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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
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ENTRE : |
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Syndicat de la copropriété du 73 rue du Liseron à Sainte-Julie |
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(ci-après le « bénéficiaire »)
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ET : |
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Habitation Stéphan Lavoie inc. |
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(ci-après l'« entrepreneur »)
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ET : |
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La Garantie Habitation du Québec inc. |
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(ci-après l'« administrateur »)
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No dossier QH : 16364-2 No dossier GAMM : 2007-09-002
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SENTENCE ARBITRALE
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Arbitre : |
M. Claude Dupuis, ing. |
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Pour le bénéficiaire : |
Me Luc Daneau |
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Pour l'entrepreneur : |
M. Stéphan Lavoie |
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Pour l'administrateur : |
Me Avelino De Andrade |
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Dates d’audience : |
7 juin 2007 et 6 septembre 2007 |
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Lieu d'audience : |
Sainte-Julie |
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Date de la sentence : |
28 septembre 2007 |
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[1] Il s'agit ici d'un bâtiment résidentiel de quatre unités de logement, détenu en copropriété divise. La réception des parties communes a eu lieu le 8 novembre 2004. Le professionnel du bâtiment mandaté par le syndicat, M. Patrick Gautreau, qui a procédé à l'inspection des parties communes, concluait en ces termes dans son rapport du 8 novembre 2004 (pages 5 et 6) :
CHAPITRE III - SYNTHÈSE SUR LES MOUVEMENTS DES
PLANCHERS
Suite à nos vérifications, nous estimons que les différents éléments ayant causé l'apparition des espaces sous les plinthes aux planchers relèvent de l'assèchement de l'ossature mais également du fléchissement des planchers. Ces mouvements ont affecté de façon plus marquée ce bâtiment. Ces espaces sont plus accentués à l'étage supérieur et nous laissent croire que les cloisons attachées aux poutrelles de toit ont favorisé le détachement au bas du mur.
Normalement, dans de pareils cas, les mouvements apparus ont tendance à diminuer, voire se stabiliser, et c'est pourquoi nous recommandons de procéder à des réparations esthétiques localisées en vue de dissimuler les conséquences. Il sera nécessaire de procéder à des corrections en repositionnant les quarts de rond, mais également en modifiant la base des cadres de portes, où une pièce décorative pourrait être installée pour dissimuler l'espace. Le cas échéant, de nouvelles pièces aux dimensions appropriées devront être installées.
Cependant, si une progression des mouvements survenait dans l'avenir, il serait important de procéder à une vérification plus approfondie de l'état de l'ossature et vérifier les plans de construction afin, entre autres, de connaître les capacités portantes, les charges induites et la portée des solives.
CHAPITRE IV - CONCLUSION
Le bâtiment inspecté comporte de nombreux éléments qui nécessiteront des réparations. Ces éléments affectent la qualité de la construction, mais également la valeur des unités d'habitation et nécessitent des travaux correctifs, tel que mentionné dans le présent rapport.
Nous espérons le tout à votre satisfaction et vous prions de recevoir nos salutations distinguées.
(S) P. Gautreau
Patrick Gautreau, T.P.
Technologue en architecture
PG/lm
[2] Le syndicat, en date du 1er septembre 2005, a acheminé une réclamation écrite auprès de l'administrateur relativement à la déflexion des planchers, au décollement des comptoirs ainsi qu'à diverses fissures dans les unités de logement.
[3] Le 8 septembre 2005, le professionnel du bâtiment a procédé à une autre inspection, tout particulièrement dans l'unité 201.
[4] M. Gautreau, avant de conclure, apporte le commentaire suivant (page 2) :
Nous avons profité de notre visite pour accéder à l'unité voisine au même niveau, soit l'unité 202. Nous avons noté que les espacements ont continué de progresser, suite à notre première visite, et que les réparations cosmétiques, réalisées récemment par l'entrepreneur, ont été bâclées (AP-17 et 18).
[5] Il conclut comme suit (page 2) :
Conclusion
Suite à cette inspection, nous constatons des symptômes similaires dans l'unité 201, à l'image de ceux observés dans les autres unités voisines et une progression des mouvements.
