TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N/d 

GAMM : APCHQ :

 

173-05

Plaintes 1 et 2 : 2005-04-01

05-354.1SP (060412) et 05-354SP (060412)

 

Date :

9 juin 2006

______________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

Me Bernard Lefebvre

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Sylvie Giroux et Gaëtan Daigle                                                           Bénéficiaires  

 

 

Et

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.        Administrateur

 

ET

 

Aubut Construction inc.                                                                        Entrepreneur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

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[1]   La question essentielle est de savoir si l’Administrateur doit prendre en charge les parachèvements et les correctifs relatifs aux travaux décrits dans les rapports de l’inspecteur conciliateur de l’Administrateur et de l’expert Gauvreau, comme le demandent les bénéficiaires, ou, de donner à l’entrepreneur l’occasion d’effectuer lui-même ces parachèvements et correctifs, comme le demande l’Administrateur.

 

[2]   À l’audience, l’entrepreneur s’est engagé à effectuer tous les parachèvements et correctifs mentionnés dans les rapports de l’inspecteur conciliateur et de l’expert et il a aussi acquiescé à donner satisfaction aux bénéficiaires.

 

[3]   En définitive, l’arbitre doit-il donner à l’entrepreneur l’occasion d’effectuer les travaux en question même s’il a stagné à s’exécuter ?

 

[4]   ? La réponse à la question repose sur la qualification juridique des faits en cause.

 

[5]   Nous exposons le litige en fonction de la chronologie des événements pertinents à l’exercice de notre juridiction.

 

 

I. LA PREUVE

 

 

[6]   Le 29 octobre 2003, les bénéficiaires et l’entrepreneur concluent un contrat de construction relatif à la construction de la maison situé au […] à Beauport qui servira de résidence.

 

[7]   Le devis de construction du contrat précise les composantes de la toiture, des murs, des planchers, du sous-sol et de la dalle de béton.

 

 

[8]   Le 8 avril 2004, les bénéficiaires transmettent à l’entrepreneur la liste des travaux à parachever et à corriger, rédigée par la firme Scrutech lors de l’inspection pré réception du bâtiment.

 

[9]   Le 13 avril 2004, l’entrepreneur met les bénéficiaires en demeure  de compléter la Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment (étape 5) émise par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ. (la Garantie). À défaut, la date de réception du bâtiment sera fixée au 19 avril suivant.

 

[10]        Le 20 avril 2004, les bénéficiaires contestent vigoureusement les allégations de la mise en demeure de l’entrepreneur et ils explicitent la nature des parachèvements et des corrections à effectuer.

 

[11]       Le 26 avril 2004, les bénéficiaires transmettent leur réclamation à l’Administrateur de la Garantie.

 

[12]       Le 6 mai 2004, l’Administrateur demande à l’entrepreneur de remédier à la situation dénoncée par les bénéficiaires le 20 avril précédent.

 

[13]       Le 17 mai 2004, l’Administrateur constate que l’entrepreneur n’a pas donné suite à sa demande du 6 précédent et il transmet le dossier à son service d’inspection.

 

[14]        M. Yvan Gadbois, inspecteur-conciliateur de l’Administrateur, inspecte le bâtiment le 18 août 2004 et il vérifie l’ensemble des 49 points mentionnés dans la réclamation des bénéficiaires.

 

[15]       M. Gadbois dépose son rapport d’inspection le 10 septembre 2004.

 

[16]       M. Gadbois demande à l’entrepreneur de se conformer à ses décisions concernant les onze points suivants, à savoir : 1. Plinthe électrique bossée au salon 2. Poutrelle entaillée 3. Trois poutrelles entaillées de façon douteuse 4. Support douteux d’une poutrelle 5. Présence de conduit flexible sur l’évacuation de la sécheuse 6. Rampe au garage pas conforme 7. Soli au mât électrique déficient 8. Une marche manquant au perron avant 9. Rouille et béton qui s’effrite au fer-angle du seuil de la porte de garage 10. Trace de rouille sur le perron de béton en façade 11. Coulis endommagé à la céramique de la cuisine et le vestibule .

[17]        M. Gadbois ne peut établir la justification du point 12. Poteau manquant au coin de la rampe de l’escalier intérieur, sur la base des documents contractuels.

