ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, tel qu’amendé, c. B-1.1, r.0.2, 

Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada) Groupe d’arbitrage Juste Décision – GAJD

ENTRE

JOUSIF CHAMMA Bénéficiaire

Et

CONSTRUCTION SANDRO MAURO INC.

Entrepreneur

Et

GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR) Administrateur

No dossier / Garantie  :  117021-240

No dossier / GAJD   :  20160111

No dossier / Arbitre   :  35304-13

SENTENCE ARBITRALE

Arbitre  :

Me Pierre Brossoit

Pour le Bénéficiaire   :

M. Jousif Chamma

Pour l’Entrepreneur  :

Me Benoit Chabot

Pour l’Administrateur  :

Me Pierre-Marc Boyer

Dates d’audiences  :

14 février 2017 et 15 mars 2017

Lieu  :

800, du Square Victoria, bureau 4600, Montréal, Québec, H4Z 1H6

Date de la décision  :

Le 26 avril 2017

LES PIÈCES

[1]               Les pièces produites par le Bénéficiaire sont les suivantes :

 B-1: Reçu de la somme de 15 160 $ de Dina Said à Sandro Mauro;

 B-2 : Évaluation du 122 de l’Harricana, Terrebonne.

[2]               Les pièces produites par l’Administrateur sont les suivantes :

 A-1: Offre d’achat signée par le Bénéficiaire le 31 décembre 2015;

 A-2: Entente entre les parties conclue le 7 avril 2016;

A-3: Contrat préliminaire signé par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 9 avril 2016;

A-4: Contrat de garantie signé par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 9 avril 2016;

A-5: Formulaire d’enregistrement d’un bâtiment unifamilial signé par l’Entrepreneur le 9 avril 2016. 

A-6: Courriels entre l’Administrateur et l’Entrepreneur datés des 2 et 29 septembre 2016;

 A-7: Formulaire de réclamation par le Bénéficiaire;

A-8: Lettre transmise par le notaire, Michel Légaré, à l’Administrateur datée du 28 septembre 2016;

A-9: Courriels entre l’Entrepreneur et l’Administrateur datés du 17 octobre 2016;

A-10: L’état de renseignements d’une personne morale au Registraire des entreprises de Construction Sandro Mauro inc. daté du 22 novembre 2016;

A-11: En liasse – Document intitulé « État des revenus et dépenses et utilisation du compte in trust » et relevé de taxes;

 A-12: En liasse – comptabilité et factures de l’Entrepreneur;

A-13: En liasse – Décision de l’Administrateur datée du 13 octobre 2016 et accusé réception daté du 14 octobre 2016;

A-14:

En liasse – Notification de l’organisme d’arbitrage datée du 9 septembre 2016, accusé réception, avis de demande d’arbitrage de l’Entrepreneur et pièces;

A-15:

État de renseignement de 9329-8214 Québec inc.;

A-16:

Formulaire d’annulation d’enregistrement;

A-17:

État de compte préparé par l’Administrateur.

[3]               Les pièces produites par l’Entrepreneur sont les suivantes :

E-1:

Acte de vente Constructions PME.C inc. à 9329-5822 Québec inc.;

E-2:

Index aux immeubles pour les lots [...] et [...];

E-3:

Hypothèques légales du domaine de la construction;

E-4:

Acte de vente 9329-5822 Québec inc. au Bénéficiaire;

E-5:

Cidreq pour 9329-5822 Québec inc. et pour 9309-9836 Québec inc.;

E-6:

Acte de prêt hypothécaire résidentiel;

E-7:

Mise en demeure de Me Benoit Chabot au Bénéficiaire et à 9309-9836 Québec inc. datée du 10 janvier 2017;

E-8:

En liasse – photos;

E-9:

Courriel du Bénéficiaire à Me Légaré, notaire, daté du 23 mars 2016;

E-10:

Certificat de vérificatrice daté du 30 mai 2016 et confirmation d’emploi;

E-11:

Entente entre les parties;

E-12:

Entente d’indemnisation;

E-13:

Offre d’achat de Choussif Chamma du [...], à Terrebonne;

E-14:

Historique des notes au dossier de la BMO pour la demande de crédit du bénéficiaire;

E-15:

En liasse - Courriel du 1er septembre 2016 de la Garantie à Sandro Mauro et Formulaire d’annulation d’enregistrement.

