TRIBUNAL D’ARBITRAGE

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide du

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

(CCAC)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

______________________________________________________________________

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Dossier CCAC no: S15-033001-NP

 

SONIA DUVAL ET DANIEL BROWN

c.

LES CONSTRUCTION VAUBEC INC.

et

PRICEWATERHOUSECOOPERS, SAI

ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie

La Garantie Habitation du Québec Inc.

 

                        _______________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE RECTIFIÉE

Objection déclinatoire

                        _______________________________________________

 

Arbitre:

Me Jean Philippe Ewart

 

Pour l’Administrateur :

Me Jean-Raymond Paradis

 

Pour l’Entrepreneur :

 Me Patrice Bonneau

Me Mathieu Lacelle

 

Pour les Bénéficiaires:

Me Katheryne Desfossés

Me Joanie Poirier

 

Date de la décision rectifiée :                                                                               24 juillet 2017

[1]        En date du 24 juillet 2017, le Tribunal est saisi d’une demande de rectification par l’Administrateur de la garantie qui rapporte une erreur d’écriture quant à la désignation des Parties.

 

[2]        Cette erreur d’écriture concerne les pages 1 et 2 (désignation des Parties) de même que les pages 27 (paragr. 118) et 28 (paragr. 119) du document envoyé le vendredi 21 juillet dernier.

 

[3]        Au lieu de « RAYMOND CHABOT, ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie La Garantie Habitation du Québec Inc. », il faut plutôt lire : « PRICEWATERHOUSECOOPERS, SAI, ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie La Garantie Habitation du Québec Inc. »,

 

 

DATE : 24 juillet 2017.

 

 

 

 

--------------------------------------

Me Jean Philippe Ewart

Arbitre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide du

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

(CCAC)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

______________________________________________________________________

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Dossier CCAC no: S15-033001-NP

 

SONIA DUVAL ET DANIEL BROWN

c.

LES CONSTRUCTION VAUBEC INC.

et

PRICEWATERHOUSECOOPERS, SAI

ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie

La Garantie Habitation du Québec Inc.

 

                        _______________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE

Objection déclinatoire

                        _______________________________________________

 

Arbitre:

Me Jean Philippe Ewart

 

Pour l’Administrateur :

Me Jean-Raymond Paradis

 

Pour l’Entrepreneur :

 Me Patrice Bonneau

Me Mathieu Lacelle

 

Pour les Bénéficiaires:

Me Katheryne Desfossés

Me Joanie Poirier

 

Date de la décision :                                                                                              21 juillet 2017

 

 

 

Identification des Parties

 

 

ADMINISTRATEUR :                                          PRICEWATERHOUSECOOPERS, SAI

ès qualité d’administrateur provisoire

du plan de garantie

La Garantie Habitation du Québec Inc.                              

Attention: Me Jean-Raymond Paradis

bélanger paradis

9200, boul. Métropolitain

Montréal (Québec)

H1K 4L2

Administrateur »)

 

 

ENTREPRENEUR :                                                LES CONSTRUCTIONS VAUBEC INC.

Attention : Me Mathieu Lacelle

Me Patrice Bonneau

                   bélanger sauvé S.E.N.C.R.L.

5, Place Ville-Marie, bur. 900

Montréal (Québec) H3B 2G2

Entrepreneur »)

 

 

BÉNÉFICIAIRES :                                                       SONIA DUVAL et DANIEL BROWN

 Attention : Me Katheryne Desfossés

Me Joanie Poirier

cain lamarre  S.E.N.C.R.L. / AVOCATS

330, rue Cormier, bur. 201

Drummondville (Québec) J2C 8B3

Bénéficiaires »)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Introduction

Mandat et Juridiction

Litige

Le Règlement

 

Déroulement de l’instance

Suspensions et Instruction sur Objection Déclinatoire

Pièces

 

Faits pertinents

 

Prétentions des Parties et ratio decidendi de la Décision Adm

Introduction

Entrepreneur

Allégué d’intervention des Bénéficiaires dans le choix des matériaux - le béton

 

Allégué que les Problèmes 2013 (et par inférence les Problèmes 2014) ont été causé par le passage d’une bétonnière sur le terrain en 2013 (sur commande des Bénéficiaires - hors Contrat).

Bénéficiaires

Allégués que les constructions résidentielles de phases subséquentes sont construites par l’Entrepreneur avec pieutage et problématiques similaires sur d’autres bâtiments

Décision Adm

 

Questions sous étude

 

Analyse et Motifs

 

Couverture du Plan

Dispositions législatives applicables

Caractérisation des vices allégués - nécessité aux présentes?

Prudence sur déclinatoire

Obligations de l’Entrepreneur - de résultat - et Fardeau de preuve et présomptions

Nature du délai de dénonciation de six (6) mois

Délai de dénonciation - de déchéance

Découverte ou survenance -  Gravité et étendue -  Manifestation graduelle ou tardive -

Point de départ du délai de dénonciation

Problèmes 2013

Passage de bétonnière

Autres résidences

Intervention des Bénéficiaires dans le choix des matériaux

 

Conclusions

Point de départ du délai de dénonciation dans les présentes circonstances

 

 

Introduction

 

[1]        Le bâtiment visé (« Bâtiment ») est une propriété résidentielle unifamiliale située en la Ville de Saint-Zotique, dans un projet de développement domiciliaire (quelquefois « Projet ») connu sous le nom de ‘Faubourg du Golf’ et la problématique principale de la réclamation et dénonciation des Bénéficiaires en novembre 2014 soulève des fissures diverses au Bâtiment.

 

[2]        Les présentes adressent une demande d’arbitrage des Bénéficiaires datée du 20 mars 2015 Demande ») suite à une décision de l’Administrateur datée du 26 février 2015 (Pièce A-3) (« Décision Adm ») concluant qu’il ne peut reconnaître la réclamation des Bénéficiaires car dénoncée hors du délai de six (6) mois alors prévu à l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) (« Règlement »).

 

[3]        Cette Décision Adm est d’un caractère d’objection déclinatoire (« Objection Déclinatoire ») à la réclamation et dénonciation des Bénéficiaires en date du 4 novembre 2014 pour fissures au Bâtiment [la Décision Adm reprend le texte d’une correspondance des Bénéficiaires adressée à l’Entrepreneur et qui a été caractérisée de dénonciation (« Dénonciation »].

 

Mandat et Juridiction

 

[4]        Le Tribunal est saisi du dossier en rubrique, sous substitution de l’arbitre initialement nommé, par nomination en date du 11 mai 2016 en conformité du Règlement adopté en conformité de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1).           

 

[5]        Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été initialement soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal a donc été confirmée.

 

Litige

 

[6]        Dans le cadre de la Décision Adm, l’Administrateur détermine que la dénonciation écrite par les Bénéficiaires à l'Entrepreneur et à l'Administrateur a excédé six (6) mois de la découverte des vices par les Bénéficiaires et que le non-respect de ce délai requiert le rejet des réclamations des Bénéficiaires à leur dénonciation.

 

[7]        Il a été opportun dans les circonstances, et de consentement des Parties, de pourvoir à une première phase de l’Instruction en s’adressant à l’Objection Déclinatoire, tant sous la Décision Adm que sous les représentations des Parties et de l’Administrateur lors de l’Instruction.

Le Règlement

 

[8]        Le Tribunal s’appuie que le Règlement est d’ordre public[1] et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie (« Garantie » ou « Plan ») qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[2].  Conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est.

 

[9]        La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[3]. Le Tribunal peut d’autre part faire appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient[4].

 

Déroulement de l’instance

 

Suspensions et Instruction sur Objection Déclinatoire

[10]      Le Tribunal est avisé par le Greffe que l’arbitre initial avait accordé par décision intérimaire une prolongation de suspension d’instance au 30 avril 2016 et que les procureurs respectifs des Bénéficiaires et de l’Entrepreneur ont requis le 10 mai 2016 de permettre une extension de suspension tenant compte de procédures devant les tribunaux de droit commun dont jugement était alors attendu, ce qui a été accordé.

