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ARBITRAGE SELON LE

RÈGLEMENT SUR LE

PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r. 0.2)

 

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du Québec)

________________________________________________________________

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DOSSIER NO : S11-011101-NP

CAROLINE THERRIEN

 (LA « BÉNÉFICIAIRE »)

c.

9179-5948 QUÉBEC INC.

(L’« ENTREPRENEUR»)

et

LA GARANTIE DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS

NEUFS DE L’APCHQ INC.

(L’« ADMINISTRATEUR »)

________________________________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE

________________________________________________________________

 

Arbitre :                                                         Me Roland-Yves Gagné

 

Pour la Bénéficiaire:                                   Madame Caroline Therrien

                                                                       Monsieur Massimo Marziliano

 

Pour l’Administrateur:                                 Me Luc Séguin

Madame Marie-Pier Germain

 

Pour l’Entrepreneur:                                    Me Sonia Beauchamp

Monsieur Pietro Paolo Cioffi

                                                                      

Date d’audition:                                           11 avril 2011

 

Date de la décision:                                    27 avril 2011

 

Lieu de l’audition:                                        Centre Canadien d’arbitrage commercial

Place du Canada

1010 ouest, de la Gauchetière, bureau 950

Montréal (Québec)  H3A 2N2


Description des Parties :

 

Bénéficiaire :

 

Madame Caroline Therrien

[...] Montréal, Qc. […]

 

Entrepreneur :

 

Les constructions Inter-Québec

9179-5948 Québec Inc.

9235 rue Pierre Bonne

Montréal, Qc.

H1E 7J6

a/s

Me Sonia Beauchamp

1600 boul. St-Martin Est

Tour A, bureau 400

Laval (Québec) H7G 4R8

 

Administrateur :

 

Me Luc Séguin

Savoie Fournier

Contentieux de l’APCHQ

5930 boulevard Louis-H. Lafontaine,

Anjou, Qc.

H1M 1S7


MANDAT ET JURIDICTION

 

Le Tribunal est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par le Bénéficiaire en date du 10 janvier 2011, reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial le 11 janvier (10 janvier 2011 à 20 :37), et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 12 janvier 2011.

 

Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée

 

 

HISTORIQUE DU DOSSIER

 

L’immeuble est située au […], à Montréal.

 

Le 12 juin 2009, l’Entrepreneur passa un contrat préliminaire avec la Bénéficiaire (Pièce A-1).

 

Le 14 juin 2009, la Bénéficiaire signe une liste d’éléments à vérifier et la réception du bâtiment (Pièce A-2).

 

Le 16 juin 2009, l’Entrepreneur vend l’immeuble à la Bénéficiaire (Pièce A-3).

 

Le 14 juin 2010, la Bénéficiaire envoie une mise en demeure à l’Entrepreneur dénonçant plusieurs défauts, reçue par l’Administrateur le 5 juillet 2010 (Pièce A-4).

 

Le 30 août 2010, l’Administrateur envoie un avis de 15 jours à l’Entrepreneur (Pièce A-5).

 

Le 6 décembre 2010, l’Administrateur rend sa décision (Pièce A-7).

 

Le 10 janvier 2011, le Bénéficiaire transmet un avis d’arbitrage, reçu par le CCAC le 11 janvier 2011 (Pièce A-8).

 

Lors de l’audience préléminaire du 1er mars 2011, la Bénéficiaire a affirmé que seulement les points 5 à 7 de la décision de l’Administrateur du 6 décembre 2010 font l’objet d’une demande d’arbitrage. 

 

Il a été clairement confirmé lors de l’audience préliminaire que l’audience au fond ne traiterait que de la question du respect ou non du délai légal dans la production de la réclamation, seule base de la décision de l’Administrateur le 6 décembre 2010.

 

Lors de l’audience au fonds du 11 avril 2011, la Bénéficiaire s’est désistée de sa demande quant au point 6 - les points 5 et 7 font donc l’objet de la demande d’arbitrage.

 

Les pièces A-1 à A-8 contenues dans un cahier de pièces ont été produites par l’Administrateur du consentement des parties. 

 

A l’audience l’Administrateur a produit en A-9, copie d’un courriel de la Bénéficiaire en date du 14 novembre 2011.

 

A l’audience, Le Bénéficiaire a produit les pièces B-1 à B-6, soit :

 

B-1 - Échange de courriels entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur

B-2 - Lettre de l’Entrepreneur

B-3 - Avis de réception du courrier recommandé

B-4 - Copie de la réclamation du 30 juin avec copie du chèque de $100.00 daté du 2 juillet reçu par l’Administrateur le 5 juillet 2011

B-5 -   Extrait du site web Gomaison.com

B-6 - Page 23 du document Le Plan de Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs émis par le Gouvernement du Québec


 

LES FAITS

 

[1]       La Bénéficiaire achète le 16 juin 2009 un immeuble sis au […] à Montréal après avoir signé un formulaire d’inspection préréception le 14 juin 2009.  

[2]       En août 2009, elle a commencé à constater que son plancher

[2.1]       Craquait à certains endroits

[2.2]       Qu’il y avait un vide entre le plancher et le sous-plancher, elle sentait que le plancher bougeait un peu.  

[3]       Dès cette constatation, elle en fait part à l’Entrepreneur, qui lui répond que c’est normal, que les planchers travaillent, qu’il ne faut pas s’en faire. 

