ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (RLRQ, c. B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec : SORECONI
ENTRE : SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ DU 968 BOUL. PIE XII
Bénéficiaire
ET : LES CONSTRUCTIONS SÉBASTIEN
ROSEBERRY INC.
Entrepreneur
LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
Administrateur
Nº dossier SORECONI : 140503001
Nº dossier du Plan de Garantie : 91607 - 6418
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me Jean Robert LeBlanc
Pour le Bénéficiaire : Monsieur Sylvio MARQUIS
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Sébastien ROSEBERRY
Madame Karine P. ST-PIERRE
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier GODIN, avocat
LEBLANC LAMONTAGNE & ASSOCIÉS
Date d’audience : 16 juillet 2014
Date de la décision : 22 septembre 2014
IDENTIFICATION DES PARTIES
Bénéficiaire : SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ DU 968 BOUL. PIE XII
a/s Monsieur Sylvio MARQUIS
968, boulevard Pie XII Unité […]
Québec, QC G1W 4N1
Entrepreneur : LES CONSTRUCTIONS SÉBASTIEN
ROSEBERRY INC.
191, Elmina-Anger
Québec, QC G2N 0G3
Administrateur : LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
9200, boulevard Métropolitain Est
Montréal, QC H1K 4L2
Et son procureur :
Me François-Olivier GODIN, avocat
LEBLANC LAMONTAGNE & ASSOCIÉS
DÉCISION
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 31 mars 2014.
Chronologie du dossier :
18 avril 2013 : Avis de fin des travaux des parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise;
22 mai 2013 : Accusé de réception de l’avis de fin des travaux par l’Assemblée extraordinaire des copropriétaires du Bénéficiaire;
10 septembre 2013 : Visite d’inspection avant réception des parties communes par le Bénéficiaire et l’architecte monsieur Claude R. Bisson;
10 septembre 2013 : Réclamation écrite du Bénéficiaire selon le rapport de conciliation;
30 septembre 2013 : Date inscrite au « Formulaire d’inspection préréception pour les parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise »;
26 novembre 2013 : Visite d’inspection du bâtiment par monsieur Martin Gignac T.P. Conciliateur pour l’Administrateur;
13 février 2014 : Décision de l’Administrateur;
5 mars 2014 : Demande d’arbitrage par le Bénéficiaire. La valeur du litige est d’environ 45 000$ selon le Bénéficiaire;
31 mars 2014 : Nomination de l’arbitre;
23 mai 2014 : Tenue par téléphone d’une Conférence préparatoire à l’Audience d’arbitrage;
13 juin 2014 : Transmission aux Parties par l’arbitre du procès-verbal de la Conférence téléphonique du 23 mai et d’un Avis de convocation pour la tenue de l’Audience au Palais de justice de Québec le 16 juillet 2014 à compter de 9h30. Quelques jours avant la date prévue pour l’Audience, pour des raisons hors du contrôle des Parties et du Tribunal arbitral, le lieu de l’Audience a dû être modifié. L’Audience a donc eu lieu dans une salle de réunion du Domaine Cataraqui sur le chemin Saint-Louis à Québec. Les Parties ont été avisées à temps de ce changement de lieu et les témoins qu’elles avaient convoqués également de sorte que le jour de l’Audience le Tribunal a constaté que l’Audience était régulière et déclaré celle-ci exempte de tout vice de convocation ce que les Parties n’ont pas contesté.
22 septembre 2014 : Décision arbitrale.
APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, ENTENDU LA PREUVE ET LES ARGUMENTS DES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE:
[1] Il s’agit d’un arbitrage en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs [1] (ci-après le « Règlement ») demandé par le Bénéficiaire qui conteste en partie la décision rendue le 13 février 2014 par l’Administrateur en vertu dudit Règlement. Aucune objection préliminaire n’ayant été soulevée sur sa compétence, le Tribunal constate que juridiction lui est acquise et se déclare compétent à entendre le présent arbitrage.
Requête préliminaire de l’Entrepreneur
[2] Préalablement à l’Audience, l’Entrepreneur a transmis par écrit au Tribunal arbitral une Requête pour faire rejeter la production en preuve de certaines pièces du Bénéficiaire. L’arbitre avait alors informé par écrit les Parties qu’il les entendrait sur ce sujet le 16 juillet 2014, en début d’Audience et qu’il rendrait décision sur cette requête séance tenante.