 

[18]        Selon lui, les points 13. Débris au fond du bassin de captation du garage, 14. Joint de gypse pas fait à l’intérieur du garde-robe de l’entrée sud 15. Déformation de la finition des murs du garage 16. Drain du lavabo futur pas centré entre la douche et la porte 17. Escalier du sous-sol modifié et réparé avec embouts collés 18. Bardeaux de toiture mal collés près du faîte au toit surplomb la porte patio 19. Regards et clapets au milieu de la salle de bains du sous-sol,  ne sont pas des malfaçons au sens de l’article 3.2 de la Garantie.

 

[19]       Sur les points 20 Tuyau de la sécheuse ne parcourt pas le trajet le plus court et 21 Couvercle du bassin de captation pas fixé, M. Gadboid est d’avis que ces points sont acceptables dans l’industrie de la construction, au sens de l’article 3.2 de la Garantie.

 

[20]       M. Gadbois conclut que les bénéficiaires n’ont pas été en mesure de démontrer que le point 22 Structure exposée aux intempéries durant 6 semaines pouvant occasionner un travail hors de la normale équivaut à malfaçon.

 

[21]       Les conditions climatiques ne permettent pas à M. Gadbois de constater la situation relative aux points 23. Pare-vapeur absent devant l’isolant de la porte en porte à faux, 24 Pare vapeur absent sur l’isolant au mur extérieur de la salle de bain au sous sol 25. Isolant absente du conduit d’évacuation de la sécheuse et il en reporte à plus tard la vérification de ces éléments de même que le point 26. Isolation absente du conduit d’évacuation de la sécheuse.

 

[22]       M. Gadbois note que les bénéficiaires  abandonnent les points 27 à 49.

 

[23]       Le 21 septembre 2004, l’entrepreneur se déclare insatisfait relativement à certaines décisions de M. Gadbois.

 

[24]       Le 29 octobre 2004, M. Gadbois constate que l’entrepreneur n’est pas intervenu concernant le point 2. Poutrelle entaillée ; qu’une intervention a été faite concernant les points 3. Trois poutrelles entaillées de façon douteuse, 4. Support douteux d’une poutrelle mais que l’entrepreneur devra demander une attestation de conformité du manufacturier des poutrelles sur la rectification apportée aux poutrelles du plancher au vestibule.

[25]       Concernant le point 5. Présence de conduit flexible sur l’évacuation de la sécheuse, M. Gadbois constate que l’entrepreneur est intervenu, mais il indique qu’il devra isoler les quatre premiers pieds du conduit près du mur extérieur et vérifier l’étanchéité du conduit qui dégoutte lors de l’utilisation au coin intérieur face à l’escalier.

 

[26]       Sur le point 8. Une marche manquant au perron avant, M. Gadbois indique que que l’entrepreneur devra ajouter une marche au perron avant, telle que prévue au contrat …

 

[27]       Sur le point 9. Rouille et béton qui s’effrite au fer-angle du seuil de la porte de garaqe, M. Gadbois remarque que l’entrepreneur est intervenu mais qu’il faut  nettoyer le fer angle et appliquer un protecteur sur le métal.

 

[28]       Sur le point 10. Trace de rouille sur le perron de béton en façade, l’entrepreneur est intervenu. M. Gadbois signale les travaux à compléter.

 

[29]       Les bénéficiaires informent M. Gadbois que l’entrepreneur est intervenu concernant les points 1. Plinthe électrique bossée au salon 6. Rampe au garage pas conforme 7. Soli au mât électrique déficient et 11. Coulis endommagé à la céramique de la cuisine et le vestibule.

 

[30]       Le 4 novembre 2004, M. Gadbois décide de confier les travaux afférents aux points 2, 3, 4, 5, 8, 9 et 10, à l’entreprise « Meunier D.G.L.E. inc. et il informe l’entrepreneur que ces travaux sont effectués à ses frais et dépens.

 

[31]       Le 4 novembre 2004, les bénéficiaires signalent à M. Gadbois la présence de moisissures le long du mur du garage et autres problèmes afférents et ils demandent l’intervention immédiate de l’Administrateur.

 

[32]       Le 8 novembre 2004, les bénéficiaires demandent à l’entrepreneur de corriger les anomalies affectant le plancher de béton, le ruban retenant les pares vapeur du sous-sol, les cas de moisissure et la pose de fils électriques au sous-sol.

