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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

GAMM   :    2008-09-002

                         APCHQ :    074352-1 (08-047 FL)

 

 

ENTRE :

 LE SYNDICAT DE COPROPRÉTÉ LES JARDINS ST-HIPPOLYTE

                                                                                               (ci-après le « bénéficiaire »)

 

ET :

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ

                                                                                                            (ci-après l’« administrateur »)

 

ET :

9129-2516 QUÉBEC INC.

LES JARDINS SAINT-HIPPOLYTE

                                                                                                 (ci-après l’« entrepreneur »)

 

 

DEVANT L’ARBITRE :

 Me Johanne Despatis

 

 

Pour les bénéficiares :                                                  

M. Marc Morin assisté de :

Mme Christiane Maheu

M. Roger Côté

Pour l’administrateur :                                                    

Me François Laplante assisté de :

M. Jean-Guy Gaudreau

Pour l’entrepreneur :                                                     

M. Ernest Marcil

Date d’audience :

29 mai 2008

Début du délibéré :

27 octobre 2008

Date de la sentence :                                                     

20 novembre 2008

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Adjudex inc.

0802-8295-GAMM

SA-8051

INTRODUCTION

[1]               Dans une demande d’arbitrage présentée le 30 janvier 2008, le Syndicat de copropriété Les Jardins St-Hippolyte (Phase I), le bénéficiaire, conteste en vertu de l’article 35 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le Règlement, certains éléments d’un rapport daté du 3 décembre 2007 rendu par la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ inc., l’administrateur. Cette décision faisait suite à une inspection de son immeuble construit à Salaberry-de-Valleyfield par Les Jardins Saint-Hippolyte, l’entrepreneur, conséquemment à des réclamations datées des
20 juin et 18 septembre 2007.

[2]               Un élément crucial de la décision de l’administrateur est la date à laquelle le bénéficiaire aurait pris réception au sens du Règlement des parties communes de sa copropriété.

[3]               Une conférence téléphonique réunissant le bénéficiaire et l’administrateur, ainsi que l’arbitre, s’est tenue le 25 mars 2008. Bien que dûment convoqué, l’entrepreneur n’y participe pas. Cette conversation confirme l’incidence importante de la question de la réception dont il est alors convenu que je traiterai en premier.

[4]               Une audience est tenue à ce sujet le 29 mai 2008. Au terme de celle-ci, on me demande d’ajourner mon délibéré afin de permettre aux parties, qui ne l’avaient pas vraiment fait avant, de tenir des pourparlers dans l’espoir d’une solution possible.

[5]               Le bénéficiaire et l’administrateur me font toutefois savoir en septembre dernier qu’aucune entente n’est intervenue et qu’il y a lieu pour moi de reprendre mon délibéré. Le bénéficiaire me demande à la même occasion de rouvrir l’enquête afin de lui permettre de produire de nouveaux documents, demande à laquelle l’administrateur souscrit le 27 octobre dernier.

 

PREUVE

 

[6]               La preuve pertinente à la question de la réception n’est pas vraiment en litige.

[7]               Le rapport rendu par l’administrateur le 3 décembre 2007 porte sur les parties communes d’un immeuble construit par l’entrepreneur. Cet immeuble, la première phase d’un projet en comportant deux, abrite 15 unités. Adjacente à la première, la phase II, construite après, en comporte neuf. La question à résoudre est celle de la réception des parties communes connues comme la phase I du projet puisque les deux phases se sont traduites par deux copropriétés distinctes.

[8]               La déclaration de la copropriété identifiée à la phase I est signée par l’entrepreneur le 2 novembre 2004. Celui-ci crée ensuite le 10 janvier 2005 le Syndicat de copropriété de la phase I. Selon le registre CIDREQ, l’entrepreneur en est alors le seul administrateur.

[9]               Selon la preuve, la majorité des copropriétaires de cette copropriété prendront possession de leur unité au cours de l’année 2005. Dès mai 2005, 10 de ses 15 unités sont déjà occupées.

