Gabarit OA

 

 

 

 

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

 

GAMM

2012-15-015

APCHQ

12-284LS

 

Date :

19 juin 2013

______________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

JEAN MORISSETTE

______________________________________________________________________

 

JULIE BERGERON

Et

KÉNAN VENNE

Bénéficiaires

c.

LES ENTREPRISES MICHEL FOREST INC.

Entrepreneur

Et

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

Administrateur

 

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE PRÉLIMINAIRE SUR SA RECEVABILITÉ

______________________________________________________________________

 

 

[1]       Il s’agit d’une demande d’arbitrage du 20 décembre 2013 présentée par les Bénéficiaires;

PRÉLIMINAIRES

[2]       Les parties ont admis et convenu de ma nomination et juridiction à rendre une décision sur la question soulevée par les Bénéficiaires;

[3]       Les pièces communiquées par les parties sont acceptées comme produites, sujet à la preuve contradictoire qui sera présentée;

[4]       Dans sa lettre de la demande d’arbitrage du 20 décembre 2012, pièce A-9, le procureur des Bénéficiaires requiert qu’une audition préalable se tienne afin de déterminer de sa recevabilité eu égard à son délai de présentation. Effectivement, la décision écrite de l’Administrateur en instance est du 28 novembre 2011. À première vue, la demande d’arbitrage et sa présentation sont tardives en vertu de l’article 18 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r. 8), ci-après appelé le ‘’Règlement’’, qui établit qu’un délai de trente (30) jours de la réception de la décision doit être respecté;

[5]       Les Bénéficiaires allèguent que les circonstances particulières relatives au désordre qui est l’objet de la décision et de sa gestion par son signataire me permettront de valider la demande d’arbitrage des Bénéficiaires au stade de sa présentation en vertu des dispositions du Règlement et plus particulièrement selon l’article 116 qui édicte :

« 116.  Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient. »

LA PREUVE

[6]       Les recherches de monsieur Michel Forest, représentant de l’Entrepreneur, l’examen du dossier de l’Administrateur par monsieur Richard Berthiaume et les vérifications à leur bureau respectif démontrent de façon prépondérante qu’aucun contrat de garantie ne fut remis aux Bénéficiaires, comme en témoigne madame Bergeron;

[7]       De même, il est établi que le certificat de parachèvement des travaux, pièce B-3, dont la date coïncide avec le contrat notarié du 7 juin 2007 a été signé chez le notaire sans inspection des bénéficiaires et d’un représentant de l’Entrepreneur;

[8]       Suivant la décision de l’Administrateur du 28 novembre 2011 qui ordonnait à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs à l’infiltration d’eau au sous-sol et présence d’ocre ferreuse, pièce A-4, certains travaux ont été effectués. Monsieur Forest n’est pas présent lors de ces travaux. Il les a confiés à un sous-entrepreneur. Madame Bergeron a été informée qu’il s’agissait de l’ensemble des travaux correctifs que ce sous-entrepreneur dit avoir le mandat d’exécuter. Pour sa part, monsieur Forest mentionne qu’il s’agissait d’une partie des travaux. Malgré que ce sous-entrepreneur a quitté les lieux, il devait y retourner;

[9]       Ces travaux ont été captés sur vidéo par la bénéficiaire, madame Julie Bergeron et une copie de cet enregistrement a été communiquée à monsieur Richard Berthiaume, signataire de la décision pour l’Administrateur;

[10]    L’examen de ces images lui permet de constater que les travaux effectués ne sont pas conformes à la description des améliorations proposées par l’ingénieur Mohammad Hosseini. Monsieur Hosseini est signataire du rapport qui a été auparavant communiqué aux parties en annexe de la décision de l’Administrateur qui ordonne à  l’entrepreneur de corriger le désordre;

[11]    À la suite des discussions qui se tiennent sur les travaux qui devaient être faits et qui ne le sont pas, une prorogation du délai de trente (30) jours de la réception de la décision pour effectuer les travaux correctifs est allouée à l’Entrepreneur;

[12]    Les Bénéficiaires ont appris que l’Entrepreneur ne pouvait faire ces travaux que plus tard et l’ont accepté puisque la saison hivernale s’installait. Le délai est prorogé par monsieur Berthiaume au 31 mai 2012. Pourtant, le 1er juin 2012,  ces travaux ne sont pas encore en voie de réalisation. L’Entrepreneur confirme toujours vouloir faire les travaux correctifs et le délai pour les exécuter est à nouveau repoussé à la fin juin 2012;

[13]    Entretemps, madame Bergeron n’a plus confiance dans le processus. Elle a confié le mandat à un avocat de les représenter.  Me Claude Coursol fait connaître son mandat à monsieur Berthiaume et à l’Entrepreneur et exprime vouloir connaître le descriptif des travaux correctifs. Voici un extrait de sa lettre du 12 juin 2012, pièce B-16 :

« Cela dit, vu les circonstances passées, mes clients refusent que quelque travaux soit effectué à leur immeuble en exécution de la décision rendue par la GMN de l’APCHQ en date du 28 novembre 2011 AVANT qu’ils n’aient reçu par mon intermédiaire un devis descriptif des travaux que l’entrepreneur voudrait effectuer ET qu’une date pour l’exécution de ces travaux ait été convenue avec le soussigné. »

[14]    Par courriel du même jour, pièce B-15, voici la réponse qui est faite par l’Entrepreneur:

« Remplacement du drain par un tuyau rigide 4’’ perforé;

Mettre de la pierre et membrane ou polythène sur la pierre;

Percer semelle vers l’intérieur (trou de 41/2’’pour permettre l’évacuation de l’eau vers le drain extérieur au bassin de captation sur les deux cotés de la maison. »