Tel que nous l'avons mentionné à notre rapport précédent, nous estimons que ces inclinaisons de planchers et ces fissures affectent la qualité de la construction, mais également la valeur des unités d'habitation. Compte tenu de la progression des mouvements, nous estimons qu'il serait nécessaire de procéder à une expertise plus approfondie de l'état de l'ossature des planchers par un ingénieur afin de préciser les causes des désordres et les moyens de corrections appropriés. Il est à noter que cette intervention pourra impliquer l'ouverture des plafonds dans les unités sous-jacentes, ce qui demande la collaboration des copropriétaires concernés et rend la démarche compliquée dans le bâtiment habité.
[6] À la suite de la réclamation du syndicat ci-avant mentionnée, l'administrateur, dans son rapport en date du 13 décembre 2005, a émis la décision que voici :
DÉCISION DE L'ADMINISTRATEUR :
EN VERTU DU TEXTE DE GARANTIE, LA GARANTIE QUALITÉ HABITATION NE PEUT RECONNAÎTRE LE POINT SUIVANT POUR LES RAISONS DONNÉES À SA SUITE RESPECTIVE :
1. DÉFLEXION DES PLANCHERS
Le syndicat nous mentionne qu'une première inspection des planchers des unités 101, 102 et 202 a été faite le 20 septembre 2004 et qu'une deuxième inspection a été faite dans l'unité 201 le 18 juillet 2005 puisque le propriétaire d'origine de cette unité avait refusé que son unité soit inspecté lors de la première inspection. De ce fait, l'expert du syndicat nous mentionne que plusieurs des situations constatées, tel que le décollement du comptoir de cuisine ainsi que de légères fissures dans le placoplâtre sont le résultat de l'assèchement des matériaux au cours des premières années. Cependant, certains cadres de portes devraient subir des correctifs afin de remettre à niveau le cadre qui aurait subi les effets du mouvement du plancher ( unité 101 ) à d'autres endroits. Celui-ci mentionne que les fissures sont le résultat de l'assèchement des matériaux et du mouvement des planchers (unités 102 et 202 et dernièrement l'unité 201).
Lors de notre inspection, nous avons constaté que la section avant des unités ne possédait pas la même déformation dans les planchers, la portée des poutrelles étant beaucoup plus courte explique la différence. Il est à noter que la portée des poutrelles arrière est de plus ou moins 25 pieds, lesquelles sont appuyées au centre du bâtiment sur une structure d'acier et à l'autre extrémité sur l'ossature en bois du mur extérieur. La structure d'acier demeurera stable, tandis que l'ensemble de l'ossature de l'immeuble, qui elle est composée d'éléments en bois s'assèchera lors de la 1ere à la 3e année, ce qui occasionnera des rétrécissements et des fissures dans le bâtiment. De plus, nous tenons à mentionner que les éléments structuraux composant les planchers d'un immeuble possèdent toujours une flèche (flexion des éléments structuraux), laquelle est établie selon des normes dans le CNB.
Aucunes fissures véritables pouvant laisser croire à un désordre structural n'a pu être observées, ce qui collabore les dires de l'expert du syndicat. De plus, le phénomène de l'assèchement des matériaux est bien connu dans l'industrie. Ce phénomène se fait sentir de façon plus importante aux étages supérieurs d'un bâtiment à ossature en bois.
En ce qui a trait à la déflexion des planchers constatés dans les 4 unités, celles-ci se comparent d'une unité à une autre, situé au même niveau.
Par conséquent, La garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat.
[sic]
[7] Insatisfait de cette décision, le syndicat s'est adressé au GAMM afin de régler ce différend.
[8] Une première audience s'est tenue le 11 avril 2006, au cours de laquelle une entente est intervenue entre les trois parties.
[9] Cette entente a fait l'objet d'une sentence arbitrale de la part du soussigné, en date du 5 mai 2006. En voici un extrait :
II : DÉCISION
[15] À la suite de la visite des lieux et de quelques discussions, les trois parties en sont venues à une entente, à savoir :
L'administrateur retiendra les services d'un arpenteur-géomètre indépendant, lequel procédera, relativement à la déflexion des poutrelles de plancher, à trois (3) relevés espacés de trois (3) mois, et ce, dans chacun des logements.