 

[33]       Le 11 novembre 2004, M. Gadbois informe les bénéficiaires qu’il inspectera les lieux incessamment et il suggère à ceux-ci de dénoncer à l’entrepreneur les éléments mentionnés dans leur lettre du 8 novembre.

[34]       Le 24 novembre 2004, les bénéficiaires formulent une deuxième plainte. Ils demandent à l’entrepreneur de réparer le lien continu du plancher du salon,  de corriger l’appui de la poutre Microllam selon les spécifications du manufacturier; de vérifier la cause de la dénivellation du plancher du porte-à-faux par rapport au plancher de la salle à manger et de fixer le cadre et le coupe froid de la porte de l’entrée principale.

 

[35]       Le 3 décembre 2004, l’Administrateur enjoint  l’entrepreneur d’intervenir au regard des travaux relatifs à la plainte des bénéficiaires du 24 novembre 2004.

 

[36]       Le 7 janvier 2005, l’Administrateur transfert la deuxième plainte à son service d’inspection.

 

[37]       Le 28 janvier 2005, M. Gadbois inspecte le domicile des bénéficiaires concernant les points 23. Pare vapeur absent devant l’isolant de la porte en porte à faux, 24 Pare vapeur absent sur l’isolant au mur extérieur de la salle de bain au sous sol 25. Isolant absente du conduit d’évacuation de la sécheuse, de la première plainte numéro un ainsi que les points 1. le lien continu mal plancher du salon, 2. Porte d’entrée difficile à utiliser, 3. Appui déficient des poutrelles du plancher dos au garage, 4. Espace entre les sections de la poutre et son dimensionnement, 5. Assemblage de la partie en porte-à-faux, 6. Dénivelé au plancher de la salle à manger, 7. Installation du pare vapeur à la rive du plancher, 8. Drain du garage traversant le mur de fondation, 9. Isolant rigide endommagé pour passer les fils électriques, 10. Absence de plaque de protection pour les fils aux murs du sous-sol, 11. Plancher de béton pas continu jusqu’aux murs de fondation, 12. Appui de certaines poutrelles insuffisantes sur la poutre et 13. présence de moisissure au bas du mur de gypse au sous-sol, relatifs à la deuxième plainte.

 

[38]       Le 14 février 2005, M. Gadbois considère que les points 23 et 24 sont couverts par la Garantie, mais non pas le point 25.

 

[39]        M. Gadbois, produit, le 21 février 2005 son rapport d’inspection effectuée le 28 janvier précédent concernant les éléments de la deuxième plainte. Il considère que les points 1 à 8 ci-dessus sont couverts par la Garantie. M. Gadbois rejette les points 9, 10, 11 et 12 et il ne peut se prononcer sur le point 13, compte tenu des conditions climatiques.

 

 

[40]       Le 25 février 2005, l’entrepreneur informe les bénéficiaires qu’il est disponible pour effectuer les travaux relatifs aux points 1 à 8.

 

[41]       Le 3 mars 2005, les bénéficiaires donnent à l’entrepreneur leur emploi du temps et ils demandent de présenter une copie des recommandations du manufacturier concernant les travaux à réaliser.

 

[42]       Le 7 mars 2005, M. Gadbois informe l’entrepreneur que les termes de la Garantie n’exigent pas de fournir une copie des recommandations du manufacturier avant d’effectuer les travaux.

 

[43]       Plus précisément, M. Gadbois indique aux bénéficiaires que les mentions de recommandations du manufacturier indiquées dans son rapport d’inspection du 21 février 2005 avaient pour but d’orienter l’entrepreneur en impliquant le manufacturier et d’éviter que ses interventions affectent l’intégrité  structurale du plancher.

 

[44]       Le 17 mars 2005, les bénéficiaires indiquent à M. Gadbois que l’entrepreneur n’a pas complété l’ensemble des travaux reconnus comme étant couverts par la Garantie.

 

[45]       Le 22 mars suivant, sur la base des informations reçus de l’entrepreneur, M. Gadbois indique aux bénéficiaires qu’il a procédé à tous les correctifs et qu’il est dans l’attente de l’attestation de conformité de son ingénieur.

 

[46]        Le 31 mars 2005, les bénéficiaires énumèrent 5 points non corrigés de la deuxième plainte et ils soulignent que le point 24 Pare vapeur absent sur l’isolant au mur extérieur de la salle de bain au sous sol n’a pas été corrigé totalement et conformément au Code national du bâtiment, selon les termes du rapport du 14 février 2005.