 

[11]      Par la suite, la disponibilité des procureurs et Parties n’a permis une continuité du dossier qu’en octobre 2016.

 

[12]      Par Ordonnance du 18 octobre 2016, le Tribunal permet à l’Administrateur et à l’Entrepreneur, à leur discrétion respective, de pourvoir à notes et autorités dans le cadre de l’Objection Déclinatoire, et si dépôt, permet par la suite aux Bénéficiaires de faire de même avec délai subséquent.

 

[13]      Les procureurs de l’Entrepreneur ont soumis par requête écrite datée du 26 octobre 2016 que l’Entrepreneur et l’Administrateur ne devraient pas être requis de déposer notes et autorités préalablement à celles des Bénéficiaires alléguant que le fardeau de preuve incombe aux Bénéficiaires (demandeurs à l’arbitrage) alors que les procureurs des Bénéficiaires considèrent appropriée l’Ordonnance du Tribunal à cet égard.

 

[14]      Par décision arbitrale en cours d’instance écrite sous motifs en date du 27 octobre 2016, le Tribunal maintient l’Ordonnance quant au dépôt de notes et autorités tel que précité.

 

[15]      Lors de la conférence de gestion du 18 octobre 2016, l’Instruction de l’Objection Déclinatoire est fixée de consentement au 20 décembre 2016.

 

[16]      D’autre part, l’Ordonnance du 18 octobre 2016 répond spécifiquement au suivi du dossier, le Tribunal ordonnant, dans un cas où la Décision Adm n’était pas maintenue par le Tribunal et que l’Objection Déclinatoire était rejetée, qu’il n’y a pas renvoi à l’Administrateur par le Tribunal, et que le Tribunal demeure alors saisi du dossier pour Instruction au fond, et que, si requis, suite aux délais applicables ou confirmation des Parties qu’il n’y a pas de demande à l’encontre d’une telle décision interlocutoire du Tribunal, une conférence de gestion serait fixée pour la suite de ce dossier pour enquête et audition au fonds.

 

Pièces

[17]     Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé, les Pièces présentées par les Bénéficiaires sous cote B- et par l’Entrepreneur sous cote E-. Aucune objection quant à l’origine ou l’intégrité de la preuve documentaire n’a été soulevée.

 

[18]     La visite des lieux par le conciliateur de la Décision Adm est effectuée le 15 janvier 2015. Celui-ci prend un nombre important de photographies avec identifications très précises reproduites à la Décision Adm. Pour les fins des présentes, le Tribunal a coté ces photographies de la Pièce A-3 avec une sous- numérotation (i) de la page à la Décision Adm et (ii) sur chaque page, de gauche à droite et de haut en bas.

 

Faits pertinents

 

[19]      Les Parties pourvoient (sur formulaire de l’Administrateur) à un contrat préliminaire de vente (« Contrat ») et contrat de garantie en date du 4 avril 2012 (Pièce A-4).

 

[20]      La réception du Bâtiment est en date du 12 juillet 2012, ce qui n’est pas contesté (cette réception est une date de départ du délai de 3 ans pour vices cachés au sens de l’article 10 (4) du Règlement), alors que le Tribunal note toutefois l’absence de preuve quant à la date de fin des travaux du Bâtiment (date de départ du délai de 5 ans pour vices ‘majeurs’ prévu à l’article 10 (5) du Règlement).

 

[21]      Quoique l’Instruction a porté sur l’Objection Déclinatoire, les témoignages et la preuve documentaire ont couverts in extensio les problématiques dénoncées (i.e. 2014) ainsi que celles observées en 2013, et la Décision Adm, quoique ne s’adressant sous ses conclusions qu’aux composantes de l’Objection Déclinatoire, démontre un travail minutieux de l’Administrateur à identifier les problématiques qu’il constate en janvier 2015, tant par voie de constats que par 17 séries de photographies avec intitulés et positionnement au Bâtiment.

 

[22]      Le représentant de l’Administrateur, auteur de la Décision Adm, est très précis sur ses observations et commentaires.

 

[23]     Madame S. Duval (« Duval »), une des deux bénéficiaires (ainsi que son conjoint D. Brown (« Brown ») demandeurs aux présentes, témoigne sur l’ensemble des faits avancés par les Bénéficiaires.

 

[24]      Duval témoigne que certaines problématiques sont apparues au Bâtiment dans la saison estivale 2013 (« Problèmes 2013 ») et que les Bénéficiaires ont contacté l’Entrepreneur en indiquant entre autres (i) un gonflement au plancher empêchant le fonctionnement des portes françaises du vestibule, (ii) une fissure à la chambre des maîtres et (iii) une fissure au sous-sol en salle mécanique.

 

[25]     Les Bénéficiaires pourvoient à dénoncer des problématiques de fissures et autres au Bâtiment sous la Dénonciation (« Problèmes 2014 ») telle que cité à la Décision Adm :

 

«[…]

 Last year when you came to look at these problems you determined that you needed to adjust the jack posts to fix this problem.  After 2 months of repairs you felt that all would be ok and problem had been fixed.

It was ok for about 2 months but now all the same problems have come back and they seem worse than before.  We cannot open the French doors because of a hump again in the floor, the crack in the basement floor is now much bigger and the floor is starting to heave.  Cracks in the gyproc are appearing all over the house in the middle of ceilings and we seem to find a new one on a daily basis.  We also think that there may be a crack in the foundation.

[…] »

 

[26]     B. Brisette (« Brisette ») témoigne (par vidéo conférence alors qu’il est à l’extérieur du pays) qu’il est président, unique administrateur et actionnaire de l’Entrepreneur.

 

[27]     L’Entrepreneur et les Bénéficiaires ont confirmé que les travaux correctifs visant les Problèmes 2013 ont requis environ une période de près de 3 mois soit de Juillet à Septembre 2013, et que les travaux et la remise en état des lieux est alors à la satisfaction des Bénéficiaires.

 

[28]     Il n’y a pas eu de communication ou dénonciation d’une réclamation quant aux Problèmes 2013 auprès de l’Administrateur.

 

[29]     Lors des constats allégués par les Bénéficiaires des Problèmes 2014, la preuve non-contredite est à l’effet que ces constats sont lors de l’été 2014; notons que la Dénonciation est en date du 4 novembre 2014 (et transmission à l’Entrepreneur et à l’Administrateur de même date).

 

[30]     Les Bénéficiaires déposent un rapport de Laboratoires d’expertises de Québec Ltée (no 9504-00-01) intitulé Étude Géotechnique - Expertise de fondations - Faubourg du Golf de Saint-Zotique daté du 28 septembre 2015 (dont les co-auteurs sont L. Morin, ing. et R. Juneau, ing. M.Sc.A.) (Pièce B-4)

            (« Rapport Juneau-Morin »).

 

[31]     Le Rapport Juneau-Morin commente cinq rapports géotechniques précédents s’adressant au Projet, a pourvu entre autres à des rapports de forage et analyse granulométrique et inspecte onze bâtiments résidentiels du Projet, incluant le Bâtiment avec photographies de celui-ci numérotées nos 6 à 9 incl.

 

[32]     La Décision Adm constate quant aux Problèmes 2014:

 

« Bien que je ne sois pas en mesure de déterminer la cause, les fissures observées aux différents endroits ne s’apparentent pas à des fissures de retrait attribuable au comportement normal des matériaux lors de leur assèchement. »

 

Prétentions des Parties et ratio decidendi de la Décision Adm

 

Introduction

[33]     Le litige auquel s’adressent les présentes vise les seules conclusions de la Décision Adm et se caractérise d’objection déclinatoire à la Demande pour non-respect du délai de dénonciation par les Bénéficiaires à l’Administrateur et l’Entrepreneur, alors que d’autre part la réclamation et dénonciation des Bénéficiaires sous l’intitulé à la Décision Adm se lit : ‘Fissurations : Revêtement intérieur de finition et autres’, l’Administrateur concluant toutefois qu’il ne peut reconnaître la réclamation car les Bénéficiaires ont eu connaissance des problèmes dont découle la réclamation plus de six (6) mois avant de les dénoncer, donc excédant le délai prévu aux modalités de l’article 10 du Règlement.

