En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)
ENTRE MME JULIE SANTORI ET MONSIEUR JEAN-PHILIPPE LEBLANC
(ci-après « le Bénéficiaire »)
ET LES CONSTRUCTIONS RAYMOND ET FILS INC.,
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ INC.
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier Garantie: 08-276PM
No dossier SORECONI : 080925001
Arbitre : Guy Pelletier
Pour le Bénéficiaire : Mme Julie Santori et monsieur Jean-Philippe Leblanc
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Pascal Raymond
Pour l’Administrateur : Me François Laplante
Date de la décision: le 3 février 2009
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 6 octobre 2008.
Historique et pièces :
5 novembre 2003 : Contrat préliminaire et contrat de garantie
14 mai 2004 : Réception du bâtiment
7 août 2007 : Avis technique de l’Entrepreneur adressé au Bénéficiaire
11 mars 2008 : Mise en demeure du Bénéficiaire adressée au voisin dont copie à l’Administrateur
28 mars 2008 : Rapport pré-conciliation de l’Administrateur
30 mars 3008 : Mise en demeure du Bénéficiaire à l’Entrepreneur
15 avril 2008 : Historique du dossier du Bénéficiaire transmis à l’Administrateur
2 juin 2008 : Lettre de l’Entrepreneur à l’Administrateur rejetant toute responsabilité en lien avec ses obligations
16 septembre 2008 : Décision de l’Administrateur
23 septembre 2008: Demande d’arbitrage
23 janvier 2009 : Audition de la demande d’arbitrage
Introduction :
[1] Le 14 mai 2004, le Bénéficiaire procède à la réception du bâtiment et signe l’acte de vente. La résidence unifamiliale possède une fosse septique et un champ d’épuration pour le traitement des eaux usées
[2] Le 11 décembre 2006, le Bénéficiaire constate un problème avec le fonctionnement de ses installations sanitaires et en fait part à l’Entrepreneur dans les jours suivants. Ce dernier réagit en disant qu’il va apporter les correctifs requis au printemps 2007.
[3] Suite aux travaux de creusage et à des prélèvements exécutés au printemps 2007, une accumulation d’eau de surface contaminée est observée sur la ligne latérale. L’Entrepreneur recommande en ces termes au Bénéficiaire d’aviser son voisin d’apporter des correctifs à son champ d’épuration :
«Nous croyons plausible que cette eau provienne en grande partie de l’écoulement gravitaire du champ d’épuration du terrain avoisinant puisque celui-ci est plus élevé que le niveau du vôtre ».
[4] Plusieurs discussions entre le Bénéficiaire et son voisin concernant le problème de déversement des eaux usées sur son terrain ont lieu à l’automne et à l’hiver 2007.
[5] Le 11 mars 2008, ayant appris que son voisin éprouvait des problèmes avec le fonctionnement de son champ d’épuration et qu’il a fait une réclamation auprès de sa garantie, le Bénéficiaire le met en demeure de régler le problème de débordement de ses eaux usées qui se déversent sur son terrain. L’Administrateur est mis en copie de cette démarche.
[6] Le 28 mars 2008, l’inspecteur-conciliateur de l’Administrateur, monsieur Robert Périnet, émet un rapport de pré-conciliation dans lequel il constate que le niveau de l’eau est très élevé dans la fosse. Il rappelle que l’Entrepreneur et le Bénéficiaire estiment que le dysfonctionnement des installations sanitaires est causé par le déversement du champ d’épuration voisin sur le leur.
[7] Le 30 mars 2008, le Bénéficiaire demande à l’Entrepreneur de régler le problème considérant que le bâtiment n’est plus opérationnel.
[8] Le 22 mai 2008, l’Administrateur envoie un avis à l’Entrepreneur, lui demandant d’intervenir dans le dossier.
[9] Le 2 juin 2008, l’Entrepreneur répond à l’Administrateur qu’il n’entend pas intervenir dans le dossier car il considère que le problème de fonctionnement des installations sanitaires est une conséquence du déversement des eaux usées du voisin et, ainsi, dépend de facteurs qui sont hors de son contrôle et de ses obligations contractuelles.
