ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

EXO Construction inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

Jessica MacDonald et Rémi Cyrenne

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

Garantie de construction résidentielle (GCR)

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier GCR : 124199-5319

No dossier GAMM : 2021-07-12

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis

 

Pour l’entrepreneur :

M. Mathieu Farley

 

Pour les bénéficiaires :

Mme Jessica MacDonald

M. Rémi Cyrenne

 

Pour l'administrateur :

Me Nancy Nantel

 

Date d’audience :

7 décembre 2021

 

Lieu d’audience :

Val-des-Monts (Québec)

 

 

Date de la sentence :

5 janvier 2022

I : INTRODUCTION

[1]                Il s’agit ici d’une unité d’habitation non détenue en copropriété divise, située dans la région de l’Outaouais.

[2]                La date de réception du bâtiment a été fixée par l’administrateur au 15 octobre 2018.

[3]                La présente dénonciation ayant trait au drain français est datée du 23 novembre 2020, alors que les bénéficiaires font part de leur crainte relativement à la présence d’eau par-dessus celui-ci, de même qu’à son fonctionnement.

[4]                Le tout est consécutif à un dégât d’eau survenu au soussol le 24 octobre 2019, à la suite duquel les bénéficiaires, lors de l’installation de cheminées en septembre 2020, ont constaté la présence d’eau par-dessus le drain.

[5]                Suite à la réclamation, l’administrateur a émis un premier rapport de décision en date du 20 mai 2021.

[6]                L’administrateur avait pu visionner la vidéo d’une inspection par caméra effectuée le 23 septembre 2020; cette vérification avait été commanditée par les bénéficiaires.

[7]                Voici un extrait du rapport de décision précité :

Analyse et décision

L’administrateur n’étant pas en mesure de rendre une décision juste et éclairée compte tenu de la nature de la problématique soulevée, mandatera une firme spécialisée qui devra procéder à l’expertise décrite ci-dessus.

[8]                Subséquemment, au lieu de mandater un expert pour compléter son dossier, l’administrateur a plutôt procédé à une consultation avec le service technique de La Garantie GCR et a émis un rapport de décision supplémentaire en date du 14 juin 2021, dont voici un extrait :

À la suite de l’analyse du dossier par le service technique de la GCR, il n’est pas requis de mandater un expert. L’état du drain permet d’établir qu’il est complètement inefficace, considérant ;

En considérant la présence possible de dépôts d’ocre ainsi que de nombreux avis obtenus d’expert en la matière, la GCR est en mesure d’établir que le système de drainage doit être refait dans son entièreté.

L’entrepreneur devra procéder au remplacement du drain selon la norme BNQ 3661-500/2012 et en favorisant un drain rigide à paroi lisse avec une pente 0,5% dont le remblai de pierre nette devra être recouvert d’une membrane géotextile compatible avec le sol en place. Voir annexe.

[9]                Insatisfait des conclusions de l’administrateur, l’entrepreneur, en date du 12 juillet 2021, adressait au GAMM une demande d’arbitrage.

[10]           En cours d’enquête, les personnes suivantes ont témoigné :

-          M. Stéphane Poulin, entrepreneur

-          M. Mathieu Farley, entrepreneur

-          M. Christian Plouffe, maître plombier

-          Mme Jessica MacDonald, bénéficiaire

-          M. Robert Prud’homme, T. P., conciliateur

-          M. Yvan Gadbois, expert technique (GCR)

II : DÉCISION ET MOTIFS

[11]           Il existe une preuve prépondérante à l’effet que le drain qui entoure la propriété concernée baigne dans l’eau et que celle-ci peut atteindre la dalle.

[12]           Cette situation a d’abord été constatée lors du dégât d’eau au sous-sol survenu en 2019, puis par caméra en 2020, et une autre fois lors de l’installation des cheminées dans la même année.

[13]           La pompe originale n’a duré que trois ans.

