Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment:
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC. (SORECONI)
(Procès-verbal d’une décision rendue en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neuf (L.R.Q. B-1.1, r. 02))
Les Parties :
Syndicat des Copropriétaires du Habitations St. Maurice Inc.
Domaine Des Rochers 3883, rue de Soulanges
Phase III Trois-Rivières, Québec
2662-2668, rue Schultz G8Y 0B6
Saint-Jérôme, Québec
J7Z 0C9
Entrepreneur,
Bénéficiaire Phase III, aucun représentant
Représentée par: Mme. Dominique Tremblay
Dossier SORECONI 140202001
Syndicat des Copropriétaires du La Garantie Abritat Inc.
Domaine des Rochers 5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Phase IV Anjou (Québec) H1M 1S7
2654-2660, rue Schultz
Saint-Jérôme, Québec
J7Z 0C9 Administrateur,
Représenté par son procureur :
Bénéficiaire Phase IV, Me Nancy Nantel
Représentée par Mme. Monique Clouâtre
Dossier SORECONI 142901001
Collectivement les « Bénéficiaires »
DÉCISION INTERLOCUTOIRE SUR DEMANDE DE RÉOUVERTURE D’ENQUÊTE ET PRODUCTION DE RAPPORT D’EXPERTISE
[1] Le Bénéficiaire Phase IV présente une demande de réouverture de débats pour faire témoigner un expert. Celui-ci allègue ne pas avoir pu présenter cette preuve qu’il qualifie d’essentielle au débat, lors de l’audition, au motif qu’il aurait été pris par surprise par certains éléments du témoignage de l’inspecteur M. Berthiaume, et ce par rapport aux point nos 2 et 3 de sa décision;
Contexte
[2] L’Audition au fond des dossiers SORECONI nos 140202001 (ci-après le Dossier Phase III) et 142901001 (ci-après le Dossier Phase IV), réunis par décision de ce tribunal en date du 16 mai 2014, a eu lieu le 21 novembre 2014;
[3] Lors de ladite audition, suite aux témoignages des parties, incluant une contre preuve, le Bénéficiaire Phase IV a déclaré sa preuve close et le Bénéficiaire Phase III s’est vu accorder la permission d’introduire un nouveau motif de contestation basé sur la question de la détermination de la date de réception;
[4] Par la suite, le Bénéficiaire Phase IV a manifesté son intention de contester la date de réception retenue par l’Administrateur dans son dossier, ce à quoi le procureur de l’Administrateur s’est objecté;
[5] Le tribunal a maintenue cette objection se basant sur le fait que, contrairement au dossier Phase III, la date de réception avait été déterminée dans une décision préalable de l’Administrateur datée 10 décembre 2012, laquelle n’a pas été portée en appel. Il y a donc chose jugée relativement à cette question pour ce qui est du Dossier Phase IV;
[6] La preuve fût ainsi suspendue uniquement dans le Dossier Phase III; par contre, l’argumentation fût suspendue dans les deux dossiers, et ce à la demande du procureur de l’Administrateur;
[7] Une conférence téléphonique a été fixée pour le 18 mars 2015, lors de laquelle le Bénéficiaire Phase IV a demandé la permission de présenter une nouvelle preuve par expert à l’encontre des propos tenus par l’inspecteur, M. Richard Berthiaume, relativement aux problématiques soulevées aux points nos 2 et 3 de la Décision de l’Administrateur, soit les allèges formant une pente vers le bâtiment et les chantepleures manquantes ou obstruées;
[8] Le procureur de l’Administrateur s’est objecté à cette demande la qualifiant de tardive et ajoutant que le témoignage de l’inspecteur n’a apporté aucun élément nouveau pouvant prendre la partie adverse par surprise et justifiant une réouverture d’enquête;
[9] Le Bénéficiaire Phase IV s’est dit dans l’impossibilité de présenter cette preuve lors de l’audition, prétendant avoir été prise par surprise par les dires de M. Berthiaume sur l’inexistence de chantepleures sur les vieilles maisons ainsi que par rapport aux allèges de fenêtres en pente négative;
[10] Lorsque le Tribunal a expliqué de nouveau aux représentantes des Bénéficiaires que l’expert ne pouvait témoigner sans déposer un rapport d’expertise, la représentante du Requérant a dit devoir vérifier si son témoin était disposé à préparer un rapport d’expertise et à témoigner et s’est engagée à avisé le Tribunal à cet égard;
[11] Il fût aussi convenu que cette preuve, si permise, servirait comme preuve dans les deux dossiers en litige, même si le Requérant est le Bénéficiaire Phase IV;
[12] Le 19 mars 2015, le Tribunal a reçu un courriel de la part du Requérant dans lequel il expédie un courriel émanant de Maçonnerie Nord-Sud Inc. se lisant ainsi,
Moi Marc-André Lessard accepte d'aller témoigner en tant qu'expert de maçonnerie ayant 36 ans d'expérience.
Pour plus d'information n'hésitez pas à me contacter.
Bien à vous.
Maçonnerie Nord-Sud Inc.
Marc-André Lessard (Président)
Cell: (450) 419-0421
Fax: (450) 996-0520
[…]
Analyse et Décision
[13] Le Tribunal en arbitrage jouit d’une discrétion en matière de preuve et procédure, mais encore là, cette discrétion doit s’exercer de manière judicieuse, en s’appuyant sur les principes de droit reconnus, ainsi que la législation pertinente;
[14] L’Article 463 du Code de Procédure Civile traite des demandes de réouvertures de débat et la partie pertinente se lit comme suit :
Le juge qui a pris une cause en délibéré, peut, même de sa propre initiative, ordonner par décision motivée, la réouverture des débats pour les fins et aux conditions qu’il détermine.