LES TÉMOINS

[4]               Le Tribunal a entendu le témoignage des personnes suivantes :

      Sandro Mauro, représentant de l’Entrepreneur;

      Snezana Voukanic, épouse de M. Mauro;

      Jousif Chamma, le Bénéficiaire;

      Me Michel Légaré, notaire;

      Denis Lefebvre, représentant de l’Administrateur; et

      Jocelyn Dubuc, conciliateur et représentant de l’Administrateur.

LA PREUVE À L’AUDIENCE

[5]               Le 31 décembre 2015, intervient une offre d’achat (pièce A-1) entre le Bénéficiaire et 9329-5822 Québec inc. (ci-après « Québec inc. »), représentée par son unique actionnaire et administrateur, Gaétan Junior Gignac (pièce E-5), pour l’acquisition au montant de 305 000 $ par le Bénéficiaire d’une maison unifamiliale jumelée sise au [...], à Terrebonne (ci-après « l’Immeuble »). 

[6]               L’Immeuble fait partie d’un projet immobilier nommé « Angora » et une maison modèle construite fait état du produit fini des maisons proposées par Québec inc.

[7]               L’offre d’achat (A-1), mentionne que l’Immeuble est neuf, qu’il a été achevé le 13 décembre 2015 et que les parties s’engagent à signer l’acte de vente devant le notaire du Bénéficiaire le ou avant le 1er février 2016.

[8]               La preuve testimoniale et documentaire présentée à l’audience, dont notamment les photos prises par l’Entrepreneur (pièce E-8) le 1er mai 2016, et celles de l’Administrateur (pièce A-13) lors de l’inspection du 27 septembre 2016, montrent toutefois que la construction est loin d’être terminée, l’Immeuble étant d’ailleurs encore aujourd’hui inhabitable.

[9]               Cette contradiction en est une parmi plusieurs que le Tribunal a constatée de la preuve documentaire et des témoignages entendus à l’audience.

[10]           Au cours du mois de février ou mars 2016, suite à la visite d’inspecteurs de la Commission de la construction du Québec (CCQ), Québec inc. doit arrêter les travaux de construction de l’Immeuble en raison qu’elle n’a pas une licence valide de construction émise par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).

[11]           De plus, l’institution prêteuse du Bénéficiaire refuse de lui accorder le prêt nécessaire pour l’acquisition de l’Immeuble, car l’Immeuble n’est pas couvert par

la garantie des maisons neuves prévue au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement »).

[12]           C’est à ce moment que M. Gignac propose (ou par l’intermédiaire de Patrick Mathieu) à M. Mauro, dont la société Construction Sandro Mauro inc. (ci-après « l’Entrepreneur ») détient une licence d’entrepreneur de la RBQ, de terminer la construction de l’Immeuble.

[13]           Le 7 avril 2016, intervient l’entente (pièce A-2) entre Construction Mauro inc., société appartenant également à M. Mauro, et la société 9309-9836 Québec inc., opérant sous le nom de Les Toitures Gesco inc. (ci-après « 9309 »), dont M. Gignac est l’unique actionnaire et administrateur (pièce E-5). Le Bénéficiaire, promettant acheteur de l’Immeuble, et Dina Said, promettante-acheteuse du 1126, de l’Harricana, Terrebonne, maison unifamiliale jumelée à celle du Bénéficiaire, interviennent à l’entente (A-2).

[14]           Selon M. Mauro, l’objectif de l’entente (A-2) est de céder à Construction Sandro Mauro inc. (l’Entrepreneur), la construction de l’Immeuble aux conditions mentionnées à l’entente (A-2).

[15]           Il est prévu à l’entente (A-2) ce qui suit :

« 6. 9309 s’engage à faire intervenir les acheteurs des immeubles aux présentes afin que ceux-ci soit (sic) informé (sic) de la présente entente afin de tenir indemne Sandro Mauro (personnel) construction Mauro Inc. de toutes (sic) responsabilité concernant la Garantie; 

7. Il est entendu que construction Mauro Inc. s’engage afin de terminer la construction en totalité sauf, pour les travaux convenus autrement, à un taux de prix coûtant (cost) plus 15%, et ce, à livre ouvert avec les sous contracteur (sic) fournis par Construction Mauro Inc. selon des prix qui reflètent les tendances du marché. Il est aussi entendu que construction Mauro Inc. sera le constructeur des immeubles et sera rémunéré (sic) selon la méthode coût plus quinze pourcent (15%);

