C A N A D A CENTRE D'ARBITRAGE
PROVINCE DE QUÉBEC COMMERCIAL NATIONAL ET
MONTRÉAL INTERNATIONAL DU DISTRICT DE QUÉBEC
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DOSSIER N°: 01-0907
MONTRÉAL, le 8ième jour de novembre Deux Mil Un.
ARBITRE:
Me ROBERT MASSON, ing., arb.
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Anne-Marie Centis
Tony Jorge
Demandeurs
c.
Les Constructions Naslin Inc.
Défenderesse
-et-
La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
Mise en cause
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SENTENCE ARBITRALE
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Il s’agit d’un arbitrage institué en vertu du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2) ci-après “ Règlement ”.
Non satisfait d’une décision de l’inspecteur-conciliateur, les propriétaires demandent l’arbitrage.
La valeur de cette demande d’arbitrage se situe, selon les documents déposés au dossier, entre 8,000 et 25,000 $.
L’arbitre soussigné a été mandaté par le Centre d’arbitrage commercial national et international du Québec (C.A.C.N.I.Q.) conformément à son “Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs” ci-après “ R.A.P.G. ”.
Les parties ont confirmé avoir convenu ou accepté la nomination du soussigné comme arbitre. Elles ont aussi reconnu la compétence de l’arbitre soussigné pour entendre et pour trancher le différend qui les oppose. Elles ont enfin convenu que la décision de l’arbitre les liera et ont convenu de s’y conformer. Aux termes de la Loi, la sentence arbitrale est finale et sans appel (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2).
Les parties ont consenti à ce que le dossier numéro 01-0903 concernant la demande d’arbitrage de Les Constructions Naslin Inc. c. La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. soit réuni avec le présent dossier pour que les deux demandes d’arbitrage soient entendues conjointement par le même arbitre afin de permettre un règlement complet du litige.
L’audition de la demande d’arbitrage a débuté par une conférence préparatoire tenue le 11 octobre 2001, dans les 30 jours de la réception de la demande d’arbitrage, conformément à l’article 117 du Règlement.
Lors de la conférence préparatoire, l’arbitre a rappelé aux parties qu’elles sont régies par les lois en vigueur dans la Province de Québec, par le Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs et par le Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Il a été convenu que les règles de preuve et les règles de procédures seraient celles du Code civil du Québec et du Code de procédure civile, assouplies pour favoriser la meilleure et toute l’administration de la preuve.
Lors de la première journée d’audition sur le fond du litige, le procureur de Les Constructions Naslin Inc. a soulevé la question de l’irrecevabilité de la demande d’arbitrage soumise par les propriétaires au motif de sa tardiveté. Cette question avait été annoncée lors de la conférence préparatoire.
Rappelons quelques faits pertinents à cette requête.
Le 17 avril 2001, suite à une demande de réclamation faite auprès de la mise en cause par les propriétaires (demandeurs) d’une résidence nouvellement construite par la défenderesse, l’inspecteur de la mise en cause dépose son rapport d’inspection. Ce rapport traite de 35 points. Mais quant au point 27 - Interstices entre les lattes des planchers de bois franc, l’inspecteur indique qu’il n’est pas en mesure de statuer à cet égard immédiatement. Il faut laisser travailler le bois durant la saison estivale pour connaître son comportement. Il devra procéder à une inspection supplémentaire au cours des mois de juillet ou août suivants.
L’inspecteur rédige donc un rapport d’inspection supplémentaire concernant le point 27 qu’il dépose le 5 septembre 2001. Les demandeurs reçoivent copie du rapport le 8 septembre suivant et c’est le 26 septembre 2001 qu’ils font la demande d’arbitrage sur ce point.
La défenderesse soumet que la demande a été faite plus de quinze (15) jours après sa réception comme l’impose le Règlement ; d’où son irrecevabilité et par voie de conséquence l’absence de juridiction du Tribunal d’arbitrage. Elle soumet également que lorsqu’une Loi impose un délai pour faire une chose, le non respect du délai imposé emporte déchéance. Elle soumet enfin que l’article 51 de la Loi d’interprétation (L.R.Q.. c. I-16) établit que chaque fois qu’il est prescrit qu’une chose doit être faite, l’obligation de l’accomplir est absolue. Le Tribunal d’arbitrage n’a donc à cet égard aucune discrétion.
