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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)


Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

______________________________________________________________________

 

Entre

Johanne Marcotte

Bénéficiaire

Et

Les Constructions Cherbourg Inc.

Entrepreneur

Et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ INC.     

Administrateur

 

 

No dossier Garantie :

103900-1

No dossier GAMM :

2007-19-007

No dossier Arbitre :

13 185-31

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SENTENCE ARBITRALE INTERLOCUTOIRE

SUR UNE DEMANDE DE SURSIS

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Arbitre :

Me Jeffrey Edwards

 

 

Pour la Bénéficiaire :

Me Daniel Grodin

(Grondin et Associés)

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Me Pascal Plouffe

(Kounadis Perreault)

 

 

Pour l’Administrateur :

Me Patrick Marcoux

(Savoie Fournier)

 

Date(s) d’audience :

25 juin 2008

 

 

Autorités reçues du procureur de la Bénéficiaire :

2 juillet 2008

 

 

 

 

Autorités reçues des procureurs de

l’Entrepreneur :

 

18 juillet 2008

 

 

Vacances estivales de la construction :

18 juillet au 1er août 2008

 

 

 

 

Lieu d’audience :

1080, Côte du Beaver Hall, bureau 600, Montréal  - Audition téléphonique

 

 

Date de la décision :

6 août 2008

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1.  LES FAITS

[1]                Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande de sursis de l’instance arbitrale de l’Entrepreneur jusqu’à ce que le jugement final soit rendu dans un dossier pendant devant la Cour supérieure, tel que ci-après décrit.

[2]                Le 5 octobre 2005, un contrat préliminaire et un contrat de garantie sont intervenus entre Les Constructions Cherbourg Inc., l’Entrepreneur et Johanne Marcotte, la Bénéficiaire.  La vente notariée de l’immeuble a eu lieu le 24 janvier 2006. 

[3]                L’immeuble est assujetti au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (« Règlement »). 

[4]                Suite à une demande de la Bénéficiaire, l’Administrateur a rendu une décision le 7 mai 2007.

[5]                Insatisfaite de cette décision, le 7 juin 2007 la Bénéficiaire a demandé l’arbitrage conformément au Règlement.

[6]                Parallèlement, l’Entrepreneur a institué devant la Cour supérieure du Québec (district judiciaire de Joliette, principalement dans le numéro 705-17-002220-075) une action personnelle contre la Bénéficiaire et deux autres personnes, ainsi qu’une action hypothécaire sur la base d’une hypothèque légale de la construction afin de recouvrer des sommes qu’elle prétend lui être dues en vertu du contrat d’entreprise et d’autres contrats.  L’Administrateur n’est pas une partie impliquée ou mise en cause dans ces procédures judiciaires.

 


2. LA QUESTION EN LITIGE ET LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

[7]                Le procureur de la Bénéficiaire plaide que le dossier d’arbitrage est distinct de celui pendant devant la Cour supérieure.  En effet, selon lui, la question en litige dans l’instance arbitrale se limite à déterminer si la réclamation de l’Entrepreneur est visée par le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ. 

[8]                Le procureur du Bénéficiaire soumet également que si l’Entrepreneur et/ou l’Administrateur étaient tenus de faire des travaux correctifs, cela aurait simplement pour conséquence de réduire le montant des dommages réclamés dans sa demande reconventionnelle.

[9]                Le procureur de l’Entrepreneur admet qu’il n’y a pas litispendance entre la demande d’arbitrage et les procédures judiciaires en question.  Cependant, il considère que certaines questions semblables se posent dans les deux forums et soumet qu’il y a donc un risque de jugements contradictoires.

[10]            Aussi, le procureur de l’Entrepreneur soumet que la décision à rendre par le soussigné dans le cadre de l’arbitrage ne pourra pas régler le litige dans son ensemble. 

[11]            Enfin, le procureur de l’Entrepreneur plaide qu’il faut suspendre la présente instance afin d’éviter la multiplicité des procédures.   Quant à cet argument, le procureur de la Bénéficiaire rétorque que c’est l’Entrepreneur qui institue et complexifie les procédures judiciaires.


3. ANALYSE ET DÉCISION

[12]            L’article 106 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévoit la compétence exclusive d’un arbitre pour statuer sur une réclamation découlant de l’application dudit règlement :

Art. 106   Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ... relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section.

 

Peut demander l'arbitrage, toute partie intéressée:

 

  1°    pour une réclamation, le bénéficiaire ou l'entrepreneur;

 

  ...

 

[13]            Or, selon une jurisprudence constante, une demande de suspension faite devant un organisme exerçant des pouvoirs quasi judiciaires est accordée uniquement lorsqu’il y a litispendance[2]

[14]            Il faut donc démontrer l’identité des parties, de l’objet et de la cause d’action pour justifier une demande de suspension d’instance[3].