[4]       L’Entrepreneur lui dit que l’on ne répare rien dans la première année de la construction d’un immeuble car il est normal que les matériaux travaillent.

[5]       Il ajoute qu’il faut bien gérer le taux d’humidité et attendre à l’automne car le chauffage en saison froide va améliorer la situation.

[6]       Il confirme le tout par écrit par lettre du 15 septembre 2009 (pièce B-2) :

Suite à votre inquiétude concernant les planchers de bois franc nous aimerions porter à voter (sic!) attention l’importance de contrôler le taux d’humidité dans votre unité.  Lors de l’achat de votre copropriété protégée par la GMN de l’APCHQ vous avez reçu Le Tour Du Propriétaire « Manuel Du Propriétaire ».  Tel que mentionné dans ce manuel vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’une habitation bien construite est souvent plus vulnérable aux excès d’humidité que les autres habitations.  Un taux d’humidité élevé cause une expansion du bois franc alors qu’un taux failbe cause une contraction.  Un conseil pratique que vous trouverez dans votre «  Manuel Du Propriétaire » de l’APCHQ est de se procurer un hygromètre pour obtenir un relevé précis du taux d’humidité dans votre habitation.  L’apport d’air frais est le seul moyen d’abaisser le taux d’humidité ambiant.  La ventilation peut s’effectuer de façon naturelle par l’ouverture des portes et fenêtres ou de façon mécanique par l’utilisation d’un ventilateur d’extraction, par exemple le ventilateur de salle de bain d’un déshumidificateur.  Veuillez consulter Le Tour Du Propriétaire « Manuel Du Propriétaire » de l’APCHQ (pages 48 à 57) pour en savoir plus concernant l’humidité et votre habitation.

[7]       Elle vérifie le contenu de ces dires sur le site gomaison.com de l’APCHQ, et elle se sent réconfortée par les représentations de l’Entrepreneur et par celles trouvées dans le site web à l’effet qu’elle vit une situation normale « pour nous, la situation du plancher était temporaire », dit-elle.

[8]       Le document sur le site www.gomaison.com/gomaison/maison_neuve/tour/24.asp indique, entre autres (pièce B-5) :

Lors de leur assemblage, ces matériaux présentent un taux d’humidité relativement élevé.  A partir du moment où vous commencez à chauffer la maison, ces matériaux ont tendance à se contracter, provoquant ainsi l’apparition de diverses imperfections.  Ce phénomène est normal

Conseil pratique :

Attendez un an avant d’effectuer les travaux de correction nécessaires car il faut une année aux matériaux pour atteindre une certaine stabilité

[9]       L’automne ayant été chaud, elle affirme ne commencer à mettre le chauffage que vers la deuxième semaine de décembre 2009.

[10]    Le 2 janvier 2010 à 11 :28 PM, alors qu’elle n’aurait mis le chauffage que depuis 3 semaines, elle voit qu’il n’y a aucune amélioration et envoie un courriel à l’Entrepreneur (partie de la pièce B-1) :

Bonjour Peter,

Le présent courriel a pour but de te faire part de certaines anomalies détectées après la prise de possession de mon condo.

- le plancher :

. À plusieurs endroits (grande chambre, salle à manger ainsi que le salon), le plancher n’est pas pas (sic!) à niveau.  Lorsque nous marchons à ces endroits, celui-ci craque et nous sentons un espace entre le plancher et le sous-plancher.  Tel que discuté avec toi cette été, nous devions maintenir un taux d’humidité adéquat et ainsi, le plancher allait probablement se replacer de lui-même.  Depuis cette discussion, nous nous sommes procuré un déshumidificateur et avons contrôlé le niveau d’humidité mais la situation ne s’est pas améliorée.

. À quelques endroits, il y a de la peinture en dessous du vernis et il y a un espace entre deux lattes de bois de 0,4cm. […]

Suite à ces points, pourrais-tu svp, prendre contact avec nous afin d’établir un plan d’action pour rectifier la situation […]

[11]    Elle ne reçoit de réponse que le 11 janvier 2010 par courriel de l’Entrepreneur

Bonjour Caroline,

Désolé pour le retard à répondre, je n’étais pas en ville.

La bonne utilisation d’un déshumidificateur permettra d’éviter tout mouvement ultérieur de ses planchers.  En ce qui concerne les endroits ou vous sentez un espace entre le plancher et le sous-plancher dans certains cas le plancher se replace de lui-même.  J’ai le plancher du 542 à finir, en même temps nous allons vérifier cette situation ainsi que l’espace entre les lattes. […] (NOS SOULIGNÉS)

[12]    La Bénéficiaire affirme qu’à la vue des mots « dans certains cas », elle est devenue inquiète pour la première fois.

[13]    Suivent alors des conversations téléphoniques et des échanges de courriels, mais l’Entrepreneur ne se déplace pas sur les lieux pour voir le plancher et n’envoie pas de sous-traitant à cet effet.

[14]    La Bénéficiaire et son conjoint envoient une mise en demeure à l’Entrepreneur le 14 juin 2010 (pièce B-3 ou A-4), reçue le 15 juin, tel qu’il appert du relevé de Postes Canada, dans lequel la Bénéficiaire passe du tutoiement utilisé dans les courriels au vouvoiement :

La présente est pour vous informer que suite à la prise de possession du condo, plusieurs défauts de fabrication ont fait surfaces.  Après plusieurs tentatives de régler ces problèmes à l’amiable, aucunes améliorations n’ont été apportées.

