En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)
ENTRE
Madame Linda Bertone et monsieur Alessandro Scafuro
(ci-après « les Bénéficiaires »)
ET 9116-7056 Québec Inc. (Construction Sebelan)
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier Garantie: 09-070ES
No dossier SORECONI : 090206002
Décision rendue le 29 octobre 2009
Arbitre : Guy Pelletier
Pour les Bénéficiaires : Madame Linda Bertone et monsieur Alessandro Scafuro
Pour l’Entrepreneur : Aucun représentant
Pour l’Administrateur : Me Élie Sawaya, procureur
Monsieur Michel Hamel, inspecteur-conciliateur
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 13 février 2009.
Historique et pièces :
1er juillet 2006 : |
Contrat préliminaire de garantie |
27 octobre 2006 : |
Réception du bâtiment |
4 mars 2008 : |
Lettre de dénonciation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur |
3 avril 2008 : |
Lettre de dénonciation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur |
10 juillet 2008 : |
Réclamation auprès de l’Administrateur |
5 janvier 2009 : |
Décision de l’Administrateur |
6 février 2009: |
Demande d’arbitrage |
Introduction :
[1] Le 1ier juillet 2006, les Bénéficiaires signent le contrat préliminaire et contrat de garantie.
[2] Le 27 octobre 2006, madame Linda Bertone signe, au nom des Bénéficiaires, la Déclaration de réception du bâtiment sur laquelle sont identifiés les éléments pour lesquels il y a parachèvement, correction et réparation à exécuter.
[3] Le 4 mars 2008, monsieur Scafuro adresse une lettre à l’Entrepreneur, lui signalant les déficiences à corriger. Copie de cette lettre est transmise à l’Administrateur qui la reçoit le 28 avril 2008.
[4] Le 3 avril 2008, monsieur Scafuro adresse une deuxième lettre à l’Entrepreneur, en regard des déficiences qu’il désire voir corrigées. Copie de cette lettre est transmise à l’Administrateur qui la reçoit le 25 août 2008.
[5] Le 10 juillet 2008, les Bénéficiaires complètent le formulaire « demande de réclamation » et le transmettent à l’Administrateur.
[6] Le 5 janvier 2009, l’Administrateur rend une décision rejetant 20 des 24 points réclamés par les Bénéficiaires.
[7] Le 6 février 2009, les Bénéficiaires demandent l’arbitrage sur les 13 points suivants :
[7.1] 5. Ajustement de la porte-fenêtre arrière;
[7.2] 6. Boudin d’étanchéité de la fenêtre du puits d’escalier;
[7.3] 7. Fissuration du comptoir de cuisine;
[7.4] 8. Absence d’isolant au-dessus du plafond du garage;
[7.5] 9. Isolation du mur mitoyen;
[7.6] 13. Ajustement de la porte d’entrée avant;
[7.7] 14. Carrelage inégal au plancher de la cuisine;
[7.8] 17. Uréthane apparent au-dessus de la porte de garage;
[7.9] 18. Infiltration d’eau au plafond du salon;
[7.10] 19. Ondulation sur le plancher de bois franc de la chambre des maîtres;
[7.11] 20. Fixation des mains courantes au mur;
[7.12] 21. Fissures aux finis de gypse intérieur et têtes de clous ressorties;
[7.13] 22. Pavé imbriqué à compléter à l’entrée extérieure.
[8] L’Administrateur appuie sa décision de rejeter la réclamation des Bénéficiaires sur différents motifs qui sont principalement les suivants:
points 3 à 13 : |
dénonciation tardive dans un délai supérieur à six mois de la découverte; |
points 14 à 17 : |
dénonciation dans la deuxième année de la garantie de points qui ne rencontrent pas tous les critères du vice caché; |
points 18 à 20 : |
dénonciation tardive dans un délai supérieur à six mois de la découverte; |
point 21 : |
comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements, exclu de la garantie; |
Point 22 : |
ouvrage situé à l’extérieur du bâtiment tels les trottoirs, les allées, exclu de la garantie. |
Objection préliminaire :
[9] L’audition, précédée d’une visite des lieux, se tient le 22 octobre 2009 au domicile des Bénéficiaires.
