ARBITRAGE

ARBITRAGE En vertu du Règlement sur le plan

de garantie des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC)

 

 

No dossier CCAC :                  S12-030802-NP

No dossier Garantie :              149576-1

Date:                                       13 juillet 2012

 

 

ENTRE                        MADAME BEATRICE CASTIGLIONE

ET

MONSIEUR ILARIO SBARRA

(ci-après « les Bénéficiaires»)

ET                               LE GROUPE PLATINUM CONSTRUCTION 2001 INC.

(ci-après « l’Entrepreneur »)

ET :                             La Garantie DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’apchq INC.

(ci-après « l’Administrateur »)

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

Arbitre :                                   Me France Desjardins

Pour les Bénéficiaires :           Monsieur Ilario Sbarra

Pour l’Entrepreneur :               Monsieur Lucien Ouellette

Pour l’Administrateur :             Me François Laplante, procureur

                                                Monsieur Richard Berthiaume

 

Mandat 

L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le  15 mars 2012

 

Historique du dossier 

 

30 janvier 2008                                    Contrat préliminaire et contrat de garantie

25 novembre 2008                              Rapport d’inspection préréception aux Bénéficiaires

26 novembre 2008                              Acte de vente

26 novembre 2008                              Déclaration de réception du bâtiment

2 septembre 2011                               Lettre de dénonciation des Bénéficiair

29 septembre 2011                             Avis 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur     

8 décembre 2011                                Inspection de l’Administrateur

6 février 2012                                      Décision de l’Administrateur

8 mars 2012                                        Demande d’arbitrage des Bénéficiaires

15 mars 2012                                      Nomination de l’arbitre                       

12 avril 2012                                        Conférence préparatoire téléphonique - Remise

9 mai 2012                                          Conférence préparatoire téléphonique

12 juin 2012                                        Audition et visite des lieux

 

 

INTRODUCTION

 

[1]       Les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont signé un contrat préliminaire et contrat de garantie le 30 janvier 2008 pour la construction de leur résidence à Laval. Le 6 mai 2008, les parties ont signé une annexe au contrat préliminaire visant l’ajout de certains items au contrat initial.

 

[2]       Le 24 novembre 2008, une inspection prérérection de la résidence était effectuée par la firme  Habitat Consult, mandatée à cet effet par les Bénéficiaires.

 

[3]       Le jour de la réception du bâtiment, soit le 26 novembre 2008, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur signaient le formulaire d’inspection préréception du bâtiment prescrit par le Règlement sur la garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le Règlement)[1]

 

[4]       À la suite d’une dénonciation écrite que les Bénéficiaires adressaient à l’Entrepreneur et l’Administrateur le 2 septembre 2011, l’inspecteur-conciliateur rendait une décision le 6 février 2012 sur 12 points dont  un seul était accueilli. La réclamation sur les 11 autres points était rejetée soit pour non-respect du délai de dénonciation par les Bénéficiaires, soit  parce que la situation était jugée tolérable ou  attribuable au comportement normal des matériaux.

 

[5]       Les Bénéficiaires ayant porté cette décision en arbitrage, la tenue d’une conférence préparatoire téléphonique a permis d’identifier que les points suivants de la décision de l’Administrateur faisaient l’objet du litige :

 

-          Point 2 : Fissure sur la dalle de béton du balcon avant

-          Point 4 : Filage et prise électrique de la pompe d’évacuation non fixés

-          Point 10 : Déformation des lames du parquet en bois dur

-          Point 12 : Fissures au parement de maçonnerie

 

[6]       La visite des lieux et l’audition ont donc porté exclusivement sur ces 4 points.

 

 

LA PREUVE ET L’ARGUMENTATION

 

[7]       Pour une meilleure compréhension, l’Arbitre désignera, dans la présente décision, les points en litige en référant à la numérotation utilisée par l’Administrateur dans sa décision et regroupera certains points suivant la présentation de la preuve et l’argumentation

 

 

Point 2 : Fissure sur la dalle de béton du balcon avant

 

[8]       Préalablement à l’audition et suite à la conférence préparatoire, monsieur Sbarra, a transmis à l’arbitre et au procureur de l’Administrateur, les extraits pertinents du rapport d’inspection préréception effectuée par la firme mandatée par les Bénéficiaires. 