Je vous rappelle que concernant le plancher, vous nous aviez mentionné que l’utilisation d’un déshumidificateur allait améliorer la situation et avons contrôlé le niveau d’humidité mais la situation ne s’est pas améliorée.  De plus au cours de l’été 2009 vous nous aviez mentionné qu’avec l’arrivé de l’automne, et donc, que l’utilisation du chauffage électrique pourrait améliorer la situation et qu’en cas contraire des correctifs seraient apportées.

Malheureusement, tel qu’écrit dans notre courriel du 2 janvier 2010, la situation ne s’est pas corrigée d’elle-même.  Au contraire, la situation s’est détériorée.

A plusieurs endroits (grande chambre, couloir, salle à manger ainsi que le salon) le plancher n’est pas à niveau.  Lorsque nous marchons à ces endroits, celui-ci craque énormément et nous sentons un espace entre le plancher et le sous-plancher.

A quelques endroits, il y a de la peinture en dessous du vernis et il y a un espace entre deux lattes de bois de 0,4 cm.  De plus, au cours des derniers mois, des espaces entre le plancher et les moulures de bas de mur se sont créés […]

[15]    La Bénéficiaire remplit une demande de réclamation auprès de l’Administrateur le 30 juin, qu’elle remet à l’Administrateur le 5 juillet, avec un chèque de $100.

[16]    Lors de l’Inspection de l’Inspecteur envoyé par l’Administrateur, la Bénéficiaire lui fait part que pendant l’été 2009, elle a signalé à l’Entrepreneur que son climatisateur, qui est à environ 7 pieds du plancher, faisait des coulisses d’eau sur le mur - le sous-traitant était venue, avait nettoyé le filtre et autres, et il n’y avait pas eu de coulisses jusqu’à la mi-été ou juillet 2010, alors que le climatisateur fonctionnait depuis juin 2010.  L’Inspecteur demanda à la Bénéficiaire de faire sa réclamation par écrit, ce qu’elle fit par courriel du 14 novembre 2010 avec copie à l’Entrepreneur (pièce B-6).

[17]    La Bénéficiaire pense que la condensation doit s’écouler par un drain mais la condensation ici s’écoule le long du mur.

[18]    Le 6 décembre 2010, l’Inspecteur rejette la réclamation de la Bénéficiaire quant au plancher et quant au climatisateur sur la base du non respect du délai légal :

Comme il fut mentionné au début du présent rapport, ces points furent dénoncés par écrit à l’administrateur en date du 5 juillet et du 15 novembre 2010. On constate donc qu’il s’est écoulé plus de six (6) mois entre la découverte des points en question par la bénéficiaire et le moemnet où cette dernière les a dénoncés par écrit à l’administrateur

[19]    Le 12 janvier 2011, la Bénéficiaire demande à ce qu’un tribunal d’arbitrage rejette la décision de l’Administrateur.

[20]    L’Administrateur et l’Entrepreneur ne présentent aucune preuve testimoniale, sauf, quant à la climatisation, pour confirmer la confusion dans les faits rapportés dans la décision versus les faits rapportés par la Bénéficiaire.

LE DROIT

 

[21]    Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement)

Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

 

[22]    La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause ( AZ-50285725 du 15 décembre 2004)  a jugé que ce Règlement était d’ordre public 

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.

[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […]

[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative.

 

[23]    L’article 27 du Règlement indique l’étendu de la couverture de la garantie

27.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

 

  1°    le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit:

 

  a)      par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception ;

 

  b)      par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes ;

 

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. [Nos soulignés]

.

[24]    Tel que confirmé lors de l’audience, le Tribunal d’arbitrage doit trancher la question suivante :

[24.1]    Les réclamations auprès de l’Administrateur furent-elles hors délai?

 

 

POSITIONS DES PARTIES

La Bénéficiaire

 

[25]    Quant au plancher, la Bénéficiaire déclare que, puisqu’il faut voir la situation réelle six mois avant le 5 juillet 2010, date de la réclamation écrite à l’Administrateur suivant celle du 15 juin à l’Entrepreneur, la question à trancher est « est-ce que le 5 janvier on pouvait savoir qu’on avait un problème réel au niveau des planchers », pour elle « la réponse est non ».

[26]    Dès août 2009, elle a eu des discussions avec l’Entrepreneur qui l’a assurée qu’elle vivait une situation normale, ce qu’elle avait confirmé par elle-même en allant sur le site web gomaison.com.  Elle croyait donc qu’elle vivait une situation temporaire, qu’en s’assurant d’un bas taux d’humidité, puis en commençant à mettre le chauffage dans la maison, elle règlerait le problème. 

[27]    Elle ajoute que c’est seulement à la lecture du courriel du 11 janvier 2010 de l’Entrepreneur qu’il y a eu « un changement de discours » de ce dernier par rapport à ce qu’il avait dit pendant l’été, car il écrivait maintenant « dans certains cas », changement de discours qui l’avait amené à croire, elle et son conjoint, qu’il y aurait un problème au niveau du plancher.

[28]    C’est donc le 11 janvier 2010 qu’elle aurait commencé à réaliser qu’il y aurait un problème.