[10] Le 16 septembre 2008, l’Administrateur rejette la réclamation du Bénéficiaire et rend une décision qui se lit ainsi : (extrait de la décision)
[11] Insatisfait de la décision, le Bénéficiaire demande l’arbitrage le 23 septembre 2008.
L’audition :
[12] Madame Santori témoigne pour le Bénéficiaire à l’effet que le problème de fonctionnement des installations sanitaires se manifeste principalement dans la salle de toilette du sous-sol lorsqu’il pleut.
[13] Elle ajoute que le problème est apparu pour la première fois le 11 décembre 2006 et qu’elle a aussitôt contacté l’Entrepreneur.
[14] Compte tenu des conditions climatiques hivernales, madame Santori rapporte que l’Entrepreneur lui a dit que des correctifs seraient apportés au printemps. Elle confirme qu’effectivement des travaux d’excavation ont été effectués et des prélèvements ont été faits au printemps par le Laboratoire Bio-Services.
[15] Ce n’est qu’en août 2007 que l’Entrepreneur fait rapport de son analyse. Il conclut que la cause plausible du dysfonctionnement des installations sanitaires est le déversement des eaux usées du voisin sur le terrain du Bénéficiaire.
[16] Madame Santori mentionne que l’Entrepreneur a préparé trois solutions, aux frais du propriétaire, pour corriger la situation. Elle dit avoir contacté le voisin pour connaître ses intentions et appris que celui-ci avait ouvert un dossier auprès du même administrateur de la garantie soit La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ car il avait lui aussi un problème avec ses installations sanitaires.
[17] Madame Santori confirme que cette situation rendait crédible la position de l’Entrepreneur à l’effet que le mauvais fonctionnement des installations sanitaires qui affecte sa propriété pouvait être causé par un problème en provenance du voisin.
[18] Jusqu’en mars 2008, le Bénéficiaire n’a pas mis en doute la position de l’Entrepreneur à l’effet que les travaux qu’ils avaient effectués étaient de qualité, qu’il avait rempli ses obligations et qu’il ne pouvait être tenu responsable des dommages subis par le Bénéficiaire.
[19] Madame Santori dit qu’un doute a surgi sur la cause réelle du problème, en mars 2008, lorsque le voisin a bouché son champ d’épuration et fait vidanger sa fosse septique. Cette intervention, initiée par l’administrateur de la garantie du voisin, devait régler le problème du Bénéficiaire puisqu’il ne pouvait plus y avoir de déversement des eaux du voisinage sur son terrain. Selon madame Santori, force était de constater que ses intallations sanitaires étaient toujours dysfonctionnelles et que rien n’était réglé.
[20] Le Bénéficiaire dénonce alors, par écrit, le problème à l’Entrepreneur et à l’Administrateur le 30 mars 2008 et mandate son propre expert au mois de juillet suivant pour analyser la situation. Selon madame Santori, les expertises réalisés par ses experts confirment alors que « le problème ne vient pas du voisin ».
[21] En contre-interrogatoire, Me Laplante demande au Bénéficiaire s’il est exact que la première manifestation du problème s’est produite en décembre 2006 et qu’au printemps 2007, il y a eu d’autres refoulements.
[22] Le Bénéficiaire confirme la séquence des évènements et identifie la lettre de dénonciation qu’il a écrite le 11 mars 2008 dont copie a été transmise à l’Administrateur.
[23] Monsieur Pascal Raymond témoigne au nom de l’Entrepreneur à l’effet qu’il est venu faire des travaux temporaires en avril 2007. Il ajoute que le climat de confiance était bon, qu’il a toujours collaboré et a conseillé au Bénéficiaire de mettre son voisin en demeure de régler le problème de déversement des eaux usées sur son terrain.
[24] Monsieur Raymond confirme qu’il maintient encore aujourd’hui sa position à l’effet que le mauvais fonctionnement des installations sanitaires est causé par la faute du voisin et qu’il ne peut en être tenu responsable.
[25] En argumentation, le Bénéficiaire affirme qu’il a été induit en erreur par l’Entrepreneur et qu’il n’y avait donc pas lieu selon lui d’ouvrir un dossier auprès de la garantie à ce moment-là.
[26] Selon madame Santori, il n’a donc pas été envisagé d’entreprendre des procédures contre l’Entrepreneur, mais plutôt contre le voisin puisqu’il n’y avait pas de doute concernant la qualité de construction de ses propres installations sanitaires.