[9]       L’Administrateur n’ayant pas requis la présence de l’auteur du rapport, accepté pour valoir témoignage, il y a lieu de reproduire ici le contenu du courriel de monsieur Sbarra  concernant ce point :

«Voici les extraits pertinents qui supportent le fait qu’il ne devrait pas y avoir de fissures sur la dalle du balcon avant (qui recouvre un espace intérieur)

Point #2 :

-Page 18 - «Dans certains cas, il pourrait en résulter des infiltrations d’eau à travers les joints de construction»

o    Une fissure sur le dessus de la dalle de béton présente autant de risques d’infiltrations qu’un joint de construction.

-Page 27 -  «Toute fissure pourrait être susceptible de laisser l’eau et/ou l’humidité s’infiltrer à travers le béton»

-Page 28 - «Détail d’assemblage à risque pour des infiltrations d’eau potentielles en cas d’accumulation d’eau sur le balcon»

-Page 29 - «La dalle de béton recouvre un espace intérieur sur le balcon. Dans ce cas, la surface devrait être conçue pour offrir une protection convenable pour assurer l’étanchéité aux intempéries»»

 

[10]    À la visite des lieux, le Bénéficiaire montre une fissure sur le balcon avant qui sert de toit à la chambre froide. Il fait remarquer que la fissure traverse complètement la dalle.

 

[11]    À l’audition, monsieur Sbarra témoigne que la fissure est apparue au cours de la deuxième année suivant la réception du bâtiment. Selon lui, c’est donc plus tard que la période de séchage. Il ajoute qu’il s’agit d’un vice caché car la fissure est de nature à rendre le bien impropre à l’usage, soit servir de toit à la chambre froide.

 

[12]    En contre-interrogatoire, monsieur Sbarra confirme que son expert ne s’est pas prononcé sur cette fissure parce qu’il ne l’a pas vue, celle-ci étant apparue à peu près en 2010. Référant à la dénonciation écrite déposée en septembre 2011, le procureur de l’Administrateur demande pourquoi ça a été si long?. Monsieur Sbarra répond qu’il a eu plusieurs communications avec le représentant de l’Entrepreneur, monsieur Ouellette, lequel répondait que la fissure était trop capillaire pour faire quoi que ce soit.

 

[13]    Le témoin confirme que la fissure n’a pas changé depuis 2010. Il convient qu’il n’y a pas de conséquence directe mais réaffirme que, comme le balcon sert de toit , il y a risque d’infiltration selon lui. Il ajoute qu’un examen de face du balcon montre une fissure sur toute l’épaisseur de la dalle.

 

[14]    Monsieur Lucien Ouellette témoigne pour l’Entrepreneur. Il affirme que la situation ne comporte aucun danger. Il explique que la dalle est composée d’armatures à tous les 8 pouces carré. Il ajoute que le fait que la fissure n’ait pas changé alors qu’elle sert de toit démontre qu’il s’agit réellement d’un retrait capillaire. Il ajoute que l’apparition de fissure entre deux grandes parties de béton coulé est très fréquente, voire même dans 70% des cas.

 

[15]    Contre-interrogé par monsieur Sbarra qui demande «sur quoi on se base pour dire que c’est capillaire ou non», le témoin répond «on aurait eu des problèmes». Pour monsieur Ouellette, la fissure n’est pas ouverte et ne peut pas bouger à cause des armatures.

 

[16]    L’Administrateur fait entendre monsieur Richard Berthiaume, signataire de la décision portée en arbitrage. Celui-ci explique qu’il n’y a eu aucune infiltration d’eau, aucune dénivellation à la fissure et qu’il n’y a pas d’obligation de prévoir un joint de contrôle. Il ajoute qu’il est très fréquent de voir apparaître une fissure, qu’il évalue en l’espèce de 1mm à 2mm au maximum. Selon le témoin, la situation ne rend pas le bien impropre à l’usage et est due au comportement normal des matériaux. Ce n’est donc pas un vice caché.

 

[17]    Le procureur de l’Administrateur réfère ensuite monsieur Berthiaume aux  photos qu’il a prises lors de son inspection en décembre 2011. Le témoin affirme que, selon ce qu’il a vu le matin même lors de la visite des lieux, il n’y aurait eu aucun changement depuis son inspection initiale.