 

[34]     Les Bénéficiaires avancent que les Problèmes 2013 n’ont pas été dénoncés à l’Administrateur principalement car l’Entrepreneur a alors répondu avec célérité et a pris les mesures qu’il a jugé appropriées, après consultations externes, et a pourvu à des correctifs et remise en état des lieux et que ces correctifs ont pris près de 3 mois et qu’ils ont semblé avoir été exhaustifs et réglaient les problématiques semble-t-il à la satisfaction des Bénéficiaires (et le Tribunal comprend que l’Entrepreneur fut aussi alors satisfait de son intervention).

 

[35]     L’Entrepreneur et l’Administrateur soutiennent respectivement que la dénonciation a été effectuée postérieurement au délai de dénonciation prévu au Règlement, soit dans les circonstances un maximum de six (6) mois, et que ce délai est de déchéance que celui-ci court de la découverte ou connaissance du vice ou malfaçon et requiert le rejet des demandes des Bénéficiaires.

 

Entrepreneur

Allégué d’intervention des Bénéficiaires dans le choix des matériaux - le béton

 

[36]     Brisette indique que dans les circonstances de ce dossier, alors que généralement ce sont les services de l’Entrepreneur qui commandent le béton (et donc choisissent les formulations et caractéristiques du béton à couler), c’est plutôt Brown qui est intervenu dans la composition du béton utilisé pour la coulée des dalles et qui a ajouté, selon la preuve non contredite, un super ‘collant’, mais qu’il n’y a pas de disponible un bon de livraison qui identifierait la mesure en ‘kpa’ (i.e. kilopascal) et composition du béton livré.

 

[37]     Brown travaille pour une compagnie qui produit une gamme de bétons et en assure la livraison par bétonnières; Brown est principalement conducteur de bétonnières (et opérateur de machinerie) pour cette compagnie depuis 2007-08 et auparavant déjà employé dans ce secteur.

 

[38]     Le Tribunal comprend, sans qu’il ait été mis spécifiquement en preuve, que les fondations (incluant entre autres tant la composition et résistance du béton, que les dimensions de la semelle, que l’armature, etc…) sont tributaires, entre autres, de la capacité portante des sols pour supporter la charge transmise par la structure (et poids propres du remblai, etc…), soit la contrainte produite sur la semelle.

 

[39]     Le Tribunal suggère d’autre part que la mention de kpa à la preuve testimoniale réfère à une mesure de résistance en compression du béton (qui pour les fins de béton pour construction est généralement décrite en MPa (Megapascal)) et que l’expression super ‘collant’ réfère à un adjuvant de type superplastifiant.

 

Allégué que les Problèmes 2013 (et par inférence subséquente par l’Entrepreneur, les Problèmes 2014) ont été causés par le passage d’une bétonnière sur le terrain en 2013 (bétonnière sur commande des Bénéficiaires - hors Contrat).

 

[40]     Brisette témoigne qu’il apprend d’un sous-traitant, recevant une photographie d’une bétonnière (ou plus d’une - la preuve n’est pas claire) que celle-ci a passé sur le terrain des Bénéficiaires (photo déposée par la suite sous cote Pièce E-1).

 

[41]     Cette photo E-1 positionne la bétonnière entre les deux résidences et Brisette avance que la topographie des deux propriétés cause une distance moindre qu’entre d’autres résidences du Projet, car et alors que les deux résidences sont positionnées à angle.

 

[42]     Brisette allègue que le passage de cette bétonnière entre les deux résidences, soit pour le Bâtiment - côté garage, a causé des ‘vibrations’ ou ‘poids sur le terrain’, qui auront causé les fissures sur les murs du Bâtiment que dénoncent les Bénéficiaires à la Dénonciation (soit les Problèmes 2014).

 

[43]     Brisette caractérise en témoignage que les Problèmes 2014 semblent être un ‘copié collé’ des Problèmes 2013.

 

Bénéficiaires

Allégués que les constructions résidentielles de phases subséquentes sont construites par l’Entrepreneur avec pieutage et problématiques similaires sur d’autres bâtiments.

 

[44]     La Décision Adm sous preuve non-contredite indique sous intitulé ‘Commentaires de l’Entrepreneur au moment de l’inspection’ :

 

« Il [ndlr : Entrepreneur] ne doute pas de la capacité portante du sol, et pour laquelle des tests ont été faits pour la réalisation des infrastructures du projet. […]

 

Quant au soulèvement des doutes sur la capacité portante du sol pour le projet Faubourg du Golf dans la partie Nord, le promoteur aurait pris la décision d’exiger des pieux.  La maison des bénéficiaires est située dans la partie Sud. »

 

[45]     Les Bénéficiaires plaident que cette nécessité de pieutage sur des phases subséquentes du Projet sont une indication de la nécessité d’une même approche pour leur résidence.

 

[46]     De même, sans tous les détails, les Bénéficiaires mentionnent qu’il y a un nombre important de résidences autres construites par l’Entrepreneur (que le Tribunal comprend être dans la même partie Sud du Projet) qui ont des problématiques similaires (fissures et capacité portante des sols). Certaines références sont à l’effet qu’il y a des procédures autres (de connexité quant aux causes) devant les tribunaux de droit commun.

 

Décision Adm

[47]     L’Administrateur choisit de considérer les Problèmes 2013 et fixe « … l’apparition des fissures en juillet 2013 » comme départ du délai de dénonciation, concluant à un délai de plus de 15 mois, donc forclos de réclamation admissible.

 

Questions sous étude

 

[48]      Dans ce dossier, il est nécessaire de déterminer si le délai de dénonciation applicable a été respecté, donc quel est le point de départ de ce délai et donc d’adresser les éléments suivants:

 

ú  Couverture.  Est-il requis de caractériser les vices, s’il en est, aux problématiques de la dénonciation.

 

ú  Avis et Délais de dénonciation.  Quelle est la nature de l'avis et des délais de dénonciation prévus.

 

ú  Point de départ du délai ~ Découverte et connaissance.

 

Analyse et Motifs

 

Couverture du Plan

Dispositions législatives applicables

[49]     Nonobstant la date de la Décision Adm, c’est avec raison[5] que la version applicable du Règlement est celle préalable aux amendements du 1er janvier 2015, et donc en vigueur à la date du contrat préliminaire de vente entre les Parties (Pièce A-4), soit la version prévue à L.R.Q. c. B-1.1, r.02.

 

[50]     La couverture du Plan dans le cas sous étude et les délais de dénonciation applicables sont prévus au Règlement alors en vigueur, que ce soit pour malfaçons, vices cachés ou vices de construction et se lisent, plus particulièrement pour les bâtiments non détenus en copropriété divise, soit:

 

« 10.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

[…]

3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

                            

4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil; »

.

5o    La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice, ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. » [6]

Nos soulignés

 

[51]     Le Tribunal note d’autre part l’article 18 al.1 du Règlement :

 

«18.   La procédure suivante s'applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l'article 10:

1°    dans le délai de garantie d'un, 3 ou 5 ans selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l'entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l'administrateur en vue d'interrompre la prescription » [7]

 

[52]     Quoique le Contrat est un contrat de vente, l’ensemble des obligations de l’Entrepreneur est soumis aux dispositions du contrat d’entreprise, et au contrat de vente [8] par l’effet de l’art. 1794 C.c.Q. :

 

« 1794.   La vente par un entrepreneur d'un fonds qui lui appartient, avec un immeuble à usage d'habitation bâti ou à bâtir, est assujettie aux règles du contrat d'entreprise ou de service relatives aux garanties, compte tenu des adaptations nécessaires. Les mêmes règles s'appliquent à la vente faite par un promoteur immobilier. »

 

et de 2124 C.c.Q. quant au promoteur immobilier:

 

« 2124.   Pour l'application des dispositions du présent chapitre [i.e. ndlr : ch. 8, contrat d’entreprise, art. 2098 à 2129 C.c.Q.], le promoteur immobilier qui vend, même après son achèvement, un ouvrage qu'il a construit ou a fait construire est assimilé à l'entrepreneur. »,

 

alors d’autre part que la garantie de qualité prévue par l’article 1726 C.c.Q. au chapitre de la vente trouve application au contrat d’entreprise par l’effet de l’article 2103 C.c.Q.