[15]    Les Bénéficiaires ont refusé de donner accès à leur propriété pour laisser faire ces travaux. Selon eux, la description des travaux correctifs que décrit l’Entrepreneur n’est pas conforme au rapport de l’ingénieur Hosseini;

[16]    Je souligne ici que monsieur Berthiaume n’a pas piloté la cédule des travaux et qu’il ne connaissait pas le détail des travaux correctifs que l’Entrepreneur se préparait à exécuter;

[17]    La preuve montre qu’un mandat est alors confié le 13 juin 2012 à la firme d’ingénieur Centre IEB Québec (CIEBQ) afin d’examiner les travaux correctifs proposés par l’Entrepreneur et les travaux suggérés par l’ingénieur Hosseini, (pièce B-17);

[18]    Un échange de courriels intervient le 14 juin 2012 entre Me Luc Séguin, procureur de l’Administrateur et l’avocat des Bénéficiaires. Me Coursol réitère le mandat donné à un ingénieur et soumet que la vérification des travaux proposés est sous examen. Son courriel est clair :

« Ce n’est donc que lorsque cette opinion sera disponible que l’exécution des travaux sera autorisé (sic) s’il y a lieu de le faire…et ce ne sera certainement pas pour lundi le 18. Désolé. »

[19]    Ce message demeure sans réponse ou commentaire.

[20]    Le rapport de la firme d’experts-conseils CEIBQ est reçu par Me Coursol le 29 novembre 2012, pièce B-20 et par les Bénéficiaires vers le 7 décembre 2012, pièce B-21;

[21]    Le 20 décembre 2012, pièce B-22, l’avocat des Bénéficiaires dépose au GAMM, organisme autorisé par la Régie du Bâtiment, une demande d’arbitrage qui porte sur le choix des travaux correctifs entrepris qui, de l’avis des bénéficiaires contrevient au CNB applicable et aux règles de l’art;

[22]    Monsieur Berthiaume, confirme par ailleurs que madame Bergeron semblait avoir perdu confiance dans ce qui se produisait et souhaitait obtenir l’opinion de son propre expert. Pour sa part, monsieur Forest exprime librement qu’il est normal que les Bénéficiaires fassent leurs vérifications pour déterminer des travaux à exécuter;

[23]    Finalement, l’Entrepreneur reconnaît que des travaux correctifs sont à faire et qu’il s’engage à les faire.

 

 

DISCUSSION

[24]    L’examen des pièces produites montre que la plainte initiale est du 2 mai 2011, pièce B-6, et que le formulaire de réclamation est complété le 24 mai 2011, pièce B-10. Le 7 septembre 2011, monsieur Berthiaume choisit de faire procéder à une expertise dont le rapport du 1er novembre sera annexé à sa décision du 28 novembre 2011. Un délai de 7 mois s’est écoulé entre la plainte initiale et la décision. L’inondation qui a mené à la conclusion de la présence d’un vice de construction est survenue le 22 avril 2011;

[25]    L’absence de la remise d’un contrat de garantie aux Bénéficiaires par l’Entrepreneur (art. 69.1 et 137 du Règlement) et d’une visite d’inspection du bâtiment (art. 17 du Règlement) met en jeu les dispositions de l’article 19.1 qui édicte :

« 19.1. Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 17, 17.1, 18, 66, 69.1, 132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l'annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an. »

[26]    Comme le représentant de l’entrepreneur l’a admis, il est normal que les Bénéficiaires vérifient la qualité des travaux qu’il s’apprêtait à effectuer pour corriger le vice de construction décrit à la décision de l’Administrateur. Cette vérification raisonnable demandée à l’ingénieur Vincent de la firme CIEBQ est le fondement du rapport du 21 novembre 2012;

[27]    Il m’apparaît clair que les travaux de l’Entrepreneur du 12 décembre 2011 étaient incomplets. Son sous-entrepreneur n’était mandaté que pour ce qu’il a fait, aucune preuve contraire valable ne m’a été faite sur cette déclaration du mandataire de l’Entrepreneur;

[28]    Le DVD transmis par les Bénéficiaires et l’examen qu’en a fait monsieur Berthiaume l’a mené à qualifier les travaux alors effectués comme incomplets et inadéquats. Lorsqu’il communique avec madame Bergeron et lui annonce que d’autres travaux seront effectués qui respecteront le rapport qui a servi à rendre sa décision (le rapport Hosseini) et qu’un nouveau délai est donné à L’Entrepreneur : il rend une nouvelle décision. Les Bénéficiaires comprennent et ne peuvent que comprendre alors que leur nouvelle plainte sera traitée par l’Administrateur de manière à respecter le rapport de l’ingénieur Hosseini ;

 

[29]    Lorsqu’il constate que les travaux ne sont pas débutés au 31 mai 2011 et que monsieur Berthiaume n’a pas fait de suivi auprès de l’Entrepreneur ou n’a pas suivi le déroulement de la situation, il m’apparaît légitime que la confiance des Bénéficiaires dans le processus s’effrite;

[30]    L’intervention de Me Claude Coursol m’apparaît empreinte de bon sens. L’historique des relations entre les parties et les gestes de l’Entrepreneur commandent de vérifier les travaux qu’il s’apprête à faire;

[31]    La mésentente sur les travaux à faire est exprimée à l’avocat de l’Administrateur qui ne soulève aucun commentaire sur l’interdiction d’accès aux lieux. Connaissant ce différend probable sur les travaux correctifs, je m’explique mal que l’Administrateur refuse d’engager des discussions sur ceux-ci par la suite;