[10]           Deux de ces copropriétaires, monsieur Marc Morin et madame Christiane Maheu, ont témoigné. Ils reprennent pour l’essentiel ce qu’ils écrivaient dans le document suivant produit à l’audience :

La majorité des copropriétaires ont aménagé au cours de l’année 2005 (12 condos sur 15). À cette époque, il restait des travaux à faire au niveau des parties communes : Crépi murs extérieurs, céramiques et peinture des galeries extérieures. Le syndicat était sous le contrôle de l’entrepreneur, mais chaque copropriétaire individuellement s’informait régulièrement auprès de l’entrepreneur soit M. Gérald Pigeon sur l’avancement des travaux et ces derniers se faisaient répondre que les travaux se compléteraient en même temps que ceux de la phase 2. Il faut dire qu’à l’été 2005, l’entrepreneur a entrepris la construction de neuf condos supplémentaires dont la déclaration de copropriété prend le nom suivant, à savoir Syndicat de la copropriété les Jardins St-Hippolyte, phase 2. » […]

Le 25 avril 2006, l’entrepreneur (M. Gérald Pigeon) convoque les copropriétaires (phase 1 et 2) à une première réunion. Au cours de cette réunion :

 M. Pigeon nous mentionne qu’il a vendu ses parts de la compagnie 9129-2516 Québec inc. à M. Ernest Marcil.

Lors de cette réunion le promoteur a fait passer une résolution pour que les deux phases forment un seul conseil d’administration et ce même si les travaux de la phase 2 soit quatre condos sur neuf n’étaient pas terminés. Le notaire Malouin nous avait dit que la réunion des deux phases était acceptable légalement même si ce n’était pas notarié. Cette décision de réunir les deux phases a eu pour conséquence que le nouveau conseil a focusé sur l’avancement des travaux de la phase 2 afin d’obtenir la fin des travaux des parties communes des deux phases.

Un conseil d’administration a été formé et est composé de copropriétaires des phases 1 et 2. […] L’entrepreneur n’a jamais transmis ou modifier auprès du registre des entreprises que le syndicat n’est plus sous son contrôle. Le conseil d’administration  a été mis au courant seulement en septembre 2007 par un responsable de la Caisse Populaire lorsqu’il a voulu faire modifier les signatures pour les chèques de l’existence et l’avis de défaut au registre des entreprises. La correction a été apportée en mars 2008.

 Aucun document soit les plans, devis et tous les contrats n’a été remis. 

Réunion des copropriétaires phase 1 et 2 du 27 juin 2006 point 3 : comme les travaux des parties communes de la phase 2 avance rapidement, on demande aux copropriétaires de dresser une liste des travaux à faire aux parties communes.

Réunion des copropriétaires phase 1 et 2 du 10 octobre 2006 point 2b : il est proposé d’engager un inspecteur afin d’appuyer nos dires lorsque l’on va rencontrer l’entrepreneur. Le choix s’est porté sur
M. Roger Lafleur inspecteur en bâtiment et évaluateur immobilier. Ce dernier a remis un premier rapport en décembre 2006, à la demande du conseil ce dernier a modifié son rapport afin que ce dernier soit plus étoffé. [Le rapport final a été remis en février 2007 et présenté aux copropriétaires le 27 du même mois]

En mai 2007, le conseil a rencontré l’entrepreneur. Ce dernier a passé en revue nos demandes et dès la semaine suivante a commencé les travaux mais sans les terminer. Ce dernier a quitté en septembre 2007.

Parallèlement à la fin des travaux de l’entrepreneur, des copropriétaires se sont inquiétés d’humidité au niveau de l’entrée du 22 au cours de l’été 2007. Mme Christiane Maheu et M. Roger Côté ont pris le dossier en main et on fait une demande pour nettoyer le vide sanitaire de la phase 1. Grâce à leur démarche, le conseil a appris que le formulaire 5B a été rempli et signé par qui nous ne le savons pas, en conséquence, suivant ce document, la fin des travaux et la réception ont été établies au 10 juillet 2005. De plus, le conseil s’aperçoit que l’APCHQ traite les phases 1 et 2 comme deux entités différentes. Même après plusieurs démarches écrites on ignore toujours le signataire du formulaire 5B jusqu’en septembre 2007 lors d’une conversation téléphonique avec l’APCHQ on nous dit que la date du 10  juillet 2005 a été une décision du contentieux soit une décision administrative de l’APCHQ.