[29]    Quant à la climatisation, le sous-traitant était venu réglé le problème de coulisse pendant l’été 2009, il avait fait une vérification, il avait dit de nettoyer le filtre, ce qui avait arrêté l’écoulement jusqu’à la mi-été ou juillet 2010, alors que la climatisation marchait depuis juin 2010.

[30]    Le conjoint de la Bénéficiaire ajoute que sa femme et lui sont du domaine bancaire, et n’ont aucune connaissance dans la construction, et que si c’était à refaire, ils referaient la même chose - ils ont de plus suivi la procédure prévue à la page 23 du Guide sur le plan de garantie du Gouvernement du Québec.

[31]    Elle soumet la décision Carmelina Coloccia - Guiseppe Borreggine c. Trilikon Construction et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (CCAC S09-231001-NP, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, 30 juillet 2010), qui sera plus amplement discutée ci-après.

[32]    En conclusion, la réclamation du 5 juillet et du 15 novembre 2010 sont à l’intérieur du délai de six mois prévus par la loi.

 

L’Administrateur

 

[33]    Pour l’Administrateur, la preuve démontre que dès août 2009, la Bénéficiaire a constaté des problèmes avec le plancher, des craquements et un vide sous le plancher - en janvier 2010, la Bénéficiaire a constaté le même problème de craquement et de vide sous le plancher.  Donc, ce n’est pas un problème qui s’est graduellement manifesté. 

[34]    L’Article 27 du Règlement aux alinéas 3, 4 et 5 indique que tout défaut constaté doit être déclaré tant à l’Entrepreneur qu’à l’Administrateur dans les six mois.

[35]    Il cite le jugement rendu par le Tribunal d’arbitrage soussigné dans Abdellatif Bensari c. Les Constructions M.C. et La Garantie Qualité Habitation (Soreconi #100508001, 26 novembre 2010, Me Roland-Yves Gagné, arbitre), à l’effet que le délai de six mois est un délai de déchéance.

[36]    Dans ces circonstances, la Bénéficiaire devait faire une dénonciation, la réclamation pouvant être produite plus tard, mais à partir du moment qu’il y a un problème fondé ou non, le législateur dit qu’on doit le dénoncer dans les six mois pour éviter d’être prescrit.

[37]    Le délai court, peu importe les représentations faites par l’Entrepreneur, même si c’est tant mieux s’il veut corriger un problème qui ne se règle pas de lui-même.

[38]    En conclusion, la dénonciation est hors délai.

[39]    Subsidiairement, l’Administrateur ajoute, sous toutes réserves, que même si le Tribunal d’arbitrage en venait à la conclusion que le délai de six mois ne devait pas commencer à courir à partir d’août 2009, le 2 janvier 2010, par courriel, la Bénéficiaire a constaté que malgré les solutions suggérées, la situation du plancher ne s’était pas améliorée et que le même problème persistait.

[40]    Donc, peu importe que le Tribunal considère la date de la constatation en août 2009 ou le 2 janvier 2010, la réclamation était hors le délai légal du 6 mois.

[41]    Quant à la climatisation (point 7 de la décision), la même situation s’applique - la Bénéficiaire a découvert le problème dès l’été 2009, problème qui s’est manifesté de la même façon, de la même manifestation, en juillet 2010, et la dénonciation était clairement hors délai.

 

 

L’Entrepreneur

 

[42]     L’Entrepreneur réitère les arguments soulevés par l’Administrateur.

[43]    Il ajoute que dans le jugement soumis par la Bénéficiaire, soit l’affaire Coloccia, le Tribunal en était venu à la conclusion que la Bénéficiaire ne pouvait pas soupçonner la gravité du problème - or, dans sa lettre du 14 juin 2010, elle écrit -

Malheureusement, tel qu’écrit dans notre courriel du 2 janvier 2010, la situation ne s’est pas corrigée d’elle-même. 

[44]    Un acheteur prudent et diligent était à même de voir que le problème n’a pas changé à partir du 2 janvier 2010.

[45]    Quant au point 7, il réitère les arguments de l’Administrateur.

[46]    Il soumet la décision dans Sylvain Pomone et Syndicat de la copropriété 7615 rue Lautrec, Brossard c. Habitations Signature Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. (Soreconi No 080730001, Me Jean Philippe Ewart, 14 janvier 2009), à l’effet que le délai de six mois est de rigueur et emporte déchéance.

Réplique du Bénéficiaire

[47]    La Bénéficiaire soumet qu’il n’est pas « nécessairement vrai » d’affirmer comme l’Administrateur que le vice n’était pas un vice graduel, sa lettre du 14 juin 2010 disant que la situation s’était détériorée

Au contraire, la situation s’est détériorée. […] De plus, au cours des derniers mois, des espaces entre le plancher et les moulures de bas de mur se sont créés

 

DÉCISION

[48]    La décision récente dans l’affaire Colloccia résume bien le droit applicable quand il s’agit de déterminer le point de départ de la découverte d’un vice ou d’une malfaçon

POINT DE DÉPART DU DÉLAI

[33] On se doit de déterminer un point de départ du délai. Ce délai relève, selon le Tribunal, d’un point de départ de prescription, et dans les cas d’une prescription dite «extinctive», soit un moyen qui permet à une partie de se libérer par l'écoulement du temps et aux conditions déterminées par la loi (art. 2875 C.c.Q), le point de départ de la prescription est le jour où le droit d'action a pris naissance (art. 2880 al 2 C.c.Q).

