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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Éric Gagné et Trinida Beauchesne

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

9094-9330 Québec inc. (Mac Construction)

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie Habitation du Québec inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier QH : 0637780

No dossier GAMM : 2007-08-003

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour les bénéficiaires :

Me Pierre Lessard

 

Pour l'entrepreneur :

Me Gilles Savard

 

Pour l'administrateur :

Me Stéphane Audy

 

Date d’audience :

11 décembre 2007

 

Lieu d'audience :

Sherbrooke

 

Date de la sentence :

15 janvier 2008

 

I : INTRODUCTION

[1]                À la demande de l'arbitre, l'audience s'est tenue à la résidence des bénéficiaires.

[2]                À la suite d'une réclamation des bénéficiaires, l'administrateur, en date du 18 juin 2007, émettait son rapport de décision relativement à 12 éléments; en date du 13 août 2007, l'administrateur produisait un rapport complémentaire précisant la portée de sa première décision.

[3]                Insatisfaits des conclusions de l'administrateur, les bénéficiaires, en date du 19 juillet 2007, acheminaient au Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) une demande d'arbitrage relativement aux éléments suivants :

·        Plomberie

·        Infiltration d'eau par galerie avant

·        Gardes à installer sur toit avant

·        Porte d'entrée à ajuster contre l'infiltration d'air

·        Seuil de porte française arrière à isoler adéquatement

·        Escalier du sous-sol à corriger et division sous le limon gauche à compléter

·        Escalier de l'étage dont les marches sont trop courtes, sans gorge de finition et avec nez de marches ajoutés

·        Boiseries et plinthes de bois dont les joints de jonction sont ouverts

·        Portes d'armoires à ajuster

·        Mur de fondation à compléter avec gypse et joints

·        Laine « R28 » à poser au plafond du garage et ajouter polythène et gypse au mur mitoyen maison/garage - Peinturer le tout

·        Autres éléments non identifiés

[4]                Le soussigné a rendu une décision distincte concernant les mêmes parties, en relation cette fois avec une demande d'arbitrage acheminée par l'entrepreneur.

[5]                En cours d'enquête, les parties ont déposé 13 pièces et ont fait entendre les témoins suivants :

·        M. Mario Côté, plombier

·        M. Alain Raîche, entrepreneur général

·        M. Marc Tremblay, inspecteur en bâtiments, Ville de Sherbrooke

·        M. Éric Gagné, bénéficiaire

·        Mme Trinida Beauchesne, bénéficiaire

·        M. Michel Corriveau, entrepreneur général

·        M. Alex Corriveau, étudiant

·        M. Robert Linteau, conciliateur, Qualité Habitation

[6]                À l'appui de son argumentation, le procureur de l'entrepreneur a soumis les autorités suivantes :

·        Gilles DOYON et Serge CROCHETIÈRE, Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., [s. d.], [extrait de 4 pages se rapportant à la garantie minimale en ce qui concerne les articles 10 et 11].

·        Nadia Duchesne et Éric Tremblay c. Domicilex Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., T.A., Me Robert Masson, arbitre (CCAC), 2005-07-07.

·        Construction Joma inc. et Sylvie Robert et Mark Stevens et La garantie Qualité Habitation, T.A., M. Claude Dupuis, arbitre (GAMM), 2005-12-16.

[7]                Les parties ont accordé au soussigné un délai de 90 jours à compter de la date d'audience pour rendre sentence dans la présente affaire.

II : DÉCISION ET MOTIFS

Plomberie

[8]                L'administrateur, dans sa décision, avait ordonné à l'entrepreneur de corriger les cinq anomalies relevées sur les items suivants de plomberie : tuyaux « ABS » à remplacer suite à une fuite, deux sorties d'eau extérieures antigel, puisard de garage avec pompe, protéger contre le gel l'alimentation d'eau, robinet de douche à ajuster.

[9]                L'administrateur complétait sa décision comme suit :

-           Les cinq (5) anomalies relevées et faisant partie de la plainte devront être corrigées par l'entrepreneur; cependant, seule la fuite sur la tuyauterie ABS devra être réparée sans pour cela refaire à neuf la tuyauterie au complet.

-           Pour le drainage non fonctionnel du garage, ce dernier devra être réparé par l'entrepreneur soit, par l'ajout d'une pompe ou par la modification du drainage, la méthode choisie appartenant à l'entrepreneur qui a la responsabilité du résultat.

[10]            Dans la présente demande, les bénéficiaires exigent de vérifier et de refaire à neuf la tuyauterie au complet, car ils la jugent non conforme.

[11]            M. Mario Côté, plombier, a présenté une soumission relativement à ces travaux de remplacement.

[12]            M. Côté a visité la propriété concernée et il conclut que l'installation de plomberie en place n'est pas conforme aux normes du Code national du bâtiment. Entre autres, il mentionne la non-ventilation des salles de bain, l'absence de dispositif empêchant l'eau de reculer, le puisard plus petit que la norme, l'alimentation dans les murs extérieurs non acceptable, la douche non fonctionnelle, etc.