[27] Monsieur Raymond argumente qu’il n’a jamais voulu induire le Bénéficiaire en erreur et qu’il a même suggéré la conciliation avec l’Administrateur.
[28] Me Laplante rappelle que c’est le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs qui régit l’arbitrage et que tel que prescrit à l’article 10, le problème doit être dénoncé par écrit à l’administrateur dans un délai de six mois de sa découverte. Or, la première manifestation du problème s’est produite en décembre 2006 et la seconde en avril 2007.
[29] Me Laplante souligne qu’il s’est écoulé 11 mois entre la survenance du problème en avril 2007 et la dénonciation à l’Administrateur en mars 2008. Ce délai n’est pas raisonnable selon lui et contrevient à l’article 10 du règlement..
[30] Rappelant que la jurisprudence est abondante à ce sujet, Me Laplante dépose un cahier d’autorités regroupant plusieurs décisions soutenant son argumentation.[1]
[31] Dans la décision Gariépy c. Construction J. Thériault inc., Me Laplante signale notamment la référence de l’arbitre Chartier à l’ouvrage des auteurs Gilles Doyon et Serge Crochetière Le Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté (page 47-48) :
« Lorsque le bénéficiaire découvre une malfaçon sur son bâtiment, il doit alors respecter deux conditions imposées par le paragraphe 3 pour conserver son droit à la garantie. Il doit d’abord dénoncer la malfaçon par écrit tant à l’entrepreneur qu’à l’administrateur du plan. En outre, cette dénonciation doit être faite dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la malfaçon. »
[32] Dans cette même décision, Me Laplante souligne la position de l’arbitre sur « le caractère impératif de la loi qu’un juge doit appliquer sans hésitation quand elle est claire, même lorsque le résultat est pénible ou semble contraire à l’équité. »
[33] Dans la cause Syndicat de copropriété du 4570-4572 de Bréboeuf Inc. c. Construction Précellence Inc., Me Laplante attire l’attention sur l’analyse de l’arbitre Fournier qui se lit ainsi :
« Par ailleurs, aucune disposition du règlement ne permet à l’arbitre de prolonger ce délai de 6 mois.
En conséquence, l’arbitre soussigné constate que la demande du syndicat est irrecevable puisque présentée hors délai. »
[34] Dans la cause Pierre Fleurant c. 9054-4651 Québec Inc., Me Laplante souligne la décision de l’arbitre Mérineau :
« L’arbitre ne doute pas de la bonne foi du bénéficiaire qui a cru en la collaboration de l’entrepreneur… mais il doit tenir compte que le contrat de garantie exige que la dénonciation soit faite directement à l’entrepreneur et à l’administrateur dans le délai de six mois de la découverte du désordre. »
[35] Dans la cause Abderrahim Moustaine & Rajaa El-Houma c. Brunelle entrepreneur Inc., Me Laplante signale les conclusions de l’arbitre Ewart en regard du délai de 6 mois :
« En résumé, la dénonciation prévue à l’article 10 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n’est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et le droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés. »
Analyse :
[36] Dans le présent cas, l’arbitre doit déterminer si le Bénéficiaire a respecté les obligations qui lui sont dictées par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[37] Il convient de rappeler le droit applicable dans le cas où le Bénéficiaire découvre des malfaçons ou des vices cachés. Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs se lit ainsi à l’article 10:
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
…
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
(nos soulignés)
[38] L’article 1739 du Code civil auquel réfère le règlement se lit ainsi :
1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.
[39] L’arbitre fait sienne la jurisprudence quant au caractère impératif du délai raisonnable, qui ne peut excéder six mois, dont dispose un bénéficiaire pour profiter de la garantie prévue au règlement.
[40] L’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs précise que ce délai s’applique dans le cas d’un manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles. Il s’applique à compter de la découverte de la malfaçon ou du vice caché.
[41] L’article 1739 du Code civil oblige l'acheteur à faire la dénonciation lorsqu’il constate que le bien est atteint d'un vice et ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
[42] L’arbitre doit donc établir à partir de quel moment le Bénéficiaire a constaté que les installations sanitaires étaient atteintes d’un vice.