[10] Les Bénéficiaires sont accompagnés de monsieur Mario Coretti de la firme MC Inspection dont les services ont été retenus pour faire l’inspection de la résidence et rédiger un Rapport d’inspection visuelle sommaire, lequel a été transmis aux parties avant l’audition
[11] En début d’audition Me Élie Sawaya soulève une objection quant à la qualité d’expert de monsieur Coretti.
[12] Me Sawaya soulève le fait que le rapport de monsieur Coretti ne constitue qu’un simple rapport d’inspection et qu’il ne contient aucun renseignement scientifique, aucune opinion ou avis sur les règles de l’art ou normes applicables relativement aux points contestés en arbitrage. L’auteur n’apporte aucune conclusion découlant de ses observations.
[13] Le Tribunal retient l’objection de l’Administrateur à l’effet que monsieur Coretti ne peut témoigner à titre d’expert dans le cadre du mandat qu’il a reçu et du rapport qu’il a produit, ce dernier ne contenant qu’un relevé visuel de certains points portés en arbitrage.
[14] Le témoignage de monsieur Coretti se limite donc aux observations qu’il a faites.
L’audition :
[15] Aucun représentant de l’Entrepreneur n’est présent à l’audition.
[16] Monsieur Scafuro, au nom des Bénéficiaires, présente un par un les 13 points qui ont été portés en arbitrage.
Point 5. Ajustement de la porte-fenêtre arrière :
[17] Monsieur Scafuro fait la démonstration de la déficience de la porte en l’ouvrant légèrement, ce qui permet de constater que la porte n’est pas parallèle au cadre, l’ouverture entre la porte et le cadre étant plus importante au plancher qu’à la tête.
[18] Selon le témoignage de monsieur Scafuro, cette déficience a été notée dès la première année de garantie.
[19] Monsieur Michel Hamel, témoignant au nom de l’Administrateur, explique sa décision de rejeter la réclamation sur ce point parce qu’il s’agit d’une question d’ajustement et que, selon lui, ce problème n’a pas l’importance d’un vice caché.
[20] Monsieur Hamel rappelle que ce point doit être rejeté car la dénonciation a été faite plus d’un an après la réception des travaux, soit en avril 2008 et dans un délai supérieur à six mois de sa découverte.
[21] En argumentation, Me Sawaya souligne que la porte fonctionne bien et rappelle que le fardeau de la preuve appartient aux Bénéficiaires de démontrer qu’une malfaçon affecte la porte.
[22] Me Sawaya renchérit en notant qu’il ne s’agit certainement pas d’un vice caché et, qu’en plus, le délai de dénonciation est déraisonnable.
Point 6. Boudin d’étanchéité de la fenêtre du puits d’escalier :
[23] Monsieur Scafuro montre le boudin d’étanchéité à la tête de la fenêtre de l’escalier qui est sorti de son emplacement et pend à l’extérieur.
[24] De l’avis de monsieur Scafuro, il s’agit d’un défaut de fabrication pour lequel il a contacté le sous-traitant en fenêtres dans la deuxième année de la garantie; ce dernier a refusé d’intervenir et lui a dit de s’adresser directement à l’entrepreneur-général.
[25] Monsieur Hamel reconnaît la situation observée, mais constate qu’il n’y a pas d’infiltration d’eau et invoque les mêmes motifs qu’il a retenus en regard du point précédent pour rejeter la réclamation.
[26] Considérant qu’il n’y pas d’infiltration d’eau, Me Sawaya argumente que la situation n’a pas la gravité d’un vice caché. A cet effet, il cite en jurisprudence la décision rendue par l’arbitre Jeanniot en mars 2006[1] qui statue que le problème de fenêtre dénoncé par les bénéficiaires ne peut être considéré comme un vice au sens de l’article 1726 du Code civil du Québec.