 

[18]    Monsieur Berthiaume confirme ensuite que cela peut aider que la dalle soit située sous un espace couvert mais que cela n’empêcherait pas l’eau de s’infiltrer en cas de gros orage. Or, il n’y a aucune trace d’infiltration dans la chambre froide.

 

Point 12 : Fissures au parement de maçonnerie

 

[19]    Une visite des lieux a permis d’observer la présence de fissures dans certains joints de maçonnerie au dessus de la porte de garage et au-dessus de la porte d’entrée.  À l’audition, le Bénéficiaire témoigne que ces fissures sont apparues à l’automne 2011. Questionné par le procureur de l’Administrateur, monsieur Sbarra indique que les fissures n’ont pas changé depuis leur apparition et confirme n’avoir avisé  l’Entrepreneur qu’en 2011. 

 

[20]    Le représentant de l’Entrepreneur affirme que ces fissures capillaires sont très fréquentes. Elles peuvent apparaître par exemple quand on ouvre une porte fort ou à cause des vibrations que crée l’installation de pavé uni.  Monsieur Ouellette ajoute qu’elles peuvent être réparées à l’aide de mortier et qu’il s’agit d’une réparation mineure.

 

[21]    Monsieur Berthiaume, qui témoigne ensuite pour l’Administrateur, affirme que les fissures sont normales. Il explique que le mortier se détache. Il y a plaquage et dilatage du mortier. Le détachement est du à des contraintes thermiques. Selon lui, il ne s’agit pas d’un vice caché.

 

[22]    À la question «n’y a -t-il pas danger que la pierre se détache», monsieur Berthiaume répond «si ce n’était pas arqué, il y aurait risque mais ici,  c’est une clé de voûte…il n’y a pas de danger».

 

[23]     Le témoin ajoute que les fissures sont acceptables selon le Guide de performance de l’APCHQ, en ce que leur largeur ne dépasse pas 3 millimètres.

 

Point 4 : Filage et prise électrique de la pompe d’évacuation non fixés

 

[24]    À la visite des lieux, le Bénéficiaire montre que le filage est à découvert et que la prise électrique est fixée tant bien que mal. Cette situation avait été notée au rapport d’inspection préréception préparé pour le compte du Bénéficiaire.  À l’audition, le Bénéficiaire explique que les deux tentatives de l’Entrepreneur de fixer la prise ont échoué. Selon lui, la prise aurait dû être fixée. Il s’appuie, en cela, sur les termes du rapport d’inspection préréception rédigé pour son compte. Monsieur Bibaud y écrit :

« Le filage et la prise électrique devraient être fixés adéquatement contre le mur dans la chambre froide…»

 

[25]    Sur la question de la tardivité de la dénonciation invoquée par l’Administrateur pour rejeter la réclamation sur ce point, monsieur Sbarra explique que, lors de la réception du bâtiment, il n’a pas été possible de passer à travers tout le rapport de son expert avec l’Entrepreneur.

 

[26]    L’Entrepreneur explique que selon le contrat, la chambre froide devait être livrée non finie. Selon lui, c’est la coutume en construction de la part des électriciens de procéder comme ça. Ce n’est pas un problème ajoute-t-il car «on s’attend à ce que la pièce soit finie».

 

[27]    L’inspecteur-conciliateur  explique ensuite que l’Entrepreneur devait installer un isolant rigide et que la prise ne pouvait se trouver sur une division de bois, la finition n’étant pas de sa responsabilité. Il ajoute que si l’Entrepreneur l’avait fixée directement sur la fondation, il aurait fallu la relocaliser lors de la finition. Enfin ,le témoin explique que la prise doit être recouverte d’une plaque de finition pour la sécurité, ce qui est le cas. Il est d’avis qu’il ne s’agit pas d’un vice caché.

 

Point 10 : Déformation des lames du parquet en bois dur

 

[28]    À la visite des lieux, le Bénéficiaire a fait la démonstration de craquements à des endroits précis dans la chambre à l’étage et au salon.

 

[29]    À l’audition, le Bénéficiaire explique qu’à l’étage, un problème de déformation du sous-plancher a d’abord été diagnostiqué par l’Entrepreneur qui avait requis le soutien technique de l’APCHQ. Le parquet de bois a donc été enlevé en totalité. Au milieu de la pièce, il y a une poutre de support que l’Entrepreneur a tenté d’aplanir pour uniformiser le sous-plancher. Le Bénéficiaire considère que les réparations ne sont pas satisfaisantes parce qu’il subsiste une dénivellation et que beaucoup de craquements demeurent.