 

[47]        Le 5 avril 2005, M. Gadbois informe les bénéficiaires qu’une inspection supplémentaire de leur domicile s’impose.

 

[48]       Le 16 septembre 2005 l’ingénieur Pierre Gauvreau, mandaté par l’Administrateur, et M. Gadbois, inspectent le bâtiment des bénéficiaires concernant les points 2. Poutrelle entaillée 3. Trois poutrelles entaillées de façon douteuse 4. Support douteux d’une poutrelle, (plainte no 1) relatifs à la décision de M. Gadbois rendue le 4 novembre 2004 à la suite de son inspection du 29 octobre 2004 et les points 1. le lien continu mal plancher du salon, 2. Porte d’entrée difficile à utiliser 3. Appui déficient des poutrelles du plancher dos au garage, 4. Espace entre les sections de la poutre et son dimensionnement 5. Assemblage de la partie en porte-à-faux et 6. Dénivelé au plancher de la salle à manger, relatifs à la décision de M. Gadbois rendue le 21 février 2005 à la suite de son inspection du 28 janvier précédent, (plainte no 2).

 

[49]       L’ingénieur Gauvreau  dépose son expertise le 4 octobre et M. Gadbois dépose son rapport d’inspection le 26 octobre 2005.

 

[50]       L’ingénieur Gauvreau conclut que les trois anomalies relatives aux points 2. Poutrelle entaillée 3. Trois poutrelles entaillées de façon douteuse 4. Support douteux d’une poutrelle de la plainte no 1 ont été corrigées par l’entreprise Meunier DGLE 2000 inc. selon les recommandations du fabricant des poutrelles.

 

[51]       M. Gauvreau constate que le point 3. Appui déficient des poutrelles du plancher dos au garage (plante no 2) a été corrigé de façon satisfaisante en suivant les recommandations du fabricant des poutrelles du plancher. Les points 1. le lien continu mal plancher du salon 4. Espace entre les sections de la poutre (consolidation de la poutre centrale) et 6. Dénivelé au plancher de la salle à manger, (plainte no 2) doivent être corrigés et il indique la méthode appropriée à cette fin. L’ingénieur Gauvreau écrit :

 

« 1.le lien continu mal plancher du salon

-Déclouer le lien continu fixé aux diagonales des poutrelles, en prenant   soin de ne pas endommager les pièces de bois; 

-Fixer solidement le lein continu [2 x6] verticalement dans les poutrelles.

-Ajouter une membrure verticale en 2x3 à chacune des poutrelles, afin d’assurer un assemblage solide entre le lien continu et chacune des poutrelles du plancher. Les assemblages devront être vissées et collées pour éviter les bruits pouvant être produits par le craquement.

 

1.    Consolidation de la poutre centrale

 

              Assemblage de la poutre

 

           -Améliorer l’assemblage des deux pièces de bois lamellé formant la

            poutre centrale en ajoutant sur toute la longueur de la poutre 2 rangées

            de vis à bois de 3 pouces, espacées horizontalement d’au plus

12  pouces.

 

             Renforcement du poteau central

 

          -Installer un second poteau ajustable en acier près du poteau central :

          -Forer la dalle à l’endroit du nouveau poteau, afin de combler avec un

           coulis de ciment les vides pouvant être laissés entre le dessus de la

           semelle et le dessous de la dalle.

 

 

2.    Correction du dénivelé du plancher

 

-       Ajuster la planéité générale du plancher en ajustant la hauteur du poteau central et des assises aux deux extrémités de la poutre centrale;

-       Utiliser des plaquettes en acier de 3x3 pouces pour ajuster les assises de la poutre sur les murs de la fondation;

-       Réajuster avec précision la planéité du plancher de la salle à manger en soulevant uniformément les poutrelles du plancher de part et d’autre de la poutre;

-       Enlever les calles existantes et replacer sous les poutrelles des cales en bois franc d’une superficie correspondant à la largeur des assises  [1½x3½] pouces.