[3] Toutefois, au moment d’entendre ladite requête de l’Entrepreneur, ce dernier s’en est volontairement désisté et l’Administrateur a accepté ce désistement. En conséquence, le Tribunal arbitral a permis aux Parties de procéder au mérite du litige.
Les points en litige
[4] Lors de sa demande d’arbitrage, le Bénéficiaire contestait la décision de l’Administrateur qui refusait de reconnaître les points qui suivent que le Tribunal arbitral reproduit tel qu’ils sont mentionnés au rapport du conciliateur :
Point 16 MUR DE FONDATION : FISSURES;
Point 17 REVÊTEMENT DES FONDATIONS DE BÉTON;
Point 19 HAIE DE CÈDRE;
Point 20 IMPLANTATION DES CABANONS;
Point 22 AMÉNAGEMENT DU TERRAIN : REMBLAI;
Point 24 REVÊTEMENT D’ASPHALTE.
[5] De plus, le Bénéficiaire réclamait l’intervention de la Garantie pour contraindre l’Entrepreneur à compléter des retouches cosmétiques mineures aux garde-corps des trois (3) galeries du côté droit du bâtiment.
Point 7 TROIS (3) GALERIES CÔTÉ DROIT DU BÂTIMENT : GARDE-CORPS;
[6] Afin de concentrer l’enquête sur les points qui restent en litige, le Tribunal arbitral a révisé avec les Parties l’état des points sur lesquels l’entrepreneur avait pris des engagements lors de la Conférence préparatoire du 23 mai 2014.
[7] Certains points litigieux ont ainsi pu être réglés depuis. Spécifiquement les Points 19 (Haie de cèdres) et 22 (Aménagement du terrain : remblai).
[8] En effet, relativement au Point 19, une entente a été signée le 22 juin 2014 entre le Bénéficiaire et la propriétaire de l’immeuble voisin qui ont convenu qu’aucune haie de cèdres ne serait installée sur la ligne mitoyenne de leurs immeubles.
[9] Par ailleurs, le Point 22 est également résolu puisque la compagnie Hydro-Québec a confirmé par écrit le, ou vers le 29 mai 2014, qu’elle se déclarait satisfaite des travaux de revégétalisation effectués à l’endroit qui causait problème pour le Bénéficiaire.
[10] En conséquence, le bénéficiaire s’est déclaré satisfait des règlements intervenus et il a retiré ces deux (2) points de l’arbitrage.
[11] Quant aux retouches cosmétiques mineures de certaines égratignures sur les garde-corps des galeries des trois (3) unités (Point 7), le Bénéficiaire, lors de la Conférence préparatoire, avait informé le Tribunal arbitral que de petits pots de peinture correspondant à la couleur nécessaire des garde-corps seraient suffisants et que les copropriétaires feraient les corrections eux-mêmes. L’Entrepreneur s’était alors engagé à fournir aux copropriétaires la peinture nécessaire pour qu’ils règlent eux-mêmes ce point en litige.
[12] Or, le matin de l’Audience, malgré les affirmations à l’effet contraire par l’Entrepreneur, le Bénéficiaire a témoigné à l’effet qu’il n’avait pas reçu lesdits pots de peinture.
[13] Afin de régler ce point litigieux, le Tribunal arbitral est intervenu pour aider les Parties à trouver une solution quant à la livraison de la peinture nécessaire pour effectuer les retouches aux garde-corps des galeries des copropriétaires.
[14] l’Entrepreneur a pris l’engagement formel de remettre ladite peinture au Bénéficiaire par personne interposée. En effet, avant 16h30, vendredi, le 22 août 2014, l’Entrepreneur devait remettre au conciliateur, monsieur Gignac, les pots de peinture ainsi que des pinceaux destinés au Bénéficiaire. Monsieur Gignac devait ensuite faire suivre le tout au Bénéficiaire avant 16h30, vendredi, le 29 août 2014 et confirmer cette livraison au Tribunal par courriel.