 

[30]    Au salon, le Bénéficiaire explique que les lattes de bois fendaient en plein milieu. L’Entrepreneur a effectué des réparations mais les lattes sont toujours dénivelées et les grincements demeurent.

 

[31]    En contre-interrogatoire, le Bénéficiaire confirme avoir installé un système de climatisation en juillet 2010 et qu’avant, il y avait l’échangeur d’air fourni lors de la construction. Monsieur Sbarra ne saurait cependant dire à quel taux il était placé.

 

[32]    Monsieur Ouellet témoigne pour l’Entrepreneur qu’un an après la réception du bâtiment, les lattes de plancher fendillaient et tordaient. Selon lui, il s’agit d’un problème d’humidité car l’installation d’une thermopompe fait sécher le bois trop vite. Il explique qu’il y a de la résine sur les agrafes du plancher, lesquelles se brisent par assèchement lorsqu’on enlève l’humidité. Il ajoute que l’humidité laquelle doit être contrôlée entre 45 et 55 degrés. L’Entrepreneur termine en disant qu’il a réparé pour donner satisfaction au client mais qu’il aurait pu décliner toute responsabilité.

 

[33]    En contre-interrogatoire, monsieur Ouellette confirme que ce sont des spécialistes en plancher qui ont réparé. Il admet ne pas avoir de preuve que l’humidité a changé drastiquement dans la maison des Bénéficiaires mais ajoute que tous les experts sont d’avis qu’une modification rapide du taux d’humidité peut créer des problèmes aux planchers de bois.

 

[34]    L’inspecteur conciliateur témoigne que, lors de son inspection, il a posé des questions au Bénéficiaire sur l’usage qu’il faisait de l’échangeur d’air. Celui-ci lui aurait indiqué qu’il était toujours fermé. Il indique qu’il n’avait pas été informé qu’il y avait eu support technique de l’APCHQ.

 

[35]    Le témoin réfère ensuite aux photos qu’il a prises lors de son inspection et note que les dénivellations sont de moins de 1 mm, ce qui est tolérable selon le Guide de performance de l’APCHQ. Monsieur Berthiaume explique que l’installation d’un climatiseur est bon à moins qu’il ne soit mis en marche trop rapidement. Si c’est le cas, ajoute-t-il, «dès que le plancher relâche, il ne reprend pas sa place».

 

[36]    En argumentation, monsieur Sbarra plaide que la visite des lieux parle d’elle-même. Les situations qui sont jugées tolérables pour l’Entrepreneur et l’Administrateur ne sont pas acceptables pour lui. Il ajoute ne pas être un expert mais constater les situations problématiques.

 

[37]    L’Entrepreneur réitère ne pas être responsable mais avoir effectué les réparations «pour être bon prince».

 

[38]    Le procureur de l’Administrateur plaide que la preuve est à l’effet que les fissures à la dalle du balcon et à la maçonnerie sont des fissures de retrait ou capillaires. Il réfère au Guide de performance de l’APCHQ.

 

[39]    Concernant la dalle de béton, Me Laplante rappelle qu’il n’y a pas de dénivellation, pas d’infiltration d’eau. Les critères du vice caché ne sont pas rencontrés et les fissures de retrait sont exclues de la garantie en vertu de l’article 12(2) du Règlement.  En regard des fissures au parement de maçonnerie, celles-ci sont plus larges que la fissure à la dalle de béton mais sont également exclues et ne constituent pas non plus un vice caché.

 

[40]    Au sujet du filage, le procureur rappelle la tardivité de la dénonciation et ajoute que la pièce était fournie non finie, ce qui rendait impossible la fixation de la prise au colombage inexistant. Il argue que la situation ne rencontre pas non plus les critères du vice caché en regard du prix et de l’usage.

 

[41]    Enfin, relativement au plancher, Me Laplante plaide que, sans affirmer qu’il est parfait, il répond aux critères de tolérance dans l’industrie mais pas à ceux du vice caché. Aucune preuve technique n’a été soumise par le Bénéficiaire alors que les constats faits par l’Entrepreneur et l’Administrateur amènent à conclure que le retrait de l’humidité aurait pu causer le problème.