Point 7. Fissuration du comptoir de cuisine;
[27] Monsieur Scafuro localise la fissure dans un coin intérieur du revêtement du comptoir de cuisine. Il précise que cette fissure, observée dans la deuxième année de la garantie, s’agrandit progressivement. Il attribue cette situation à un manque de support sous la partie du comptoir en porte-à-faux.
[28] Comme pour les points précédents, monsieur Hamel souligne que cette fissure n’a pas l’importance d’un vice-caché et a été dénoncée tardivement.
[29] Me Sawaya argumente qu’aucune preuve n’a été faite par les Bénéficiaires pour établir la cause de la fissuration du comptoir. De plus, souligne-t-il, cette situation n’a pas la gravité d’un vice caché et la dénonciation est tardive, ne respectant pas le délai de six mois imposé par la réglementation.
Point 8. Absence d’isolant au-dessus du plafond du garage :
[30] Monsieur Scafuro signale que l’isolant thermique, prévu au plafond du garage, n’avait pas été installé à l’origine tel que prévu aux plans mais que, par la suite l’Entrepreneur a fait souffler de l’isolant dans des trous qui ont été percés dans le plafond.
[31] Monsieur Scafuro soutient que l’isolant n’a pas comblé tous les vides dans le plafond compte tenu de la position des solives. Il témoigne à l’effet que le plancher du salon, situé au-dessus de garage est très froid.
[32] Monsieur Scafuro témoigne à l’effet qu’il ne chauffe pas beaucoup cette pièce et que le thermostat est ajusté de façon à maintenir une température inférieure à 21 degrés dans le garage.
[33] Monsieur Scafuro confirme qu’il connaissait cette situation depuis le début de la garantie.
[34] Dans son témoignage, monsieur Hamel indique que les normes n’exigent pas d’isolation thermique entre deux pièces chauffées; c’est le cas ici, précise-t-il, car le plafond en question, entre le garage et le salon situé au-dessus, sépare deux pièces qui sont chauffées.
[35] À l’appui de son témoignage, monsieur Hamel dépose un extrait du Règlement (commenté) sur l'économie de l'énergie dans les nouveaux bâtiments ainsi qu’un extrait du Code national du bâtiment 1995, article 9.25.2.1 qui stipule :
1) Tous les plafonds et les planchers qui séparent des espaces chauffés d’espaces non chauffés (…) doivent être suffisamment isolés.
[36] Monsieur Hamel conclut que ce point doit être rejeté puisqu’il n’y a pas de malfaçon.
[37] Me Sawaya rappelle le témoignage de monsieur Scafuro qui a fait un choix personnel en réduisant le chauffage dans le garage.
Point 9. Isolation du mur mitoyen :
[38] Monsieur Scafuro dit que le mur mitoyen n’est pas isolé de son coté contrairement à ce qui est prévu aux plans. À l’appui de son témoignage, il présente une copie des plans sur lesquels un détail indique la présence d’isolation de chaque coté du mur à ossature de maçonnerie. Le devis sur ce détail spécifie de la « laine insonorisante ».
[39] Lors des témoignages de monsieur Scafuro et de monsieur Hamel, une certaine confusion est soulevée quant à la nature de la réclamation des Bénéficiaires.
[40] La réclamation des Bénéficiaires, rédigée en anglais, dans leurs lettres des 4 mars et 3 avril 2008 se lit comme suit :
[40.1] Only one side of the partition wall between houses is insulated.
[41] À plusieurs reprises durant son témoignage, monsieur Scafuro a évoqué l’absence d’isolation « thermique » bien que, lors des échanges portant sur la nécessité d’installer l’isolation prévue aux plans, il a mentionné entendre facilement les bruits en provenance de son voisin.
[42] Monsieur Hamel témoigne à l’effet que, selon sa compréhension, les Bénéficiaires ont fait une réclamation relativement à l’absence d’isolation thermique.