 

La correction du dénivelé observé au seuil de la porte de la chambre nous apparaît difficile à corriger sans causer une dénivellation apparente au plancher du corridor. « 

 

[52]       Le rapport du 26 octobre de M. Gadbois énonce la décision suivante concernant le point 2. Porte d’entrée difficile à utiliser, à savoir que, « l’entrepreneur devra réinstaller la porte dans son ouverture. Pour ce faire, il devra enlever les attaches avec les coins de bois et reprendre son installation. Cette intervention ne requiert pas de sortir la porte de son ouverture mais de remettre le cadre d’aplomb avec la porte. Une fois la porte réinstallée, l’entrepreneur devra réinstaller les boiseries et devra y appliquer les retouches de peinture requises tout en prenant les dispositions nécessaires pour minimiser la différence de teint inévitable entre la nouvelle et celle d’origine ».

 

[53]       L’inspecteur Gadbois écrit le 26 octobre 2005, concernant le point 24 Pare vapeur absent sur l’isolant au mur extérieur de la salle de bain au sous sol,  « que l’entrepreneur devra replacer l’isolant en natte au mur dos à la sécheuse afin qu’elle puisse donner son rendement énergétique et de placer le pare vapeur adéquatement sur l’isolant  »

 

[54]       M. Gadbois entérine, dans son rapport du 26 octobre 2005, les recommandations de l’expert Gauvreau contenues dans son expertise du 4 octobre 2005.

 

[55]        Le 10 novembre 2005, les bénéficiaires contestent les points 24 en ce que une partie de l’isolation est sans pare vapeur; ils affirment que l’Administrateur n’a pas pris en charge le reste des travaux non corrigés; que le point 5. Assemblage de la partie en porte-à-faux est sans résultat et que le point 7. Installation du pare vapeur à la rive du plancher, est affecté d’une malfaçon qui doit être corrigée conformément à l’article 11.4.1.1 du Code national du bâtiment.

 

[56]       Le 10 novembre 2005, M. Gadbois précise que … l’inspecteur  a pour mandat de revoir certains points reconnus à la demande originale de réclamation écrite du(es) bénéficiaires afin d’obtenir l’opinion d’un expert sur les éléments touchant la structure du bâtiment et de produire un rapport détaillé motivant chacune des décisions rendues dans le cadre du contrat de garantie.

 

 

II. ARGUMENTS

 

 

[57]       Invoquant la stagnation de l’entrepreneur à corriger les travaux, en la manière indiquée par l’inspecteur conciliateur, les bénéficiaires invoquent l’article 18, 7 du Règlement du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs au soutien de leur demande à ce que l’Administrateur prenne en charge le parachèvement ou les corrections dans le délai convenu avec le bénéficiaire et procède notamment, le cas échéant, à la préparation d’un devis correctif, à un appel d’offres, au choix des entrepreneurs et à la surveillance des travaux.

 

[58]       L’article 18, 7 se lit ainsi :

 

«  18. La procédure suivante s’applique à toute réclamation faite en vertu du plan de garantie :

 

7° à défaut par l’entrepreneur de rembourser le bénéficiaire, de parachever ou de corriger les travaux et en l’absence de recours à la médiation ou de contestation en arbitrage de la décision de l’administrateur par l’une des parties, l’administrateur fait le remboursement ou prend en charge le parachèvement ou les corrections dans le délai convenu avec le bénéficiaire et procède notamment, le cas échéant, à la préparation d’un devis correctif, à un appel d’offres, au choix des entrepreneurs et à la surveillance des travaux. »

 

[59]       Les bénéficiaires demandent à l’arbitre de suivre le sens de la sentence Ménard et Mahoney ( GAMM 2 février 2006, arbitre Jean Morissette) concernant l’application de l’article 18.7 ci-dessus.

 

[60]       L’arbitre Morissette écrit que … « S’il est d’usage pour l’Administrateur de ne pas s’immiscer dans la correction visant la malfaçon, ce n’est pas que le Règlement ne lui donne pas ce pouvoir. Interpréter le règlement autrement laisserait les Bénéficiaires à la merci d’un entrepreneur incompétent, ce qui va à l’encontre de l’existence même du Plan de Garantie des maisons neuves. Le pouvoir de statuer comporte le pouvoir de choisir les travaux pour corriger la malfaçon. »

 

[61]       De son côté, l’Administrateur base son opposition à la demande des bénéficiaires sur la décision arbitrale Chaurette ( René Chaurette et Sylvie Josselin c. Habitations Serge Savard inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. 7 février 2006) , et sur le  jugement Maçonnerie Laprairie inc. C. Lemieux, J.E. 95-49 .