Ces observations débuteront dans les trente (30) jours de la présente.
Subséquemment, l'administrateur soumettra un rapport de décision amendé, au plus tard le 15 novembre 2006.
[10] Dans le rapport amendé soumis par l'administrateur le 26 janvier 2007, on peut lire ce qui suit (page 2) :
DÉCISION DE L'ADMINISTRATEUR :
EN VERTU DU TEXTE DE GARANTIE, LA GARANTIE QUALITÉ HABITATION NE PEUT RECONNAÎTRE LE POINT SUIVANT POUR LES RAISONS DONNÉES À SA SUITE RESPECTIVE :
1. DÉFLEXION DES PLANCHERS
Suite à l'audience de la séance d'arbitrage ayant eu lieu le 11 avril 2006 et à la décision rendue par l'arbitre Monsieur Claude Dupuis, La Garantie Qualité Habitation a mandaté l'arpenteur-géomètre Vital Roy pour procéder à la prise de niveau dans l'immeuble à 3 reprises à des endroits choisis et indiqués par l'ingénieur du syndicat.
Hors, à la lecture des donnés dans le rapport de l'arpenteur, il nous apparaît évident qu'il n'y a plus aucun mouvement de la structure dans l'immeuble situé au 73 du Liseron à Sainte-Julie. Les très légères différences obtenues à quelques endroits dans l'immeuble ne peuvent qu'être attribuable à la variation du taux d'humidité dans les matériaux et dans les unités.
Par conséquent, La garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat puisque la démonstration de la stabilité de la structure de l'immeuble a été faite conformément à la décision arbitrale rendue.
[sic]
[11] Encore une fois insatisfait de cette décision de l'administrateur, le syndicat a acheminé au GAMM une deuxième demande d'arbitrage.
[12] En cours d'enquête, il y eut visite des lieux et, en plus des représentants des parties, les personnes suivantes sont intervenues :
· M. Yves Allard, ingénieur
· M. Pierre Sicotte, ingénieur
· M. Normand Pitre, conciliateur
· Mme Anne-Marie Prévost, retraitée
· M. Gilles Sirois, architecte
[13] En faisant face à l'édifice, l'on retrouve à droite l'unité 101 au rez-de-chaussée et l'unité 201 à l'étage; à gauche, l'on aperçoit l'unité 102 au rez-de-chaussée et l'unité 202 à l'étage.
[14] La visite des lieux nous fait découvrir de nombreuses manifestations, principalement dans les unités 101, 201 et 202. En voici quelques exemples : espace sous les plinthes au plancher, comptoir de cuisine décollé, fissures et dilatations sur le gypse, porte qui ne ferme pas, joints dilatés, coulis fissuré au comptoir de cuisine, inclinaisons au plancher, mouvement des armoires de cuisine, fissures dans garde-robe, fissure en haut de la porte patio, cadres de porte inclinés, fissures au mur du salon, mouvement des moulures au plafond, espace sous les cadres de porte, etc. La majorité des manifestations se répètent d'un logement à l'autre.
[15] Le coût de la réclamation du syndicat, soit le re-profilage des planchers, a été estimé par l'entrepreneur à 140 000 $.
[16] Mandaté par le syndicat, l'ingénieur Yves Allard, de la firme Teknika HBA inc., a soumis son rapport d'expertise en date du 24 février 2006.
[17] Lors de son témoignage, M. Allard rappelle que les poutrelles du centre du bâtiment vers l'avant ont une portée de 18 pi, tandis que les poutrelles du centre vers l'arrière ont une portée de 24 pi, et c'est dans cette dernière section que l'on retrace tous les désordres.
[18] Se référant au plan de l'arpenteur-géomètre Vital Roy, il souligne une déflexion de 1 5/8 po entre un point central au plancher de l'unité 101 et un point arrière du même plancher, ce qui corrobore ses propres relevés.