[15] En date de la présente décision, le Tribunal n’ayant reçu aucun courriel à cet égard, il ordonnera l’exécution de la transaction intervenue sur le Point 7.
[16] Il reste donc au Tribunal arbitral à trancher sur les Points 16, 17, 20 et 24 qui sont en litige. Malgré que ces Points n’aient pas été entendus dans un ordre chronologique lors de l’Audience, le Tribunal arbitral fera l’analyse de la preuve et des arguments et décidera chronologiquement.
Point 16 MUR DE FONDATION : FISSURES
[17] La preuve révèle que le conseil d’administration du syndicat du Bénéficiaire a résolu de s’abstenir, dans le cadre du présent arbitrage, de retenir les services d’un expert pour contester la décision de l’Administrateur qui attribue les fissures constatées « …au comportement normal des matériaux lors de leur assèchement… » et qui en conséquence de l’exclusion qui se trouve à la clause 6.7.2 du contrat de garantie [2], refuse de reconnaître ce point dans le cadre de la garantie.
« Sont EXCLUS de la garantie :
[…]
« 6.7.2 Les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements.
[…] »
[18] Cette disposition contractuelle est une reprise textuelle de l’article 29. 2º [3] du Règlement relativement aux exclusions de la garantie.
[19] Le Bénéficiaire n’ayant présenté aucune preuve ni argument sur ce point pour contredire la décision de l’Administrateur, le Tribunal arbitral maintiendra la décision de l’Administrateur à l’égard du Point 16.
[20] À l’Audience, le procureur de l’Administrateur, Me Godin, est intervenu pour expliquer que l’Administrateur conservait la réclamation du Bénéficiaire sur ce point, qu’il s’en remet à la garantie et dans l’éventualité d’une aggravation de la situation des fissures, l’Administrateur s’engage à réévaluer la réclamation en faisant une nouvelle enquête et un nouveau rapport de conciliation le tout, sous réserve du respect des délais prescrits.
Point 17 REVÊTEMENT DES FONDATIONS DE BÉTON
Les faits
[21] La preuve révèle que le Bénéficiaire a dénoncé conformément aux dispositions du Règlement que le recouvrement du béton des fondations du bâtiment avait été réalisé en crépi acrylique (ci-après du « crépi ») plutôt qu’avec des blocs de marque « …CARDIFF®, couleur blanc cassé, tel que Permacon » (ci-après « blocs Permacon ») et ce, contrairement à ce qui était inscrit au plan dont s’est servi l’Entrepreneur pour vendre les unités de copropriété divise aux acquéreurs.
[22] Dans sa décision du 13 février 2014, l’Administrateur ne reconnaît pas ce point et refuse au Bénéficiaire l’application de la garantie parce que le revêtement utilisé « …ne rend aucunement l’immeuble impropre à l’usage auquel on le destine et ne diminue pas son utilité. ».
[23] Le Bénéficiaire demande au Tribunal arbitral d’appliquer la garantie pour contraindre l’Entrepreneur à remplacer le crépi utilisé comme revêtement du béton des fondations par des blocs Permacon et ce, pour rendre l’immeuble conforme aux représentations préachat faites sur plan par l’Entrepreneur et aux contrats de construction signés par les copropriétaires préalablement à la construction lesquels référaient auxdits plan et devis.
[24] Par ailleurs, la preuve démontre aussi que chacun des copropriétaires lors de la visite de préréception de leur unité respective ont complété et signé le Formulaire d’inspection préréception prescrit par l’Administrateur.
[25] Le 19 juin 2013, les acquéreurs de l’unité « A », monsieur et madame Tomani, ont signé le formulaire de préréception en cochant même la mention sans réserve alors qu’à la section relative aux fondations, au niveau de la mention « Crépis (sic) de béton » il est noté à la main « À venir après la grève ».
[26] À ce moment, ils ont même convenu avec l’Entrepreneur de recevoir un crédit de 350$ à titre de compensation relativement notamment, au fait que des planchers de bois franc n’avaient pas été installés dans leur unité tel qu’il en avait été convenu lors de l’achat. Toutefois, Monsieur Tomani témoigne à l’effet qu’à cette époque il ignorait que le plan indiquait qu’il y aurait des blocs Permacon pour recouvrir le béton des fondations et il témoigne à l’effet qu’il a donc payé pour des blocs qu’il n’a pas reçus et il soutient dans ce sens la démarche du Bénéficiaire.