 

Caractérisation des vices allégués - nécessité aux présentes?

[53]     De par la structure de la couverture de la Garantie, il est nécessaire, dans certaines circonstances et par le passage du temps, de déterminer de quelle nature sont les réclamations soit de vices cachés (art. 1726 C.c.Q.) ou de vices de conception, de construction ou de réalisation et de vices du sol (art. 2118 C.c.Q.).  Cette détermination a entre autre un impact sur la période de couverture de la Garantie et sur les critères requis pour chaque type de problématique. Ceci n’est toutefois pas requis à ce stade dans les circonstances de ce dossier.

 

[54]     En effet, la chronologie en preuve démontre (i) quant aux vices cachés, que la réception du Bâtiment est en date de juillet 2012 alors que la dénonciation est en date de novembre 2014 et donc dans les délais de couverture (de trois ans de l’art. 10 (4) du Règlement) et (ii) quant aux vices de 2118 C.c.Q. - quoique la preuve n’indique pas une date fixée de fin des travaux, ceux-ci sont certes après la date du Contrat et donc entre 2012 et 2014, et donc dans les délais de couverture (de cinq ans de l’art. 10 (5) du Règlement).

 

[55]     Dans un cas comme dans l’autre, de vices cachés ou visés par 2118 C.c.Q., il n’y a pas de controverse sur la période de couverture.

 

Prudence sur déclinatoire

[56]     Le Tribunal considère qu’il faut faire preuve de prudence généralement dans le cadre d’une requête pour moyen déclinatoire, tel que la jurisprudence constante le souligne, par la Cour d'appel qui le répète d’ailleurs de façon plus concise à l'arrêt classique et aux principes bien établis sous Hampstead (Ville de) c. Les jardins Tuileries [9] :

  

« [5] De plus, la Cour rappelle le principe de prudence selon lequel, autant que possible, on doit éviter de mettre fin prématurément à un procès, considérant les graves conséquences qui découlent du rejet d’une action, sans que la demande ne soit examinée au mérite. »

 

et plus récemment par la Cour supérieure [10] :

 

 « Lorsque saisi d’une requête en irrecevabilité, l’on doit, entre autres :

(i)    s’interroger sur la question à savoir si l’ensemble des faits allégués dans la requête… peuvent juridiquement donner naissance au remède recherché, soit le rejet de la requête introductive d’instance…;

(ii)   faire preuve de prudence;

(iii)  n’accueillir la requête en irrecevabilité que si le Tribunal est convaincu que la demande n’est pas fondée en droit ou qu’elle n’a aucune chance de succès.  En d’autres mots, le Tribunal doit s’abstenir de mettre fin prématurément à un procès à moins d’être convaincu du bien-fondé de l’irrecevabilité; … »

 

Obligations de l’Entrepreneur - de résultat - et Fardeau de preuve et présomptions

[57]    Le Tribunal se doit de considérer l'article 2803 C.c.Q. qui énonce :

 

« 2803.  Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

 

[58]      L’appréciation par le Tribunal du moment de la découverte ou de la connaissance par les Bénéficiaires doit s’appuyer sur le fardeau de preuve applicable, sur lequel s’exprime notre Cour suprême dans un jugement unanime de 2007 traitant de la garantie contre les vices cachés en droit québécois, sous les motifs conjoints des juges Lebel et Deschamps :

 

« … Contrairement à la présomption de connaissance imposée au vendeur, aucune présomption de connaissance ne pèse sur l’acheteur, qui est toujours présumé de bonne foi. Le fardeau de prouver la connaissance réelle du vice repose donc toujours sur le vendeur : Jobin, p. 464 ; Pourcelet, p. 149 ; T. Rousseau-Houle, Précis du droit de la vente et du louage (2e éd. 1986), p. 134 » [11]

 

[59]     Pour un entrepreneur construisant sous contrat d’entreprise, l’intensité de l’obligation juridique est généralement une obligation de résultat.

 

[60]     Cette obligation de résultat est concrétisée, s’appuyant sur notre Cour d’appel[12] et les écrits de l’Hon. T. Rousseau-Houle (par la suite de notre Cour d’appel) :

 

« De fait, l’entrepreneur étant normalement considéré comme un expert en construction, il est généralement tenu à une obligation de résultat. » [13]

 

[61]     L’absence du résultat fait présumer de la faute et les Bénéficiaires n’ont pas à faire la preuve d’une faute, uniquement de l’absence du résultat prévu; ceci peut être établi de diverses façons telle entre autres la présence d’une non-conformité de certains travaux aux stipulations contractuelles ou aux règles de l’art.

 

[62]     Dans un cadre d’activité de construction, on peut identifier, entre autre sous la plume de l’Hon. J.L. Baudouin l’obligation de résultat, et le fardeau de preuve qui en découle, comme :

 

« Obligation de résultat - […] celui qui accepte de faire un travail précis, comme construire[14] […] selon certaines spécifications, est responsable s’il n’atteint pas le résultat promis. Sur le plan de la preuve, l’absence de résultat fait présumer la faute du débiteur […] Elle place sur ses épaules le fardeau de démontrer que l’inexécution provient d’une cause qui ne lui est pas imputable[15]

 

[63]     Rappelons finalement les dispositions de l’art. 2100 al. 2 C.c.Q. qui stipule que l’Entrepreneur sous obligation de résultat ne peut alors se dégager de sa responsabilité qu’en prouvant force majeure :

 

« 2100.  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

 

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure ».

 

 

 

[64]     Notre jurisprudence le souligne, tel cet extrait de notre Cour d’appel dans l’affaire Voie Maritime du St-Laurent et al c. Canron et al sous la plume du juge Beauregard :

 

« Étant donné qu'en principe l'obligation d'un constructeur est une obligation de garantie, l'absence de faute de celui-ci n'a pas de pertinence à l'égard de la réclamation de son co-contractant pour la réparation ou le remplacement de la chose construite. »[16]

 

et la doctrine est d’ailleurs au même effet :

 

« Le débiteur d’une obligation de résultat est tenu non seulement d’accomplir un fait, mais aussi de fournir un résultat précis. L’absence de ce résultat fait présumer la faute de l’entrepreneur ou du prestataire de services.  Pour engager la responsabilité de ces derniers, le client n’a pas à faire la preuve d’une faute. Il lui suffit de démontrer le défaut au résultat convenu. »[17]                 [nos soulignés]

 

Nature du délai de dénonciation de six (6) mois

[65]     Tenant compte de cette prudence sur un déclinatoire précédemment souligné, il faut toutefois caractériser le délai de six (6) mois de l’article 10 du Règlement alors en vigueur.

 

[66]     La conclusion d'un contrat de vente oblige le vendeur à diverses obligations, dont celle de garantir la qualité du bien vendu, garantie de plein droit prévue à l'article 1726 C.c.Q. : :

 

« 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

 

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »

 

et requérant dénonciation dans les six (6) mois de sa découverte au sens de :

 

« 1739. L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte.  Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue.

Le vendeur ne peut se prévaloir d’une dénonciation tardive de l’acheteur s’il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice »

 

[67]     La garantie visée pour les vices de conception, construction ou de sol est celle identifiée au paragr. 5 de l’article 10 du Règlement et prévue dans le cadre de la responsabilité légale de l’article 2118 C.c.Q. :

 

« Art. 2118.   À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol. »

 

[68]     Certains éléments d’exonération sont prévus spécifiquement à l’article 2119 C.c.Q., incluant un choix de matériaux par le client.