[19] Le témoin rappelle que selon le Code national du bâtiment, sous une charge vive, la déflexion maximum d'une poutrelle de bois de 24 pi devrait être de 3/4 po.
[20] Il explique que dans la pratique courante, la formule utilisée pour le calcul de la déflexion maximum est la suivante : longueur de la poutrelle en pouces/360.
[21] Sous charge morte, la poutrelle devrait être complètement droite.
[22] M. Allard attribue cette déflexion des poutres à une épaisseur de béton de 2 po au lieu de 1 1/2 po au plafond du garage, ainsi qu'à trois épaisseurs de gypse.
[23] Commentant la décision de l'administrateur, M. Allard est d'avis que les désordres ne sont aucunement dus à l'assèchement des matériaux, mais plutôt à la déflexion des poutrelles.
[24] Le témoin, pour remédier à la situation, suggère de remettre les planchers de niveau, soit par l'ajout de poutres d'acier, soit au moyen de cales.
[25] Dans les deux cas, il estime les coûts à plus de 50 000 $.
[26] M. Allard avoue que s'il avait été en possession des données de l'arpenteur-géomètre lors de la préparation de son rapport, sa conclusion aurait pu être différente.
[27] Le témoin est d'avis que la majeure partie de la déflexion est attribuable aux poutrelles, le reste à l'assèchement des matériaux.
[28] Le tribunal reproduit ci-après un extrait de la conclusion du rapport de M. Allard (page 13) :
5 CONCLUSION
5.1 L'ensemble des désordres est concentré au centre de la portée des poutrelles de 24'. La relation de causes à effets ne peut être plus directe. Les poutrelles arborent des déflexions excessives causées par des charges qui excèdent leur capacité portante.
5.2 Une confirmation à l'effet que les poutrelles en place peuvent supporter de façon sécuritaire les charges mortes actuelles ainsi que les charges vives prescrites au CNB doit rapidement être obtenue de l'Entrepreneur par l'entremise de son fabricant de poutrelles. Cette confirmation devra être signée et scellée par un ingénieur membre en règle de l'Ordre des Ingénieurs du Québec. Si aucune attestation ne peut être obtenue, nous n'aurions d'autre choix que de recommander le renforcement de l'ensemble de la structure des planchers dont les déflexions et les charges mortes sont trop importantes. À défaut d'une intervention rapide et en raison de la progression du phénomène, il est à craindre que les dommages au bâtiment ne s'accentuent. L'incapacité des poutrelles à supporter les charges existantes soulève également un questionnement sur la sécurité des occupants si celles-ci doivent être augmentées par exemple lors d'une réunion de famille, par la présence de nombreuses personnes.
5.3 Aucun des vices observés ne peut être attribué à un quelconque séchage des matériaux de construction. Nous tenons à rappeler qu'aucune fissuration n'a été signalée dans la partie avant des logements dont les planchers sont supportés par des poutrelles de 18' de portée.
[...]
[29] Le procureur est d'avis que les matériaux utilisés pour la confection des planchers sont peu affectés par l'assèchement. Comment l'administrateur peut-il arriver à cette conclusion, alors que le Centre IEB Québec a noté entre novembre 2004 et septembre 2005 un mouvement des planchers et que deux experts ont conclu que l'entrepreneur a excédé les normes de fabrication?
[30] Cette option s'explique aussi par les mouvements des comptoirs et des armoires, tous dans la même direction.
[31] Il est inconcevable de penser que les poseurs de plinthes n'aient pas appuyé leurs moulures sur le plancher, et ce, dans tous les appartements.
[32] Lors de la revente de leur unité, les propriétaires devront déclarer ce vice de construction, et apporter une solution cosmétique n'y changera rien.
[33] On parle ici d'une déformation grave et anormale des planchers; il s'agit d'une situation alarmante.
[34] Toute réparation cosmétique laissera des traces.
[35] La décision de l'administrateur doit être révisée par le tribunal, lequel devra déterminer une cause autre que celle de l'assèchement.