[27] Le 1er mars 2013, madame Côté, une des propriétaires de l’unité « B » (avec monsieur Fournier) signe avec réserve le formulaire de préréception où il est indiqué, à la section concernant les fondations, une courte note manuscrite « Crépis (sic) printemps ».
[28] Lorsque contre-interrogé à l’Audience, monsieur Fournier précise au Tribunal que l’absence de blocs Permacon sur le béton des fondations n’était pas pour lui un « Deal Breaker », qu’il est même plutôt satisfait du résultat esthétique du crépi.
[29] À une date que la preuve ne révèle pas, monsieur Marquis et madame Champagne signent le formulaire de préréception de l’unité « C » sur lequel le Tribunal arbitral constate qu’il est également mention de crépi. En effet, une note également manuscrite indique en marge de « Crépis (sic) de béton », « à venir (printemps) ».
[30] Comme il est prouvé par des écrits non contestés que les propriétaires des trois unités acceptent le fait que le béton des fondations soit recouvert de crépi plutôt que de blocs Permacon alors, pourquoi le Bénéficiaire formule-t-il une telle réclamation à l’Administrateur ?
[31] Selon monsieur Marquis qui témoigne pour le Bénéficiaire, il a constaté la différence de matériaux en marge de la visite préréception des parties communes de la copropriété par l’architecte Bisson en septembre 2013.
[32] À partir de ce moment, à titre de représentant du Bénéficiaire, monsieur Marquis soutient qu’à cet égard l’Entrepreneur n’a pas fourni le matériau (Blocs Permacon) convenu et promis et que la garantie doit intervenir pour faire corriger la situation. Il demande que le plan original soit respecté.
[33] Il fait essentiellement valoir au Tribunal que le crépi n’est pas aussi esthétique que les blocs Permacon qui en plus offrent une plus grande durabilité et confèreront une valeur plus grande à chaque copropriété lors d’une éventuelle vente. Toutefois, il n’apporte aucune preuve d’expert relativement à la plus grande durabilité des blocs Permacon comme matériau de recouvrement du béton des fondations ni de preuve sur une augmentation de valeur de l’immeuble en raison de ce recouvrement.
[34] Il est par ailleurs admis par l’Administrateur que l’installation de blocs Permacon est plus coûteuse que la pose de crépi ce qui est d’ailleurs confirmé par le témoin Richard qui est maçon et qui a lui-même posé le crépi sur le béton des fondations de l’immeuble du Bénéficiaire.
[35] En contre-interrogatoire, monsieur Marquis admet qu’à l’époque de l’achat de l’unité « C » le recouvrement du béton des fondations par des blocs Permacon n’était pas une considération d’achat pour lui.
[36] De plus, malgré que la preuve ne précise pas à quelle date exacte monsieur Marquis a signé l’acte de vente notarié pour acquérir avec Madame Champagne l’unité « C », il reconnaît que lors de la signature dudit acte de vente il a demandé au notaire de retenir en fidéicommis des sommes d’argent pour corriger les déficiences éventuelles et plus spécifiquement pour assurer la pose de crépi lequel n’était pas encore appliqué.
[37] En juillet 2013, monsieur Marquis transmet à l’Entrepreneur un courriel lui demandant d’intervenir pour faire nettoyer certains dégâts faits par le sous-traitant pendant la pose du crépi et qui n’ont pas été nettoyés adéquatement. À cette époque il est satisfait du crépi et ne se plaint pas de sa présence.
[38] Lors de son témoignage, l’expert de l’Administrateur, monsieur Gignac précise au Tribunal que le crépi installé et dont il a été longuement question depuis le début de l’Audience, n’est pas du crépi acrylique mais bien du crépi ordinaire.
[39] Selon le témoin Gignac, la présence du revêtement de crépi ne constitue ni une malfaçon ni un vice de construction au sens du Règlement, ne rend pas l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné et n’en diminue pas son utilité. Ce revêtement présente uniquement une esthétique différente de celle des blocs Permacon qui ne sont pas nécessairement plus durables puisqu’ils ne sont pas garantis plus longtemps que du crépi tel que la preuve le révèle.