 

Notion de «découverte»

[34] Le point de départ du délai est fondé sur la connaissance du vice par l’acheteur.

Tenant compte des textes législatifs cités ci-haut, dans le cadre de la présente demande alléguant des vices cachés, c’est le terme «découverte» qu’il faut cerner d’à propos.

[35] Cette détermination repose sur le comportement des parties ainsi que sur la nature du vice visé.

[…]

[38] L’auteur, Me Edwards, poursuit en soulignant le concept de base en droit applicable que le droit d’action n’est que lorsque le préjudice est certain et lie cet énoncé aux termes de 2926 C.c.Q. :

« À vrai dire, les tribunaux québécois reconnaissent, depuis déjà longtemps, que le droit d’action ne peut naître avant que le préjudice qu’il vise à réparer ne soit certain. En droit nouveau, la règle est formellement reconnue aux termes de l’article 2926 C.c.Q. Même si sa formulation laisse à désirer, l’article précise que lorsque le préjudice «se manifeste graduellement ou tardivement», le délai de prescription «court à compter du jour où il se manifeste [de manière importante] pour la première fois »

On note que l’auteur insère «… [de manière importante] …» à son texte explicatif dans le cadre de l’énoncé repris de l’article 2926 C.c.Q.

[39] Enfin, la doctrine nous enseigne sous la plume de Jean Louis Baudouin, citant d’autre part une jurisprudence abondante de nos tribunaux, que, dans le cadre de non-simultanéité de la faute et du dommage, soit la situation sous étude:

« … l’on doit se reporter au fondement même de la prescription extinctive : la sanction d’une conduite négligente. On doit donc, à notre avis, partir du jour où une victime raisonnablement prudente et avertie pouvait soupçonner le lien entre le préjudice et la faute. »

[40] Applicable en l’espèce, Baudouin conclut que la réalisation du préjudice se doit d’être entendue dans un sens subjectif, qu’il faut que la victime l’ait identifiée et que la connaissance du préjudice et donc du dommage est essentielle à la réunion des conditions juridiques du droit de poursuite.

[41] L’appréciation par le Tribunal du moment de la découverte ou de la connaissance par les Bénéficiaires se doit de s’appuyer sur l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée et c’est pourquoi le Tribunal a entre autre pourvu à la reproduction des passages pertinents des correspondances entre les Parties […]

[42] Cette appréciation s’appuie d’autre part sur le fardeau de preuve applicable, sur lequel s’exprime notre Cour suprême dans un jugement unanime récent de 2007 traitant de la garantie contre les vices cachés en droit québécois, sous les motifs conjoints des juges Lebel et Deschamps :

« … Contrairement à la présomption de connaissance imposée au vendeur, aucune présomption de connaissance ne pèse sur l’acheteur, qui est toujours présumé de bonne foi. Le fardeau de prouver la connaissance réelle du vice repose donc toujours sur le vendeur : Jobin, p. 464; Pourcelet, p. 149; T. Rousseau-Houle, Précis du droit de la vente

et du louage (2e éd. 1986), p. 134 »

 […]

[45] Finalement, le Tribunal prend bonne note des affirmations précitées de l’Administrateur dans l’extrait (Pièce B-2) de son Manuel du propriétaire, Le tour

du propriétaire.

[46] En résumé, pour qu’il y ait « découverte » au sens de 1739 C.c.Q. et des dispositions applicables aux présentes, il est requis une connaissance d’un bénéficiaire prudent et averti qui agissant de façon diligente puisse soupçonner qu’une malfaçon ou vice est existante, ce qui requiert à tout le moins une indication suffisante d’un problème, et une connaissance que ce problème causera un préjudice certain.

 

Point 5 - Le plancher

 

[49]    Tout d’abord, le Tribunal d’arbitrage souligne

[49.1]    qu’il ne peut faire sienne la proposition d’imposer aux Bénéficiaires en général et à la Bénéficiaire en particulier, l’envoi d’un avis même dans un cas qualifié de situation normale par l’Administrateur et l’Entrepreneur, pour le cas potentiel, inconnu par la Bénéficiaire, qu’il y ait un problème ou non - il s’agit d’une condition supplémentaire non prévue par la Loi, puisqu’on exigerait l’envoi d’une dénonciation même en l’absence de tout soupçon de vice ou malfaçon et le Tribunal d’arbitrage doit s’en tenir aux dispositions du Règlement, qui sont d’ordre public;

[49.2]    qu’il fait sienne les conclusions Carmelina Coloccia - Guiseppe Borreggine c. Trilikon Construction et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (CCAC S09-231001-NP, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, 30 juillet 2010).