[36] L'arbitre doit intervenir, d'une part pour obtenir une certification à l'effet que les planchers ne bougeront plus, et d'autre part pour faire re-profiler les planchers afin de les amener à un niveau acceptable.
[37] Le procureur recommande à l'arbitre de conserver juridiction pour la méthode d'intervention.
[38] Relativement aux honoraires de l'ordre de 7 500 $ de l'arpenteur-géomètre Vital Roy pour la prise de niveau dans l'immeuble suite à la décision rendue par le soussigné en date du 5 mai 2006, le procureur est d'avis que le syndicat n'a aucune responsabilité à cet égard.
[39] Cette décision de l'arbitre qui reproduit l'entente intervenue stipule que c'est l'administrateur qui retiendra les services d'un arpenteur-géomètre; de plus, vu qu'il y a eu mouvement dans la structure dans le passé, c'était à l'administrateur de s'assurer qu'il y avait stabilisation.
[40] M. Pierre Sicotte est ingénieur en structure. Il a analysé les données de l'arpenteur-géomètre et il constate qu'il n'y a eu aucun mouvement.
[41] Le témoin prétend que le calcul de déflexion des poutres par l'ingénieur Allard n'a pas été fait correctement, ce dernier ayant sélectionné des points n'étant pas au même niveau.
[42] Il estime que la présente structure ne comporte aucun problème de sécurité et que toutes les manifestations se réparent.
[43] Il est d'avis que la déflexion s'est faite lors de la construction et que ce sont les charges vives qui ont causé les manifestations.
[44] M. Lavoie nous informe qu'il a construit 400 logements à date et que tous sont munis de poutrelles provenant de Prokit.
[45] Il fait affaire avec les meilleurs sous-traitants possibles.
[46] Dans le présent immeuble, il n'existe aucune fissure au sous-sol, et une flexion de 7/8 po est considérée comme normale pour une poutrelle d'une telle longueur.
[47] L'entrepreneur indique que les poutrelles ne sont pas installées en diagonale (en référence à la mesure de déflexion effectuée par M. Allard), mais de l'avant vers l'arrière.
[48] Une des copropriétaires, en l'espace d'un an, a réalisé un profit de 50 000 $ lors de la revente de son unité.
[49] La méthode de correction suggérée par le syndicat, soit le re-profilage, signifie de tout enlever; il s'agit d'un coût de l'ordre de 30 000 $ à 40 000 $ par unité de logement.
[50] Toutefois, il est possible de réparer et de réajuster.
[51] M. Pitre, dans son rapport du 13 décembre 2005, n'a pas noté de désordre structural au niveau des planchers, ni aucun mouvement de la structure mettant en péril l'immeuble.
[52] Il attribue les désordres à l'assèchement des matériaux et à celui de tous les éléments structuraux.
[53] Rien ne lui laisse présumer un affaissement de l'immeuble.
[54] La présente déflexion, dit-il, est supérieure à la perception des gens, mais elle est normale.
[55] Selon ce témoin, toute poutrelle de bois subit une déflexion.
[56] Lors de son inspection, il a noté à l'unité 101 un comptoir non pas affaissé, mais décollé; dans cette même unité, pour le comptoir et l'armoire, il y a seulement assèchement, le plancher de tuile ne présentant pas de fissures.
[57] Il considère la présente situation comme étant acceptable, la perfection, affirme le témoin, n'existant pas.
[58] Si la déflexion et l'assèchement avaient existé lors de la construction, l'entrepreneur aurait calé avant d'installer les planchers, et il n'y aurait pas présentement un espace entre le quart-de-rond et le plancher.
[59] Mme Anne-Marie Prévost a témoigné à l'effet qu'elle a acheté en 2003 une unité dans l'immeuble concerné au prix de 188 000 $ et qu'elle l'a revendue 237 000 $ en 2005.
[60] M. Gilles Sirois est architecte et copropriétaire de Prokit Structural inc., fournisseur des poutrelles de bois dans l'immeuble concerné.