(…)

10. Dans l’éventualité où les maisons requièrent une injection de fonds afin de terminer ceux-ci, Sandro Mauro (personnel) Construction Mauro Inc. et construction Sandro Mauro Inc. n’aura (sic) à aucun moment l’obligation d’injection ou avancer des fonds afin de terminer les travaux. Cette responsabilité incombe à 9309 ou aux les (sic) acheteurs des immeubles le cas échéant; » 

[16]           Le 9 avril 2016, intervient un contrat préliminaire (formulaire de l’Administrateur) entre Construction Sandro Mauro inc. (l’Entrepreneur) et le Bénéficiaire pour terminer la construction de l’Immeuble (pièce A-3).

[17]           Le contrat préliminaire (A-3), mentionne que l’Entrepreneur « s’engage à construire l’immeuble conformément aux plans et devis de la maison modèle » du projet immobilier.

[18]           Le même jour, l’Entrepreneur enregistre l’Immeuble auprès de l’Administrateur (pièce A-5). Il est mentionné que le mois d’août 2016 est la fin prévue des travaux.

[19]           Le 20 avril 2016, Québec inc. vend l’Immeuble au Bénéficiaire (pièce E-4) pour la somme convenue de 305 000 $.

[20]           Du produit de la vente (305 000 $) et conformément aux instructions reçues de Québec inc., Me Michel Légaré, le notaire instrumentant à la vente, remet à Construction Mauro inc. la somme de 62 432,57 $ et 19 800 $ à M. Mauro personnellement. Le 28 mai 2016, une somme additionnelle de 36 600 $ est également remise du produit de la vente à Construction Mauro inc.

[21]           Selon l’Entrepreneur, la somme reçue de 62 432,57 $ au jour de la vente et le montant additionnel de 36 600 $, ne sont que des avances sur le coût final des travaux requis pour terminer la construction de l’Immeuble, sur une base du coût des matériaux, plus 15% pour profit à l’Entrepreneur, tel que stipulé à l’entente (A-2).

[22]           L’Entrepreneur a depuis payé diverses factures et effectué des travaux pour environ 90 000 $, laissant un solde en sa possession d’environ 10 000 $.

[23]           Depuis août 2016, les travaux sont suspendus, l’Entrepreneur refusant de les continuer sans obtenir préalablement du Bénéficiaire les sommes nécessaires pour terminer les travaux selon l’entente (A-2).

[24]           Le 2 septembre 2016 (pièce A-6), le Bénéficiaire a mis en demeure l’Entrepreneur de terminer les travaux.

[25]           Suite au défaut d’obtempérer de l’Entrepreneur, le Bénéficiaire a déposé auprès de l’Administrateur une réclamation (pièce A-7), afin de l’obliger à terminer les travaux de construction de l’Immeuble.

[26]           Le 13 octobre 2016, l’Administrateur accueille la réclamation du Bénéficiaire et ordonne à l’Entrepreneur de parachever les travaux de construction dans les trente (30) jours de la décision, à défaut l’Administrateur prendra en charge le règlement du dossier aux frais de l’Entrepreneur (pièce A-13).

[27]           Le 8 novembre 2016, l’Entrepreneur demande l’arbitrage de la décision de l’Administrateur, d’où la présente sentence arbitrale.

QUESTION EN LITIGE

[28]           L’Entrepreneur est-il tenu de terminer les travaux de construction selon les plans et devis de la maison modèle?

MOTIFS DE LA SENTENCE

[29]           Le Tribunal répond par l’affirmative à cette question.

[30]           Le Bénéficiaire a, comme entendu, payé la somme de 305 000 $ pour l’acquisition d’un terrain et la construction d’une maison unifamiliale jumelée.

[31]           L’Entrepreneur soumet qu’en sus de la somme reçue au jour de la vente de l’Immeuble, l’entente (A-2) prévoit que le Bénéficiaire doit lui avancer toute somme additionnelle requise pour terminer la construction de l’Immeuble.

[32]           Cette entente (A-2) souffre cependant de plusieurs lacunes, qui empêchent le Tribunal d’y donner la portée que l’Entrepreneur voudrait y accorder.