[43] Par ailleurs, le règlement s’applique dans le cas où l’Entrepreneur a manqué à ses obligations légales ou contractuelles.
[44] Dans le rapport pré-conciliation de l’Administrateur en date du 28 mars 2008 déposé en preuve, monsieur Périnet, inspecteur-conciliateur, fait les constats suivants :
« L’entrepreneur et le bénéficiaire estiment que le dysfontionnement des installations sanitaires du 16775 est causé par le déversement du champ d’épuration voisin sur le leur. ».
[45] Monsieur Périnet conclut que « compte tenu qu’aucune intervention n’est prévue par les parties, nous recommandons au bénéficiaire de faire appel à la Garantie afin que celle-ci statue sur l’admissibilité de la demande. »
[46] Monsieur Périnet ajoute que l’Administrateur fera vidanger les deux fosses à sec et fera bloquer l’évacuation à partir de la fosse du voisin afin que celle du Bénéficiaire ne soit plus sollicitée; ceci permettra de mieux évaluer le comportement des installations du Bénéficiaire. Il n’envisage aucune autre intervention sur cette propriété.
[47] En décembre 2006 et avril 2007, des problèmes de fonctionnement sont apparus en regard des installations sanitaires du Bénéficiaire. Selon la preuve présentée, il était admis de l’Entrepreneur, du Bénéficiaire et du représentant de l’Administrateur que, jusqu’en mars 2008, la cause probable de ce dysfonctionnement des installations septiques, était la conséquence d’un dérèglement des installations du voisin qui déversaient ses eaux usées sur le terrain du Bénéficiaire.
[48] Ainsi jusqu’en mars 2008, il était raisonnable de croire que l’Entrepreneur n’avait pas manqué à ses obligations et que les installations du Bénéficiaire n’étaient pas atteintes d’un vice. Dans ce contexte, conformément à l’article 12 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le contrat de garantie ne pouvait s’appliquer.
Exclusions de la garantie
12. Sont exclus de la garantie: …
6° la réparation des dommages découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l'entrepreneur;
[49] Ce n’est qu’au moment où le champ d’épuration du voisin a été bloqué (suite à l’intervention de l’administrateur du voisin) qu’il a été constaté que ces travaux n’avaient pas réglé le problème de fonctionnement des installations visées et qu’un doute a surgi dans l’esprit du Bénéficiaire quant à la responsabilité possible de l’Entrepreneur.
[50] Il est à noter que le représentant de l’Entrepreneur, monsieur Pascal Raymond. a témoigné à l’effet qu’il maintient toujours sa position et quant à lui, la qualité des travaux qu’il a réalisés n’est pas en cause.
[51] Tenant compte de la jurisprudence en regard du caractère impératif du délai maximum de six mois de la découverte du vice pour le dénoncer, il y a lieu d’établir le moment de la découverte du vice.
[52] Bien que le Bénéficiaire avait suffisamment de renseignements pour remplir ses obligations, a-t-il respecté les exigences que lui impose le règlement en dénonçant le problème par écrit à l’Administrateur en avril 2008 soit plus d’un an et demi après la première manifestation du problème?
[53] Dans la cause, Sylvain Pichette et Guylaine Gélinas c. Les Constructions GYBB Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., 2007, l’arbitre Chartier a analysé la notion de « gravité » au sens de l’article 1739 du Code civil. Il s’exprime ainsi :
Le bénéficiaire n’en a vraiment constaté la gravité qu’après l’expertise de M. Alain Proteau. Le bénéficiaire avait des doutes qu’il a transmis à l’entrepreneur et plus tard à l’administrateur qui aurait dû faire une étude plus poussée de la construction du toit dans son ensemble. En dernier essor, il a fait faire une expertise par M. Alain Proteau.
…
Le bénéficiaire a vu les symptômes (gonflement) mais n’en a pas su la cause. La même chose avec l’administrateur. Alors comment peut-on reprocher au bénéficiaire une dénonciation tardive puisque l’experte de l’administrateur n’a même pas vu cela lors de son inspection? Au surplus, en équité, la rigueur de l’article 10 du Règlement est tempérée quand, en raison de la nature du vice, il est difficile d’en découvrir l’étendue progressive et d’en mesurer les conséquences.