[13]            Le témoin ne sait pas qui a réalisé les travaux actuels de plomberie et il n'a pas fait de vérification à l'étage du bâtiment relativement à ces travaux.

[14]            Le soussigné n'a pas reçu de preuve suffisante pour accéder à la présente demande des bénéficiaires.

[15]            Le seul témoignage du plombier, M. Côté, ne constitue pas une preuve d'expert.

[16]            Il n'a procédé à aucune expertise et il n'a déposé aucun document faisant état des normes en vigueur. Il n'a pratiqué aucune ouverture au deuxième étage avant de conclure au remplacement intégral.

[17]            Le document intitulé Soumission de plomberie (B-1) déposé par le témoin, tel que son titre l'indique, est purement une soumission; il ne constitue aucunement une expertise technique.

[18]            Tant le document précité (B-1) que le témoignage de M. Côté m'ont donné l'impression d'un entrepreneur en plomberie voulant obtenir un contrat.

[19]            Le soussigné a procédé à la visite des lieux au sous-sol; on n'y voit qu'un faible élément du système de plomberie.

[20]            S'il existe quelques manquements aux règles de l'art, ni la visite des lieux ni la preuve recueillie n'ont démontré une atteinte au bon fonctionnement du système actuel de plomberie, à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment.

[21]            J'ajouterai même que la visite des lieux n'a pas convaincu le soussigné de la nécessité de réparer la fuite sur la tuyauterie « ABS », tel que préconisé par l'administrateur.

[22]            Quoi qu'il en soit, faute d'une preuve prépondérante, le soussigné REJETTE la présente réclamation des bénéficiaires et MAINTIENT intégralement la décision de l'administrateur en ce qui concerne la plomberie.

Infiltration d'eau par galerie avant

Gardes à installer sur toit avant

Porte d'entrée à ajuster contre l'infiltration d'air

Seuil de porte française arrière à isoler adéquatement

Escalier du sous-sol à corriger et division sous le limon gauche à compléter

Escalier de l'étage dont les marches sont trop courtes, sans gorge de finition et avec nez de marches ajoutés

Boiseries et plinthes de bois dont les joints de jonction sont ouverts

Portes d'armoires à ajuster

[23]            Au moment où l'administrateur a soumis son rapport de décision, une entente était déjà intervenue entre les bénéficiaires et l'entrepreneur à l'effet que ce dernier, conformément à une lettre datée du 11 avril 2007 de son procureur Me Savard (E-1),  s'engageait à corriger les malfaçons existantes relativement aux sept premiers éléments ci-devant listés.

[24]            Au cours de l'enquête dans la présente affaire, les parties concernées ont convenu d'ajouter à cette entente le dernier élément ci-haut listé, soit « Portes d'armoires à ajuster ».

[25]            Le tribunal DONNE ACTE de l'entente intervenue en ce qui a trait à ces huit éléments et ORDONNE aux parties de s'y conformer.

[26]            Ladite entente met un terme à la garantie relativement aux huit éléments précités.

[27]            Le tribunal ACCORDE à l'entrepreneur un délai de soixante (60) jours à compter de la date de la présente pour compléter ces travaux.

Mur de fondation à compléter avec gypse et joints

Laine « R28 » à poser au plafond du garage et ajouter polythène et gypse au mur mitoyen maison/garage - Peinturer le tout

[28]            L'administrateur a refusé ces deux réclamations au motif que ces malfaçons étaient apparentes à la prise de possession et qu'elles n'ont pas été dénoncées à la formule Inspection-préréception.

[29]            Je le cite :

Considérant l'article 6.4.2.2. du contrat de garantie, les malfaçons apparentes à la prise de possession doivent être dénoncées à la formule « inspection pré-réception » pour être considérées par la garantie. [...]

[30]            Ces points, ajoute-t-il,

[...] auraient dû être inscrits au formulaire « inspection pré-réception », car, visibles à la prise de possession, pour être couverts par la garantie. La garantie ne peut couvrir ces points.

[31]            Le document Inspection-préréception/Fin des travaux - Réception du bâtiment (B-7) est daté du 13 janvier 2007. Mme Beauchesne, bénéficiaire, affirme avoir signé ce document en l'absence de son conjoint, sous contrainte et intimidation de la part de l'entrepreneur, M. Michel Corriveau.

[32]            Ce dernier était accompagné de son fils et, selon Mme Beauchesne, la rencontre aurait duré de cinq à six minutes; au départ de M. Corriveau, son conjoint arrivait à la maison.

[33]            Sur ce même document (B-7), la signature de M. Éric Gagné apparaît; ce dernier affirme n'avoir jamais signé ce document de pré-réception.