[32]    L’Administrateur par son décideur, monsieur Richard Berthiaume, a permis à l’Entrepreneur de corriger ses travaux dans un délai autre que celui inscrit à la décision du 28 novembre 2011. Il a permis de proroger le délai de trente (30) jours inscrit dans la conclusion de sa décision alors que le paragraphe 6 de l’article 18 du règlement ne prévoit pas cette possibilité :

« 18. La procédure suivante s'applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l'article 10:

(1) …

(6)  à défaut par l'entrepreneur de rembourser le bénéficiaire, de parachever ou de corriger les travaux et en l'absence de recours à la médiation ou de contestation en arbitrage de la décision de l'administrateur par l'une des parties, l'administrateur, dans les 15 jours qui suivent l'expiration du délai convenu avec le bénéficiaire en vertu du paragraphe 5, effectue le remboursement ou prend en charge le parachèvement ou les corrections, convient pour ce faire d'un délai avec le bénéficiaire et entreprend, le cas échéant, la préparation d'un devis correctif et d'un appel d'offres, choisit des entrepreneurs et surveille les travaux; »

[33]    Au 31 mai 2012, le délai d’une demande d’arbitrage de la décision rendue est de plus de trente (30) jours de sa réception;

[34]    Au dossier, il y a déjà 2 propositions de travaux correctifs, (pièce A-3, page 7), soit la mise en place d’un système de drainage ou un cuvelage. Selon la description que fait l’Entrepreneur de ses travaux correctifs il ne se conformera pas à l’une ou l’autre de ces propositions;

[35]    L’avocat de l’Administrateur plaide que le délai de présentation de la demande d’arbitrage débute le 12 juin 2012, date de la constatation d’un différend irréconciliable et que le délai de présentation de la demande sous examen du 20 décembre 2012 est tardif. Selon lui, le dossier montre que les Bénéficiaires connaissent le processus de mise en œuvre de la garantie et l’absence de la remise d’un double du contrat de garantie ou d’une inspection avant la réception du bâtiment n’a pas d’incidence. Il reconnaît par ailleurs qu’il n’existe pas au Règlement de dispositions qui permettent à l’Administrateur de proroger un délai de procéder à des travaux correctifs ou de permettre à un Entrepreneur de refaire des travaux correctifs.  Selon le procureur de l’Administrateur, ces circonstances justifient de faire appel à l’équité de l’article 116 du Règlement mais pas au-delà de trente (30) jours de la constatation d’un différend irréconciliable.  La demande d’arbitrage effectuée avant le 12 juillet 2012 aurait alors fait l’objet d’une gestion d’instance dans l’attente du rapport de l’ingénieur Vincent;

ANALYSE

[36]    Les seules autorités soumises à l’appui des prétentions des parties proviennent du procureur des Bénéficiaires. En voici les passages pertinents :

No. : 540-05-007000-023

Date : 9 juillet 2003

Madame Hasmik Takhmizdjian

Et

Monsieur Jack Bardakjian

Requérants

c.

Soreconi (Société pour la résolution des conflits Inc.)

Intimée

Et

Betaplex Inc.

Entrepreneur mis en cause

Et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’A.P.C.H.Q. Inc.

Mise en cause

« […]

[19]  Dans son volume sur l'Interprétation des Lois, Pierre-A Côté dira, au sujet de l'emploi du mot "doit" (ou "shall") que, s'il fait présumer le caractère impératif d'une disposition, il ne crée qu'une présomption relative pouvant être écartée.  Il dira:

"Il ne suffit pas qu'une disposition soit impérative pour que sa violation entraîne une nullité, il faut que son observation soit imposée à peine de nullité, ou, si l'on préfère, qu'elle soit de rigueur.  La présence du mot "doit" ne devrait jamais permettre, à elle seule, de décider si une prescription a été imposée à peine de nullité.  L'article 51 de la Loi d'interprétation québécoise, comme l'article 11 de la loi canadienne, "établit bien la distinction entre ce qui est facultatif et ce qui ne l'est pas, mais n'édicte par la nullité de ce qui n'a pas été fait (selon la loi)." (p. 299)

"À défaut de texte formel, l'intention du législateur de sanctionner ou non de nullité l'inobservation d'une règle de forme devra être déduite d'un ensemble de facteurs.  À ce sujet, il a été dit qu'"aucune règle générale ne peut être formulée et que, dans chaque cas d'espèce, on doit considérer l'objet de la loi." (p. 300)

"Les tribunaux porteront une attention particulière au préjudice causé dans les circonstances par le vice de forme et au préjudice que causerait une déclaration de nullité." (p. 302)

"Le législateur n'étant pas censé vouloir que sa loi produise des résultats injustes, on présumera qu'il n'entend pas assortir une disposition d'une sanction de nullité s'il en résulte un mal social ou individuel trop important compte tenu de l'objet de la disposition." (p. 303)

[20]  Il ne faut jamais oublier en effet que "la procédure ne sert qu'à faire apparaître le droit et non à l'occulter"

[21]  La Cour d'appel dans l'arrêt de Entreprises Canabec inc. c. Raymond Laframboise dira que "la déchéance n'est pas la règle et ne se présume pas.  Hormis les cas où le législateur s'est exprimé de façon claire, précise et non ambiguë, il n'existe aucun délai de déchéance véritable".