[40] Lorsqu’interrogé par le Bénéficiaire, l’expert Gignac fait ressortir que le plan qui prévoyait des blocs Permacon prévoyait également des margelles autour des fenêtres des sous-sols parce que les blocs Permacon, nettement plus lourds que du crépi, devaient prendre assise sur une saillie de la fondation sous le sol.
[41] Le choix de l’Entrepreneur de recouvrir le béton des fondations avec du crépi lui a permis de hausser la fondation et d’ainsi sortir de terre les fenêtres des sous-sols et ce, au bénéfice de chacun des copropriétaires.
[42] Il témoigne également du fait que l’Entrepreneur a aussi fait d’autres changements au plan original, notamment en livrant des patios plus grands et des garde-corps autour des galeries qui ont finalement été installés en aluminium alors qu’à l’origine il avait été prévu de les faire en bois traité. Le témoin poursuit en précisant que l’important pour l’Administrateur c’est que les constructions et les installations garanties soient conformes aux normes de construction en vigueur qui sont applicables au bâtiment sous considération.
Analyse et motifs
[43] Afin de disposer de ce point en litige, le Tribunal arbitral doit déterminer si la non-conformité résultant de la substitution du matériau prévu au plan donne ouverture à l’application du Règlement et de la garantie qui en découle par l’effet de l’article 7 [4] dont voici le texte :
« 7. Un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section. »
(Les caractères gras sont nôtres)
[44] Malgré les arguments du Bénéficiaire, la preuve écrite et la preuve testimoniale ont démontré que chacun des copropriétaires a accepté que le béton des fondations soit recouvert de crépi et ce, à l’occasion de la réception de leur unité privative respective.
[45] Pour les fins du présent arbitrage, le Tribunal arbitral doit s’interroger si en recouvrant de crépi le béton des fondations au lieu de le recouvrir de blocs de Permacon, l’Entrepreneur a manqué à ses obligations légales et contractuelles stipulées à l’article 27 [5] du Règlement dont le texte pertinent est reproduit ci-bas.
« 27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit:
a) par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
b) par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
[…] »
(Les caractères gras sont nôtres)
[46] La réponse doit être négative car le fait de recouvrir de crépi le béton des fondations au lieu de le recouvrir de blocs de Permacon ne crée pas un vice ou une malfaçon et ne constitue pas un manquement à une norme de construction pouvant porter « …atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l’utilisation du bâtiment. » tel que le souligne à juste titre l’ingénieur Claude Dupuis agissant comme arbitre dans une affaire de substitution de brique par de l’aluminium [6] et tel Me France Desjardins le précise une décision récente. [7]
« [58] C’est dans ce cadre législatif et réglementaire visant à assurer l’exécution de ses obligations par l’Entrepreneur que le Tribunal doit analyser la demande d’arbitrage. Ainsi, l’Arbitre ne pourra intervenir que si preuve lui est faite d’un manquement de l’Entrepreneur à ses engagements contractuels ou à ses obligations légales de construire un bâtiment exempt de malfaçon, vice caché ou vice majeur de conception ou de construction. »
(Les caractères gras sont nôtres)
Le Bénéficiaire n’a pas fait la preuve que l’Entrepreneur avait manqué à son obligation de construire un bâtiment exempt de malfaçon, vice caché ou vice majeur de conception ou de construction en substituant des matériaux.
[47] En effet, par cette substitution de matériaux, l’Entrepreneur n’a pas causé un défaut, ni une défectuosité à son ouvrage. [8]
[48] Tel que le plaide vigoureusement l’Administrateur, il ne s’agit pas d’une déficience, ni d’une malfaçon, ni d’un vice au sens de l’article 27 du Règlement qui donne ouverture à l’application de la garantie.
[49] Cette substitution de matériaux n’a pas rendu l’immeuble impropre à l’usage auquel on le destinait, n’en a même pas diminué l’utilité ou l’utilisation puisque les trois unités du bâtiment en copropriété sont déjà habitées par les copropriétaires depuis plusieurs mois lorsqu’en septembre 2013 les parties communes sont reçues et que la présente réclamation identifiée comme étant le Point 17 est transmise à l’Entrepreneur et à l’Administrateur.