[54] Avec respect pour l’argumentation du procureur de l’Administrateur, il apparaît que c’est en mars 2008 et non en avril 2007 que le Bénéficiaire découvre qu’un vice affecte probablement ses installations sanitaires.
[55] Dans la cause, Johanne Giguère et Bruno Doyon c. Gestions La Casa Inc., et La Garantie Qualité Habitation, mars 2006, l’arbitre Me Jeffrey Edwards rappelle le droit applicable :
À noter que le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs précise que la « découverte » est au sens de l’article 1739 C.c.Q. suivant lequel en cas de manifestation graduelle du vice, la découverte a lieu lorsque l’acheteur a pu raisonnablement en soupçonner « la gravité et l’étendue ». Qu’en est-il en l’espèce ?
Les premières manifestations du vice eurent lieu à l’hiver 2002-2003. Or, suite à une inspection du bâtiment par l’Administrateur, ce dernier a conclu à des fissures de retrait. L’hiver suivant, soit à l’hiver 2003-2004, d’autres fissures du même type sont apparues. Les Bénéficiaires, les jugeant similaires à celles de l’hiver précédent, ont cru à des fissures de retrait et n’ont pas avisé l’Administrateur. Par ailleurs, lesdites fissures se sont résorbées au cours de la saison estivale pour réapparaître l’hiver suivant, soit à l’hiver 2004-2005 mais cette fois-ci, les fissures sont beaucoup plus importantes et beaucoup plus larges. C’est à ce moment que les Bénéficiaires réalisent la gravité et l’étendue du problème.
Compte tenu que les Bénéficiaires ont reçu leur bâtiment le 21 novembre 2001, le délai de trois (3) ans qui a trait à la découverte des vices cachés expira le 22 novembre 2004. Or, dans les circonstances, les Bénéficiaires ont découvert, au plus tôt le 21 novembre 2004, l’ampleur et la gravité du vice affectant leur propriété et ils bénéficiaient d’un délai de six (6) mois pour le dénoncer par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, soit jusqu’au 21 mai 2005.
En l’instance, le vice a été dénoncé par écrit à l’Administrateur le 28 mars 2005. En conséquence, les Bénéficiaires ont présenté leur réclamation dans le délai légal imparti.
[56] Compte tenu de la preuve prépondérante, le Tribunal en vient à la conclusion que, dans le cas présent, le Bénéficiaire a agi de bonne foi et que la situation lui permettait de croire que les installations construites par l’Entrepreneur n’étaient pas affectées d’un vice quelconque. Ainsi, le dommage causé par un tiers, soit les installations du voisin qui déversaient des eaux usées sur leur terrain, ne découlait pas d’un manquement de l’Entrepreneur et, de ce fait, n’était visiblement pas couvert par la garantie.
[57] La preuve n’étant pas encore faite devant le Tribunal que les installations du Bénéficiaire sont affectées d’un vice, le Bénéficiaire a donc été prudent de dénoncer par écrit la situation à l’Administrateur en avril 2008 dès qu’il a eu un doute sur la gravité du vice qui pourrait affecter ses installations sanitaires.
[58] L’arbitre conclut que le Bénéficiaire a respecté les exigences de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs en dénonçant la découverte d’un vice soit environ un mois après avoir constaté que les travaux effectués sur le terrain voisin n’apportaient pas de solutions à ses propres problèmes de fonctionnement de ses installations sanitaires et qu’ainsi, il devenait possible de croire que la responsabilité de l’Entrepreneur pourrait être en cause.
DÉCISION :
[59] L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»
[60] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie. La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[61] Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à l’audition et du droit applicable, je suis d’avis que le Bénéficiaire a respecté le délai prescrit pour dénoncer en 2008 la probabilité d’un manquement de l’Entrepreneur conformément aux exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[62] En vertu de l’article 123 de ce règlement et vu que le Bénéficiaire a obtenu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE
[63] ANNULE la décision de l’Administrateur;
[64] RETOURNE à l’administrateur, la plainte du Bénéficiaire pour qu’elle soit traitée et qu’une décision au fond soit rendue;
[65] CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.
[66] RÉSERVE les recours du Bénéficiaire devant un Tribunal civil, s'il y a lieu.
Guy Pelletier
Guy Pelletier
Architecte et arbitre
Laval, ce 3 février 2009
ANNEXE I