[22]  Dans la cause de Marc Deschambault c. Patrick DeBellefeuille,  M. le juge Hébert rappellera que "pour décider s'il existe une raison véritable de proroger le délai, les tribunaux prennent en compte les circonstances générales et lorsque la partie poursuivie pouvait ne subir aucun préjudice réel autre que la perte du droit de se prévaloir de la prescription, la prorogation paraît être dans le meilleur intérêt de la justice". (…)

[23]  Il faut rappeler aussi, dira la Cour d'appel dans l'arrêt de Tribunal des professions c. Verreault "qu'il convient d'avoir à l'esprit la philosophie rémédiatrice du Code de procédure civile auquel fait expressément référence l'article 165 du Code des professions".  Il y a enfin l'article 9 du Code de procédure qui dit qu'un juge "peut, aux conditions qu'il estime justes, proroger tout délai qui n'est pas dit de rigueur". (…)

[24]  M. le juge Charrette dans la cause de Champagne c. Racicot rappellera que si le délai est un délai de procédure, il peut être prorogé.  S'il s'agit d'un délai de déchéance, la prorogation est impossible.  On sait aussi qu'en l'absence d'un texte exprès, l'expiration du délai n'emporte pas déchéance.  Dans son volume sur Les Obligations, le juge Baudouin rappelle que comme elle est exceptionnelle, la déchéance ne se présume pas, mais doit résulter d'un texte exprès.  C'est l'article 2878 du Code civil du Québec qui édicte d'ailleurs que:

"Le tribunal ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.  Toutefois, le tribunal doit déclarer d'office la déchéance du recours lorsque celle-ci est prévue par la loi.  Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d'un texte exprès."

[25]  Le Tribunal estime que l'article 2878 s'applique ici au Règlement en cause.  Le délai de 15 jours n'est pas indiqué nulle part comme étant de déchéance ou de rigueur.  On peut considérer qu'il s'agit d'un délai de procédure pouvant être prorogé.  Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévoit spécifiquement à son article 116 que si l'arbitre doit statuer conformément aux règles de droit "il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient."  Le Tribunal estime que les circonstances du présent cas justifiaient amplement l'arbitre d'agir avec équité et proroger le délai de 15 jours. 

[…]

[29]  Par la suite, il y a erreur ou oubli de l'avocat.  Il n'informera pas ses clients de cette lettre et de la façon dont le processus d'arbitrage doit être fait devant un organisme d'arbitrage, qu'à la fin juin.  Le délai de 15 jours est dépassé.  Cette erreur pouvait-elle faire perdre tous leurs droits aux requérants?  Le Tribunal estime que non.  Il serait aussi contraire à l'intention du législateur de faire perdre des droits à un justiciable pour une question de procédure due à une erreur de son avocat.

[30]  Dans l'arrêt de la Cour suprême, Hamel c. Brunelle(), on a rappelé que "c'est le rejet du formalisme injuste qui a motivé l'intervention de la Cour sur des questions de procédure". (…)

"Quand la décision sur une question de forme a pour conséquence qu'un justiciable perd son droit, elle cesse d'être une question de forme et devient une question de droit."

[…]

[33]  En 1992, la Cour suprême élargira même la notion d'impossibilité d'agir des parties de façon à y inclure l'erreur de l'avocat.  Dans l'arrêt de Communauté Urbaine de Québec c. Services de Santé du Québec la Cour suprême rappelle l'article 2 du Code de procédure qui édicte que les règles de procédure sont destinées à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction.  Tout formalisme indu doit donc être écarté et les droits des parties sauvegardés lorsque l'erreur ou l'omission d'une partie ou de son procureur n'a pas de conséquences irréparables sur l'autre partie au litige.

[34]  Le Tribunal estime que non seulement la question de la qualification du délai de 15 jours du Règlement, mais l'erreur de l'avocat sont des motifs raisonnables pour proroger le délai et permettre aux requérants d'être entendus en arbitrage.

[…] »

 

No Gamm 2007-09-017

 

3 avril 2008

 

Syndicat de la copropriété Jardins de Limoges - 3550407

(ci-après le « bénéficiaire »)

Et

Habitation Classique Inc.

(ci-après l’« entrepreneur »)

Et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

(ci-après l’« administrateur »)

« […]

 

Objectif préliminaire

[16]  Avant l’ouverture de l’enquête, le procureur de l’entrepreneur avait soulevé une objection préliminaire relativement à la soumission tardive de la demande d’arbitrage pour cet élément.

[…]

[36]  Mme Martel affirme qu’elle était en attente d’un complément de réponse et que c’est pour cette raison qu’elle n’a pas contesté plus tôt.

[…]

[53]  Je rappelle que la jurisprudence a majoritairement considéré que le délai indiqué à l’article 19 ou l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie de bâtiments résidentiels neufs n’était pas un délai de rigueur ou de déchéance.

[…]

[55]  Le soussigné n’est point d’avis que le jugement Piché ne s’applique que dans le cas d’erreur d’avocat.

[56]  En effet, les paragraphes suivants de ce jugement sont d’application générale :

[21]  La Cour d’appel dans l’arrêt de Entreprise Canabec inc. c.  Raymond Laframboise dira que « la déchéance n’est pas la règle et ne se présume pas. Hormis les cas où le législateur s’est exprimé de façon claire, précise et non ambiguë, il n’existe aucun délai de déchéance véritable. »

[22]  Dans la cause de Marc Deschambault c. Patrick DeBellefeuille M. le juge Hébert rappellera que « pour décider s’il existe une raison véritable de proroger le délai, les tribunaux prennent en compte les circonstances générales et lorsque la partie poursuivie pouvait ne subir aucun préjudice réel autre que la perte du droit de se prévaloir de la prescription, la prorogation paraît être dans le meilleur intérêt de la justice ». (…)