[43] Or, celui-ci indique que les murs mitoyens n’ont pas à être isolés contre le froid, sauf dans les premiers 600 mm à la jonction des murs extérieurs…
[44] Dans sa décision, monsieur Hamel rappelle que cette situation n’a pas été démontrée par les Bénéficiaires.
[45] En argumentation Me Sawaya, rappelle que le témoignage de l’expert Hamel est à l’effet que l’isolation thermique du mur mitoyen n’est pas requise par les normes en vigueur et qu’aucune preuve de défaillance n’a été faite par les Bénéficiaires.
Point 13. Ajustement de la porte d’entrée avant :
[46] Monsieur Scafuro indique que la porte d’entrée avant est difficile à fermer et qu’il a constaté cette situation depuis le début.
[47] Monsieur Hamel témoigne à l’effet qu’il ne s’agit pas d’un vice caché et que la réclamation a été rejetée car dénoncée tardivement.
[48] Me Sawaya argumente que cette situation, connue depuis le début, aurait dû être dénoncée dans les six mois suivant la connaissance du problème.
Point 14. Carrelage inégal au plancher de la cuisine :
[49] Lors de son témoignage, monsieur Scafuro fait observer que les tuiles en céramique dans la cuisine sont installées de façon inégale et que certains joints sont fisssurés. Selon lui, cette situation présente un risque de blessures. Il confirme avoir observé cette situation en février 2007 lorsqu’il s’est déplacé pieds nus.
[50] Monsieur Hamel dépose un Guide de performance préparé par l’APCHQ, dans lequel « une dénivellation entre des tuiles de même surface de plus de 1/16’’ est considérée comme excessive… »; or, selon lui, dans le cas observé, la situation est acceptable, de sorte qu’on ne peut parler de vice caché ni de malfaçon.
[51] Me Sawaya argumente que la situation observée respecte les tolérances de l’industrie et qu’on n’est pas en présence d’un vice caché ni d’une malfaçon.
Point 17. Uréthane apparent au-dessus de la porte de garage;
[52] Lors de la visite des lieux, il a été possible d’observer la présence d’uréthane giclé non recouvert au-dessus de la porte de garage.
[53] Monsieur Scafuro prétend que cette situation est non conforme aux normes en vigueur et que l’isolant devrait être recouvert.
[54] Monsieur Hamel témoigne à l’effet que l’observation visuelle ne permet pas d’établir si l’isolant doit être recouvert puisqu’il existe sur le marché certains produits qui ne requièrent pas de protection.
[55] De toute façon précise-t-il, il ne s’agit pas d’un vice caché car la situation est facilement observable.
[56] Me Sawaya, comme pour les autres points, argumente que le délai de dénonciation n’a pas été respecté.
Point 18. Infiltration d’eau au plafond du salon et
Point 19. Ondulation sur le plancher de bois franc de la chambre des maîtres;
[57] Monsieur Scafuro témoigne à l’effet qu’en novembre 2006, des infiltrations d’eau ont endommagé le plancher de bois franc de la chambre ainsi que le plafond du salon situé en-dessous.
[58] Il ajoute que l’Entrepreneur a effectué des corrections mais n’a pas complété la finition du plafond, laissant apparentes les réparations non terminées.
[59] Monsieur Hamel explique sa décision de rejeter la réclamation sur ces points du fait que la dénonciation a été faite tardivement en avril 2008, soit plus de six mois après la manifestation du problème apparu en novembre 2006.
[60] Me Sawaya note qu’il n’y a pas de preuve à l’effet que le problème persiste et que le délai de dénonciation n’a pas été respecté.
Point 20. Fixation des mains courantes au mur :
[61] Monsieur Scafuro explique que la main courante de l’escalier qui mène à l’étage n’était pas solidement fixée au mur, aucun fond de clouage n’étant prévu à cet effet.