[14]           M. Plouffe, expert retenu par l’entrepreneur, témoigne à l’effet qu’il y a du fer dans le sol, de même que dans l’eau, créant ainsi une gélatine qui peut colmater le drain.

[15]           Par ailleurs, il prétend que durant l’automne, la hauteur de la nappe phréatique augmente, mais que si la pompe fonctionne, il n’y aura pas de problème.

[16]           Sur une photo apparaissant dans le rapport de l’administrateur du 14 juin 2021, on peut constater très facilement la présence de l’ocre dans le puisard.

[17]           Or, le Code national du bâtiment interdit formellement la construction dans une nappe phréatique.

[18]           Pour remédier à la situation, l’entrepreneur suggère de changer la pompe tous les deux ans et d’installer des contrôles électroniques permettant de détecter les anomalies.

[19]           Ces suggestions de remède prouvent plutôt l’existence de non-conformités dans les installations actuelles.

[20]           Il est généralement reconnu qu’un drain rempli d’eau (submergé) entraîne la formation de dépôts d’ocre et qu’il est difficile à nettoyer, favorisant ainsi le colmatage.

[21]           Or, dans le présent dossier, il n’a pas été contredit que le drain est parfois complètement rempli d’eau sur au moins 90 % de sa longueur. Nous sommes loin de la tolérance zéro préconisée par les règles de l’art.

[22]           Je cite ci-après un extrait d’une sentence rendue par l’arbitre Michel A. Jeanniot[1] :

Une construction en sol ferreux en soit [sic] n’est pas problématique si alternativement la hauteur de la nappe phréatique n’est pas problématique et/ou le système de drainage est adéquat et que (dans certains cas) un entretien périodique du système est adressé.

[23]           Or, la présente affaire ne s’apparente pas à cet extrait. L’état actuel rencontre les exigences de la notion de vice caché selon l’article 10 du plan de garantie, alors que les délais ont été respectés.

[24]           Pour ces motifs, la demande d’arbitrage de l’entrepreneur est  REJETÉE.

[25]           Le tribunal ORDONNE donc à l’entrepreneur de procéder, selon les règles de l’art, au remplacement du système de drainage actuel et de remettre les lieux dans leur état d’origine.

[26]           Le tribunal ACCORDE à l’entrepreneur jusqu’au 30 août 2022 pour compléter les travaux.

[27]           À défaut par l’entrepreneur de se conformer à l’ordonnance précédente, le tribunal ORDONNE à l’administrateur de procéder aux travaux correctifs requis et de les compléter pour le 30 octobre 2022.

Le remède

[28]           Aucun intervenant, incluant l’administrateur, n’a proposé des solutions complètes pour résoudre le problème du drain. Agir ainsi ne rend pas aux parties les services auxquels ils devraient s’attendre.

[29]           Nous sommes donc en présence d’une situation problématique naturelle et permanente. Le remède exige de ce fait une solution naturelle et permanente.

[30]           Faut-il rehausser la résidence, cette dernière peut-elle être rehaussée, ou la solution réside-t-elle ailleurs?

[31]           Il est vrai que la méthode d’intervention appartient à l’entrepreneur puisqu’il a une obligation de résultat.

[32]           Cependant, ce principe est valable à condition que la solution proposée soit conforme à l’esprit du plan de garantie.

[33]           C’est pourquoi le tribunal CONSERVE JURIDICTION advenant un différend entre les parties relativement à la méthode d’intervention.

Coûts de l’arbitrage

[34]           Conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, vu que le demandeur du présent arbitrage est l’entrepreneur, les coûts d’arbitrage sont répartis à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur.

BOUCHERVILLE, le 5 janvier 2022.

 

 

 

 

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Claude Dupuis, arbitre

 


[1]  Solange Larouche & Daniel Cléroux et Habitations Clo-Bel inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, T. A., arbitre Michel A. Jeanniot (SORECONI), 2007-12-14, par. 16.