[23]  Il faut rappeler aussi, dira la Cour d’appel dans l’arrêt de Tribunal des professions c. Verreault « qu’il convient d’avoir à l’esprit la philosophie rémédiatrice du Code de procédure civile auquel fait expressément référence l’article 165 du Code des profession ». Il y a enfin l’article 9 du Code de procédure qui dit qu’un juge « peut, aux conditions qu’il estime justes, proroger tout délai qui n’est pas dit de rigueur ». (…)

[24]  M. le juge Charrette dans la cause de Champagne c. Racicot rappellera qui si le délai est un délai de procédure, il peut être prorogé. S’il s’agit d’un délai de déchéance, la prorogation est impossible. On sait aussi qu’en l’absence d’un texte exprès, l’expiration du délai n’emporte pas déchéance. Dans son volume sur Les obligations, le juge Baudouin rappelle que comme elle est exceptionnelle, la déchéance ne se présume pas, mais doit résulter d’un texte exprès. C’est l’article 2878 du Code civil du Québec qui édicte d’ailleurs que :

« Le tribunal ne peut suppléer d’office le moyen résultant de la prescription. Toutefois, le tribunal doit déclarer d’office la déchéance du recours lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d’un texte exprès. » 

[…] »

 

 

 

 

Gamm : 2011-10-011

APCHQ 11-589MC

 

Date : 24 avril 2012

 

Lucie Morency

Bénéficiaire

c.

9142-6353 Québec Inc.

Entrepreneur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

Administrateur

« […]

[27]  Les explications du retard à produire une demande d’arbitrage dans le délai prescrit revient (sic) à celui qui devait le respecter. Effectivement, le retard constaté doit donner lieu au rejet de la demande d’arbitrage en vertu des principes du respect du cadre contractuel et règlementaire ici en place. Ce délai peut tout de même être prorogé par la preuve de circonstances qui plaçait le retardataire dans l’impossibilité d’agir. Ainsi la faute d’un tiers, de l’une des parties ou d’un cas fortuit me permettrait d’accepter qu’un arbitrage soit formé en ne respectant pas ce délai de trente (30) jours;

[…] »

Dossier no : S12-011601-NP

 

Syndicat des copropriétaires 2863@2867 Pierre-Bernard

Bénéficiaire

c.

Espaces Harmoniks Inc.

L’Entrepreneur

Et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

Administrateur

« […]

[5]  L’Administrateur demande le rejet de la demande d’arbitrage en se basant sur l’article 35 du Règlement, qui prévoit que la demande d’arbitrage doit être soumise dans un délai de 30 jours;

[…]

[11]  Dans l’affaire Takhmizdjian c. SORECONI et al, la Cour supérieure écrivait, quant au délai (alors de 15 jours, maintenant de 30 jours) :

[25]  Le Tribunal estime que l’article 2878 s’applique ici au Règlement en cause. Le délai de 15 jours n’est pas indiqué nulle part comme étant de déchéance ou de rigueur. On peut considérer qu’il s’agit d’un délai de procédure pouvant être prorogé. Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévoit spécifiquement à son article 116 que si l’arbitre doit statuer conformément aux règles de droit « il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient » Le Tribunal estime que les circonstances du présent cas justifiaient amplement l’arbitrage d’agir avec équité et proroger le délai de 15 jours.

[12]  Le Tribunal soussigné considère que les circonstances du présent cas justifie (sic) amplement que le délai de 30 jours soit prorogé au premier jour ouvrable subséquent, soit le 16 janvier 2012.

[13]  Le Tribunal croit la représentation du Bénéficiaire quant elle affirme que la représentante de l’Administrateur lui a indiqué que comme l’Administrateur avait fermé ses bureaux pendant deux semaines, le Bénéficiaire avait un délai supplémentaire de deux semaines pour présenter sa demande d’arbitrage.

[14] Considérant

[14.1]  la présentation de la représentante de l’Administrateur à l’effet que le Bénéficiaire pouvait produire sa demande d’arbitrage deux semaines après le délai de 30 jours, vu la fermeture de deux semaines pour les Fêtes

[14.2] que Pierre-A Côté (cité par l’affaire Tachmizdian ci-haut - paragraphe [19] écrit :

le législateur n’étant pas censé vouloir que sa loi produise des résultats injustes, on présumera qu’il n’entend pas assortir une disposition d’une sanction de nullité s’il en résulte un mal social ou individuel trop important compte tenu de l’objet de la disposition (p. 303)

[14.3]  que le Bénéficiaire n’avait aucune raison de mettre en doute l’affirmation de l’Administrateur que ce dernier acceptait la production de sa demande d’arbitrage dans ce délai supplémentaire, ou de croire que cette affirmation serait suivie d’une requête préliminaire pour rejet vu le délai de 30 jours (le Tribunal ajoute que le procureur de l’Administrateur à l’audience n’était pas le procureur initialement au dossier et ne met pas en doute sa bonne foi dans la production de la présente requête)

[14.4]  que le Tribunal, ayant entendu le témoignage de la représentante du Bénéficiaire, croit en sa bonne foi,

[14.5]  que dans la cause Deschamps c. DeBellefeuille (cité par l’affaire Tachmizdjian ci-haut - paragraphe [22], la Cour écrit :

pour décider s’il existe une raison véritable de proroger le délai, les tribunaux prennent en compte les circonstances générales et lorsque la partie poursuivie pouvait ne subir aucun préjudice réel autre que la perte du droit de se prévaloir de la prescription, la prorogation paraît être dans le meilleur intérêt de la justice.

[14.6]  l’absence de préjudice réel autre que la perte du droit de se prévaloir de la prescription pour l’Administrateur ou l’Entrepreneur suite au fait que le délai soit prorogé au premier jour ouvrable suivant,

[14.7]  que la prorogation paraît être dans le meilleur intérêt de la justice,

à la lumière des faits, pour tous ces motifs, le Tribunal rejette la requête préliminaire en rejet d’arbitrage pour défaut dans le délai de production, proroge le délai de production de demande d’arbitrage et déclare bonne et valable la demande d’arbitrage déposée par le Bénéficiaire auprès du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial le 16 janvier 2012.