[62] Monsieur Scafuro ajoute que l’Entrepreneur est venu réparer la main courante avant le mois d’avril 2007, mais n’a pas complété les travaux de finition.
[63] Monsieur Hamel explique sa décision par le fait que le problème observé n’a pas la gravité d’un vice caché et que la dénonciation a été faite tardivement.
[64] Me Sawaya rappelle que cette malfaçon n’a pas été dénoncée dans le délai prescrit de six mois suivant sa découverte.
Point 21. Fissures aux finis de gypse intérieur et têtes de clous ressorties;
[65] Lors de la visite des lieux, monsieur Scafuro a identifié des fissures dans la finition, particulièrement sur les coins du mur entre la salle à manger et le salon. Il a aussi localisé quelques têtes de vis ressorties dont certaines ont été partiellement réparées.
[66] Pour motiver sa décision, monsieur Hamel réfère à l’article 4.2 du contrat de garantie qui stipule que sont exclues « les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements. »
[67] Me Sawaya argumente que les Bénéficiaires n’ont pas fait la preuve que les fissures étaient causées par un problème autre que le comportement normal des matériaux. Il cite en jurisprudence la décision rendue en octobre 2005 par l’arbitre Fournier[2] qui statue « qu’en l’absence de preuve contraire, les fissures de gypse sont généralement causées par un comportement normal des matériaux… et sont spécifiquement exclues de la garantie par le législateur. »
[68] En regard des têtes de clous, Me Sawaya dépose une décision similaire rendue par l’arbitre Morissette en février 2008.[3]
Point 22. Pavé imbriqué à compléter à l’entrée extérieure.
[69] Monsieur Scafuro dénonce le fait que le revêtement en pavé imbriqué n’a pas été complété conformément aux plans entre le trottoir et l’escalier de l’entrée principale.
[70] Monsieur Hamel explique que ces travaux sont spécifiquement exclus de la garantie tel que spécifié à l’article 4.9 du contrat de garantie qui se lit ainsi :
« Sont exclus de la garantie : …tout ouvrage situé à l’extérieur du bâtiment tels …les trottoirs, les allées… »
[71] Me Sawaya rappelle de façon générale, que la dénonciation des Bénéficiaires est tardive et ne respecte pas le délai prescrit de six mois par le législateur de sorte que la décision de l’Administrateur doit être maintenue. À l’appui de son argumentation Me Sawaya dépose la décision de l’arbitre Ewart rendue le 14 janvier 2009[4] qui se lit comme suit :
« En résumé, la dénonciation prévue à l’article 27 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n’est pas respecté, le droit d’une bénéficiaire à la couverture du plan de garantie visé est au droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés. »
Analyse :
[72] Dans le présent cas, l’arbitre doit déterminer si les points réclamés par les Bénéficiaires ont dénoncés en conformité aux exigences prescrites par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[73] La demande d’arbitrage des Bénéficiaires doit être examinée sous différents angles :
[73.1] Est-ce que les Bénéficiaires ont respecté les exigences du règlement quant aux délais prescrits pour dénoncer les points en litige selon qu’il s’agit de malfaçons ou vices cachés?
[73.2] Est-ce que le manquement par l’Entrepreneur à ses obligations contractuelles de faire tous les travaux prévus aux plans est couvert par la garantie?
[73.3] Est-ce que des exclusions prévues au règlement s’appliquent à certains éléments dénoncés?
[74] Il convient de rappeler le droit applicable en ce qui concerne la couverture de la garantie. L’article 9 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, concernant la couverture de la garantie, avant la réception des travaux, se lit ainsi :
9. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception du bâtiment doit couvrir:
1° dans le cas d'un contrat de vente:
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire;
b) soit le parachèvement des travaux lorsque le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur;
(les soulignements sont de l’arbitre)
[75] Quant à la couverture de la garantie, après la réception des travaux, l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs se lit ainsi:
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
[76] L’article 12 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, concernant les exclusions se lit ainsi :
12. Sont exclus de la garantie:
…
2° les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;
…
9° les espaces de stationnement et les locaux d'entreposage situés à l'extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvragé situé à l'extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain;
[77] En regard des points 5, 6, 7,8, 9 et 13, la décision de l’Administrateur s’appuie sur le motif que la dénonciation a été faite dans la deuxième année de la garantie et qu’il s’est écoulé un délai de plus de six mois entre la découverte des points en question et le moment où ils ont été dénoncés par écrit à l’Administrateur.