[61] La mesure par M. Sirois de la déflexion des poutrelles de l'immeuble concerné a procuré un résultat de 7/8 po. La déflexion permise par le Code national du bâtiment est de 0,8 po sous charge vive et de 1,2 po sous charge totale pour une poutrelle de 24 pi de longueur.
[62] Dans le présent dossier, il admet que la charge est plus lourde que prévu à cause des trois épaisseurs de gypse au plafond du sous-sol.
[63] Dans une lettre datée du 23 mars 2006 adressée à l'entrepreneur, M. Sirois conclut comme suit et signe sous le sceau de l'Ordre des architectes du Québec :
4. Conclusion
Suite aux observations sur le site et à l'analyse des dessins, je garanti [sic] la sécurité des planchers pour un usage normal.
[64] M. Sirois dépose une lettre datée du 4 septembre 2007, signée par M. Michel Rochon, ingénieur chez Prokit.
[65] M. Rochon conclut en ces termes et signe sous le sceau de l'Ordre des ingénieurs du Québec :
Finalement, après avoir observé et analysé les poutrelles avec les nouvelles spécifications pour le projet du 73 rue Du Liseron à Sainte-Julie, je conclus que le plancher est sécuritaire pour un usage normal.
[66] Le procureur est d'avis que le syndicat a peur d'avoir peur et craint de dénoncer la situation devant un futur acquéreur.
[67] Toutefois, la preuve est à l'effet qu'un propriétaire a divulgué et a réalisé un profit de 50 000 $ en un an et demi.
[68] Le plan de garantie existe pour garantir la sécurité du bâtiment et non pas la valeur économique.
[69] Si la déflexion était survenue après la construction, il y aurait eu des fissures dans les planchers de céramique; ainsi, la déflexion était présente au moment de la construction.
[70] M. Pitre n'est pas le seul à prétendre que la déflexion existait au moment de la construction; M. Patrick Gautreau arrive à la même conclusion dans son rapport du 8 novembre 2004.
[71] Aucun des experts assignés au présent dossier ne suggère de profiler le plancher.
[72] Ni l'arbitre ni l'administrateur n'ont juridiction pour imposer à l'entrepreneur une méthode d'intervention.
[73] L'expert du syndicat, M. Allard, dans son rapport du 24 février 2006, exigeait d'obtenir une confirmation signée et scellée par un ingénieur membre en règle de l'Ordre des ingénieurs du Québec; or, deux professionnels du bâtiment, soit M. Rochon, ingénieur, et M. Sirois, architecte, ont signé sous le sceau de leur ordre respectif, attestant que les planchers sont sécuritaires pour un usage normal.
[74] L'expert du syndicat pour la réception des parties communes avait écrit dans son rapport du 8 novembre 2004 (page 5) :
Cependant, si une progression des mouvements survenait dans l'avenir, il serait important de procéder à une vérification plus approfondie de l'état de l'ossature et vérifier les plans de construction afin, entre autres, de connaître les capacités portantes, les charges induites et la portée des solives.
[75] En réponse à cette condition, nous sommes en présence d'un rapport d'un arpenteur qui conclut que sur une longue période de temps, il n'y a pas eu de mouvement.
[76] Ce qui est nécessaire, ce sont des réparations esthétiques, la réclamation du syndicat étant déraisonnable.
[77] Au sujet des frais d'expertise de l'arpenteur, soit approximativement 7 500 $, le procureur est d'avis que l'administrateur n'a pas à les payer, vu que cette étude a confirmé les conclusions de M. Pitre. À la limite, il suggère que ces frais soient partagés à parts égales entre les trois parties aux présentes.
[78] Dans sa demande, le syndicat exige que l'arbitre intervienne, d'une part pour obtenir un certificat que les planchers ne bougeront plus, et d'autre part pour faire re-profiler les planchers afin de les amener à un niveau acceptable.
[79] En tout respect pour l'opinion du procureur du syndicat, l'arbitre n'a pas à faire de preuve; l'arbitre décide selon la règle de la meilleure preuve.
[80] La preuve prépondérante recueillie dans ce dossier est à l'effet que la structure est stabilisée.
[81] M. Pierre Sicotte, ingénieur en structure, a affirmé qu'il n'existe aucun problème de sécurité découlant de la structure.