[11]           Ces deux témoins affirment avoir pris la parole de l’entrepreneur lorsqu’il leur disait que les phases I et II étaient liées. De même, lorsqu’il affirmait qu’il fallait terminer la seconde phase avant qu’un avis de fin des travaux ne soit transmis couvrant l’ensemble et que l’on puisse procéder à la réception des parties communes.

[12]           Comme question de fait, aucun avis de fin des travaux n’a jamais été transmis à quiconque par l’entrepreneur.

[13]           Ce n’est, selon leur témoignage non contredit, qu’au moment où l’administrateur est saisi de leur réclamation qu’ils apprennent que les deux phases sont juridiquement distinctes et considérées telles par l’administrateur, un fait désormais reconnu.

[14]           Il existe en effet un syndicat distinct pour la phase II. Selon le registre CIDREQ, celui-ci a été constitué le 1er mars 2005 et immatriculé le 18 juin 2008. Selon la preuve, ce syndicat a aussi saisi l’administrateur d’une réclamation, en septembre 2007. Dans sa décision rendue en mai 2008 au sujet de cette réclamation émanant de la phase II, l’administrateur situe la date de réception des parties communes de cette phase au
4 novembre 2006.

[15]           Monsieur Jean-Guy Gaudreau, conciliateur au service de l’administrateur, a été chargé d’examiner la réclamation du bénéficiaire. Il explique à l’audience les raisons pour lesquelles l’administrateur en est venu à conclure qu’il y avait eu réception des parties communes de la phase I le 10 juillet 2005.

[16]           Il affirme qu’au moment de se pencher sur la réclamation, il a constaté que les parties n’avaient jamais signé le formulaire prévu relatif à la réception de l’immeuble.

[17]           Monsieur Gaudreau ajoute qu’étant donné l’importance de cette question dans le traitement de toute réclamation présentée à l’administrateur, celui-ci en est venu à se donner une politique administrative sur la question de la réception dans les cas où il y a absence de réception formelle d’un immeuble en copropriété assujetti au Règlement. Selon cette politique, dans ces cas, la date de réception des parties communes est en pratique réputée se situer dans les six mois après la date de constitution du Syndicat de la copropriété en question. En l’espèce, ce syndicat ayant été constitué selon le registre CIDREQ le 10 janvier 2005, monsieur Gaudreau explique avoir situé sa réception des parties communes le 10 juillet 2005, soit six mois plus tard.

[18]           L’objet concret, poursuit monsieur Gaudreau, est d’éviter que des garanties ne se prolongent indéfiniment ou ne revivent. En somme, explique-t-il, on risquerait de se retrouver en situation où l’administrateur se verrait contraint de cautionner des obligations beaucoup plus longtemps que prévues par le législateur.

[19]           En substance, selon l’administrateur, logiquement la réception des parties communes d’un immeuble a lieu en même temps ou à un moment suffisamment rapproché de la fin des travaux de construction. C’est plus ou moins avec ce postulat en tête que l’administrateur fixe des primes qu’il perçoit précisément dans le but d’offrir et de respecter les garanties prescrites par le Règlement et c’est sur cette prémisse que ses calculs actuariels et prévisions budgétaires sont faits.

[20]           Interrogé sur son origine, l’administrateur explique que la politique qu’il s’est donnée s’inspirait de la sentence Syndicat de copropriété MRLH et Constructions G. Melatti inc., Soreconi, 05071S001, rendue le 7 juin 2006 par l’arbitre Jeffrey Edwards. Celui-ci y affirme que la réception des parties communes pouvait se faire autrement que de manière formelle, par simple écoulement du temps depuis la constitution en syndicat de copropriété. Il énonçait alors que la réception intervenait dans les six mois de la constitution d’un  syndicat. L’arbitre Edwards écrivait dans cette sentence :

Le Tribunal d’arbitrage estime que dans les six (6) mois entourant sa formation, (…), le Bénéficiaire et ses membres auraient dû être suffisamment informés de leurs droits pour remarquer qu’ils n’avaient pas d’attestation de réception des parties communes et qu’ils devaient alors procéder à la réception des parties communes.

 

ANALYSE ET DÉCISION

[21]           La réception des parties communes d’une copropriété est une étape cruciale pour déterminer l’étendue de certaines garanties énoncées au Règlement puisque certaines couvertures sont assujetties à des délais extinctifs qui courent à compter de la réception des parties communes. Je pense ici aux délais applicables à la garantie contre les malfaçons et contre les vices cachés.