[50]    Le Tribunal doit donc trancher entre les deux positions suivantes pour savoir si l’une détermine le moment de la découverte de la malfaçon ou du vice (à supposer qu’il y en a un, objet d’une autre audience au fond) au sens de l’Article 27 du Règlement :

[50.1]    D’après l’Administrateur et l’Entrepreneur, subsidiairement à leur position quant à une découverte en août 2009 : la découverte a eut lieu au moins au 2 janvier 2010, quand la Bénéficiaire avise l’Entrepreneur que la solution qu’il a proposée pour régler son « anomalie » ne fonctionne pas et qu’elle lui demande de prendre contact avec elle « afin d’établir un plan d’action pour rectifier la situation », dans ce cas, la réclamation est irrecevable en droit car hors le délai légal

[50.2]    D’après la Bénéficiaire : la découverte a eut lieu le 11 janvier 2010, quand la Bénéficiaire apprend de l’Entrepreneur qu’il lui dit de continuer à appliquer la même solution que celle proposée, car dans certains cas cette solution fonctionne (« dans certains cas le plancher se replace de lui-même »), la Bénéficiaire constatant un changement de discours de l’Entrepreneur, puisque la solution ne fonctionnerait que « dans certains cas » - l’avis du 2 janvier 2010 doit alors être mis dans le contexte des discussions avec l’Entrepreneur à cet effet depuis août 2009, qui l’a convaincu, ainsi que l’Administrateur dans son manuel du propriétaire, qu’elle vivait alors une situation normale qui allait se régler d’elle-même - dans ce cas, la réclamation est recevable en droit car dans le délai légal.

[51]    Comme le Tribunal d’arbitrage soussigné le rappelait dans l’affaire Bensari

[64] […] l’état du droit à cet effet est clair : le délai de six mois prévu à l’article 10 du Règlement est un délai de rigueur et de déchéance.

[65] Dans l’affaire Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ (Soreconi 070424001) du 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, écrit :

[31] Le Tribunal est d’avis […] que le délai maximum de six (6) mois prévu aux alinéas 3e, 4e et 5e respectivement de l’article 10 [note : équivalent à l’article 27 ici] du Règlement est de rigueur et de déchéance et ne peut conséquemment être sujet à extension.

[36] En résumé, la dénonciation prévue à l’article 10 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n’est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et à le (sic!) droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés

[66] Baudouin explique ce qu’est un délai de déchéance[1]

Dans le cas des délais de déchéance, la créance est absolument éteinte après l'expiration du temps fixé.  Le tribunal est alors tenu de suppléer d'office au moyen en résultant (art. 2878 C.c.).  Dans ces cas donc, ce n'est plus seulement l'action en justice qui est éteinte, mais bien le droit lui-même.

[52]    L’article 116 du Règlement est à l’effet que l’arbitre statue conformément aux règles de droit.

116.  Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.

 

[53]    La Cour supérieure affirme dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis ( 2007 QCCS 4701 26 octobre 2007, C.S., Michèle Monast, juge)

[75] Il est acquis au débat que l'arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu'il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui.  Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l'équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu'il peut suppléer au silence du règlement ou l'interpréter de manière plus favorable à une partie.

 

[54]    Le Tribunal d’arbitrage doit déterminer le point de départ d’un délai de déchéance, après lequel le droit d’un Bénéficiaire à la couverture du plan de garantie visé n’existe plus.

[55]    Le Tribunal d’arbitrage ne peut donc pas faire appel à l’équité pour faire réapparaître un droit qui n’existe plus, il ne s’agit pas ici de suppléer au silence du règlement ou l’interpréter de manière plus favorable à une partie, mais de fixer la date de la découverte de la malfaçon ou du vice, s’il existe, selon la preuve devant lui et le droit.

[56]    L’article 27 du Règlement parle de la découverte de la malfaçon ou du vice, et non du moment auquel un Bénéficiaire devient inquiet car l’Entrepreneur n’a pas de solution pour régler son problème.

[57]    Au cours de 2009, jusqu’au temps des Fêtes de fin d’année, la Bénéficiaire allègue qu’elle était convaincue qu’elle vivait une situation normale - l’Entrepreneur lui a dit de chauffer et de contrôler son humidité, que son problème allait se régler de lui-même, qu’elle a vérifié le manuel du propriétaire de l’Administrateur, et qu’elle était confortée parce que le manuel disait la même chose.

[58]    Il est clair pour le Tribunal d’arbitrage que si la Bénéficiaire était toujours dans cette conviction, elle n’aurait pas écrit à l’Entrepreneur pour lui dire que sa solution ne marchait pas et qu’il devait lui donner un plan d’action.  Au sens de l’article 27 du Règlement, elle avait découvert une situation qui, d’après elle, n’était pas normale, elle avait donc découvert une malfaçon ou un vice.

[59]    Le Tribunal cite encore une fois le courriel du 2 janvier 2010 - les passages soulignés sont de lui :

- le plancher :

. À plusieurs endroits (grande chambre, salle à manger ainsi que le salon), le plancher n’est pas pas (sic!) à niveau.  Lorsque nous marchons à ces endroits, celui-ci craque et nous sentons un espace entre le plancher et le sous-plancher.  Tel que discuté avec toi cette été, nous devions maintenir un taux d’humidité adéquat et ainsi, le plancher allait probablement se replacer de lui-même.  Depuis cette discussion, nous nous sommes procuré un déshumidificateur et avons contrôlé le niveau d’humidité mais la situation ne s’est pas améliorée.

. À quelques endroits, il y a de la peinture en dessous du vernis et il y a un espace entre deux lattes de bois de 0,4cm. […]

Suite à ces points, pourrais-tu svp, prendre contact avec nous afin d’établir un plan d’action pour rectifier la situation […]

[60]    Le 2 janvier 2010, la Bénéficiaire a écrit à l’Entrepreneur pour qu’il vienne constater une situation qui ne s’était pas améliorée et qu’il vienne établir un plan d’action.  Il est impossible pour le tribunal de conclure que la Bénéficiaire était alors convaincue que la situation était toujours normale et qu’elle allait se corriger d’elle-même - elle avait bel et bien « découvert » que son problème n’allait pas se régler nécessairement tout seul. 