[82] M. Gilles Sirois, architecte, ainsi que M. Michel Rochon, ingénieur, affirment tous deux sous le sceau de leur ordre respectif que le plancher est sécuritaire pour un usage normal.
[83] Certes, ces deux derniers ont un lien particulier avec Prokit Structural inc., fournisseur des poutrelles de bois dans le présent immeuble; toutefois, tous deux engagent leur responsabilité professionnelle par un écrit.
[84] Même l'ingénieur expert retenu par le syndicat, M. Allard, a témoigné à l'effet que s'il avait eu en sa possession les données de l'arpenteur-géomètre lors de la préparation de son expertise, sa conclusion aurait pu être différente.
[85] Suite à l'observation des poutrelles, l'architecte Sirois ainsi que les ingénieurs Sicotte et Rochon ont mesuré une déflexion de 7/8 po; l'ingénieur Allard, quant à lui, a mesuré une déflexion de 1 5/8 po.
[86] L'ingénieur Sicotte, qui a témoigné après l'ingénieur Allard, affirme que le calcul des déflexions par M. Allard n'a pas été fait correctement, ce dernier ayant sélectionné des points n'étant pas au même niveau.
[87] Cette dernière affirmation n'a jamais été contredite par la suite par l'ingénieur Allard, ce qui aurait pu être fait en contre-preuve.
[88] Une déflexion de 7/8 po se situerait à la limite permise par le Code national du bâtiment; toutefois, selon l'ingénieur Rochon, le calcul des poutrelles est soumis à un facteur de sécurité de 2,1, rendant ainsi la poutrelle capable de résister à une charge totale de 147 lb/pi2, alors que la charge totale actuelle sur les poutrelles de l'immeuble est de 78,8 lb/pi2.
[89] Le tribunal rappelle une des conclusions de l'expert Allard retenu par le syndicat :
5.2 Une confirmation à l'effet que les poutrelles en place peuvent supporter de façon sécuritaire les charges mortes actuelles ainsi que les charges vives prescrites au CNB doit rapidement être obtenue de l'Entrepreneur par l'entremise de son fabricant de poutrelles. Cette confirmation devra être signée et scellée par un ingénieur membre en règle de l'Ordre des Ingénieurs du Québec. Si aucune attestation ne peut être obtenue, nous n'aurions d'autre choix que de recommander le renforcement de l'ensemble de la structure des planchers dont les déflexions et les charges mortes sont trop importantes. À défaut d'une intervention rapide et en raison de la progression du phénomène, il est à craindre que les dommages au bâtiment ne s'accentuent. L'incapacité des poutrelles à supporter les charges existantes soulève également un questionnement sur la sécurité des occupants si celles-ci doivent être augmentées par exemple lors d'une réunion de famille, par la présence de nombreuses personnes.
[90] Or, la confirmation demandée a été signée et scellée par un ingénieur membre en règle de l'Ordre des ingénieurs du Québec.
[91] Dans son premier rapport du 8 novembre 2004, le technologue en architecture Patrick Gautreau, qui avait fait la réception des parties communes, concluait uniquement qu'il fallait procéder à la réparation des désordres; toutefois, il ajoutait :
Cependant, si une progression des mouvements survenait dans l'avenir, il serait important de procéder à une vérification plus approfondie de l'état de l'ossature et vérifier les plans de construction afin, entre autres, de connaître les capacités portantes, les charges induites et la portée des solives.
[92] Quelque dix mois plus tard, il répétait cette même recommandation.
[93] Cette dernière recommandation a été suivie par l'obtention du rapport de l'arpenteur-géomètre Vital Roy en 2006; de l'avis de tous les témoins experts, les données contenues dans le rapport de l'arpenteur prouvent qu'il n'y a plus aucun mouvement de la structure dans l'immeuble situé au 73 rue du Liseron à Sainte-Julie.
[94] Pour ces motifs, en réponse à la première demande du syndicat, le tribunal est d'avis qu'il existe une preuve prépondérante à l'effet que la structure est sécuritaire et que les planchers ne bougeront plus.