[50] De façon évidente, le bâtiment est toujours en état de servir et était déjà en état de servir lorsqu’il a commencé à être occupé au printemps 2013. Il n’a subi qu’une modification de nature esthétique par rapport au plan. Le Tribunal arbitral maintient donc la décision de l’Administrateur.
[51] Il est important de rappeler aux Parties que le présent Tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement pour trancher uniquement les différends découlant du plan de garantie [9] il ne peut donc pas décider de litiges contractuels car ceux-ci relèvent de l’application de lois autres. En l’espèce, le litige découle d’une mésentente de nature contractuelle à l’égard duquel le Tribunal arbitral n’a pas juridiction.
Point 20 IMPLANTATION DES CABANONS
[52] Au soutien de sa demande relative à l’emplacement des cabanons, le Bénéficiaire témoigne qu’il craint que la compagnie Hydro-Québec cesse éventuellement de tolérer la dérogation et que la ville de Québec demande le déplacement desdits cabanons. Il souhaite donc l’intervention de la garantie pour forcer l’Entrepreneur à les déplacer à une distance conforme à la règlementation en vigueur et ce, pour lui éviter des problèmes éventuels.
[53] La preuve démontre d’une part, que lesdits cabanons sont des locaux d’entreposage à l’extérieur du bâtiment qui ne sont pas installés à une distance de la propriété de la compagnie Hydro-Québec qui est conforme à la règlementation de la ville et d’autre part, que la garantie les exclue spécifiquement de sa couverture à la clause 6.7.9 du contrat de garantie [10] « …les locaux d’entreposage situés à l’extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles… ». Cette clause étant en tout point conforme au Règlement qui en est la source.
[54] En conséquence, le Tribunal arbitral ne peut pas réformer la décision de l’Administrateur sur ce point et la maintient.
Point 24 REVÊTEMENT D’ASPHALTE
[55] Le Bénéficiaire présente une longue preuve sur les circonstances qui ont entrainé le soulèvement du revêtement d’asphalte d’une des entrées à la jonction de la bordure de béton de la rue et ce, afin de démontrer la faute de l’Entrepreneur, les dommages qui en résultent et le tenir responsable desdits dommages pour l’obliger à corriger la situation.
[56] L’Entrepreneur se défend d’avoir commis une faute engageant sa responsabilité et présente une preuve pour établir que le Bénéficiaire est lui-même responsable de la situation en plus d’ajouter qu’il s’en remet à l’application de la garantie quant à ce point de litige.
[57] Autant la preuve du Bénéficiaire que celle de l’Entrepreneur démontrent au Tribunal arbitral qu’il y a en effet soulèvement du revêtement d’asphalte d’une des entrées à la jonction de la bordure de béton de la rue.
[58] Mais malheureusement pour le Bénéficiaire, la preuve de l’Administrateur établit qu’il existe à l’égard des stationnements une exclusion spécifique à la clause 6.7.9 du contrat de garantie [11] qui est parfaitement conforme à l’article 29. 2º [12] du Règlement.
« Sont EXCLUS de la garantie :
[…]
« 6.7.9 Les espaces de stationnement et les locaux d’entreposage situés à l’extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvrage situé à l’extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain.
[…] »
[59] En raison de la limite statutaire de sa juridiction tel que mentionné plus haut, le Tribunal arbitral ne se prononcera pas sur la responsabilité d’une Partie ou de l’autre à l’égard de la situation problématique du soulèvement du revêtement d’asphalte de l’entrée. Le Tribunal arbitral rendra une décision uniquement sur la conformité de la décision de l’Administrateur eu égard aux dispositions du contrat de garanti qui découle du Règlement.
[60] En conséquence, en raison de l’exclusion spécifique des espaces de stationnements de la garantie tel que mentionnée plus haut, le Tribunal arbitral ne saurait renverser la décision de l’Administrateur et il se doit de la maintenir.