 

 

L’ANALYSE ET LA DÉCISION

 

 

[42]    Avant d’amorcer l’analyse pour disposer de chacun des points en litige, il y a lieu de rappeler que le présent arbitrage se tient en vertu du Règlement. Ainsi la garantie trouvera application si l’entrepreneur est en défaut de respecter ses obligations légales ou contractuelles, plus précisément s’il néglige de terminer les travaux convenus ou si l’exécution des travaux est affectée de vices ou de malfaçons.

 

[43]    Il convient de rappeler les dispositions législatives et réglementaires pertinentes au présent arbitrage, plus particulièrement l’article 10 du Règlement et l’article 1726 du Code civil du Québec.

 

10.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

      1°    le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

 

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

 

 

[44]    Ainsi, le Règlement impose d’autres conditions à la mise en œuvre de la garantie, dont le respect par les bénéficiaires, des délais de dénonciation prescrits. En l’espèce, l’Administrateur a rejeté la réclamation des Bénéficiaires sur le point 4 au motif que ceux-ci n’ont pas respecté le délai de dénonciation de 6 mois de la découverte du problème. Le tribunal devra donc se prononcer sur cette question préalable.

 

[45]    Considérant la preuve contradictoire entendue, les questions auxquelles le Tribunal doit répondre sont donc les suivantes :

 

-          Les fissures à la dalle de béton et au parement de maçonnerie sont-elles exclues de la garantie parce qu’attribuables au comportement normal des matériaux et sinon, constituent-elles des vices cachés?

-          L’absence de fixation de la prise électrique a-t-elle été dénoncée tardivement?

-          La déformation des lames du parquet de bois et les craquements persistants par endroits répondent-ils aux critères de tolérances admissibles dans l’industrie de la construction ou constituent-ils un vice caché?

 

 

Points 2: Fissure dans la dalle de béton du balcon et

Point 12 : Fissures au parement de maçonnerie

 

[46]    L’Administrateur a rejeté la réclamation des Bénéficiaires sur ces points au motif de leur exclusion de la garantie en vertu de l’article 12(2) du Règlement :

 

12.   Sont exclus de la garantie:

  …

 

  2°    les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;

                           …                    

[47]    À l’audition, l’Administrateur dépose en preuve des extraits du Guide de performance de l’APCHQ intitulés respectivement Fissuration de la dalle en béton coulé sur place et Fissures dans un mur en maçonnerie (dans l’élément du mortier.

 

[48]    Par ailleurs, en ce qui concerne la dalle du balcon, le Bénéficiaire invoque le vice caché parce que celle-ci sert de toiture à la chambre froide. Rendue dangereuse à cause de la fissure, elle est, selon lui,  impropre à l’usage auquel elle est destinée. Au soutien de son argumentation, il réfère aux divers éléments à surveiller rapportés dans le rapport d’inspection préréception préparé pour son compte en 2008.

 

[49]    Quant aux fissures au parement de maçonnerie, le Bénéficiaire craint que la pierre se détache.

 

[50]    Au surplus, dans tous les cas, il argue que l’apparition des fissures est postérieure à la période de séchage des matériaux. Il expose enfin ses craintes que l’humidité et la moisissure n’endommagent le bâtiment.

 

[51]    Le Tribunal rappelle d’abord que c’est sur le Bénéficiaire, qui conteste le bien-fondé de la décision de l’Administrateur, que repose le fardeau de la preuve et cette preuve doit être prépondérante, en application des dispositions contenues aux articles 2803 et 2804 du Code Civil du Québec :

 

2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les  faits sur lesquels sa prétention est fondée.

 

2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

 

 

[52]    Le Bénéficiaire n’a soumis aucune preuve technique à l’appui de ses prétentions, que ce soit de problème structural, de dénivellation ou d’infiltration.

 

[53]    La preuve prépondérante est plutôt à l’effet que la capacité portante de la dalle  n’est pas diminuée par la fissure en raison notamment des armatures qui la composent. La fissure est moindre que 3 millimètres. 

 

[54]    Pour se décharger du fardeau de la preuve, il ne suffit pas de démontrer la seule potentialité d’un risque. Comme l’a écrit l’arbitre Despatis :

 

«Avec égards, l’appréhension de dommages futurs par la bénéficiaire n'est pas suffisante pour conclure à la présence d’un vice caché ou d’une malfaçon. Autrement dit, l’affirmation de la présence d’un danger ou de l’appréhension d’un problème éventuel ne sont pas la preuve d’un problème affectant réellement l’ouvrage.»[2]

 

[55]    La demande d’arbitrage est donc rejetée sur le point 2, sans préjudice aux droits des Bénéficiaires advenant manifestation d’un problème structural ou d’étanchéité dans l’avenir.