[…] »

 

No : 035307-1

 

23 juin 2008

Yves Brouillette et Louise Hébert

Bénéficiaires

Et

Construction Jean-F. Toulouse Inc.

Et

La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

« […]

[26] Cependant le 23 février 2006, par le décret 39-2006, art. 17, le législateur a adopté la mesure suivante :

35.1  Le non-respect d’un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l’entrepreneur ou l’administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 33, 33.1, 34, 66, 69.1, 132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l’annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n’a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou, à moins que le délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d’un an.  

[27]  De plus, l’article 35.1 énumère les articles visés dont un qui concerne plus particulièrement le présent litige, à savoir :

137. L’entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l’administrateur.

[28]  En d’autres mots, le législateur a voulu que le non-respect d’un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit pas opposable au bénéficiaire si, entre autre, l’entrepreneur manque à son obligation de remettre à ce dernier un double document signé du contrat de garantie.

[…]

[30]  Selon le code de procédure civile, les amendements apportés aux lois et règlements, lorsqu’ils concernent des délais de procédure, entrent en vigueur à la date de la proclamation, soit dans ce cas-ci, le 23 février 2006.

[31]  Dans les dispositions transitoires du décret 39-2006, art. 17, il est prévu que les articles s’appliqueront aux contrats à être conclus après le 23 février 2006.

[32]  Or, le contrat de garantie a été signé et copie reçue par les bénéficiaires le 3 mars 2006, soit quelques jours après la proclamation de l’article 35.1.

[33]  L’arbitre soussigné estime que le législateur a voulu que les délais ne soient pas opposables au bénéficiaire tant et aussi longtemps que l’entrepreneur ne lui remette une copie signée du contrat de garantie même s’il s’est écoulé près de 4 ans entre la signature du contrat préliminaire de construction et la signature du contrat de garantie.

[34]  Ce manquement de l’entrepreneur à son obligation de faire signer le contrat de garantie et d’en remettre copie aux bénéficiaires est la cause de l’imbroglio juridique actuel.

[35]  De plus, le législateur attache une très grande importance à cette obligation de l’entrepreneur puisque son non-respect est assorti des sanctions des plus sévères allant de la suspension des délais ( art.35.1) au non paiement des sommes qui lui sont dues par les bénéficiaires ( art. 138).

[36]  Tout au long des deux témoignages, les bénéficiaires ont affirmé qu’ils ne connaissaient pas les conditions de mise en œuvre de la garantie ni la nature des garanties dont ils bénéficiaient.

[…]

 

[41]  Même si toutes les autres conditions ne sont pas réunies, dans le présent litige, un fait indéniable demeure, à savoir que le contrat de garantie conclu entre les bénéficiaires, l’entrepreneur et l’administrateur a été signé le 3 mars 2006, soit après l’entrée en vigueur de l’article 35.1 et que cet article doit trouver application.

[42]  Selon l’arbitre soussigné, le présent litige en est un où doit s’appliquer l’article 116 du règlement.

116.  Un arbitre statue conformément aux règles de droit : il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

[43]  Dans le présent litige, faire en sorte que la réclamation des bénéficiaires est hors délai et donc irrecevable est tout à fait inéquitable puisqu’elle est le résultat direct d’un manquement grave de l’entrepreneur.

[44]  Par ailleurs, le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs a été adopté pour protéger les consommateurs acheteurs de maisons neuves, et il doit être interprété en leur faveur.

[45]  En conclusion, l’arbitre soussigné estime qu’en équité, tous les délais opposables aux bénéficiaires en vertu du plan de garantie ont été suspendus entre la date de signature du contrat préliminaire de construction (8 mars 2002) et la date de la signature du contrat de garantie par les bénéficiaires ( 3 mars 2006) et qu’ainsi aucun délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne sont expirés depuis plus d’un an., y compris celui de la garantie de 3 ans.

[…] »

No. CCAC S10-260701-NP

 

26 novembre 2010

 

Madame Sylvie Simpson

(ci-après « la Bénéficiaire »)

Et

Construction Brumarg Inc.

(ci-après « l’Entrepreneur »)

Et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

(ci-après « l’Administrateur »)

« […]

[49]  L’analyse de la preuve documentaire fait ressortir des manquements de l’Entrepreneur relativement à la procédure de réception des travaux et des délais considérables dans le traitement de la demande d’arbitrage par l’Administrateur contrairement aux prescriptions des articles 33 et 34 du Règlement.

[50]  Dans les circonstances, le Tribunal est d’avis que l’Administrateur ne peut opposer à la Bénéficiaire, le non-respect d’un délai en vertu de l’article 35.1 du Règlement.

[51]  Deuxièmement, l’Administrateur a reconnu que la portée des travaux contenue dans la décision du mois d’août 2009 était ‘’moins précise’’ que la Proposition préparée par Mark Richardson en juin 2010.

[52]  Il y a lieu de se questionner sur la chaîne des évènements qui laisserait croire que l’Administrateur a modifié sa décision du mois d’août 2009 en présentant une proposition plus limitative de l’étendue des travaux.

[53]  L’Entrepreneur a contesté la décision de l’Administrateur au motif qu’il n’existait pas de solutions pour corriger le problème de dénivellation de la structure, à moins de tout démolir et de reconstruire.