 

Délai de dénonciation - de déchéance

[69]     Le Tribunal souligne diverses décisions récentes rendues par le soussigné[18] de même que sous la plume de différents arbitres[19]  à l’effet que la dénonciation prévue soit à l’article 10 ou 27 du Règlement alors en vigueur se doit d’être par écrit, et est impérative et essentielle, et que le délai maximum de six (6) mois prévu aux paragraphes 3e, 4e et 5e respectivement de l’article 10 du Règlement alors en vigueur (de même que sous l’article 27 au même effet) est de rigueur et de déchéance et ne peut conséquemment être sujet à extension, et si ce délai n’est pas respecté, le droit d’un bénéficiaire à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés.

 

[70]     Qu’il suffise pour le lecteur que le soussigné reprenne ses propos dans l’affaire Danesh c. Solico[20], citée par différents arbitres par la suite, dont notre confrère Me Poulin qui écrit dans Carrier c Constructions Dargis [21]:

 

« … force est d'admettre que l'arbitre Jean Philippe Ewart dans l'affaire Esmaeilzadeh Danesh c. Solico inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., rendue le 5 mai 2008, a développé un raisonnement juridique particulièrement bien articulé […] Le passage suivant fait état des conclusions, que le soussigné partage, de l'arbitre Ewart »:

 

« [64] In conclusion, this Court is of the view that:

 

§  The notice in writing to be given to the Contractor and the Manager in accordance with section 10 of the Regulation is in effect a denunciation, it must be in writing, it is essential and imperative, and, as the Manager is concerned, is a substantive condition precedent to the respective rights of the Beneficiary to require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration in connection thereto.

 

§  The six month delays under section 10 of the Regulation are each in the nature of a delay of forfeiture, delays of forfeiture are of public order and the failure by the Beneficiary to give notice to the Manager in writing within such delay of six months extinguish the respective rights of the Beneficiary to require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration in connection thereto.

 

§  The foreclosure of the rights of the Beneficiary by the expiry of the six month delays under section 10, as the Manager is concerned, to have the Beneficiary require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration respectively, are not subject to the provisions of suspension or interruption applicable in certain circumstances to delays of prescription.

 

§  The Court does not have discretion to extend the six month delays under section 10, including neither under 'an impossibility to act' concept nor any 'reasonable delay thereafter' element, both of which do not find application under section 10 of the Regulation. »

 

[71]     Le Tribunal doit déclarer d'office la déchéance du recours (2878 C.c.Q.).  La Cour d'appel a d'autre part déterminé qu'il n'est pas nécessaire d'avoir le mot déchéance ou forclusion spécifiquement mentionné à une disposition législative pour que ce soit le cas [22].

 

Découverte ou survenance -  Gravité et étendue -  Manifestation graduelle ou tardive -

[72]     Que ce soit sur vice majeur de 2118 C.c.Q. ou vices cachés de 1726 C.c.Q., on doit reconnaître que nonobstant le terme ‘découverte’ à l’article 1739 C.c.Q. et ‘découverte ou survenance’ applicable aux vices de 2118 C.c.Q. qui utilise le terme « qui survient dans les cinq ans … », je fais mienne l’approche de mes confrères, soit l’arbitre Dupuis [23], qui reprend l’arbitre Poulin :

 

[47]        À l’égard des différents termes énoncés au plan de garantie relativement au vice caché et au vice majeur pour la détermination des délais, je cite ci-après l’arbitre Poulin :

 

« Bien que les termes utilisés par le législateur au Règlement soient différents, quant au début de computation du délai de six (6) mois en cas de vice majeur, il n’en demeure pas moins que pour identifier une première manifestation d’un vice, le Bénéficiaire doit également pouvoir en soupçonner la gravité et l’étendue. »

 

Point de départ du délai de dénonciation

[73]      La preuve révèle que nous sommes dans un cadre de non simultanéité de la faute et du préjudice et que la manifestation du préjudice peut être qualifiée de graduelle (versus ponctuelle).

 

 [74]    On se doit de déterminer un point de départ du délai, de cette connaissance de la découverte. Quoique ce délai relève, selon le Tribunal, dans certaines de ses caractéristiques d’un point de départ de prescription, et dans les cas d’une prescription dite « extinctive », soit un moyen qui permet à une partie de se libérer par l'écoulement du temps et aux conditions déterminées par la loi (art. 2875 C.c.Q), les principes sous-jacents de la prescription sont un guide utile pour les déterminations requises mais ne s’appliquent pas exclusivement et intégralement au concept de dénonciation sous étude. Il s’agit pour le Tribunal de déterminer le point de départ de la prescription, donc de déterminer le jour où le droit d'action a pris naissance (art. 2880 al. 2 C.c.Q.).    (nos soulignés)

 

 [75]     Le Code civil stipule d’autre part que :

 

« 2926.  Lorsque le droit d'action résulte d'un préjudice moral, corporel ou matériel qui se manifeste graduellement ou tardivement, le délai court à compter du jour où il se manifeste pour la première fois. »

 

[76]      Il s’agit donc pour le Tribunal de déterminer le point de départ de la prescription, donc de déterminer le jour où le droit d'action a pris naissance (art. 2880 al. 2 C.c.Q.) et dans le cas d’un préjudice matériel qui se manifeste graduellement, de déterminer le jour où il se manifeste pour la première fois (2926 C.c.Q.), se remémorant cette maxime :

 

« Il n’y a recours que s’il y a dommage et c’est l’apparition de ce dernier qui donne ouverture à l’action… ». [24]

 

[77]      La doctrine nous enseigne sous la plume de Jean Louis Beaudouin, citant d’autre part l’auteur et une jurisprudence très abondante de nos tribunaux, dans un cadre de simultanéité lorsque la faute et le dommage se produisent en même temps :

 

« La victime n’a pas à attendre que le dommage se réalise complètement, du moment que sa manifestation est certaine. »[25]

 

et dans le cadre de non-simultanéité de la faute et du dommage, situation aux présentes, Beaudouin indique :

 

« … que l’on doit se reporter au fondement même de la prescription extinctive : la sanction d’une conduite négligente. On doit donc, à notre avis, partir du jour où une victime raisonnablement prudente et avertie pouvait soupçonner le lien entre le préjudice et la faute »[26]

 

[78]      Applicable en l’espèce, Baudouin indique sous une analyse de l’art. 2926 C.c.Q. et de la manifestation graduelle, que :

 

« …la prescription du recours commence à courir du jour où il se manifeste pour la première fois. Le législateur entend probablement, par cette expression, la faire débuter au jour où le réclamant constate le premier signe appréciable ou tangible de la réalisation du préjudice, alors même qu’il ne s’est pas totalement réalisé… » [27]

 

[79]      L’auteur, Me Edwards, poursuit en soulignant que le préjudice se doit d’être certain et lie cet énoncé aux termes de 2926 C.c.Q. :

 

« À vrai dire, les tribunaux québécois reconnaissent, depuis déjà longtemps, que le droit d’action ne peut naître avant que le préjudice qu’il vise à réparer ne soit certain.  En droit nouveau, la règle est formellement reconnue aux termes de l’article 2926 C.c.Q.  Même si sa formulation laisse à désirer, l’article précise que lorsque le préjudice «se manifeste graduellement ou tardivement », le délai de prescription « court à compter du jour où il se manifeste [de manière importante] pour la première fois »[28]

 

Problèmes 2013

[80]     Brisette témoigne et répète à plusieurs reprises que la problématique qu’il observe à l’été 2013 est ‘bizarre’, que cela ne s’explique pas ‘facilement’ et requiert qu’il retourne sur les lieux avec un tiers entrepreneur et avec son père. Brisette témoigne que son père a une expérience d’entrepreneur général de plus de 40 ans et est un promoteur immobilier.