[78] Selon la preuve entendue, la réception des travaux a eu lieu le 27 octobre 2006 et la dénonciation des points en question a été faite le 28 avril 2008, soit dix huit (18) mois plus tard.
[79] Les vices cachés découverts dans les 3 ans suivant la réception des travaux sont couverts par la garantie; or aucun de ces points ne rencontre les critères de gravité qui permettraient de les qualifier comme tels.
[80] En effet, selon l’article 10.4o du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, la garantie couvre la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 du Code civil du Québec qui se lit ainsi :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
[81] En conséquence, les points 5 et 13 qui étaient apparents, auraient dû être dénoncés lors de la réception des travaux.
[82] Les points 6 et 7 (boudin d’étanchéité de la fenêtre et fissuration dans le comptoir), qui pourraient être qualifiés de malfaçons non apparentes ont été découverts dans la deuxième année de garantie et, de ce fait, ne sont plus couverts en vertu de l’article 10.3o du règlement..
[83] Quant aux points 8 et 9 relatifs à l’isolation, les Bénéficiaires qui avaient le fardeau de la preuve, n’ont pas démontré qu’il y avait malfaçons ou non conformité aux normes en vigueur.
[84] En ce qui concerne les points 14 et 17, l’Administrateur a rejeté la réclamation des Bénéficiaires au motif qu’ils ont été dénoncés dans la deuxième année et qu’ils ne rencontrent pas les critères de vices cachés.
[85] Le Tribunal est d’avis que ces points ne répondent pas au critère de gravité prévu à l’article 10.4o qui permettrait de les qualifier de vice caché.
[86] De plus, quant au point 14 (carrelage inégal au plancher de la cuisine), les Bénéficiaires reconnaissent qu’ils ont pris connaissance du problème d’inégalité des tuiles durant le premier hiver suivant la réception des travaux, soit au début de l’année 2007.
[87] Ce point aurait donc dû être dénoncé par écrit à l’Administrateur dans les six mois suivant sa découverte. Or la dénonciation de ce problème a été faite tardivement en avril 2008. De plus, selon le témoignage de l’expert de l’Administrateur, la situation observée, rencontre les limites de tolérance reconnue dans l’industrie.
[88] En ce qui concerne le point 17 (uréthane apparent), les Bénéficiaires n’ont pas fait la preuve que cette situation, observée lors de la réception des travaux, était non conforme aux normes.
[89] L’Administrateur a rejeté la réclamation des Bénéficiaires sur les points 18, 19 et 20 au motif qu’il s’est écoulé plus de six mois entre la connaissance du problème et le moment où il a été dénoncé par écrit à l’Administrateur.
[90] Concernant les points 18 et 19, selon la preuve entendue, les infiltrations d’eau se sont produites en novembre 2006. L’Entrepreneur a fait des réparations mais n’a pas terminé la finition. À la connaissance des Bénéficiaires, il n’y a pas eu d’autres infiltrations d’eau depuis cette date.
[91] En regard du point 20, les Bénéficiaires confirment que l’Entrepreneur est venu, avant le mois d’avril 2007, fixer la main courante qui était tombée mais il n’a pas complété les travaux de finition.
[92] Pour ces trois points, la dénonciation a été faite en avril 2008, soit plus d’un an après la survenance des faits.
[93] La jurisprudence est abondante à l’effet que le délai de six mois prévu à l’article 10 du règlement est un délai de déchéance faisant en sorte que le bénéficiaire qui ne respecte pas cette exigence perd son droit à la couverture de la garantie.