[15]            En l’espèce, il est clair que ces critères ne sont pas rencontrés.  En effet, l’objet de la demande d’arbitrage concerne l’application du plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs tandis que l’instance devant la Cour supérieure porte sur le paiement des sommes que l’Entrepreneur considère encore dues en vertu du contrat d’entreprise ou d’autres contrats conclus entre les parties.   De plus, les parties ne sont pas les mêmes.  L’Administrateur n’est pas une partie à l’instance devant la Cour supérieure et d’autres personnes (Roger Marcotte, Filomena Mélo, Jean Villeneuve Sablières Enr.) sont impliquées comme parties dans l’instance devant la Cour supérieure.  La cause est différente et les conclusions recherchées sont différentes.  Dans l’arbitrage, la Bénéficiaire demande la réalisation des travaux correctifs.  Dans l’instance devant la Cour supérieure, l’Entrepreneur demande le paiement d’une somme d’argent et la vente en justice par l’entremise d’une hypothèque légale de construction. 

[16]            Il est vrai que les parties pourront présenter certains arguments identiques lors de ces deux instances pour faire valoir leurs droits.

[17]            Cependant, la Cour supérieure n’aura pas la compétence pour se prononcer sur l’application de la garantie par rapport aux problèmes dont se plaint la Bénéficiaire[4]

[18]            Également, la possibilité que des décisions contradictoires soient rendues ne fait pas obstacle en soit à la poursuite de l’instance d’arbitrage en l’absence d’identité des parties, de cause et d’objet[5].  Le passage suivant est pertinent à l’égard du problème de parallélisme de recours prévu par la législation québécoise :


« Il est concevable que, de ce parallélisme des recours mis en place par le législateur, puissent sortir des décisions contradictoires de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire.  Dans son Traité le professeur Lacoste
[...], reconnaît que :

 

 

… de cette indépendance résultent parfois des décisions contraires des deux catégories de tribunaux au sujet du même acte administratif.

et cite de nombreux exemples de cette situation.

Il n’appartient pas à la Cour de juger aujourd’hui la valeur des institutions qui régissent le Québec mais, tout aussi certainement, il ne siérait pas à la Cour de capituler sans plus d’embarras et d’abdiquer son pouvoir exprès de déclarer la loi. » [6]


Il faut évidemment adapter les propos à la demande de suspension d’une instance arbitrale.

[19]            Dans l’affaire Union des artistes[7], Me Bernard Bastien reprend les propos suivants de la Cour supérieure dans l’affaire Syndicat des débardeurs[8], qui indiquent le rôle d’un tribunal d’arbitrage:

« L’arbitre doit déférence à la loi d’abord.  Il n’est responsable de la prolifération des procédures judiciaires ou quasi judiciaires. »[9]

[20]            De même, « tout doute concernant l’application de l’exception de la chose jugée ou de la litispendance, doit être résolu contre la partie qui l’invoque »[10].  Or, tous les procureurs devant le Tribunal d’arbitrage admettent qu’il n’y a pas de litispendance entre les procédures arbitrales et les procédures judiciaires en question ici.

[21]            Dans ces circonstances, la Bénéficiaire est en droit de demander l’arbitrage de la décision rendue par l’Administrateur dans le cadre fixé par la loi, en particulier, le Règlement.  Aucun argument soulevé par les procureurs des parties permet au soussigné de lui enlever ce droit. 

 


PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

           
            REJETTE  la requête en suspension de l’audience de l’Entrepreneur;

            LES FRAIS à suivre la sentence sur le fond.

 

 

 

 

 

 

(s)  Jeffrey Edwards

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Me Jeffrey Edwards

 

 

 



[1]     L.R.Q. c. B-1.1, r.0.2.

[2]     Commission scolaire régionale Orléans et Syndicat des professeurs du Québec métropolitain, [1982] T.A. 5 , 11.

[3]     Denis FERLAND et Benoît EMERY, Précis de procédure civile du Québec, 4e éditions, Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2003, p. 284; Syndicat des professeures et professeurs de l’Université du Québec à Chicoutimi et Université du Québec à Chicoutimi, D.T.E. 95T-524 (T.A.), 22.

[4]     Voir Ayadi et Constructions A.S. Jebrini Inc., 20 juillet 2007, no dossier SORECONI 070419001.

[5]     Syndicat des professeures et professeurs de l’Université du Québec à Chicoutimi et Université du Québec à Chicoutimi, précité, note 3, 23; Union des artistes et Bell Canada, D.T.E. 2001T-468 (T.A.), 8.

[6]     Commission scolaire régionale Orléans et Syndicat des professeurs du Québec Métropolitain, précité, note 2, 14 citant Campisi  c. Procureur général du Québec, [1977] CS 1069.

[7]     Union des artistes et Bell Canada, précité, note 5.

[8]     Le syndicat des débardeurs, syndicat canadien de la fonction publique, s.I. 375 c. Claude Lauzon et Association des employeurs Maritimes, Juge Robert Lesage, J.E. 94-986 .

[9]     Union des artistes et Bell Canada, précité, note 5, 9.

[10]    Syndicat des professeures et professeurs de l’Université du Québec à Chicoutimi et Université du Québec à Chicoutimi, précité, note 3, 23.