[61]    Elle confirme elle-même cette position par lettre du 14 juin 2010 (nos soulignés) :

De plus au cours de l’été 2009 vous nous aviez mentionné qu’avec l’arrivé de l’automne, et donc, que l’utilisation du chauffage électrique pourrait améliorer la situation et qu’en cas contraire des correctifs seraient apportées.

Malheureusement, tel qu’écrit dans notre courriel du 2 janvier 2010, la situation ne s’est pas corrigée d’elle-même.  Au contraire, la situation s’est détériorée.

[62]    La lettre du 14 juin n’est pas consistante avec la position de la Bénéficiaire à l’effet qu’elle était convaincue d’août 2009 et jusqu’au 11 janvier 2010 que la situation était normale et qu’elle allait se corriger d’elle-même puisqu’elle invoque ici qu’on l’avait informé de la possibilité de la survenance d’un « cas contraire », et ce, même si ni elle ni son conjoint n’a d’expérience dans le domaine de la construction.

[63]    La Bénéficiaire affirme qu’elle est devenue inquiète seulement le 11 janvier 2010 à la lecture du courriel de l’Entrepreneur.  Jusque là, « tout au long du processus, [l’Entrepreneur] nous a accompagné et nous lui avons fait confiance » (témoignage du conjoint de la Bénéficiaire).  Toutefois, la confiance que l’Entrepreneur peut apporter une solution à une malfaçon ou un vice n’est pas le point de départ du délai de six mois au sens de l’article 27 du Règlement, ni une base pour prolonger un délai qui est de déchéance. 

[64]    La Bénéficiaire demande de bonne foi au Tribunal d’arbitrage de changer le droit en sa faveur, ce qu’il ne peut faire.

[65]    Dans l’affaire Lu et Construction Roger Vincent inc., Me Jean Philippe Ewart, arbitre, (CCAC), S10-020201-NP, 2010-09-08, le Tribunal d’arbitrage rappelle qu’on ne peut pas prolonger un délai de déchéance dans ces circonstances 

May the six month delay be extended by the Tribunal?

 

[50]     Can this six month delay be extended by the Tribunal in certain circumstances? We must answer in the negative.

[51]     The Tribunal sympathizes with the Beneficiaries’ situation, even more so when taking into consideration that the Beneficiaries may have been misled by the Contractor as to promises of having the repairs effected in a timely manner, promises which were not fulfilled at such time nor thereafter prior to the filing of this request for arbitration.

Our underlines.

[52]     Nevertheless, a reasonable delay in excess of the six month period is not an applicable concept in the circumstances of the delays respectively provided under the applicable(s) paragraph(s) provided under section 10 of the Regulation, purely and simply by the definition of a delay of forfeiture.

[66]    Le Tribunal d’arbitrage doit appliquer la loi et déclarer irrecevable la réclamation de la Bénéficiaire envers l’Administrateur pour son plancher pour la seule raison qu’elle est hors le délai de 6 mois au sens de l’article 27 du Règlement.

[67]    Vu la conclusion du Tribunal d’arbitrage, ce dernier doit renvoyer cette question aux tribunaux civils de droit commun, à supposer que la Bénéficiaire ait un recours fondé en faits et en droit à cet effet contre toute partie autre que l’Administrateur.

 

Point 7 - La climatisation

 

[68]    La Bénéficiaire a constaté que l’eau s’écoulait du climatisateur l’été 2009 - le sous-traitait vient régler le problème car si l’eau arrête de couler.

[69]    L’eau s’écoule en juillet 2010 - elle envoie son avis en novembre 2010 à l’Adminstrateur et à l’Entrepreneur.

[70]    L’article 27 du Règlement parle d’un délai qui commence à la découverte de la malfaçon ou du vice. Ici, la preuve montre qu’il y a eu deux manifestations d’écoulement, l’une en été 2009 l’autre en été 2010 et aucune entre les deux. 

[71]    Qui plus est, l’Administrateur a admis lors de l’audience que les faits rapportés dans sa décision n’étaient pas conformes à ce qui s’était vraiment passé et qu’il y avait eu confusion - pour les fins de la présente décision seulement, le Tribunal retient comme faits avérés, le témoignage de la Bénéficiaire à ce sujet;

[72]    Le Tribunal constate que l’Administrateur rejette la réclamation de la Bénéficiaire car « il s’est écoulé plus de six (6) mois entre la découvertes des points en question par la bénéficiaire et le moment où cette dernière les a dénoncés par écrit à l’administrateur ».

[73]    Le point en question est « écoulement d’eau par l’unité de climatisation ».

[74]    Il y a eu ici écoulement en 2009, qui fut réglé suite à une intervention du sous-traitant.  Puis écoulement en juillet 2010, et la dénonciation a été faite à l’intérieur du délai de six mois quant à l’écoulement de juillet 2010, soit en novembre 2010.

[75]    Le Tribunal d’Arbitrage doit faire preuve de prudence quand deux préjudices se manifestent à des intervales aussi longs.