 

[81]     Brisette répondra par la suite que le projet où est situé le Bâtiment fait partie du projet Faubourg du Golf, que son père est possiblement président et a un intérêt propriétaire dans cette société[29] (ou groupe) alors que toutefois Brisette n’est pas actionnaire ou n’a aucun intérêt financier direct dans cette société ou groupe.

 

[82]     Brisette témoigne qu’il effectue donc (à tout le moins) une visite subséquente et des consultations auprès de tiers qu’il considère ayant l’expérience appropriée avec visite de leur part.

 

[83]     Il est alors déterminé par l’Entrepreneur que la cause de ces problématiques est liée au vérin (jack post) situé au sous-sol soutenant une poutre de charge et confirme que des correctifs ont requis que soient ouverts certains murs et poutre (Pièce photographique B-3), vérin situé à droite (face à l’escalier) de l’escalier vers l’étage supérieur (en témoignage non contredit lors de l’analyse de la Pièce B-2).

 

[84]     Cette explication avancée du ‘vérin’ (jack post) et l’ouverture de murs pour fins de correctifs concorde avec le témoignage des Bénéficiaires pour cette période.

 

[85]     Les Bénéficiaires témoignent que l’Entrepreneur effectue les correctifs et les avise que la cause des Problèmes 2013 est un comportement normal des matériaux d’un bâtiment nouvellement construit, ce qui rejoint l’aveu extra-judiciaire[30] pour cette période que l’on retrouve à la mise en demeure des procureurs d’alors de l’Entrepreneur datée du 9 décembre 2014 (et reproduite à la Note B de la Décision Adm) (« M/D DEC14 ») qui indique entre autres :

 

« En effet, notre cliente a effectué diverses réparations similaires aux problèmes décrits à votre lettre à l’été 2013 croyant qu’il s’agissait d’un comportement normal des composantes d’une maison neuve. »

 

[86]     Ce n’est que subséquemment que l’on retrouve l’allégué de l’Entrepreneur du passage d’une bétonnière comme cause des Problèmes 2013 (qu’il appliquera par la suite aux Problèmes 2014), soit initialement, selon la preuve produite, sous la M/D DEC14.

 

[87]     La M/D DEC14 est en réponse à la Dénonciation, et niant responsabilité, indique, entre autres :

 

« De plus, selon des informations à notre disposition, les premières fissures sont apparues suite à certains travaux de terrassement que vous avez effectués au mois de mai 2013 sur votre terrain au cours desquels de la machinerie lourde a été utilisée par vous trop près des fondations de votre maison, ce qu’il ignorait notre cliente à l’époque […] »

 

Passage de bétonnière

[88]     L’Entrepreneur allègue que le passage d’une bétonnière entre le Bâtiment et la résidence adjacente, soit pour le Bâtiment - côté garage, a causé des ‘vibrations’ ou ‘poids sur le terrain’, qui auront causé les fissures identifiées sous les Problèmes 2014.

 

[89]     Brisette, président et actionnaire de l’Entrepreneur, caractérise son expérience d’entrepreneur général comme œuvrant dans le domaine de la construction à titre d’entrepreneur général depuis 7 à 8 ans auprès de l’Entrepreneur et d’environ 15 ans (incluant préalablement à son rôle auprès de l’Entrepreneur) dans les domaines de la construction de bâtiments à destination industrielle et commerciale. Brisette est détenteur d’une maîtrise en gestion de projets mais n’a pas de formation universitaire autre.

 

[90]     Il est approprié de souligner que Brisette maîtrise très bien selon le Tribunal, lors de son témoignage, les éléments de la construction résidentielle, dans tous ses détails tant de structure, d’isolation, de fondations et de semelles et dalles de béton que leurs composantes et les travaux requis pour ce faire.

 

[91]     L’Entrepreneur témoigne que le garage des Bénéficiaires est bâti selon une méthodologie que Brisette considère d’une solidité et selon des critères supérieurs aux usages de certaines constructions résidentielles autres (soit principalement une dalle flottante) alors que la dalle de garage du Bâtiment est avec armatures, insertion des extrémités d’armature aux murs de fondations, avec colonnes sur semelles d’environs de 40’’- 48’’, mais surtout que la semelle externe de la fondation du mur de garage déborde d’environs 18’’ de celle-ci (i.e. donc 18’’ vers la résidence voisine). L’Entrepreneur témoigne de plus que cette semelle est enterrée par un remblai.

 

[92]     Toutefois, les Bénéficiaires plaident que la chronologie des évènements ne supporte pas cette allégation. La preuve indique que ces coulées sont effectuées avant la découverte des Problèmes 2014 et le terrassement subséquent à ces coulées est complété au printemps 2014, précédant donc les Problèmes 2014 de plusieurs mois.

 

[93]     La preuve démontre que dans le cours du printemps (mai) 2013 les Bénéficiaires ont, de concert avec le propriétaire de la résidence immédiatement voisine, commandé cette bétonnière pour coulage de dalles de béton à l’extérieur et dans les cours arrière des résidences respectives (pour les Bénéficiaires, un cabanon extérieur, pour le voisin, un spa que l’on comprend être extérieur à leur résidence).

 

[94]     Le Tribunal a bien compris que l’Entrepreneur plaide quant à ce passage de bétonnière que cette ‘extension’ de la semelle de 18’’ (et l’allégué inféré que le remblai est de moindre portance que le sol naturel) place la semelle en excès d’une ligne verticale des murs du Bâtiment et que positionnement peut se retrouver à recevoir une pression d’un poids sur le terrain adjacent à ce/ces mur(s) et que les vibrations causées par la bétonnière sont la cause des fissures observées.

 

[95]     Dans les circonstances de ce dossier, cette plaidoirie ne convainc pas.

 

[96]     Le Tribunal prend inter alia en considération que (i) les correctifs sont en suivi de l’expertise de Brisette, de son père et d’un tiers (ii) que les correctifs au vérin ont semblé corriger la situation, à tout le moins pour un certain nombre de mois, (iii) le témoignage de l’Entrepreneur quant aux critères supérieurs de construction et de la ‘solidité’ qui se doit de s’ensuivre entre autre quant au garage du Bâtiment.

 

[97]     D’autre part, et cela n’est pas nécessaire à la conclusion du Tribunal sur cet allégué, ces ‘vibrations’ de mai 2013 ne peuvent causer un an plus tard des fissures, et encore plus en 2014 s’il s’agit selon l’Entrepreneur d’un ‘copié collé’ de 2013, des fissures qui sont à l’opposé du mur Nord du Bâtiment (côté garage où est passée la bétonnière) telles, sans que cette énumération ne soit exhaustive, celles du mur de fondation coin sud-est photo A3-8a - ou mur sud au milieu (proche d’un élément porteur) photo A3-9a - ou des dénivelés de plancher au vestibule (situé à plus de la moitié du côté sud du Bâtiment)  photo A3-11b  - ou des fissures à la cuisine mur ouest photos A3-15 a et b [etc…]. 

 

Autres résidences

[98]     Les Bénéficiaires plaident que cette nécessité de pieutage sur des phases subséquentes du Projet sont une indication de la nécessité d’une même approche pour leur résidence.

 

[99]     De même, sans tous les détails, les Bénéficiaires mentionnent qu’il y a un nombre important de résidences autres construites par l’Entrepreneur (que le Tribunal comprend être dans la même partie Sud du Projet) qui ont des problématiques similaires (fissures et capacité portante des sols). Certaines références sont à l’effet qu’il y a des procédures autres (de connexité quant aux causes) devant les tribunaux de droit commun.

 

[100]   Le Tribunal ne porte pas une inférence quelconque au présent dossier à ce que l’Entrepreneur ait décidé de pourvoir à pieutage à des constructions résidentielles autres subséquemment à la réception du Bâtiment et dans un secteur autre que celui où est situé le Bâtiment.

 

Intervention des Bénéficiaires dans le choix des matériaux

[101]   Cet élément du dossier n’est pas nécessaire afin de conclure sur l’Objection Déclinatoire. Il n’emporte pas de composante chronologique ayant une influence sur la découverte ou connaissance des problématiques par les Bénéficiaires.