[…]

[55]  Depuis la décision rendue en appel par l’Honorable juge Ginette Piché le 9 juillet 2003, de nombreuses décisions arbitrales[1] ont fait jurisprudence en retenant que le délai prescrit aux articles 19 et 35 du Règlement doit être considéré comme un délai de procédure et non pas comme un délai de déchéance ou de rigueur.

[56]  Considérant la réaction démesurée de l’Entrepreneur, appuyé par son ingénieur, le Tribunal est d’avis que la Bénéficiaire, qui n’est pas expert en construction, a eu raison de considérer la Proposition comme étant une nouvelle décision de l’Administrateur et de déposer une demande d’arbitrage à ce moment-là.

[…] 

[90]  Considérant le libellé de la décision, la Bénéficiaire a eu raison de demander l’arbitrage pour faire clarifier et justifier l’étendue des travaux contenue dans la Proposition, de telle sorte que l’arbitre considère qu’elle a eu gain de cause.  […] 

[…] »

 

 

 

No S11-120602 NP

 

22 mars 2012

 

Marie-Ève Lévesque et Alexandre Gagnon

(ci-après « les Bénéficiaires »)

Et

Sebecam Rénovations Inc.

(ci-après « l’Entrepreneur »)

Et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

(ci-après « l’Administrateur »)

« […]

[20] Dans le présent litige, la preuve prépondérante révèle que :

1. l’Entrepreneur n’a pas inscrit l’unité résidentielle des Bénéficiaires auprès du plan de garantie.

2. l’Entrepreneur n’a pas fait signer de contrat de garantie aux Bénéficiaires,

3. l’Entrepreneur n’a pas remis copie du contrat de garantie aux Bénéficiaires,

4. l’Entrepreneur n’a pas fait d’inspection avant réception du bâtiment avec les Bénéficiaires,

5. l’Entrepreneur n’a pas fait signer le formulaire de réception du bâtiment.

[21] Dans un règlement s’apparentant à un règlement sur la protection du consommateur, il est difficile de croire qu’une telle incurie de la part de l’Entrepreneur n’est pas sanctionnée.

[22] L’article 138 précise que le Bénéficiaire n’est tenu à l’exécution de ses obligations envers l’Entrepreneur que s’il obtient une copie du contrat de garantie.

[23] En transposant le texte au présent litige, on peut lire l’article 19.1 de la façon suivante :

« Le non respect d’un délai de recours (pas plus de 6 moins entre la découverte du désordre et la réclamation) ne peut être opposé au Bénéficiaire, si l’Entrepreneur manque à ses obligations prévues aux articles 17 (inspection pré-réception) et suivants. »

[24] Interpréter autrement cet article pourrait conduire à des situations tout à fait inéquitables où l’entrepreneur ne remplit pas ses obligations et que les consommateurs subissent la conséquence de cette incurie.

[25] En effet, il suffirait, comme dans le présent litige, que l’Entrepreneur ne remplisse pas ses obligations relativement au plan de garantie, pour permettre à l’Administrateur d’invoquer l’écoulement des délais pour que la garantie ne s’applique pas.

[26] L’intention du législateur en adoptant le règlement sur le plan de garantie était, entre autre, de protéger les consommateurs contre des entrepreneurs négligents, comme dans le présent litige.

[27] Quant au caractère d’ordre public du règlement, l’entrepreneur ne l’a pas respecté et il faut se poser la question : est-ce que  seul le consommateur doit en subir les conséquences ?

[28] À l’article 116 du règlement, le législateur écrit :

« Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

[29] Par cet article, le législateur a voulu que l’arbitre règle des situations qui ne pouvaient pas être toutes décrites dans un règlement.

[30] L’arbitre soussigné estime que le présent litige correspond à ce qu’à désiré le législateur en permettant au tribunal d’arbitrage de faire appel à l’équité pour résoudre le problème.

[31] En conséquence, l’arbitre soussigné estime que, comte tenu de la situation très particulière, les réclamations des Bénéficiaires sont recevables par l’Administrateur de la Garantie.

 […] »

 

No 505-17-002506-055

26 octobre 2007

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

Demanderesse

c.

Claude Dupuis, ès qualités d’arbitre

Défendeur

Et

Raymond Chabot. a/s monsieur Christian Bourque ès qualités de syndic à la faillite de LES CONSTRUCTIONS TRADITION INC.

Et

Le syndicat de copropriétaires du carré des coqs (6275)

Et

Normand Parsons et Marie-France Michaud

Et¸

Serge Ouellet et Lise Gravel

Et

Lise Morier et Jean-Paul Rodrigue

Et

Jacques Charlier et Denise Dombret

Et

Éric Voss et Claudia Dias

Mis en cause

 

« […]

[45] L’article 116 du règlement précise que l’arbitre doit décider selon les règles de droit et mentionne qu’il peut faire appel aux règles de l’équité si les circonstances le justifient.

[46] C’est le cas, notamment, lorsque l’application littérale des dispositions du règlement ne permettent pas de remédier à une situation donnée ou lorsque les circonstances font en sorte que l’interprétation stricte du règlement est susceptible d’entraîner un déni de justice parce qu’elle ne permet pas d’en appliquer l’esprit et d’assurer la protection des droits des parties.

[…]

[66] La possibilité pour l’arbitre de faire appel aux règles de l’équité constitue en outre une marque de reconnaissance par le législateur qu’il a une certaine marge de manœuvre pour disposer au mieux des différends qui surviennent entre les bénéficiaires de la garantie et l’administrateur du plan lorsque l’application stricte des dispositions du plan ne permettent pas de remédier à une injustice.

[…]

[75] Il est acquis au débat que l’arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu’il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui. Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l’équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu’il peut suppléer au silence du règlement ou l’interpréter de manière favorable à une partie.