[94] En ce qui concerne le point 21, les Bénéficiaires n’ont pas fait la preuve que les fissures observées résultaient d’une malfaçon ou d’un vice caché.
[95] Outre le comportement normal des matériaux, aucune autre cause ne peut expliquer la situation observée, de sorte qu’il y lieu d’exclure ce point de la couverture de la garantie tel que prévu à l’article 12.2o du règlement.
[96] Quant au point 22, relatif aux travaux de pavés imbriqués, le règlement exclut spécifiquement par son article 12.2o, tout ouvrage à l’extérieur du bâtiment, tels les trottoirs et les allées.
[97] Les Bénéficiaires ont argumenté sur le fait que des travaux prévus aux plans n’ont pas été exécutés, particulièrement pour l’isolation du plafond du garage et l’isolation acoustique du mur mitoyen, soit les points 8 et 9. En conséquence, ils réclament le parachèvement des travaux sur ces éléments.
[98] Il y lieu de rappeler les articles 9 et 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, pour disposer de cette question.
[99] L’article 9 traite de la couverture de la garantie en ce qui concerne le parachèvement avant la réception des travaux, ce qui n’est pas le cas dans cette cause.
[100] Par contre l’article 10 traite de la couverture de la garantie après la réception des travaux qui a été établie au 27 octobre 2006 dans le présent dossier.
[101] Or, pour que le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment puisse faire l’objet de la couverture de la garantie, le manquement de l’entrepreneur à ses obligations contractuelles devait être dénoncé, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception, à moins que ce soit des réparations rendues nécessaires par l’existence de malfaçons ou de vices cachés (articles 10.2o, 10.3 o, 10.4 o ).
[102] La dénonciation des points 8 et 9 a été faite en 2008 et les Bénéficiaires n’ont pas fait la preuve qu’il s’agissait de malfaçons ou de vices cachés de sorte que l’article 10 du règlement ne trouve pas application.
[103] L’arbitre est sensible aux arguments des Bénéficiaires à l’effet que le comportement de l’Entrepreneur ait pu leur faire croire en un règlement éventuel des déficiences qu’ils lui avaient signalées.
[104] Cependant le Tribunal en vient malheureusement à la conclusion que les Bénéficiaires ont manqué de prudence et de diligence en ne respectant les exigences que leur impose le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de dénoncer dans le délai prescrit les problèmes qu’ils ont observés. De plus, ils n’ont pu démontrer l’existence de vices cachés alors qu’ils avaient le fardeau d’en faire la preuve.
DÉCISION :
L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»
[105] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie. La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[106] Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à l’audition, des témoignages entendus et du droit applicable, je suis d’avis que la réclamation des Bénéficiaires sur tous les points contestés, ne rencontre pas les exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[107] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et vu que les Bénéficiaires a obtenu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;
123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation.
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires
[108] MAINTIENT la décision de l’Administrateur sur tous les points contestés.
[109] CONDAMNE le Bénéficiaire à payer 98.00$ à titre de frais d’arbitrage;
[110] CONDAMNE l’Administrateur à payer la balance des frais d’arbitrage;
[111] RÉSERVE les recours des Bénéficiaires devant un Tribunal civil, s'il y a lieu.
Guy Pelletier
Architecte et arbitre
Laval, ce 29 octobre 2009
[1] Mathieu Vézina et Patrick Demers c. La Garantie qualité habitation et Constructions JPH Inc. , Me Michel A. Jeanniot, 7 avril 2006.
[2] Syndicat de copropriété du 900 Laval c. Les Maisons Zibeline Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Alcide Fournier, 29 octobre 2005.
[3] Antoinette Barile c. St-Luc Dc II Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Jean Morissette , 28 février 2008.
[4] Sylvain Pomone et Syndicat de la copropriété , rue de Lautrec c. Habitations Signature Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Me Jean Philippe Ewart, 14 janvier 2009.