 

[62]        Bref, selon ces décision et jugement, l’entrepreneur a encore le droit d’exécuter lui-même les travaux selon les exigences  de l’Administrateur et dans le respect des règles de l’art, même s’il a fait stagner les travaux de manière inacceptable.

 

 

 

 

 

 

 

 

III. ANALYSE ET DÉCISION

 

 

[63]       Somme toute, l’entrepreneur est en défaut d’exécuter ses obligations au moment de l’arbitrage.

 

[64]       Par voie de rattachement, l’Administrateur accueille les revendications des bénéficiaires.

 

[65]       À l’arbitrage, l’entrepreneur s’engage à corriger les anomalies, déficiences, malfaçons et vices cachés mentionnés dans les rapports de M. Gadbois, dans l’expertise de M. Gauvreau et sur la base des témoignages entendus à l’arbitrage. Il accepte de suivre la méthode de réparation de l’expert et les avis techniques afférents à ces éléments.

 

[66]       En s’engageant ainsi, l’entrepreneur admet implicitement qu’il est en défaut de  parachever ou de corriger les travaux inhérents aux obligations contractuelles du contrat de construction conclu avec les bénéficiaires, le 23 octobre 2003, relatif à la résidence de ceux-ci.

 

[67]       Sur le plan des règles de preuve, l’admission de l’entrepreneur formulée en arbitrage est un aveu judiciaire qui fait preuve contre lui. Mais l’aveu ne garantit pas que l’entrepreneur va effectivement exécuter ces parachèvements et correctifs.

 

[68]       La question est de savoir si le défaut avoué en arbitrage enclenche sans autre discussion, le processus prévu à l’article 18.7 du Règlement ou, si ce processus est suspendu à la réalisation de l’engagement de l’exécution des travaux . Dans le premier cas, l’Administrateur doit prendre en charge le parachèvement ou les corrections des travaux; dans le deuxième cas, c’est l’entrepreneur qui parachève et corrige les travaux.

 

[69]        Il s’agit d’une question de fait et de droit dont la réponse découle du cadre de  l’arbitrage de plainte prévu au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment ( L.R.Q., c. B-1.1, a. 185, par. 19.3 à 19.6 et 38 et 192).  (le Règlement).

 

[70]       En vertu de l’article 116 du Règlement, l’arbitre … statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

[71]        Au sens de l’expression, règles de droit,  l’arbitre doit rendre sentence à partir de la preuve recueillie à l’arbitrage, c'est-à-dire sur la base des témoignages et documents déposés lors de l’enquête. L’équité, dont il est mention à l’article 116 du Règlement, confère à l’arbitre le pouvoir de résoudre le litige en dehors des règles de droit et selon des critères rationnels mais uniquement si les circonstances le justifient.

 

[72]       L’article 116 ci-dessus commande de procéder en deux étapes. Premièrement, examiner la solution du litige sous l’angle des règles de droit et ensuite, si les circonstances le justifient, en fonction de l’équité. 

 

[73]       Or, l’aveu est un mode de preuve qui fait partie des règles de droit et à bien des égards, c’est la meilleure preuve.

 

[74]       Si je statue sur la base des règles de droit, je dois donner plein effet à l’aveu de M. Aubut et décider ainsi que l’Administrateur doit prendre en charge les parachèvements et correctifs en cause.

 

[75]       Mais existe-t-il des circonstances qui autorisent l’arbitre à écarter la rigueur des règles de droit et à décider autrement? À ce stade de notre examen, nous devons tenir compte de l’engagement pris par M. Aubut en arbitrage de parachever et corriger les travaux.

 

[76]       La question peut se formuler ainsi : l’engagement de M. Aubut  entraînera la suspension de l’obligation imposée à l’Administrateur (cf. article 18.7 du Règlement)  dans la mesure où il y a de fortes probabilités qu’il réalise son engagement dans un délai raisonnable.

 

[77]       Quels sont les éléments qui me permettent d’affirmer que l’entrepreneur tiendra  son engagement?

 

[78]       De prime abord, l’aveu implicite de M. Aubut, qu’il est en défaut de  remplir les obligations contractuelles du contrat de construction conclu avec les bénéficiaires, le 23 octobre 2003 implique qu’il reconnaît la véracité des rapports de M. Gadbois, l’expertise de M. Gauvreau et les règles de l’art invoquées par les bénéficiaires.