 

[102]   On se doit de noter l’obligation de renseignement de l’Entrepreneur envers son client de 2102 C.c.Q; quoiqu’elle semble unilatérale sous le libellé de 2102 C.c.Q., le propriétaire (ici les Bénéficiaires) peut avoir  en certaines circonstances une obligation corrélative.

 

[103]   La jurisprudence analyse cette obligation de renseignement, d’information, entre autres tel qu’il est reconnu par la Cour Suprême dans l’affaire Bail [31], incluant dans ABB c. Domtar sous l’obligation de bonne foi [32].

 

[104]   L’Entrepreneur a de plus dans le cadre d’un contrat d’entreprise une obligation de conseil, distincte de l’obligation d’information [33].

 

Conclusions

 

Point de départ du délai de dénonciation dans les présentes circonstances

 

[105]   Tenant compte des différents principes illustrés aux présentes, le Tribunal est d’avis que les Bénéficiaires n’avaient pas connaissance d’un vice au sens du Règlement avant de saisir que les manifestations de fissures, dénivelés de plancher et autres manifestations relevées aux présentes pouvaient constituer une tel vice avant le passage du temps où on leur a indiqué (i) que le tout était normal et rentrerait dans l’ordre, (ii) que les Problèmes 2013 étaient dus au comportement normal des matériaux d’une construction neuve, et (iii) que les correctifs apportés aux Problèmes 2013 étaient appropriés, ce qui emportait alors une satisfaction respective des Parties.

 

[106]   Conséquemment, le Tribunal est d’avis que la ‘découverte’, la ‘connaissance’ des Bénéficiaires des problématiques visées ne se situe qu’à l’été 2014 selon la preuve, est à l’intérieur de six (6) mois de la Dénonciation et donc le délai de dénonciation requis a été respecté.

 

[107]   Diverses jurisprudences découlant du Règlement appuient cette approche.

 

[108]   Dans l’affaire Coloccia et Borreggine c. Trilikon Construction [précitée] le soussigné a conclu que lorsqu’entre autre l’entrepreneur avise que la problématique observée est un état dû au comportement normal des matériaux, il est requis une connaissance d’un bénéficiaire prudent et averti qui agissant de façon diligente puisse soupçonner qu’une malfaçon ou vice est existante, ce qui requiert à tout le moins une indication suffisante d’un problème, et une connaissance que ce problème causera un préjudice certain ~ et ce, afin de cristalliser une connaissance d’un vice par un bénéficiaire que suite à une réalisation que le problème n’était pas ce qui avait été décrit comme ‘étant un phénomène normal’ par l’entrepreneur.

 

[109]   Cette position est reprise dans l’affaire Syndicat de copropriété Le Vendôme c. 9137-7937 Québec Inc. [34], et les affaires Coloccia et Le Vendôme sont d’autre parts analysées par notre confrère Arbitre Me R.Y. Gagné dans la cause La Gondola c. Me-ra Développement [35] alors qu’il écrit (en août 2013):

 

« La décision dans l’affaire Colloccia Carmelina Coloccia - Guiseppe Borreggine c. Trilikon Construction et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ [citation exclue] résume bien le droit applicable quand il s’agit de déterminer le point de départ de la découverte d’un vice ou d’une malfaçon. »

 

[110]   Je fais miennes d’ailleurs les conclusions de l’Arbitre Guy Pelletier dans la cause Santori c. Construction Raymond, commentée par notre confrère Gagné dans La Gondola [précitée; voir para 83], qui à son tour se dit en accord avec une détermination de point de départ du délai de dénonciation dans des circonstances où il y a des manifestations préalables et des travaux correctifs qui ne règlent pas subséquemment la problématique soulevée car d’une origine autre:

 

« Dans cette affaire le bénéficiaire était convaincu que le dysfonctionnement de ses installations venait de déversements du terrain voisin (et non d’un problème des ouvrages de son entrepreneur). Il y a d’ailleurs admission de toutes les parties que la cause probable de ce dysfonctionnement jusqu’en mars 2008 était le voisin. La trame factuelle de cette affaire constate que c’est lorsque le voisin (ayant fait appel au même administrateur pour sa garantie sous le même plan) prend les moyens appropriés pour qu’il ne puisse plus y avoir de déversements de sa part que, selon l’arbitre et avec raison selon nous, il considère que c’est à ce moment que se situe le point de départ du délai de dénonciation :

 

« …alors que ces travaux [du voisin] n’avaient pas réglé le problème de fonctionnement des installations visées et qu’un doute a surgi dans l’esprit du Bénéficiaire quant à la responsabilité possible de l’Entrepreneur. » (para. 48)

 

 [111]  Dans un autre cas de fissures, dans l’affaire Mailhot et Gauthier c Construction Paul Dargis [36] notre confrère C. Dupuis, citant entre autre une note écrite de 2008 de l’Entrepreneur qui se lit :

 

« … je tiens à vous dire qu’il y a, pour l’instant, aucune apparition de fissures pouvant laisser entrevoir un problème au niveau de votre béton... » et « S’il y aurait [sic] un doute de ma part, soyer [sic] sans craindre qu’il y aurait des expertises de faites… ».                                         (soulignés au texte de la décision)

 

conclut que nonobstant des fissures qui sont apparues de manière contemporaine à cette note et qui pour une période de presque deux ans sont demeurées stables, et alors que l’arbitre indique qu’en 2010 les fissures existantes ont progressé, et d’autres fissures importantes sont apparues, il décrète en ratio decidendi que les premières manifestations sont réellement apparues au printemps 2010 et que le délai de dénonciation a été respecté.

 

[112]   Finalement notons notre Cour Supérieure sous la plume de la juge Sévigny dans l’affaire Ménard c. LeBire 2008 QCCS 3274 où, dans le cadre d’une révision judiciaire sous le Règlement, ne trouve pas motif sur ce point à réviser la décision de l’arbitre qui détermine en 2005 que ce n’est que trois ans plus tard qu’un vice allégué sous 2118 C.c.Q. s’est manifesté - alors que l’entrepreneur avait déjà été appelé à réparer une fissure à cet endroit en 2002.

 

[113]   En conformité du Règlement, tenant compte des conclusions et ordonnances aux présentes, les frais de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

[114]   La présente décision arbitrale est sans préjudice et sous toutes réserves du droit des Bénéficiaires (ou de l’Administrateur dans les circonstances devant le syndic tel qu’il a pourvu sous sa preuve de réclamation, ou autrement) de porter devant les tribunaux de droit commun leurs prétentions et réclamations ainsi que de rechercher les correctifs ou dommages qu’ils peuvent réclamer, sujet bien entendu aux règles de droit commun et de la prescription civile.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[115]   REJETTE les conclusions de l’Administrateur à sa décision en date du 26 février 2015;

 

[116]   REJETTE l’objection déclinatoire de l’Administrateur et de l’Entrepreneur pour non-respect par les Bénéficiaires du délai de dénonciation prévu au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;

 

[117]   MAINTIENT juridiction quant à l’Instruction au fonds, si requis,

CONFIRMANT L’ORDONNANCE du 18 octobre 2016 que le Tribunal demeure saisi du dossier pour Instruction au fond;

 

[118]   RÉSERVE à PricewaterhouseCoopers, SAI, ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Habitation du Québec Inc., ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur ou ayants droit, pour tous travaux, toute action et toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (paragr.19 de l’annexe II du Règlement), en ses lieu et place et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;

 

[119]   ORDONNE, LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage conformément au Règlement à la charge de PricewaterhouseCoopers, SAI, ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Habitation du Québec Inc., avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

 

 

DATE : 21 juillet 2017.

 

 

 

 

--------------------------------------

Me Jean Philippe Ewart

Arbitre



[1] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes et al, 2004 CanLII 47872 (QC C.A.);

Voir aussi Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211.

 

[2] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r. 2), article 5.

 

[3] Idem, articles 20 et 120 du Règlement.

 

[4] Idem, article 116 du Règlement.