 

[56]    En ce qui concerne les fissures au parement de maçonnerie, force est de constater que celles qui sont situées au-dessus de la porte de garage sont, sans dépasser les 3 millimètres, assez larges et sont visibles de la rue. En cela, elles ne répondent pas aux critères de qualité du Guide de performance de l’APCHQ qui prévoit qu’«aucune fissure ne doit être visible à plus de 20 pi (6m)»  Il est clair qu’il y a ici malfaçon.

 

[57]    Toutefois, la situation ayant été dénoncée dans la troisième année de la garantie, le tribunal doit l’analyser en regard des critères du vice caché. La preuve soumise ne permet pas de soutenir que la situation  répond au niveau de gravité requis pour conclure à un vice caché selon l’article 1726 du Code civil du Québec. La demande doit donc être rejetée sur le point 12 également.

 

 

Point 4 : Filage et prise électrique

 

[58]    L’Administrateur a rejeté la réclamation invoquant tardivité de la dénonciation. En effet, la situation avait été notée par l’inspecteur mandaté par les Bénéficiaires, dans le rapport préréception qu’il a produit le 25 novembre 2008 et les Bénéficiaires ne l’ont pas dénoncée dans le formulaire d’inspection préréception qu’ils ont complété le lendemain avec l’Entrepreneur. La première dénonciation à l’Administrateur est donc celle du 2 septembre 2011, soit près de 3 ans après la réception du bâtiment.

 

[59]     Les Bénéficiaires ont représenté qu’ils ne pouvaient pas procéder, avec l’Entrepreneur, à l’examen de tous les points notés par leur inspecteur. Le Règlement étant d’ordre public, il doit être interprété rigoureusement. Une jurisprudence majoritaire reconnaît le caractère impératif de l’obligation du bénéficiaire de dénoncer par écrit à l’Administrateur dans les délais prescrits par le Règlement. L’arbitre Jean Philippe Ewart résume bien l’état de la réglementation et de la jurisprudence lorsqu’il écrit :

«En résumé, la dénonciation prévue à l'article 10 du Règlement se doit d'être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n'est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l'arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés.»[3]

 

[60]    Le Tribunal n’a d’autre choix que de maintenir la décision de l’Administrateur.

 

 

Point 10 : Déformation des lames du parquet de bois

 

[61]    À la visite des lieux, le Bénéficiaire montre des craquements à un endroit dans le salon et à un endroit dans la chambre à coucher à l’étage. À l’audition, l’inspecteur-conciliateur indique que le plancher du salon ne lui aurait pas été montré lors de son inspection. Interrogé à ce sujet, le Bénéficiaire témoigne ne pas se souvenir avoir invité monsieur Berthiaume à inspecter le plancher du salon. En consultant l’onglet 9 du cahier des pièces de l’Administrateur, le tribunal a constaté qu’une des photos  concerne le plancher du salon de la résidence, ce qui permet au moins de conclure que l’inspection y a été faite.

 

[62]    La preuve n’ayant pas porté sur le parquet du salon ni de part ni d’autre, il n’y a pas lieu d’intervenir, d’autant plus que les craquements montrés au cours de la visite des lieux sont apparus minimes au Tribunal.

 

[63]    En ce qui concerne le plancher de la chambre à l’étage, la preuve est contradictoire sur les causes de la situation. Le Bénéficiaire soumet qu’il y a dénivellation du plancher et base son avancée sur le problème de  déformation du sous-plancher causé par une poutre de support, lequel a été identifié par le service de soutien technique de l’APCHQ consulté par l’Entrepreneur. L’Entrepreneur représente que l’installation d’un climatiseur a favorisé un séchage drastique du bois. L’Administrateur, qui n’a pas été informé qu’un diagnostic avait été posé par le service de soutien technique de l’APCHQ à la demande de l’Entrepreneur, soutient la décision qu’il a rendue et invoque que le plancher respecte les seuils de tolérance acceptables.