[76] L’équité est un concept qui fait référence aux notions d’égalité, de justice et d’impartialité qui sont les fondements de la justice naturelle. Dans certains cas, l’application littérale des règles de droit peut entraîner une injustice. Le recours à l’équité permet, dans certains cas, de remédier à cette situation.

[77] Les propos tenus par la professeure Raymonde Crête dans un article récent  permettent de mieux saisir la nature et les limites du pouvoir de l'arbitre en matière d'équité:

                        

 

                          « PRELIMINARY REMARKS ON THE CONCEPT OF EQUITY

                         […]

11. Equity also manifests itself in substantive law, by the integration of a number of "notions of variable content".20 These include specific rules founded on the interests of justice, which allow the courts to derogate and to add to the legislative and contractual norms. Notably, the Civil Code of Quebec imposes certain requirements of 'good faith', which transcend the respect of strict rights.21 They prohibit the abusive or unreasonable exercise of rights and recognize the auxiliary role of 'equity' in the determination of contractual obligations. They also introduce the rule of contractual justice, which aims at re-establishing an equilibrium between the obligations of the parties. These rules and principles effectively legitimize overriding and auxiliary judicial interventions aimed at finding the fairest solution in the circumstances. As mentioned by Philippe Jestaz, the auxiliary function of equity is possible, "when the legislator refuses to give a precise command and leaves in the hands of the judges the task of preceding individual treatment (within certain legal limits).»

[…]  »

 

CONCLUSION

[37]    À la lecture de ces décisions, j’en conclus que la possibilité de faire appel à l’équité en vertu du Règlement doit être empreinte des principes de l’adoption et de l’esprit de ce texte de loi.  Ce remède donné à l’arbitre est une manifestation d’une permission du législateur à examiner et contrôler la conduite des actes de l’Administrateur qui donnerait l’apparence de protéger une partie au détriment de l’autre;

[38]    Lorsque monsieur Richard Berthiaume, signataire de la décision, constate à l’examen de la vidéo montrant les travaux effectués par l’Entrepreneur que cela n’est pas satisfaisant, ce sont les dispositions du sixième (6ième) paragraphe de l’article 18 qui devraient s’appliquer. L’Administrateur aurait dû alors prendre ses responsabilités et faire les travaux décrits au rapport Hosseini.

[39]    Pourtant, son intervention permet alors de proroger le délai des travaux correctifs. Il donne ainsi une préférence à l’Entrepreneur pour reprendre des travaux qu’il a mal faits et à l’Administrateur de ne pas les exécuter alors que le règlement est à cet effet;

[40]    Je suis aussi fort étonné que l’avocat de l’Administrateur, informé qu’aucun accès aux lieux ne sera permis avant la réception de l’opinion de l’ingénieur Vincent le 12 juin 2012, alors qu’il ne fait aucun commentaire à son confrère, plaide que nous sommes en présence d’une erreur professionnelle. Les circonstances qui ont mené à permettre à l’Entrepreneur de reprendre ces travaux correctifs lui étaient connues à cette date et il savait que la prorogation du délai était une circonstance qui justifiait de faire appel à l’équité.  Devenir strict sur la computation de délai qui, de toute façon, était depuis fort longtemps écoulé en regard de la décision du 28 novembre 2011 m’apparaît coloré de favoritisme;

[41]    Je souligne que cette décision a été reçue par les Bénéficiaires le 7 décembre 2011 et que le délai de mise en œuvre de la garantie ne déborde pas l’année d’échéance prévue à l’article 19.1 in fine;

[42]    Je suis tout aussi étonné de constater qu’en présence des éléments suivants  :

Ø  les parties sont d’accord que des travaux doivent être faits;

Ø  un Entrepreneur qui exprime vouloir les effectuer;

Ø  des experts mandatés de part et d’autre;

une discussion sur l’alternative adéquate n’ait pas été initiée. Le titre d’Inspecteur-conciliateur au service de conciliation de l’Administrateur, de même que l’esprit du Règlement sont des indications d’une recherche de solutions, ce qui n’apparait pas dans ce dossier.

[43]    Dans l’application de ce Règlement lorsqu’il est choisi de déborder du texte des articles de loi, il faut le faire de manière à préserver les apparences d’objectivité, de détachement et de neutralité;

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

DÉCLARE recevable la demande d’arbitrage du 20 décembre 2012 des Bénéficiaires;

Le tout au frais de l’Administrateur en vertu de l’article 123 du Règlement;

 

 

 

 

 

 

 

Me CLAUDE COURSOL

Procureur des bénéficiaires

 

M. MICHEL FOREST

Entrepreneur

 

Me LUC SÉGUIN

Procureur de l’administrateur

 

Date(s) d’audience :

30 avril 2013

 

Date(s) de délibéré :

1er mai 2013

 



[1] Notamment:

        C. Leduc et S. Daigneault c. Les Résidences Pro-Fab Inc. et La Garantie Qualité Habitation inc., sentence rendu par Alcide Fournier, le 19 octobre 2004; Tania Parient-Muller et Nathalie Perreault c. Pronotech construction Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., sentence rendue par Me Suzanne Chartier, le 16 mar2005; Les maisons Zibeline Inc. c. François Gagnon et Me Jeffrey Edwards, sentence rendue par Me Jeffrey Edwards; Patrick Malboeuf et Maude

        Tremblay c. Construction Paveton Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., sentence rendue par Me Marcel Chartier, le 28 décembre 2007; Karl Boivin et Susan Brown c. Les Constructions Xaloma inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., sentence rendue par Me Marcel Chartier, le 3 février 2008.