 

[5] VOIR : Evangelista et Lamolinara c. Construction Trilikon inc. et Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire de La Garantie Abritat inc. Centre Canadien d’arbitrage commercial (CCAC), No S15-101101-NP, 19 avril 2017, Me R.Y. Gagné, arbitre.

Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Centre Canadien d’arbitrage commercial (CCAC), No S15-022401-NP, décision rectifiée du 12 novembre 2015, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.

Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin et La Garantie Abritat, GAMM No. 2013-15-011, 24 avril 2015, Jean Morissette, arbitre.

 

[6] Op. cit. L.R.Q. c. B-1.1, r.02

 

[7] Op. cit.  L.R.Q. c. B-1.1, r.02

 

[8] Voir aussi Immeubles de l’Estuaire phase III inc c. Syndicat des copropriétaires de l’Estuaire Condo phase III, 2006  QCCA 781 sous la plume de la juge Bich, M.-F, JCA.

 

[9] [1992] R.D.J. 163 (C.A.)

 

[10] Ewart et al. c. Saine et al. [2008] C.S. 500-17-035843-070; Richard Mongeau J.C.S.; pages 2 et 3.

 

[11] ABB inc. C. Domtar inc., [2007] 3 R.C.S. 461, para 54.

 

[12] Montréal (Communauté urbaine de) c. Ciment Indépendant Inc., J.E. 88-1127 (C.A.); Construction Cogerex ltée c. Banque Royale de Canada, J.E. 96-497 (C.A.)

 

[13] ROUSSEAU-HOULE, T., Les contrats de construction en droit public & privé, Montréal, Wilson & Lafleur/Sorej, 1982, p. 194 et 195;

VOIR aussi : Op. cit., KARIM, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), para. 248 :

« En d’autres termes, pour remplir son engagement, l’entrepreneur doit donc, conformément à l’article 2100 C.c.Q., rendre un ouvrage conforme à l’ensemble des documents contractuels et aux obligations pouvant découler explicitement ou implicitement de la loi, des usages et des règles de l’art.  En effet, il n’est pas inutile de rappeler que l’obligation de délivrer un ouvrage conforme aux règles de l’art est une obligation de résultat »[13]

 

[14] Art. 2098 C.c.Q; Voir aussi: 2911663 Canada inc. c. A.C. Line Info inc., J.E. 2004-811 (C.A.), REJB 2004-60090; Gagnon c. Bisson inc., J.E. 2004-671 (C.S.), REJB 2004-54512.

 

[15] Op. cit. BAUDOUIN et DESLAURIERS, La responsabilité civile, p. 1027, Para. 1-1251.

VOIR aussi: IGNACZ, Marianne et EDWARDS, Jeffrey La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur dans le cadre de La construction au Québec : perspectives juridiques - sous la direction de KOTT, Olivier F. et ROY, Claudine, Wilson & Lafleur Ltée, Montréal, 1998, p. 542.

 

[16] Administration de la Voie Maritime du St-Laurent et Procureur Général du Canada c. United Dominion Industries Limited et Canron Incorporated (Cour d’appel - No: 500-09-001851-930 (500-05-003450-853) AZ-97011046, p. 14.

 

[17] Op. cit. KARIM , Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), para 295.

 

[18] Danesh c. Solico Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, Décision arbitrale en date du 5 mai 2008 au dossier Soreconi No. 070821001; et Moustaine & El-Houma c. Brunelle Entrepreneur inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, Décision arbitrale en date du 9 mai 2008 au dossier Soreconi No. 070424001. Dossier n: 080730001, Sylvain Pomone et Syndicat de la copropriété 7615 rue Lautrec, Brossard c. Habitation Signature Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, Décision arbitrale en date du 14 janvier 2009 au dossier Soreconi n: 080730001.

 

[19] Bertone et Scafuro c. 9116-7056 Québec Inc., SORECONI 090206002, 29 octobre 2009, Guy Pelletier, Arbitre, citant quant à cette question, une décision du soussigné et Côté et Clermont c. Les Constructions E.D.Y. Inc., CCAC S09-030301-NP, 12 janvier 2010, Me Pierre Boulanger, Arbitre, au même effet, et citant en note deux autres décisions arbitrales au même effet. Voir aussi, citant l’arbitre soussigné, Parent c. Construction Yvon Loiselle Inc., GAMM 2012-11-007, 23 juillet 2012, Me Karine Poulin, Arbitre, para. 21 et Giles Domaine & Jean-Claude Bellerive c. Construction Robert Garceau Inc. & la Garantie Qualité Habitation, CCAC, S13-091201-NP, 18 juillet 2014, Me Michel A. Jeanniot, arbitre, para. 50. Finalement, notons l’analyse de plusieurs décisions par l’Arbitre J. Morissette dans l’affaire Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin précitée, supra note 5,

 

 

[20] Supra, note 11.

 

[21] Carrier c. Constructions Paul Dargis et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. CCAC, no. S09-061001-NP, 9 avril 2010, Me Reynald Poulin, arbitre, para. 73.

[22]   Alexandre c Dufour, [2005] R.D.I. 1 (C.A.)

 

[23] Germain c Constructions G. Therrien Inc. et Garantie Habitation du Québec, No dossier GAMM : 2011-06-001, 3 mai 2011, Claude Dupuis, Arbitre, citant Patrick Bégin c. Les Constructions S.P.R. Pouliot inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, SA, 15 avril 2010, Me Reynald Poulin, arbitre, para. 75.

 

[24] Creighton c. Immeubles Trans-Québec [1988] R.J.Q. 27 (C.A.), p.32, citant Champagne c. Robitaille J.E. 85-353 (Cour d’Appel).

 

[25] BAUDOUIN, J.L. et DESLAURIERS, P., La responsabilité civile, 7e éd., Cowansville, Ed. Yvon Blais inc, 2007, para.1-1419.

 

[26] Idem, para.1-1420. VOIR pour jurisprudence citée la note 92, p. 1199 sous le para. 1-1420.

 

[27] Idem, no. 1-1421.

 

[28] Idem para. 468.

 

[29] Ndlr :  Les Faubourgs du golf St-Zotique Inc.

 

[30] Le Tribunal note 2867 C.c.Q., que cette mise en demeure est précédente les procédures et qu’il n’y a n’y rétractation ou désaveu en preuve.

 

[31] Banque de Montréal c. Bail Ltée [1992] 2 R.C.S. 554.

 

[32] ABB inc. c. Domtar inc. 2005 QCCA 733, para 72, (confirmé par la Cour Suprême 2007 CSC 50 (banc de neuf juges), Hon. LeBel et Hon. Deschamps JJ.), citant J. Pineault, D. Burman, S. Gaudet, Théorie des obligations, Thémis, 2001, p. 573. VOIR AUSSI plus récemment (en 2015) de notre Cour d’appel Québec (Procureure générale) c. Consortium ad hoc Katz, Gendron, Jodoin, Perron, Rousseau, Babin & Associés, Roussy, Michaud & Associés, Cadoret, Savard, Tremblay & Associés, Jean Roy, a.g. 2015 QCCA 159, paragr. 65.

 

[33] Remax de l’Estuaire inc. c. Lauzier, AZ-98031333, J.E. 98-1689 (C.Q.). Voir aussi KARIM, V., « La règle de la bonne foi prévue dans l’article 1375 du Code civil du Québec : sa portée et les sanctions qui en découlent » (2000) 41 C. de D. 433, pp. 435 et ss.

[34] Syndicat de copropriété Le Vendôme c. 9137-7937 Québec Inc et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc, Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC) no: S09-240701-NP, 12 mai 2011, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre.

 

[35] Syndicat de la copropriété La Gondola c. Me-ra Développement inc. et La Garantie Habitation du Québec inc CCAC No S13-032101-NP, Me R Y Gagné, 12 août 2013.

 

[36] Mailhot et Gauthier c Construction Paul Dargis Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc, GAMM no 2010-06-001, 30 mars 2011, M. Claude Dupuis, ing. Arbitre.