Les frais et dépens de l’arbitrage
[61] Le Règlement contient une disposition relative à l’imputation des frais d’arbitrage. En effet, au deuxième alinéa de l’article 123 [13], le Règlement prévoit le départage des coûts entre le Bénéficiaire et l’Administrateur lorsque le Bénéficiaire, à titre de demandeur, n’a obtenu gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation.
« 123. […]
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage les coûts.
[…] » (Les caractères gras sont nôtres)
[62] Au sujet des frais d’arbitrage, l’Administrateur demande au Tribunal arbitral d’appliquer l’article 123 dans toute sa rigueur alors que le Bénéficiaire fait valoir au Tribunal arbitral que sans égard aux conclusions auxquelles il arrivera relativement aux Points 16, 17, 20 et 24 qui restaient en litige après le début de l’Audience, il a techniquement eu gain de cause sur les Points 7, 19 et 22 ce dont il doit être tenu compte dans l’application de l’article 123.
[63] Le Tribunal arbitral accepte l’argument du Bénéficiaire et tient compte des efforts faits par le Bénéficiaire pour régler certains points préalablement à l’Audience et ce, afin de réduire la durée de ladite Audience et concentrer la preuve sur les autres aspects litigieux.
[64] Toutefois, comme il s’agit, en principe d’une dérogation aux prescriptions de l’article 123 cité plus haut, le Tribunal recours à l’article 116 [14] du Règlement pour s’autoriser à imputer la totalité des frais de l’arbitrage à l’Administrateur. En effet, cette disposition permet à l’arbitre de faire appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient ce qui est le cas en l’espèce.
« 116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. »
(Les caractères gras sont nôtres)
[65] La présente décision est rendue dans un délai qui excède le délai statutaire fixé à l’article 122 [15] car toutes les Parties ont consenti à proroger ledit délai jusqu’à la mi-septembre en raison de la période de l’année durant laquelle l’Audience s’est tenue.
[66] La présente décision est rendue sans préjudice et sous toutes réserves des droits du Bénéficiaire d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils compétents afin de rechercher les correctifs qu’il réclame, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
CONSTATE le règlement intervenu entre les Parties sur le Point 7 durant l’Audience.
ORDONNE à l’Entrepreneur, si ce n’est déjà fait, de procéder à la remise des pots de peinture et des pinceaux conformément à son engagement pris séance tenante à cet effet dans les TRENTE (30) jours de la signification de la présente décision.
PREND ACTE des ententes intervenues quant aux Points 19 et 22.
REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire quant aux Points 16, 17, 20 et 24.
MAINTIENT la décision de l’Administrateur rendue le 13 février 2014 sous la plume de monsieur Martin Gignac quant aux Points 16, 17, 20 et 24.
RÉSERVE les droits du Bénéficiaire dans l’éventualité d’une aggravation du problème de fissures des murs des fondations au Point 16.
CONDAMNE l’Administrateur à payer tous les frais du présent arbitrage.
Longueuil, le 22 septembre 2014
(S) Jean Robert LeBlanc
__________________________
Me Jean Robert LeBlanc
Arbitre / SORECONI
[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (RLRQ, c. B-1.1, r. 8).
[2] Contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de condominium, Qualité Habitation, numéros 603579, 607883 et 607884, clause 6.7.2.
[3] Supra, note 1, art. 29. 2º.
[4] Supra, note 1, art. 7.
[5] Supra, note 1, art. 27.
[6] Bourret et Chédeville c. Les Constructions Robin Inc. et al., GAMM, 24697, rendue le 9 décembre 2005, par M. Claude Dupuis, arbitre, par. 59.
[7] Syndicat de la copropriété du 1183 des Montérégiennes, appartement A, B, C, Repentigny c. CSR Construction 2004 Inc. et al., SORECONI, 110208001, rendue le 19 décembre 2011, par Me France Desjardins, arbitre, par. 58.
[8] Supra, note 6, par. 60.
[9] Supra, note 1, art. 106.
[10] Supra, note 2, clause 6.7.9 et note 1, art. 29. 9º.
[11] Supra, note 2, clause 6.7.9.
[12] Supra, note 1, art. 29. 9º.
[13] Supra, note 1, art. 123.
[14] Supra, note 1, art. 116.
[15] Supra, note 1, art. 122.