[76]    Vu la preuve particulière dans le présent dossier, entre autre la confusion quant aux faits au support de la décision de l’Administrateur et la survenance de deux préjudices qui se sont manifestés à un an d’intervale, le Tribunal d’arbitrage  accueille la demande de la Bénéficiaire quant au délai et renvoie cette affaire pour une décision au fond de l’Administrateur.

[77]    Le Tribunal note qu’il s’est écoulé en juillet 2010 plus d’un an entre la date de la réception et la découverte du préjudice, la couverture du plan de garantie quant aux malfaçons prévue à l’alinéa 3 de l’article 27 du Règlement étant donc expirée.

 

CONCLUSIONS

[78]    Pour ces motifs,

[78.1]    quant au point 5, le Tribunal se doit de maintenir la décision de l’Administrateur qui a bien interprété le Règlement quant aux délais prévus à l’article 27 et de rejeter la demande de la Bénéficiaire, le tout sous toutes réserves du droit de la Bénéficiaire de porter devant les tribunaux civils de droit commun, ses recours quant au plancher contre toute personne autre que l’Administrateur, sujets aux règles de droit commun incluant la prescription civile, à supposer qu’elle ait un tel recours;

[78.2]    quant au point 7, soit la climatisation, le Tribunal se doit de

[78.2.1]        déclarer sous réserve de l’applicabilité de l’article 27 (sauf les alinéas 1, 2, et 3) du Règlement quant au mérite de la réclamation à être déterminée par l’Administrateur, que la réclamation de la Bénéficiaire transmise le 14 novembre 2010 quant à l’écoulement d’eau par l’unité de climatisation à l’Administrateur et à l’Entrepreneur l’a été à l’intérieur de la limite de six mois prescrite à l’article 27 (sauf l’alinéa 3) du Règlement et

[78.2.2]        retourner le dossier à l’Administrateur pour une décision sur le mérite.

FRAIS

[79]    L’article 37 du Règlement stipule : 

Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

[80]    Le Bénéficiaire ayant eu gain de cause sur un aspect de sa réclamation, l’Administrateur doit supporter la charge des coûts de l’arbitrage. 

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE

ACCUEILLE partiellement la demande de la Bénéficiaire;

MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 6 décembre 2010 quant au point 5 (plancher);

RÉSERVE à la Bénéficiaire ses recours pour le plancher contre toute personne autre que l’Administrateur, devant les Tribunaux de droit commun, sujets aux règles de droit commun et de la prescription civile, à supposer qu’elle ait un recours fondé en faits et en droit;

REJETTE la décision de l’Administrateur du 6 décembre 2010 quant au délai de la réclamation au point 7 (écoulement de l’eau du climatisateur);

DÉCLARE, sous réserve de l’applicabilité de l’article 27 (sauf les alinéas 1, 2, et 3) du Règlement quant au mérite de la réclamation à être déterminée par l’Administrateur, que la réclamation de la Bénéficiaire transmise le 14 novembre 2010 quant à l’écoulement d’eau par l’unité de climatisation à l’Administrateur et à l’Entrepreneur l’a été à l’intérieur de la limite de six mois prescrite à l’article 27 du Règlement;

RETOURNE le dossier à l’Administrateur pour l’émission d’une nouvelle décision sur la réclamation de la Bénéficiaire transmise le 14 novembre 2010 quant à l’écoulement d’eau par l’unité de climatisation basée sur le mérite du dossier, dans les 60 jours de la réception de cette décision et SUBSIDIAIREMENT, SI QUICONQUE PRODUIT UNE DEMANDE D’ARBITRAGE AU SUJET DE CETTE AUTRE DÉCISION QUANT AU POINT 7 (ÉCOULEMENT DE L’EAU DU CLIMATISATEUR) POUR LA CONTESTER EN TOUT OU EN PARTIE LE, DEMEURE saisi et conserve compétence relativement à cette autre décision quant au sujet soulevé par le point 7 et réserve les droits des parties de soumettre au Tribunal d’arbitrage soussigné leurs prétentions quant à ce point dans cette autre décision, s’il y a lieu.

CONDAMNE l'Administrateur du Plan de Garantie à payer les frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier.

Montréal, le 27 avril 2011

 

__________________________

Me ROLAND-YVES GAGNÉ

ARBITRE/CCAC

 

Procureurs :

 

Pour l’Entrepreneur

Me Sonia Beauchamp

 

Pour l’Administrateur

Me Luc Séguin

Savoie, Fournier

 

Jurisprudence citée :

 

La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause (Cour d’appel, AZ-50285725 du 15 décembre 2004)  

 

Carmelina Coloccia - Guiseppe Borreggine c. Trilikon Construction et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (CCAC S09-231001-NP, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, 30 juillet 2010)

 

Abdellatif Bensari c. Les Constructions M.C. et La Garantie Qualité Habitation (Soreconi No : 100508001, 26 novembre 2010, Me Roland-Yves Gagné, arbitre)

 

Sylvain Pomone et Syndicat de la copropriété 7615 rue Lautrec, Brossard c. Habitations Signature Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. (Soreconi No 080730001, Me Jean Philippe Ewart, 14 janvier 2009)

 

Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis ( 2007 QCCS 4701 26 octobre 2007, C.S., Michèle Monast, juge)

 

Lu et Construction Roger Vincent Inc., CCAC, S10-020201-NP, 8 septembre 2010, Me Jean-Philippe Ewart, arbitre

 

 



[1] La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 1219, I-1447