 

[79]       La reconnaissance de la véracité du contenu des rapports de M. Gadbois, de l’expertise de M. Gauvreau et des faits soulevés par les bénéficiaires font preuve contre son auteur. M. Gadbois ne peut contester avoir admis que les parachèvements et corrections doivent être effectués conformément à ces rapports et expertise et selon les règles de l’art, au regard du tout.

 

[80]       Les bénéficiaires mettent en doute la réalisation de l’engagement de l’entrepreneur sur la base des irritants qui ont marqué leurs relations contractuelles.

 

[81]       Pour ma part, je ne peux fonder ma décision sur le passé et ignorer la façon particulière  dont s’est comporté M. Aubut  à l’arbitrage.

 

[82]       Contre toute attente, M. Aubut s’est présenté à l’arbitrage. À vrai dire, il avait tout intérêt à s’y présenter. Sa présence à l’arbitrage n’est pas un élément déterminant pour trancher la question, mais tout de même …

 

[83]       Mais la façon dont M. Aubut a participé à la visite des lieux constitue une circonstance particulière au sens de l’article 18.7 du Règlement. Il a pris note des considérations de faits soulevées par l’Administrateur, l’expert et les bénéficiaires. Même s’il n’est pas connaissant en matière de droit, il a compris la portée juridique de la preuve ordinaire et experte sur la nature de ses engagements. Tout en demandant quelques précisions, il n’a pas contesté les données des rapports de M. Gadbois et ni l’expertise de M. Gauvreau.

 

[84]       Ces éléments ne me permettent pas de mettre en doute la bonne foi de M. Aubut ni de considérer  son engagement comme une  manoeuvre dilatoire?

 

[85]       Mais si c’est le cas, M. Aubut s’attire des lendemains douloureux. Il ne doit pas être sans savoir que la loi sanctionne les personnes qui se rient du processus judiciaire, qu’est l’arbitrage de plainte inscrit au Règlement. Il est conscient aussi qu’il paiera la note des parachèvements et des corrections si son inaction oblige l’Administrateur à prendre charge des travaux. Ce n’est pas rien.

 

[86]       En conséquence, l’aveu de M. Aubut, qu’il est en défaut de  remplir les obligations contractuelles du contrat de construction conclu avec les bénéficiaires le 23 octobre 2003 et l’engagement de parachever et de corriger les travaux ne peuvent être dissociés. Ces éléments forment un tout.

 

[87]       Ainsi, le tribunal doit donner acte de l’engagement de l’entrepreneur de parachever et de corriger les travaux

 

[88]       L’obligation de l’Administrateur de prendre en charge les parachèvements et les corrections des travaux n’est pas éteinte pour autant. Cette obligation est suspendue à la réalisation de l’engagement de l’entrepreneur en la manière indiquée dans les rapports de M. Gadbois et dans l’expertise de M. Gauvreau.

 

[89]       Statuer en équité consiste aussi à rendre justice aux bénéficiaires. Aussi, le tribunal ordonne à l’entrepreneur de débuter les parachèvements et les correctifs mentionnés dans les rapports de M. Gadbois et l’expertise de M. Gauvreau dans les 10 jours suivants le dépôt de cette sentence, à moins d’entente à l’effet contraire entre les parties, compte tenu de la période de vacances dans l’industrie de la construction.

 

[90]       Il va sans dire que les travaux doivent être exécutés conformément aux règles de l’art.

 

[91]       En conséquence, le tribunal ordonne à l’entrepreneur de parachever et de corriger les travaux en la manière indiquée par M. Gadbois, par l’expert Gauvreau et par les bénéficiaires.

 

[92]       Les frais de l’arbitrage sont assumés par l’Administrateur.

 

[93]       Ainsi décidé à Montréal, le 10 juin 2006.

 

 

 

 

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Me Bernard Lefebvre

 

 

Pour les bénéficiaires

Madame Sylvie Giroux et Monsieur Gaëtan Daigle

[…], Beauport Qc. […]

 

Pour l’entrepreneur

Monsieur Fernand Aubut

[…] Beauport, Qc. […]

 

Pour l’Administrateur Me Stéphane Paquette

                                   5930 L.H. Lafontaine

                                   Anjou Qc. H1M 1S7

 

Date d’audience :

 

22 mars 2006

 

Date de délibéré :

1er avril 2006