[95] Relativement à la deuxième demande du syndicat, le tribunal est d'avis que le re-profilage des planchers est une mesure disproportionnée compte tenu des désor-dres, même s'ils sont importants et nombreux, des coûts et des effets secondaires.
[96] Rappelons que l'administrateur, après avoir affirmé dans son rapport de décision que la structure n'était pas affectée, est totalement muet sur les désordres et les manifestations pourtant très apparents; en d'autres termes, l'administrateur conclut que La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point (déflexion et assèchement) dans le cadre de son mandat.
[97] Je présume que l'administrateur s'appuie sur l'article 29.2° du plan de garantie :
29. Sont exclus de la garantie:
[...]
2° les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;
[98] Si tel est le cas, je rappelle que les désordres et manifestations que nous avons pu constater lors de la visite des lieux du 7 juin 2007, précédemment résumés dans l'introduction de la présente et tels que l'on peut les observer dans le rapport de réception du bâtiment de M. Gautreau, ne sauraient être assujettis à cette clause d'exception, ces manifestations dépassant les conditions acceptables.
[99] La visite des lieux a démontré qu'il s'agit de détériorations excessives et nombreuses, auxquelles un acheteur normal, non tatillon, ne devrait pas s'attendre.
[100] En accord avec le technologue en architecture Patrick Gautreau, le tribunal est d'avis que les différents éléments qui ont causé les désordres sont à la fois l'assèchement des matériaux et également le fléchissement des planchers; ces deux éléments, intervenant à leurs limites respectives acceptables, ont affecté ce bâtiment de façon marquée.
[101] En d'autres termes, si les limites de l'assèchement conjuguées aux limites de la déflexion sont acceptables, les désordres qui en résultent ne le sont point.
[102] Le tribunal ne peut comprendre pourquoi l'administrateur ne l'a point constaté et n'est pas intervenu. En effet, les éléments ci-devant mentionnés ont provoqué un comportement anormal des matériaux, i.e. ce à quoi un acheteur normal ou une personne raisonnable ne s'attendrait pas.
[103] Les réparations requises pour corriger les désordres font appel aux connaissances d'une main-d'oeuvre spécialisée et non pas à celles d'un simple bricoleur. Voilà pourquoi le tribunal ORDONNE à l'entrepreneur d'effectuer, selon les règles de l'art, les réparations nécessaires et/ou le remplacement requis pour corriger les désordres et les manifestations, et ce, dans tout l'immeuble du 73 rue du Liseron à Sainte-Julie.
[104] Le tribunal rappelle que l'entrepreneur, qui a l'obligation de résultat, a le choix de la méthode d'intervention.
[105] Relativement au quantum des éléments à corriger, le tribunal compte sur la bonne foi des parties; toutefois, le cas échéant, l'arbitre CONSERVE JURIDICTION à cet égard.
[106] Relativement à la qualité des travaux effectués, les parties devront s'en remettre à l'administrateur par voie de réclamation.
[107] Le tribunal ACCORDE à l'entrepreneur un délai de quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la date de la présente pour compléter ces travaux.
[108] À défaut par l'entrepreneur de se conformer à la présente ordonnance, le tribunal ORDONNE à l'administrateur de procéder aux travaux correctifs requis selon les règles de l'art.
[109] Quant aux frais d'expertise de l'ordre de 7 500 $ présentés par l'arpenteur-géomètre, considérant l'entente intervenue, à savoir « L'administrateur retiendra les services d'un arpenteur-géomètre [...] », le tribunal DÉCRÈTE que ces frais sont à la charge de l'administrateur.
[110] De plus, vu les désordres sérieux et vu l'article 38 du plan de garantie, si le syndicat avait déboursé pour ces frais, le tribunal aurait pu ordonner le remboursement au syndicat.
[111] Aucune clause du plan de garantie ne permet au soussigné d'attribuer une partie de ces frais à l'entrepreneur.
[112] Conformément au deuxième alinéa de l'article 37 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l'administrateur.
BELOEIL, le 28 septembre 2007.
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__________________________________ Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ] |