 

[64]    Quoique le Bénéficiaire n’ait pas beaucoup élaboré sur le sujet, il semble, considérant les travaux importants effectués au plancher de la chambre, que le problème était sérieux. En effet, l’Entrepreneur a enlevé tout le parquet de bois, aplani la poutre de soutien dans le but de corriger la déformation du sous-plancher. Il est difficile de croire, comme le prétend aujourd’hui l’Entrepreneur, qu’il a réparé le plancher seulement pour donner satisfaction au client.

 

[65]    Quant à la prétention de l’Entrepreneur et de l’Administrateur à l’effet que la situation est reliée à un problème d’humidité, elle n’est pas convaincante, d’autant plus qu’elle n’est pas soutenue par la preuve, aucune mesure du taux d’humidité n’ayant été prise, comme le recommande d’ailleurs le Guide de performance de l’APCHQ.

 

[66]    Par ailleurs, les Bénéficiaires n’ont présenté aucune preuve technique pour expliquer les craquements. Ils n’ont présenté aucune preuve documentaire, n’ont sollicité eux-mêmes aucune expertise externe et n’ont pas plus requis la présence à l’audience des experts de l’APCHQ qui ont posé le diagnostic initial.

 

[67]    Quoiqu’il soit légitime de se demander si l’inspecteur-conciliateur aurait rendu la même décision s’il avait été mis au courant du problème identifié par les experts pour le compte de l’Entrepreneur, la seule démonstration de craquements, décrits par l’Administrateur comme en deçà des seuils de tolérance généralement admis dans le milieu de la construction,  permettrait tout au plus de considérer qu’il s’agit d’une malfaçon mais certainement pas  permet pas un vice caché.

 

[68]    Comme l’écrit Me Michel Jeanniot dans la décision Filomena Stante et Antonio Carriero c. Les Constructions Oakwood Canada Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ [4] :

 

«les Bénéficiaires sont en demande et tel quiconque porte une demande devant un Tribunal d’arbitrage, c’est la demande qui a le fardeau de preuve, qui a le fardeau de convaincre; sans que ce fardeau ne soit indu, ce sont les Bénéficiaires demandeurs qui ont l’obligation de démontrer le caractère déraisonnable de la décision de l’Administrateur ou, subsidiairement, que les points qu’ils soulèvent sont recevables dans le cadre de l’application du contrat de garantie».

 

[69]    Bien que l’arbitre ne soit pas lié par les règles de tolérance prévues au Guide de performance de l’APCHQ, il ne suffit pas de démontrer l’existence d’un problème pour assurer l’application de la garantie. Pour se décharger de leur fardeau de  preuve, les Bénéficiaires devaient établir une faute de l’Entrepreneur et/ou le caractère déraisonnable de la décision de l’Administrateur.

 

[70]     En l’absence de telle preuve, le Tribunal maintient la décision de l’Administrateur.

 

 

 

LA CONCLUSION

 

[71]    À titre d’arbitre désigné, la soussignée est autorisée à trancher tout différend découlant des plans de garantie.  L’arbitre doit statuer «conformément aux règles de droit;  il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient».[5] Sa décision lie les parties; elle est finale et sans appel.[6]

 

[72]    En vertu de l’article 123 du Règlement, l’arbitre doit départager les coûts de l’arbitrage.

 

123.   Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

[73]    Considérant l’ensemble du dossier, les frais d’arbitrage sont partagés entre les Bénéficiaires pour un montant de 100,00$ et l’Administrateur pour la balance.

 

 

 POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires et MAINTIENT la décision de l’Administrateur

CONDAMNE le Bénéficiaire à payer cent dollars (100$) des frais d’arbitrage et CONDAMNE l’Administrateur à payer la balance des frais.

 

 

Me France Desjardins

Arbitre/CCAC



[1] LRQ, c.B-1.1, r.0.2

[2] Hecht Gaertner et Réseau Viva international inc. et La Garantie des bâtimens résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., GAMM 2009-13-002 , sentence rendue le 23 décembre 2009.

[3] Niki Apollonatos et George Karounis c. Habitations Luxim Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, sentence arbitrale rendue le 4 juin 2008.

[4] Filomena Stante et Antonio Carriero c. Les Constructions Oakwood Canada Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision arbitrale rendue le 6 mai 2009, parag. 36

[5]               Article 116 du Règlement

[6]               Articles 20 et 120 du Règlement