[33]           L’entente (A-2) laisse croire que 9309 est propriétaire de l’Immeuble, alors que c’est plutôt Québec inc.

[34]           Construction Sandro Mauro inc. (l’Entrepreneur), qui détient une licence de construction, n’est pas partie à l’entente (A-2). Seule Construction Mauro inc., a signé l’entente (A-2) et elle ne détient pas de licence de construction.

[35]           Il ne s’agit pas d’une erreur, puisque l’entente (A-2) fait à quelques reprises distinctement ou conjointement référence à Construction Mauro inc. et Construction Sandro Mauro inc. Le paragraphe 10 de l’entente (A-2) en est un exemple.

[36]           De plus, selon le paragraphe 6 de l’entente (A-2), le Bénéficiaire et Mme Said ne sont pas parties à cette entente (A-2) et ils interviennent que pour « tenir indemne Sandro Mauro (personnel) Construction Mauro Inc. et Construction Sandro Mauro Inc. de toute responsabilité concernant la Garantie ».

[37]           La signification de ce paragraphe 6 est pour le moins nébuleuse, mais le Tribunal est d’avis que l’intervention du Bénéficiaire et de Mme Said à l’entente (A-2) se limite à ce qui est mentionné à ce paragraphe et non pas à leur acceptation aux autres paragraphes de l’entente (A-2) et notamment à ce qui est dit à ses paragraphes 7 et 10.

[38]           D’autre part, les termes du paragraphe 10 de l’entente (A-2) sont en contravention de l’article 140 ci-après du Règlement:

« 140. Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.  »

[39]           Le Tribunal ignore si ces lacunes et la confusion entre Construction Mauro inc. et Construction Sandro Mauro inc. à l’entente (A-2) ont été créées volontairement, mais le Bénéficiaire n’a pas à en faire les frais.

[40]           Le Tribunal retient plutôt les obligations contenues au contrat préliminaire A-3 (il s’agit en fait d’un contrat d’entreprise), que l’Entrepreneur s’engage à construire selon les plans et devis de la maison modèle et dont la construction devait se terminer au mois d’août 2016.

[41]           Quant à la contrepartie, le Bénéficiaire a payé chez le notaire le montant convenu de 305 000 $, de quelle somme M. Mauro ou ses entreprises ont reçu au total environ 120 000 $.

[42]           M. Mauro a signé une mauvaise entente (A-2) avec Québec inc., mais le Bénéficiaire n’a pas à subir les conséquences de sa négligence. Le cas échéant, l’Entrepreneur pourra faire valoir ses droits contre Québec inc.

[43]           Le Tribunal, tout comme l’Administrateur à la décision de son conciliateur Jocelyn Dubuc, constate que l’Entrepreneur a abandonné ses travaux et qu’il refuse de les terminer.

[44]           Conséquemment, et conformément à l’article 9.2 b) du Règlement, le Tribunal maintient la décision de l’Administrateur (A-13) et conclura sa sentence d’une même fin.

LES FRAIS D’ARBITRAGE

[45]           Conformément à l’article 123 du Règlement, les frais du présent arbitrage sont partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la réclamation de l’Entrepreneur;

MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 13 octobre 2016 au présent dossier; 

ORDONNE à l’Entrepreneur de terminer les travaux de construction de l’Immeuble dans les dix (10) jours suivant réception de la présente, ou selon entente écrite avec le Bénéficiaire, le tout selon les plans et devis de la maison modèle du projet Angora;

À défaut par l’Entrepreneur de réaliser les travaux dans le délai stipulé, ORDONNE à l’Administrateur de les terminer dans les trente (30) jours suivant, ou selon entente écrite avec le Bénéficiaire;

ORDONNE le paiement des frais d’arbitrage à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur.

À Montréal, le 26 avril 2017

 

 

Me Pierre Brossoit, arbitre

Décisions soumises par les parties

                  Marc Brisson c. 9253-5400 Québec inc. et al., décision arbitrale rendue le 9 mars 2015 par Jean Philippe Ewart, arbitre;

                  Claudette Lessard et Dany Lok c. Habitations Serge Savard inc. et al., sentence arbitrale rendue le 15 novembre 2001 par Me Robert Masson, ing.;

                  Isabelle Dufresne et Daniel Girard c. Nadeau Construction et al., décision rendue le 10 février 2003 par Jean Royer, ing. et arbitre