L’article 19 du Règlement précité édicte que :
“19. Le bénéficiaire ... insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 15 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur ... “ (Les soulignements sont du Tribunal d’arbitrage)
Par ailleurs, le Tribunal d’arbitrage tire sa juridiction du Règlement. Les articles 106 et 107 du dit règlement édictent que :
“106. Tout différend portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ... relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section.
...
107. La demande d’arbitrage doit être adressée à un organisme d’arbitrage autorisé par la Régie dans les 15 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur ... L’organisme voit à la désignation de l’arbitre ... “ (Les soulignements sont du Tribunal d’arbitrage)
D’autre part, le R.A.P.G. précité édicte que :
“5. Le Centre et les parties ne peuvent proroger aucun délai prévu dans ce règlement, sauf dans les cas qui le permettent.
...
11. La partie intéressée qui entend soumettre un différend à l’arbitrage en fait la demande au Centre par écrit, dans les quinze (15) jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur ... Ce délai est de rigueur.” (Les soulignements sont du Tribunal d’arbitrage)
Le demandeurs répondent qu’ils n’avaient pas connaissance des prescriptions du Règlement ; que ce Règlement en est un de nature privée et non pas de la nature publique d’une loi. Ils ajoutent qu’à cet égard on aurait dû les avertir par une mention à cet effet dans la correspondance soumise qu’ils avaient des délais à respecter. Or aucune mention de la sorte avec la décision que l’inspecteur leur a transmise le 5 septembre. Avait-on l’obligation de les avertir des délais impartis ? Avaient-ils l’obligation de savoir ?
Les demandeurs allèguent par ailleurs que leur retard n’en est pas un qui se compute en mois. Leur retard n’est que de trois (3) jours et ce délai n’est pas déraisonnable.
L’article 39 de la Loi d’Interprétation précitée statue que :
“Une loi est publique à moins qu’elle n’ait été déclarée privée.
Toute personne est tenue de prendre connaissance des lois publiques ... “
L’arrêt clé sur cette question est l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Cité de Pont Viau c. Gauthier Mfg Ltd, [1978] 2 R.C.S. 516 , qui fait jurisprudence sur le sujet de la prorogation des délais de rigueur.
S’exprimant sous la plume de l’Honorable juge Pratte, la Cour, traitant du délai de rigueur imposé par l’article 484 C.p.c. indique que c’est bien parce que l ‘article se termine par “néanmoins, le tribunal peut, sur demande, ..., relever des conséquences de son retard la partie qui démontre qu’elle a été, en fait, dans l’impossibilité d’agir plus tôt” qu’un tribunal peut proroger un délai.
Or dans le cas en l’espèce, tous les articles cités sont catégoriques et ne laissent place à aucun tempérament. L’article 5 R.A.P.G. vient de plus renforcer cet édit.
Et même si un tempérament était possible, les demandeurs n’ont démontré aucune impossibilité d’agir plus tôt et les motifs allégués pour passer outre à ce délai de rigueur sont insuffisants.
Les articles précités édictent que le délai fixé pour faire une demande d’arbitrage est de rigueur ; si ce délai est de rigueur, le Tribunal d’arbitrage ne peut le prolonger.
Le Tribunal d’arbitrage en vient à la conclusion que la demande d’arbitrage doit être rejetée parce que tardive.
Cette conclusion étant énoncée, le Tribunal d’arbitrage tient toutefois à rajouter ce qui suit à l’intention des demandeurs.
Lors de la visite des lieux tenue le 31 octobre 2001, l’arbitre a eu l’occasion d’examiner les planchers de bois franc et d’entendre les demandeurs relativement au comportement des planchers à l’effet que les interstices entre les lattes se sont colmatées durant la période estivale mais que maintenant avec la venue du temps plus frais, les interstices avaient tendance à s’agrandir de nouveau. Ce qui démontre bien qu’il s’agit là d’un comportement normal des lattes de bois en fonction des saisons.
Si le Tribunal d’arbitrage avait eu à se prononcer à cet égard, il aurait confirmé la décision de l’inspecteur-conciliateur sauf pour ce qui est du plancher du petit bureau à l’avant qui a été endommagé par l’eau infiltrée par la petite section en forme de pointe sur la façade principale du bâtiment où le parement d’aluminium maintenant réparé avait été mal fait (point 26 du rapport du 17 avril 2001 de l’inspecteur-conciliateur).
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage.
LE TOUT avec les coûts de l’arbitrage conformément au Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs contre les demandeurs.
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Me ROBERT MASSON, ing., arb.