l’arbitre pour entendre et statuer sur des points n’ayant pas fait l’objet de la décision de l’administrateur.
23. Il réfère sur ce sujet aux décisions rendues dans les affaires suivantes :
Fiore c. Construction Trilikon inc.
0411-8200-GAMM
Me Johanne Despatie, 18 février 2005
Guillemette et Bouchard c. Construction M et E Godbout inc.
SORECONI 070410001
Me Michel Jeanniot, 27 mars 2009
9125-3575 Québec inc. c. France Beauchamp et Réjean Bourque
GAMM 2009-03-30
Me Jeffrey Edwards, 4 août 2010
L’argumentation des bénéficiaires
24. Les bénéficiaires produisent la preuve de transmission par poste recommandée de leur lettre en date du 11 janvier 2008 adressée à l’administrateur, à l’attention du directeur Jasmin Girard, indiquant leur volonté de contester le dossier en entier.
25. Quant au moyen préliminaire relatif à l’absence de compétence de l’arbitre, ils soutiennent qu’ils ont exprimé leur volonté de contester le dossier en entier et que la demande telle que formulée conférait juridiction à l’arbitre pour statuer sur l’ensemble du dossier.
L’argumentation de l’entrepreneur
26. L’entrepreneur s’en remet aux représentations de l’administrateur.
ANALYSE ET DÉCISION
Les principes de droit applicable
27. Tel que le rappelle la Cour d’appel dans l’arrêt de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, 15 décembre 2004, J.E. 2005-132, le Règlement est d’ordre public et il fixe les modalités et les limites du plan de garantie.
28. La Cour d’appel mentionne également :
[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative.
29. Également, dans l’affaire Takhmizdjian c. Soreconi, 2003 CanLII 18819, l’honorable juge Ginette Piché de la Cour supérieure a déterminé que le délai d’exercice du recours en arbitrage était un délai de procédure pouvant être prolongé.
30. Finalement, dans la décision de Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Dupuis, 2007 QCCS 4701, la Cour supérieure affirme :
[75] Il est acquis au débat que l’arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu’il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui.
(le souligné est nôtre)
Le fardeau de la preuve
31. Conformément aux dispositions édictées à l’article 19 du Règlement, le bénéficiaire doit demander l’arbitrage dans les trente (30) jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur.
32. Ledit article 19 se lit comme suit :
19. Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation.
33. La preuve documentaire établit que la décision de l’administrateur a été reçue par les bénéficiaires en date du 21 décembre 2017 (Pièce A-8) et que la demande d’arbitrage a été reçue par l’organisme en date du 12 février 2018.
34. Les bénéficiaires ayant exercé leurs recours en arbitrage hors délai, ils doivent faire la preuve des motifs expliquant et justifiant le dépôt tardif de leur demande.
35. Conformément aux dispositions de l’article 2803 du Code civil du Québec, le fardeau de cette preuve repose sur les épaules des bénéficiaires.
36. Ledit article se lit comme suit :
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
37. À cet égard, lors de l’audience préliminaire par conférence téléphonique tenue en date du 23 mai 2018, le Tribunal arbitral a spécifiquement indiqué aux bénéficiaires qu’ils devaient exposer les faits justifiant la production hors délai de leur demande d’arbitrage.
38. Cette indication est textuellement reproduite au procès-verbal de cette audience préliminaire dont copie a été transmise aux bénéficiaires.
39. Or, malgré cette indication spécifique, les bénéficiaires n’ont présenté absolument aucune preuve visant à justifier la transmission tardive de leur demande d’arbitrage auprès de l’organisme. Les bénéficiaires n’ont par ailleurs présenté aucune demande en prolongation de ce délai.
40. Les bénéficiaires par la voix de leur avocat réfèrent le Tribunal arbitral à leur missive en date du 11 janvier 2018 transmise à un représentant de l’administrateur, monsieur Jasmin Girard, dans laquelle ils indiquent qu’ils contestent le dossier en entier (Pièce A-15).
41. Or, les dispositions de l’article 107 du Règlement sont très claires : la demande d’arbitrage doit être adressée à un organisme d’arbitrage autorisé et non pas à l’administrateur.
42. Ledit article se lit comme suit :
107. La demande d’arbitrage doit être adressée à un organisme d’arbitrage autorisé par la Régie dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur ou, le cas échéant, de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation. L’organisme voit à la désignation de l’arbitre à partir d’une liste des personnes préalablement dressée par lui et transmise à la Régie.
(le souligné est nôtre)
43. La décision rendue par l’administrateur en date du 18 décembre 2017 (Pièce A-8) comporte d’ailleurs dans la section « Recours » un texte informatif mentionnant en toute lettre que, outre le délai d’exercice du recours, la demande doit être soumise directement à l’un des organismes identifiés.
44. Les bénéficiaires n’ont fourni absolument aucune explication concernant la transmission de leur lettre à l’administrateur dans laquelle ils demandent la révision complète de leur dossier d’autant plus que la décision de l’administrateur rendue en date du 18 décembre 2017 leur était complètement favorable, le conciliateur ayant accueilli leur demande et ordonné à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs.
45. Le Tribunal arbitral constate l’absence totale de preuve démontrant une quelconque méprise des bénéficiaires ou que ces derniers auraient agi avec diligence de même que l’absence de toutes explications susceptibles de justifier la production tardive de la demande d’arbitrage.
46. Vu ce qui précède, le Tribunal arbitral accueille le premier moyen préliminaire de l’administrateur soulevant l’irrecevabilité de la demande d’arbitrage des bénéficiaires soumise hors délai.
47. Quant au deuxième moyen soulevé par l’administrateur, le Tribunal arbitral se déclare sans compétence pour entendre les points nouveaux n’ayant pas fait l’objet de la décision de l’administrateur du plan de garantie.
48. Considérant toutefois que ces points ont été dénoncés à l’administrateur et à l’entrepreneur en date du 12 février 2018, soit lors de la production de la demande d’arbitrage (Pièce A-18, liste des autres défectuosités), le Tribunal arbitral retourne le dossier à l’administrateur afin que ce dernier effectue le suivi approprié.
49. Quant aux frais de l’arbitrage, vu les dispositions de l’article 116 du Règlement permettant à l’arbitre de faire appel à l’équité, ils seront partagés entre les bénéficiaires pour un montant de 50 $ et l’administrateur pour le reliquat.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ARBITRAL :
ACCUEILLE les moyens préliminaires soulevés par l’administrateur;
REJETTE la demande d’arbitrage des bénéficiaires;
RETOURNE le dossier à l’administrateur afin que ce dernier effectue un suivi approprié des points dénoncés en date du 12 février 2018.
DÉPARTAGE les coûts de l’arbitrage comme suit :
CONDAMNE les bénéficiaires à payer à l’organisme d’arbitrage la somme de 50 $ pour sa part des frais d’arbitrage;
CONDAMNE l’administrateur à payer à l’organisme d’arbitrage le reliquat des frais d’arbitrage;
LE TOUT avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle stipulée à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter d’un délai de trente (30) jours suivant la date de la facture émise par l’organisme.
Sainte-Agathe-des-Monts,
Le 13 novembre 2018
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Me Carole St-Jean
Arbitre