[22]           L’article 33 du Règlement prévoit que [l]es parties communes visées par la garantie doivent être inspectées avant leur réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur, le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires et ce dernier à partir d'une liste préétablie d'éléments à vérifier fournie par l'administrateur.

[23]           Ainsi, le Règlement entoure cette question de la réception d’un indéniable formalisme exigeant que soit associé à l’exercice un professionnel du bâtiment désigné par le syndicat et qui comporte une inspection conjointe en règle des parties communes. Bref, il ne s’agit pas d’une simple formalité.

[24]           L’article 25 du Règlement stipule :

25. Pour l'application de la présente sous-section, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

«Réception des parties communes»: l'acte dont copie a été transmise à chaque bénéficiaire connu, au syndicat et à l'entrepreneur, par lequel un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires déclare la date de la fin des travaux des parties communes [...]. Cette déclaration s'effectue à la suite de la réception d'un avis de fin des travaux expédié par l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires.

 

[25]           Ainsi, selon cette disposition, la réception des parties communes est l’aboutissement d’un processus par lequel le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat, donc l’acheteur, reconnait qu’on a complété les travaux relatifs aux parties communes à une date donnée. L’article 25 veut que cette reconnaissance soit mise en mouvement par la transmission à chaque copropriétaire connu d’un avis formel de l’entrepreneur le notifiant qu’il estime avoir complété les travaux.

[26]           Jusqu’en février 2006, le Règlement ne prévoit pas d’autre façon que celle-là pour qu’il y ait réception des parties communes d’une copropriété. Donc au moment où le Syndicat est formé en 2005, il n’y en a pas d’autre.

[27]           L’administrateur a fait état des conséquences pour lui de l’absence de réception d’un immeuble dans les cas de copropriétés lorsque les conditions en vue de sa mise en œuvre attendue ne sont pas réunies. Cette difficulté a amené l’administrateur à se donner un politique administrative inspirée de ce que disait l’arbitre Edwards dans Syndicat de copropriété MRLH et Constructions G. Melatti inc. en juin 2006. Ce dernier, invoquant une sentence rendue par l’arbitre Alcide Fournier en octobre 2005, estimait que la diligence ou l’absence de diligence d’un bénéficiaire étaient un facteur déterminant et qu’au nom de l’équité que lui reconnait le Règlement, l’arbitre était autorisé pour éventuellement déclarer, de manière empirique et donc en dehors du formalisme de l’article 25 d’alors, qu’il y avait eu réception et à en tirer les conséquences. Il écrivait alors :

A tout événement, en l’espèce et selon les circonstances particulières établies, le Tribunal d’arbitrage est habilité par le Règlement à faire appel à l’équité afin de prévenir une injustice ou un avantage indu.

Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que pour éviter une situation inéquitable à l’égard de l’Administrateur et de l’Entrepreneur, il est en l’espèce justifié de faire appel à l’article 116 et de juger en équité pour toutes les parties.

Il appert de la preuve soumise que, bien que le Bénéficiaire ait été créé le 15 avril 2003, il n’a appris l’existence de l’Étape 5B qu’au mois de mai 2004. Madame Denise Crête, membre du conseil d’administration du Bénéficiaire, se serait rendue chez l’Entrepreneur afin de récupérer ce formulaire.

L’Administrateur soulève avec justesse qu’il est questionnable que le Bénéficiaire ait attendu jusqu’en mars 2005 avant de demander l’intervention de l’Administrateur concernant la validité du formulaire de l’Étape 5B. Le Bénéficiaire mentionne à cet égard qu’il était un profane en la matière et qu’il a mis du temps à comprendre les implications du formulaire reçu. De plus, selon son témoignage devant le Tribunal d’arbitrage, le Bénéficiaire, pour plus de commodité, aurait délibérément choisi de ne déposer une demande relativement à l’Étape 5B que lorsqu’il décida de déposer une demande à l’Administrateur relativement à certains travaux qui tardaient à être effectués.

Bien que le Tribunal d’arbitrage sympathise avec la situation des copropriétaires et qu’il soit sensible au fait qu’aucun d’entres eux ne possédait d’expérience dans la gestion et l’administration d’un syndicat de copropriété et des règles parfois complexes du Règlement, il est d’avis que le Bénéficiaire aurait dû agir plus tôt. Le Tribunal d’arbitrage estime que dans les six (6) mois entourant sa formation, soit au plus tard le 15 novembre 2003, le Bénéficiaire et ses membres auraient dû être suffisamment informés de leurs droits pour remarquer qu’ils n’avaient pas d’attestation de réception des parties communes et qu’ils devaient alors procéder à la réception des parties communes.

 

En l’espèce, le fait que le Bénéficiaire n’a pas, depuis le 15 novembre 2003 et jusqu’au 1er mai 2006, procédé à la réception des parties communes de l’immeuble avec un professionnel de la construction de leur choix ne saurait pénaliser l’Entrepreneur et l’Administrateur en prolongeant indûment les garanties prévues au Règlement.

Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que la date de la réception des parties communes doit être celle de la date à laquelle le Bénéficiaire aurait dû, selon le Tribunal d’arbitrage, être en mesure de procéder à la réception des parties communes. Cette date, telle que mentionnée précédemment, s’avère être celle du 15 novembre 2003.

[Caractère gras ajoutés] 

 

[28]           Malgré ou en dépit de cette jurisprudence, le Règlement est amendé en février 2006 alors qu’y est ajouté l’article 25.1 qui reconnait la notion de réception présumée et en énonce les conditions de réalisation. Il se lit ainsi :

25.1. Aux fins de la présente sous-section, la réception est présumée avoir eu lieu au plus tard 6 mois après la réception de l'avis de fin de travaux si les conditions suivantes sont remplies :

1° les travaux sont terminés ;

2° le syndicat est formé et n'est plus sous le contrôle de l'entrepreneur ;

3° l'avis de fin de travaux transmis au syndicat par l'entrepreneur l'informait de la fin des travaux et de ses obligations en regard de la réception ;

4° il s'est écoulé un délai de 6 mois depuis la réception de cet avis par le syndicat et ce dernier, sans motif, n'a pas reçu les parties communes.

 

[29]           Cette disposition crée une présomption selon laquelle malgré l’absence de réception formelle, il peut néanmoins y avoir constat de réception. Cette présomption assujettit pareil constat à des conditions strictes. Son texte ne laisse d’ailleurs aucun doute sur le fait que si l’une de ces conditions n’est pas remplie, il ne saurait y avoir présomption de réception des parties communes.

[30]           L’amendement au Règlement comporte en outre une disposition transitoire selon laquelle le nouvel article 25.1 s’applique à tout contrat de garantie en cours au 26 février 2006 dont la réception serait présumée, le cas échéant, avoir eu lieu le 26 août 2006 si les conditions d’application de la nouvelle règle étaient réunies.

[31]           Selon ma compréhension, la réclamation du bénéficiaire dont il s’agit ici remonte à 2007. Toutefois, l’administrateur a jugé qu’étant relative à un immeuble construit avant les amendements apportés au Règlement en février 2006, l’article 25.1 du Règlement ne s’y appliquait pas mais qu’en revanche la politique administrative décrite par monsieur Gaudreau s’y appliquait. Or, puisque le Syndicat datait du 10 janvier 2005, la réception avait eu lieu six mois plus tard, soit le 10 juillet 2005.

[32]           Autrement dit, l’administrateur qui n’a pas appliqué le nouvel article 25.1 soutient qu’il était néanmoins fondé au moment de rendre sa décision en décembre 2007 de se référer à sa politique administrative évoquée plus haut, inspirée du jugement Edwards de juin 2006.

[33]           En l’espèce, il est déjà admis qu’il n’y a pas eu réception formelle des parties communes au sens de l’article 25 et également que même si on appliquait le nouvel article 25.1 à l’espèce, il n’y en aurait pas eu de présumée non plus.

[34]           Pourquoi? Parce que les copropriétaires n’ont jamais reçu l’avis de fin des travaux que doit expédier l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu ainsi qu’au syndicat, et ce aussi bien selon l’article 25 que l’article 25.1. En outre, dans ce dernier cas, les autres conditions de réalisation de la présomption n’étaient pas non plus remplies à la date d’entrée en vigueur de cette disposition en février 2006.

[35]            En somme, nous sommes en présence d’une situation où il n’y a eu ni réception réelle ni réception présumée des parties communes au sens des articles 25 et 25.1 du Règlement.

[36]           En l’espèce, on n’a pas remis en question la validité de la politique empirique que s’était donnée l’administrateur. Même en tenant cette règle pour valide, ce que je n’ai pas à décider ici, il s’avère qu’au moment de la constitution formelle du Syndicat en janvier 2005, l’entrepreneur en était le seul administrateur et, selon la preuve non contredite, il n’en a cédé le contrôle aux copropriétaires qu’en avril 2006. L’entrepreneur, présent à l’audience, n’a pas expliqué ce long délai ni présenté de preuve permettant de croire que le bénéficiaire aurait manqué de diligence ou été négligent à l’égard de la réception des parties communes.

[37]           Au contraire, la preuve est plutôt à l’effet que cette absence de réception est imputable au défaut de l’entrepreneur de transmettre l’avis approprié. On ne peut pas reprocher au bénéficiaire de ne pas avoir agi avec diligence alors qu’au moment où l’administrateur situe pourtant la réception des parties communes, il était toujours sous le contrôle de l’entrepreneur.

[38]           Dans de telles circonstances et sans égard à la question de sa validité, la politique inspirée de la sentence Edwards ne saurait s’appliquer en l’absence de tout manque de diligence du bénéficiaire qui, au surplus, n’avait même pas encore le contrôle du Syndicat au moment où l’administrateur le présume avoir pris réception. À elles seules, ces circonstances distinguent clairement celle-ci du type de situation envisagée dans l’affaire Edwards.

[39]           Je crois utile d’ajouter qu’on peut douter que cette politique de l’administrateur ait été valide au moment où on l’applique à l’espèce en décembre 2007. À cette date, l’article 25.1 du Règlement est en vigueur et son application, comme son interprétation, doivent en tenir compte.

[40]           Avec égards, on peut se demander comment légalement l’arbitre, et avant lui l’administrateur, pourraient encore estimer que des circonstances autres que celles prévues au Règlement puissent valablement être qualifiées de réception au sens du Règlement.

[41]           Le législateur, réputé connaitre l’état du droit, y compris de la jurisprudence, choisit en février 2006 la voie de l’amendement au Règlement pour consacrer la possibilité que la réception d’une copropriété puisse se faire selon un mode autre que celui, unique, connu jusqu’alors et qui est formaliste. Le législateur veut ouvrir la porte à une réception concrète, empirique, à défaut d’avoir été formaliste.

[42]           Choisit-il pour ce faire d’élargir explicitement l’autorité de l’arbitre déjà investi d’une certaine discrétion d’agir en équité? Non. Il opte plutôt pour une présomption qu’il assujettit à des conditions strictes investissant du coup l’arbitre de l’autorité d’assurer que des conditions prédéterminées soient réunies, mais pas, soit dit avec égards, de celle de pouvoir déborder de ces conditions pour en adopter des différentes au nom de son autorité d’agir en équité.

[43]           Il ne faut pas oublier que le Règlement a pour objet d’offrir une garantie mise au point par l’industrie afin de protéger l’acheteur d’un immeuble neuf. À la manière d’une assurance, le Règlement comporte à la fois des obligations pour le bénéficiaire et des obligations pour l’entrepreneur qui y souscrit. Ainsi, si un bénéficiaire ne remplit pas ses engagements, il s’expose aux conséquences stipulées et réciproquement pour l’entrepreneur.

[44]           S’agissant de la question de la réception, lorsque l’entrepreneur ne remplit pas ses engagements en l’occurrence celui de notifier l’acquéreur de la fin des travaux, ce n’est pas au bénéficiaire, selon la volonté exprimée par le législateur en adoptant l’article 25.1, d’en payer la note. À cet égard, je souscris aux propos de l’arbitre Robert Masson dans  Syndicat de la copropriété du 8673, 8675 et 8677 Centrale et Constructions Melval inc.,  Organismes d'arbitrage, SOQUIJ AZ-50507627 , lorsqu’il commente les responsabilités de chacun :

[45] On le voit, pour le cas en l'instance, la réception des parties communes ne peut non plus être présumée car toutes les conditions imposées à cet égard par l'article 25.1 ne sont pas réalisées.

 [46]  En l'espèce, les travaux sont terminés bien que ce ne soit pas ce que laisse entendre le syndicat.  Le représentant du bénéficiaire indique que les travaux ne sont pas terminés car il faut, à tout le moins, refaire la toiture qui selon les allégations du bénéficiaire souffre de malfaçons importantes ou de vices de construction.  Mais ce qu'il faut retenir, c'est que les travaux sont terminés.  Ils sont peut-être mal faits mais ils sont faits.  Également, le syndicat est formé et n'est plus sous le contrôle de l'entrepreneur depuis le 19 mai 2005.  Mais le paragraphe 3° de l'article 25.1 n'est pas réalisé, ce qui empêche toute présomption quant à la réception des travaux.  Car il ne s'agit pas ici de la négligence du syndicat à recevoir les parties communes mais plutôt d'un défaut de l'entrepreneur qui empêche la réception, réelle ou présumée, de l'ouvrage.

 […]

[50] Or l'article 25.1 du Règlement explique que l'avis de fin des travaux que transmet l'entrepreneur informe aussi de la fin de ses obligations en regard de la réception.  En ne s'acquittant pas de son obligation de transmettre l'avis de fin des travaux, l'entrepreneur n'a pas été libéré de ses obligations à l'égard de la réception, notamment celle de fixer le point de départ de la computation de tous les délais relatifs à la garantie offerte, tel que le stipule l'article 27 du Règlement.

 [51] En conséquence de ce qui précède, si la date de réception du bâtiment était fixée en juin ou en décembre 2004, le bénéficiaire serait lésé dans ses droits.  Or l'article 140 du Règlement empêche le bénéficiaire de "renoncer aux droits que lui confère le présent règlement"; encore moins qu'on lui en fasse perdre.

 [52] L'administrateur de la garantie, caution de l'entrepreneur, était donc bien fondé d'agir en lieu et place de l'entrepreneur pour préserver ses droits et mettre un terme au flottement qui existait suite au défaut de ce dernier de transmettre l'avis de fin des travaux ; et de demander au bénéficiaire de mandater un professionnel pour inspecter les parties communes du bâtiment pour que son rapport d'inspection serve d'acte de réception du bâtiment et fixe ainsi la date de réception de l'ouvrage.  D'où la «Note A» de l'inspecteur au début du rapport d'inspection du 10 octobre 2007 qui fixe la date de réception de l'ouvrage au 7 juillet 2007. [Caractères gras ajoutés]

 

[45]           Je conclus de tout ce qui précède qu’en l’espèce, l’administrateur a eu tort de conclure qu’il y avait eu réception des parties communes au 10 juillet 2005. De la sorte ses conclusions fondées sur cette prémisse sont mal fondées puisqu’il n’y a jamais eu réception des parties communes au sens du Règlement.

[46]           Concrètement, les parties m’ont demandé au terme de l’audience de bien vouloir fixer une date pour la réception de l’immeuble parmi celles qu’elles ont suggérées plutôt que de leur renvoyer la question afin de permettre à cette affaire de connaitre une issue sans plus de délai.

[47]           En conséquence, je retiens la suggestion faite de bonne foi par le bénéficiaire et fixe au 27 février 2007 la date de réception des parties communes. Je choisis cette date qui est en fait celle où les copropriétaires ont été informés de la teneur du rapport final de l’inspecteur en bâtiment qu'ils avaient retenu pour inspecter la copropriété.

[48]           J’ordonne en conséquence à l’administrateur de se prononcer d’ici la fin décembre sur le bien-fondé des réclamations des bénéficiaires qui avaient initialement été rejetées parce que fondées sur la date de réception erronément fixée au 10 juillet 2005.

[49]           Je réserve par ailleurs les droits et recours du bénéficiaire à l’égard de ces conclusions à venir de la part de l’administrateur.

[50]           Conformément aux dispositions de l'article 123 du Règlement, les coûts des présentes sont à la charge de l'administrateur.

[51]           Je signale enfin aux parties que j’entends convoquer une audience pour traiter des autres questions demeurées en litige après les avoir consultées à ce sujet par voie de conférence téléphonique.

 

Montréal, le 20 novembre 2008

 

 

 

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Johanne Despatis, avocate

Arbitre

                       

 

Adjudex inc.

0802-8295-GAMM

SA-8051