[34]            D'ailleurs, poursuit-il, la signature apparaissant sur ce document (B-7) n'est pas identique à celle apparaissant sur le Permis/certificat de construction de la Ville de Sherbrooke (E-2) ni à celle apparaissant sur le Contrat d'entreprise et de garantie obligatoire - Maison neuve (B-6).

[35]            Il affirme n'avoir jamais fait de visite d'inspection avec l'entrepreneur.

[36]            Il déclare qu'à son arrivée chez lui ce 13 janvier 2007, M. Corriveau sortait de la maison et quittait les lieux.

[37]            L'entrepreneur, M. Michel Corriveau, affirme plutôt que ce jour-là, les deux bénéficiaires ont signé le formulaire de pré-réception (B-7) et qu'ils semblaient très satisfaits des travaux.

[38]            Il ajoute que lui, son fils ainsi que les deux bénéficiaires ont commandé une pizza et ont soupé ensemble. À cet égard, M. Alex Corriveau, fils de l'entrepreneur, corrobore le témoignage de son père.

[39]            Encore une fois, nous sommes en présence de deux versions hautement contradictoires.

[40]            M. Linteau, conciliateur, lors de la préparation de son rapport d'inspection du 18 juin 2007, a présumé que le document Inspection-préréception (B-7) était exact; à cette époque, personne ne lui aurait signalé qu'il existait un problème de signature.

[41]            De toute évidence, la signature de M. Gagné apparaissant sur le document Inspection-préréception (B-7) n'est pas identique à celles apparaissant sur d'autres documents officiels.

[42]            Toutefois, ni M. Linteau ni le soussigné ne sont des experts en écriture.

[43]            Aucun rapport d'expertise en écriture ne fut soumis lors de la présente enquête.

[44]            La prétention ainsi que la réclamation provenant des bénéficiaires, le soussigné est d'avis qu'un certain fardeau de preuve leur incombait.

[45]            Contrairement à l'administrateur, le soussigné croit plutôt que les présentes réclamations s'apparentent davantage à du parachèvement de travaux qu'à des malfaçons.

[46]            À cet égard, l'article 10.1° du décret se présente comme suit :

10.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

  1°    le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

[47]            Or, à tout le moins, sur le document Inspection-préréception (B-7) apparaît une signature non contestée, soit celle d'un des deux bénéficiaires, Mme Beauchesne; cette dernière n'a pas dénoncé par écrit le parachèvement des travaux ci-haut réclamés comme l'exige l'article 10.1° du décret.

[48]            Finalement, les témoignages de MM. Corriveau père et fils me sont apparus plus crédibles que ceux des bénéficiaires.

[49]            Pour ces motifs, la présente réclamation des bénéficiaires est REJETÉE et, conséquemment, la décision de l'administrateur relativement à ces deux éléments est MAINTENUE.

Autres éléments non identifiés

[50]            En cours d'enquête, le procureur des bénéficiaires a indiqué au soussigné que lors de la visite d'inspection de M. Linteau le 6 juin 2007, les bénéficiaires avaient soumis à ce dernier d'autres points de réclamation qui n'ont pas été traités par le conciliateur dans ses rapports d'inspection du 18 juin 2007 et du 13 août 2007.

[51]            Le procureur a donc demandé que ces éléments non traités par M. Linteau le soient lors du présent arbitrage, afin que l'arbitre puisse en disposer.

[52]            En tout respect, le soussigné a alors indiqué à l'assemblée que l'arbitre n'avait pas juridiction pour décider sur des éléments de réclamation n'ayant pas au préalable été traités par l'administrateur.

[53]            À cet égard, je cite ci-après les articles 19 et 106 du décret :

19.   Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

106.   Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l'annulation de l'adhésion d'un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section.

   Peut demander l'arbitrage, toute partie intéressée:

  1°    pour une réclamation, le bénéficiaire ou l'entrepreneur;

  2°    pour une adhésion, l'entrepreneur.

   La demande d'arbitrage concernant l'annulation d'une adhésion d'un entrepreneur ne suspend pas l'exécution de la décision de l'administrateur sauf si l'arbitre en décide autrement.

[54]            Il a donc été convenu que les éléments en question (non traités par l'administrateur) fassent l'objet d'une autre réclamation de la part des bénéficiaires auprès de l'entrepreneur et de l'administrateur et, le cas échéant, que les bénéficiaires ou l'entrepreneur puissent de nouveau avoir recours à l'arbitrage.

Coûts d'arbitrage

[55]            L'entente intervenue entre les bénéficiaires et l'entrepreneur relativement à certains points de réclamation, ci-avant décrits, n'engage en rien la responsabilité de la garantie.

[56]            Ainsi, dans le présent dossier, les bénéficiaires n'ont obtenu aucun gain de cause.

[57]            Conformément au deuxième alinéa de l'article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, l'arbitre départage les coûts du présent arbitrage comme suit : 25 % à la charge des bénéficiaires, le solde à la charge de l'administrateur.

 

BELOEIL, le 15 janvier 2008.

 

 

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre