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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

GAMM   :    2006-12-018

                         APCHQ :     066157-2

 

 

ENTRE :

 TERESA BERGHELLO ET RICHARD NETTO

                                                                                               (ci-après les « bénéficiaires »)

ET :

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ

                                                                                                            (ci-après l’« administrateur »)

ET :

HABITATIONS SYLVAIN MÉNARD INC.

                                                                                                 (ci-après l’« entrepreneur »)

 

 

 

DEVANT L’ARBITRE :

 Me Johanne Despatis

 

 

Pour les bénéficiaires                                                  

Me Stephen Ashkenazy assisté de :

Mme Teresa Berghello

M. Richard Netto

Pour l’administrateur                                                    

Me François Laplante assisté de :

M. Jocelyn Dubuc

Pour l’entrepreneur                                                      

Me Giuseppe Morrone assisté de :

Mme Juneau 

Date de l’audience                                                        

12 juillet 2007

Lieu de l’audience                                                        

Sainte-Anne-de-Bellevue

Date de la sentence                                                     

31 août 2007

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Adjudex inc.

0610-8254-GAMM

SA-8032

 

INTRODUCTION

[1]               Madame Teresa Berghello et monsieur Richard Netto, les bénéficiaires, contestent en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Plan, les éléments suivants d’une décision rendue le 15 août 2006 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., l’administrateur.

Aucune entente n’étant intervenue entre les parties impliquées relativement aux points qui suivent, la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ doit statuer sur cette portion de la demande de réclamation des bénéficiaires.

La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ doit considérer les points 3 à 10 dans le cadre du contrat de garantie :

L’entrepreneur devra se conformer aux décisions rendues aux points 3 à 10 à l’intérieur d’un délai de trente (30) jours suivant la réception de la présente.

Étant donné que le point 3 qui suit fut dénoncé par écrit au moment de la réception, nous devons nous assurer, pour que la garantie s’applique, que le critère suivant soit rencontré :

·        Le point dénoncé constitue-t-il une malfaçon au sens du Code civil du Québec?

Selon les constatations effectuées sur place lors de l’inspection, nous sommes d’avis que la situation décrite au point 3 rencontre ce critère puisque de toute évidence, les travaux furent mal exécutés.

Par conséquent, l’entrepreneur devra effectuer les travaux correctifs mentionnés ci-dessous.

3. Revêtement de maçonnerie

Travaux : L’entrepreneur devra apporter tous les correctifs qui s’imposent au revêtement de maçonnerie, soit en façade au revêtement de pierres, et aux trois autres façades de briques.

En ce qui concerne le revêtement de pierres en façade, l’entrepreneur devra procéder aux correctifs suivants :

-         Rejointoiement au niveau des arches de pierres au-dessus des portes de garage (joints fissurés).

-         Reprise de certains joints de mortier dont la coloration varie de l’ensemble.

-         Alignement du revêtement de pierres au-dessus de la fenêtre en arche, laquelle est située tout en haut de la porte de garage de droite.

Quant aux trois autres façades en briques, il devra procéder aux travaux suivants :

-         Remplacement des briques fissurées et rejointoiement des joints de mortier fissurés en échelle, du côté nord du bâtiment.

-         Reprise des deux joints de mortier verticaux, de chaque côté du bâtiment, entre le revêtement de pierres et le revêtement de briques.

-         Au mur derrière le garage, une section de briques décolorées devra être remplacée, et ce, à la suite d’un nettoyage à l’acide muriatique.

-         Reprise de la colonne de briques balcon arrière.

                  [...]

La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut considérer les points 11 à 24 dans le cadre du contrat de garantie :

Concernant le point 11 qui suit, nous sommes en présence d’une situation apparente qui, contrairement aux exigences du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, n’a pas été dénoncée par écrit au moment de la réception.

Par conséquent, La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut intervenir pour ce point.

                  11. Hauteur différente des deux fenêtres du bureau

Concernant les points 12 à 16 qui suivent, le bénéficiaire n’a pas été en mesure, lors de l’inspection de nous démontrer la présence de malfaçons dans les matériaux et la main d’œuvre fournis par l’entrepreneur.

Par conséquent, La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut intervenir pour ces points.

      12. Hauteur différente sous le seuil et allège des deux fenêtres - côté gauche.

                  13. Ondulations (bombements) au revêtement de briques

                  14. Alignement de certains murs de maçonnerie

                  15. Parement de briques non monté à la ligne à plomb

16. Entrecroisement du parement de maçonnerie à l’intersection des murs de l’étage, au-dessus du garage.

L’Institut de maçonnerie du Québec a procédé à la publication des tolérances de mise en œuvre relatives aux travaux de maçonnerie, permettant que soit effectué un examen visuel du revêtement, à 6 mètres du bâtiment.

 

                 

LES FAITS

[2]               Les bénéficiaires ont signé l’acte de réception de leur résidence située au 21199, rue Euclide-Lavigne à Sainte-Anne-de-Bellevue le 15 novembre 2004. Il s’agissait d’une nouvelle propriété construite par les Habitations Sylvain Ménard inc., l’entrepreneur.

[3]               Le document en question est intitulé Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment. Les bénéficiaires y déclarent accepter le bâtiment sous réserve d’une liste énumérant certaines choses à faire, notamment vérifier mur de brique arrière-côté.

[4]          Insatisfaits des interventions de l’entrepreneur censées corriger certains des éléments dénoncés lors de la réception ainsi que d’autres non signalés à la réception mais qu’ils estimaient couverts par le Plan à un titre ou à un autre, les bénéficiaires présentent à l’administrateur une réclamation en mars 2006.

[5]          Déjà à l’automne 2005, les bénéficiaires avaient retenu les services de la firme Mimik Inspection, une entreprise d’inspection des bâtiments. Leur inspection de la propriété a lieu les 21 et 28 octobre 2005. Le rapport qui en résulte fait état d’un certain nombre de problèmes. Il est daté du 5 novembre 2005 et son auteur, monsieur Michel Thibault, n’a pas été appelé à témoigner.

[6]          Quoi qu’il en soit, suite à la réclamation qu’on lui présente en mars 2006, l’administrateur, désigne monsieur Pierre Bonneville, alors inspecteur-conciliateur, qui procède lui aussi à une inspection le 6 juillet 2006. Au cours de sa visite, les bénéficiaires lui signalent l’existence du rapport de Mimik Inspection dont une copie est éventuellement transmise à l’administrateur le
31 juillet 2006 suite à une demande en ce sens de monsieur Bonneville. Celui-ci rend la décision ici contestée le 15 du mois suivant.

[7]          Monsieur Pierre Bonneville n’est plus à l’emploi de l’administrateur et on ne l’a pas appelé à témoigner. En revanche, son superviseur de l’époque, monsieur Jocelyn Dubuc, coordonnateur du Service d’inspection et de conciliation de l’administrateur, a témoigné au sujet des conclusions du rapport en litige. 

[8]          Je résume dans les paragraphes qui suivent les éléments de preuve présentés à l’égard des points en litige. 

Point 3 : Revêtement de maçonnerie

[9]          Ce problème concerne le parement de maçonnerie de la résidence, un problème reconnu par l’administrateur dont la décision n’a pas été contestée par l’entrepreneur. Dans sa décision, l’inspecteur Bonneville reconnait ce point couvert par le Plan et ordonne à l’entrepreneur d’effectuer différents travaux au revêtement de maçonnerie sur quatre façades de la résidence : la façade principale en pierre située à l’avant ainsi que trois autres façades latérales en brique.

[10]      Selon les bénéficiaires qui contestent en partie les conclusions de monsieur Bonneville, une entente avait été conclue entre eux et l’entrepreneur, avant l’inspection de monsieur Bonneville, en vue de la réfection complète de la façade en pierre. C’est là en fait la seule question en litige au sujet de ce point. Concrètement, selon eux, les corrections partielles ordonnées à la façade principale par l’inspecteur ne conviennent pas au problème.

[11]      Pour une bonne compréhension du débat, il faut savoir que les bénéficiaires contestent précisément le fait que le rapport de monsieur Bonneville soit silencieux au sujet de l’entente qu’ils allèguent avoir conclue à ce sujet avec l’entrepreneur. Dans son rapport, l’inspecteur écarte qu’il y ait eu entente concernant le point 3. Il écrit en effet à ce sujet :

Aucune entente n’étant intervenue entre les parties impliquées relativement aux points qui suivent, la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ doit statuer sur cette portion de la demande de réclamation des bénéficiaires.

La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ doit considérer les points 3 à 10 dans le cadre du contrat de garantie. [Caractères gras ajoutés.] 

 

[12]      Les bénéficiaires ont en effet indiqué à l’audience que leur demande à l’égard du point 3 porte uniquement sur le correctif à apporter au problème du revêtement de pierres de la façade principale située à l’avant. Leur réclamation est résumée ainsi dans leur demande d’arbitrage :

Although the administrator has ordered the entrepreneur to proceed to required repairs, in fact the entrepreneur has agreed on previous occasions to completely re-do the work in question. The administrator was advised of this and his report should simply have noted the agreement of the parties that the work was to be redone.

 

[13]           Monsieur Netto affirme avoir eu à ce sujet, aussi bien avant l’inspection qu’après celle-ci, de nombreuses discussions avec l’entrepreneur. Ce dernier s’y serait à plusieurs reprises engagé à refaire la façade en question. Monsieur Netto nie, contrairement à ce que l’entrepreneur dira, avoir jamais refusé à ce que celui-ci procède à cette réfection. Il convient tout au plus avoir voulu que l’entrepreneur lui indique préalablement à tout travail le détail de ce qu’il entendait faire. Ce serait, selon lui, parce que l’entrepreneur n’a pas fourni ces détails que les travaux n’auraient pas eu lieu. Toutefois, insiste monsieur Netto, il y avait entente en vue de la reprise complète de cette façade.

[14]           Monsieur Netto affirme sans ambages avoir informé monsieur Bonneville de l’existence de cette entente au cours de son inspection. Il ajoute même que précisément à ce moment-là, monsieur Lacombe, un représentant de l’entrepreneur, a convenu devant monsieur Bonneville qu’il fallait refaire en entier ce revêtement de pierres et non pas seulement y apporter certains correctifs comme le suggèrerait plus tard le rapport de monsieur Bonneville.

[15]           Selon les bénéficiaires, dans de telles circonstances, l’inspecteur Bonneville aurait dû tout simplement constater ce règlement par écrit et ne pas rendre de décision au sujet du point 3.

[16]           Ni monsieur Lacombe ni monsieur Bonneville n’ont témoigné à ce sujet. En fait, ils n’ont pas même assisté à l’audience.

[17]           Madame Véronique Juneau est responsable du service après vente chez l’entrepreneur. Selon ses dires, l’entrepreneur a effectivement offert à quelques reprises aux bénéficiaires de refaire cette façade de pierres, offre rejetée à chaque occasion.

[18]           Suite à la réception du rapport de monsieur Bonneville, madame Juneau écrit à monsieur Netto le 1er septembre 2006 :

We offered you many times to re-do the façade and you always refused it. Because of that, we suggested you to call the APCHQ. The role of the APCHQ is listen the opinion of the buyer and of the builder on a specific point and they take a decision acoording to the warranty rules. Because we were not agree on some points, APCHQ did a report and we have to respect it. You refused our offer many times so now we will repair the façade acoording to the report of Mr Bonneville from the APCHQ.

If you don’t accept it, we can re-do the façade if you write us a legal final discharge for all the works in you house. You can also contact the APCHQ if you are not agree with their decision. (sic)

 

[19]           Selon le coordonnateur du service d’inspection, monsieur Jocelyn Dubuc, le rôle de l’inspecteur se limite à constater s’il y a ou non règlement et dans la négative, alors de rendre une décision. Selon lui, si monsieur Bonneville a rendu une décision concernant le point 3 c’est parce qu’il n’y avait pas eu d’entente.

[20]           On a interrogé monsieur Dubuc sur la nature des travaux ordonnés par monsieur Bonneville relativement à la façade de pierre. Il déclare en substance qu’ayant pu voir de ses yeux l’état du revêtement en question, les travaux décrits par monsieur Bonneville dans son rapport exigent en pratique de refaire en entier la façade principale alors que ceux ordonnés pour les autres façades visent essentiellement à corriger les défauts observés.

 

Points 11 et 12 : Hauteur différente des deux fenêtres du bureau et point; Hauteur différente sous le seuil et allège des deux fenêtres - côté gauche

[21]           On a admis au cours de l’audience que bien que présentés distinctement dans le rapport de l’inspecteur Bonneville, les points 11 et 12 renvoient à un problème unique et devaient être traités comme un seul. 

[22]           Concrètement, cet élément a été découvert par les bénéficiaires dans la foulée de l’inspection effectuée par Mimik Inspection en octobre 2005.

[23]           L’examen d’un échange de courriels intervenu entre les bénéficiaires et l’entrepreneur à la suite de cette inspection révèle que les bénéficiaires ont effectivement dénoncé ce problème, à l’entrepreneur seulement, quelque mois plus tard, soit en mars 2006. Selon ma compréhension des choses, la question n’a toutefois été dénoncée à l’administrateur qu’au moment de l’inspection de monsieur Bonneville en juillet 2006.

[24]           Selon son rapport, monsieur Bonneville n’a pas considéré ce point couvert par le Plan, s’agissant, selon lui, d’une malfaçon apparente non dénoncée au moment de la réception du bâtiment comme l’exige le Plan.

[25]           Quant à lui, monsieur Netto affirme n’avoir effectivement découvert le problème qu’en octobre 2005, ne l’ayant tout simplement pas remarqué au moment de la réception de sa résidence. Son attention, dit-il, avait alors davantage porté sur les nombreux problèmes de maçonnerie affectant ce mur plutôt que sur le fait que ces deux fenêtres n’y étaient pas à la même hauteur.

[26]           Monsieur Dubuc réitère pour sa part le point de vue que le problème constitue bel et bien une malfaçon apparente à la réception et dénoncée tardivement. Selon lui, monsieur Bonneville a eu raison de juger ce problème exclu de la couverture du Plan.

 

Points 13 à 16 : Ondulations (bombements) au revêtement de briques; Alignement de certains murs de maçonnerie; Parement de briques non monté à la ligne à plomb; Entrecroisement du parement de maçonnerie à l’intersection des murs de l’étage, au-dessus du garage

[27]           Dans son rapport, monsieur Bonneville écrit ne pas avoir considéré ces points couverts par le Plan, les bénéficiaires ne lui ayant pas démontré la présence de malfaçons.

[28]           À l’audience, l’entrepreneur et l’administrateur, tout en niant qu’il y ait eu là quelque malfaçon, ont ajouté que ces réclamations étaient de toute façon tardives, n’ayant pas été dénoncées en conformité du Plan. Selon ces derniers, ces problèmes étaient apparents à la réception mais n’ont été constatés par les bénéficiaires qu’à la fin octobre 2005 suite à l’inspection de la firme Mimik Inspection.

[29]           Monsieur Netto soutient pour sa part avoir effectivement vu ces problèmes au moment de la réception et les avoir dénoncés à l’acte de réception sous la mention vérifier mur de brique arrière-côté. Il nie n’avoir découvert ce problème qu’à l’occasion de l’inspection de Mimik Inspection.

[30]           Quoi qu’il en soit, la visite des lieux m’a permis de constater de visu les problèmes dénoncés qui ne sautent toutefois pas aux yeux. Il faut souvent pour les apercevoir s’approcher et parfois regarder sous un certain angle.

[31]           Monsieur Dubuc affirme qu’ils ne s’agiraient que de questions purement esthétiques et situées à l’intérieur des tolérances permises pour ce genre de travaux.

 

ANALYSE ET DÉCISION

[32]           Le litige porte sur les points 3, ainsi que 11 à 16 de la décision rendue par l’administrateur le 15 mai 2006. J’en traiterai dans cet ordre.

 

Point 3 : Revêtement de maçonnerie

[33]           On a longuement fait état de la question de savoir s’il y avait eu ou non entente à ce sujet entre les bénéficiaires et l’entrepreneur préalablement au rapport de monsieur Bonneville. Selon les bénéficiaires, l’administrateur aurait dû s’en tenir quant à ce point à constater par écrit l’existence d’une entente selon laquelle l’entrepreneur acceptait de refaire entièrement la façade de pierre. Monsieur Bonneville a écarté qu’il y avait eu entente et a énoncé les mesures de correction qu’il a jugées à-propos.

[34]           Le paragraphe 18 (5) du Plan stipule que dans les 20 jours qui suivent l'inspection, l'administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l'absence de règlement et il en transmet copie, par poste recommandée aux parties impliquées ». Le paragraphe suivant prévoit « qu’en l'absence de règlement, l'administrateur statue sur la demande de réclamation et, le cas échéant, il ordonne à l'entrepreneur de rembourser le bénéficiaire pour les réparations conservatoires nécessaires et urgentes, de parachever ou de corriger les travaux dans le délai qu'il indique et qui est convenu avec le bénéficiaire.

[35]           On nie du côté de l’entrepreneur et de l’administrateur qu’il y ait eu entente, ajoutant que si j’en venais à conclure à l’existence d’une telle entente, je n’aurais de toute façon pas compétence de la sanctionner par jugement ni d’ordonner à l’entrepreneur de s’y conformer, en l’absence d’un constat à cet effet par l’inspecteur.

[36]           Je me suis penchée attentivement sur les points de vue avancés et sur la preuve administrée. Il en ressort ceci.

[37]           Que j’en vienne ou non à la conclusion qu’il y aurait eu entente, une décision a été prise par l’administrateur en raison du fait que celui-ci a considéré, à tort ou à raison, qu’il n’y avait pas eu entente. Celui-ci s’est donc penché sur l’état du bâtiment et jugé, pourrais-je dire, au fond, qu’il y avait malfaçon au sens du Plan qu’il ordonne à l’entrepreneur de corriger de la façon décrite au rapport.

[38]           Le bien fondé matériel de cette constatation de l’administrateur n’a pas été contestée en arbitrage, ni par l’entrepreneur et ni par les bénéficiaires qui s’en prennent essentiellement à la question de l’existence d’une entente.

[39]           Force est donc de constater qu’il y a à toutes fins utiles admission de malfaçon et que le vrai problème est de savoir si la mesure correctrice ordonnée par l’inspecteur doit ou non être maintenue.

[40]           Le litige a trait à la nature des travaux à faire. Du côté des bénéficiaires, on veut que la façade soit refaite et de celui de l’entrepreneur, on s’en remet aux conclusions de l’inspecteur Bonneville que l’on interprète comme n’ordonnant pas de tout refaire.

[41]           Le débat juridique au sujet de l’autorité de l’arbitre à l’égard d’une éventuelle entente bénéficiaire-entrepreneur n’a pas besoin d’être vidé dans la mesure où la teneur de cette entente serait en litige. La déterminer ici, alors que l’existence d’une malfaçon est admise et reconnue, serait bien théorique puisque la vraie question est le maintien ou non de la mesure correctrice ordonnée par l’administrateur.

[42]           Selon ma compréhension de son point de vue, l’entrepreneur, qui n’a pas décrit à l’audience ce qu’il entendait faire au plan pratique pour corriger le point 3, interprète la décision de monsieur Bonneville comme ordonnant des correctifs n’exigeant pas que la façade soit entièrement refaite.

[43]           Le seul témoignage entendu sur la nature des travaux et la portée concrète de la décision de monsieur Bonneville est celui de monsieur Dubuc. Or, selon son témoignage non contredit, la réalisation des travaux ordonnés par monsieur Bonneville exige pratiquement de refaire la façade.

[44]           Ces propos vont d’ailleurs dans le même sens que la preuve documentaire versée au dossier et plus particulièrement l’échange de correspondances entre les bénéficiaires et l’entrepreneur. Ce dernier, qui a toujours reconnu l’existence du problème, répète à plusieurs reprises dans des échanges de correspondances qu’il convient de refaire la façade (re-do the façade) et non seulement y apporter quelques corrections. Il s’exprime en ce sens notamment dans sa correspondance des 17 mars et 5 avril 2006, ou encore dans un courriel du 1er septembre 2006. L’entrepreneur écrit à plusieurs reprises « We are willing to redo the stone work on the façade of you property at our cost. »

[45]           Quand on regarde les correctifs ordonnés par monsieur Bonneville, il ressort de la preuve prépondérante qu’en pratique leur réalisation pourrait difficilement se concevoir autrement que par une réfection totale, sinon au risque de conduire à de nouveaux problèmes ou à prolonger inutilement ce litige. Dans les circonstances, il m’apparaît donc justifié d’ordonner que la maçonnerie de cette façade soit entièrement refaite.

[46]           Pour toutes ces raisons, l’entrepreneur devra refaire la façade de pierre de la résidence.

 

Points 11 et 12 : Hauteur différente des deux fenêtres du bureau et point; Hauteur différente sous le seuil et allège des deux fenêtres - côté gauche

[47]           L’affirmation de monsieur Dubuc selon lequel il y a malfaçon n’a pas été contredite par l’entrepreneur. Cependant, tous deux soutiennent qu’il s’agit d’une malfaçon apparente non dénoncée à la réception du bâtiment. Pour leur part, les bénéficiaires soutiennent qu’il s’agit d’une malfaçon non apparente.

[48]           Le premier paragraphe de l’article 10 du Plan se lit ainsi :

La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

1-      [...]

2-      la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

3-      la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

[...]

 

[49]           L’existence d’une malfaçon, apparente ou non, n’est pas suffisante à elle seule pour ouvrir droit à un recours en faveur d’un bénéficiaire. Il faut aussi que le problème soit dénoncé, à l’administrateur et à l’entrepreneur, et dans les délais prescrits.

[50]           Concernant une malfaçon apparente au moment de la réception du bâtiment, le Plan exige qu’elle soit dénoncée, par écrit, au moment même de la réception du bâtiment, ou dans les trois jours qui suivent si le bénéficiaire n’avait pas encore emménagé.

[51]           Concernant une malfaçon non apparente à la réception, le Plan exige qu’elle ait été découverte dans l'année suivant la réception et dénoncée, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur, dans un délai n’excédant pas six mois de la découverte.

[52]           Au départ, il va de soi que la hauteur d’une fenêtre est généralement apparente.

[53]           Ici, pourtant le problème dénoncé n’aurait, selon la preuve prépondérante, été découvert  qu’à la fin octobre 2005 pour être dénoncé à l’entrepreneur en mars 2006 et à l’administrateur en juillet 2006, il n’aurait donc pas été dénoncé à la réception comme l’exige le Plan.

[54]           Au surplus et malheureusement pour les bénéficiaires, même si je retenais l’hypothèse qu’il s’agisse d’une malfaçon non apparente, ceux-ci avaient quand même l’obligation en vertu du Plan de la dénoncer à l’administrateur de la manière et dans le délai prescrit au Plan; ce qu’ils n’ont pas fait puisque leur dénonciation du problème n’a pas été faite dans les six mois de sa découverte par eux. En effet, ils affirment l’avoir découvert en octobre 2005 et dénoncé à l’administrateur en juillet 2006.

[55]           Les bénéficiaires n’ont présenté aucun fait ni argument susceptible de me permettre de raisonnablement les relever de ce défaut. 

 

Point 13 à 16 : Ondulations (bombements) au revêtement de briques; Alignement de certains murs de maçonnerie; Parement de briques non monté à la ligne à plomb; Entrecroisement du parement de maçonnerie à l’intersection des murs de l’étage, au-dessus du garage

[56]           La première question à examiner est celle de la conformité de ces réclamations aux exigences du Plan dans la mesure où l’entrepreneur et l’administrateur affirment que ces réclamations concernant des malfaçons apparentes devaient être dénoncées par écrit dès la réception du bâtiment, ce qui n’aurait pas été fait. En revanche, les bénéficiaires soutiennent avoir bel et bien dénoncé ces problèmes à la réception.

[57]           Avec égard, j’estime que la preuve prépondérante permet de considérer ces éléments comme ayant été dénoncés à l’acte de réception. C’est ainsi que s’y interprète la mention vérifier mur de brique arrière-côté. D’abord tous ces points visent effectivement des éléments de ces surfaces, en outre qu’aucune preuve n’a été offerte qui permettrait de soutenir que cette mention à l’acte de réception aurait visé autre chose.

[58]           Cela dit, ces éléments concernent-ils des malfaçons au sens du Plan ?

[59]           Selon le témoignage de monsieur Dubuc, les situations bien qu’inesthétiques ne contreviendraient à aucune norme. Les bénéficiaires pour leur part se disent en désaccord avec cette affirmation mais ne présentent pas une quelconque règle ou norme à laquelle on aurait contrevenu. Certes, à l’œil ça n’est pas parfait mais aucun élément de preuve ne permet de conclure à l’existence d’écarts anormaux.

[60]           Pour ces motifs, les réclamations visant les points 13 à 16 sont rejetées.

 

CONCLUSIONS ET DISPOSITIF

[61]           Pour toutes les raisons qui précèdent, j’accueille le recours des bénéficiaires à  l’égard du point 3 et ordonne à l’entrepreneur de refaire la façade de pierre de la résidence.

[62]      J’ordonne en outre à l’entrepreneur de procéder à ces travaux dans un délai raisonnable à convenir avec les bénéficiaires. A défaut d’accord, je déterminerai moi-même cette échéance sur demande de l’une ou l’autre partie.

[63]           Je rejette le recours des bénéficiaires à l’égard des points 11 à 16.

[64]      Finalement, je déclare, conformément aux dispositions de l'article 123 du Plan que les coûts des présentes seront à la charge de l'administrateur.

Montréal, le 31 août 2007

 

 

 

 

 

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Johanne Despatis, avocate

Arbitre

                       

 

 

 

 

 

Adjudex inc.

0610-8254-GAMM

SA-8032