[15] Dans sa décision, Evelyne Drouin c. Montréal Production Inc., l’Honorable Jeffrey Edwards, J.C.Q., 2014 QCCQ 12834 (CanLII), procède à l’analyse suivante de l’article 463 du Code de Procédure civile :
“[7] Dans leur ouvrage Précis de procédure civile, les auteurs D. Ferland et B. Emery écrivent ce qui suit par rapport aux motifs à examiner concernant une requête en vertu de l’article 463 C.p.c.:
« Le juge de première instance jouit d’une grande discrétion en cette matière. (…).
Pour obtenir la réouverture des débats, la partie allègue dans sa requête (art. 78, 88 C.p.c.), des motifs sérieux, telle la découverte, depuis la tenue du procès, d’un fait important de nature à influer directement sur le sort de la cause par opposition à un fait dont la preuve serait simplement utile ou n’aurait qu’une simple relation avec le débat. Il doit s’agir d’un fait essentiel et concluant, telle la découverte qu’un témoin important ne s’est pas présenté à l’audience, en raison de menaces de mort, alors que son témoignage aurait pu avoir une importance capitale sur l’issue de la demande.
Ainsi, le juge saisi d’une demande de réouverture d’enquête doit se demander si :
1) les nouveaux éléments de preuve découverts étaient inconnus du requérant au moment du procès;
2) il lui était impossible, malgré sa diligence, de les connaître avant le procès; et;
3) ces nouveaux éléments de preuve pourront avoir une influence déterminante sur la décision à prendre.
Si le fait était connu lors du procès, la réouverture des débats est encore possible, mais le juge agit alors avec beaucoup plus de circonspection, alors que la partie doit justifier l’omission de l’avoir mis en preuve. Pour assurer une saine administration de la justice, il faut, à moins que les fins de la justice ne le requièrent, éviter que les débats ne s’éternisent. »[1]
(Les italiques sont du soussigné.)
Dans Symons General Insurance Company c. Rochon[2], la Cour d’appel indique que les critères applicables doivent être « évalués les uns par rapport aux autres, à la lumière de toutes les circonstances de l’espèce » et « que cette évaluation doit se faire de façon à permettre que la preuve, sur la foi de laquelle le jugement sera prononcé, soit la plus complète possible, et ce, dans l’intérêt de la justice ».
[8] Ainsi, la réouverture de l’enquête peut être autorisée, même par rapport à un fait connu ou preuve connue au moment du procès pourvu que le Tribunal conclut que le requérant a établi une justification satisfaisante quant à l’omission de présenter une preuve.”
[16] Dans cette décision, l’omission par la partie requérante de présenter une preuve, que le Tribunal avait déjà qualifié d’essentielle, s’expliquait par l’impossibilité, pour ladite Requérante, de communiquer avec le témoin en question lors du procès, vu l’état de santé de ce dernier;
[17] Dans le cas sous étude, le Requérant ne prétend pas qu’il s’agit de nouveaux éléments de preuve découverts depuis la tenue de l’audition et inconnus au moment du procès. Il s’agit plutôt de propos tenus par le témoin de l’Administrateur, l’inspecteur, M. Berthiaume, lors du procès, que le Requérant n’a tout simplement pas anticipé, tels l’inexistence de chantepleures sur des vieilles maison et l’effet d’une allège de fenêtre en pente négative dans le contexte d’une analyse basée sur les critères d’un vice majeur, et qu’il voudrait maintenant discréditer par l’entremise d’un témoin expert; la représentante dudit Requérant soulève son manque d’expérience devant les tribunaux et le défaut d’être représentée par avocat pour justifier sa demande;
[18] Le Tribunal estime qu’il ne s’agit pas de nouveaux éléments de preuve au sens de la jurisprudence applicable et ne considère pas que le témoignage de l’inspecteur, M. Berthiaume, contienne des éléments de preuve pouvant prendre une partie par surprise;
[19] Selon la jurisprudence pertinente, telle que citée par l’Honorable Juge Edwards dans sa décision précitée, devant de telles circonstances le juge peut néanmoins permettre la réouverture du débat, mais doit agir avec encore plus de circonscription, alors que la partie doit justifier l’omission de l’avoir mis en preuve;
[20] Le Requérant ne soulève pas une impossibilité d’agir avant et ne fournit aucune justification, à part le fait de ne pas être représenté par avocat, ce que le Tribunal lui a rappelé a été son choix, et ce malgré de nombreuses invitations à le faire;
[21] Ceci doit être examiné à la lumière de toute les circonstances du dossier, dont, notamment, la conférence préparatoire du 16 mai 2014. Lors de cette conférence téléphonique, les parties ont déterminé la question en litige : est-ce que les vices dénoncés par les Bénéficiaires constituent des vices majeurs tel que défini dans le Code Civil du Québec;
[22] Par la suite, le Tribunal a procédé à la liste des témoins et a vite constaté que les représentantes des Bénéficiaires n’était pas préparées à répondre aux questions soumises par ledit Tribunal concernant la nature de la preuve qu’elles entendait présenter et surtout la preuve par expert. Il faut mentionner qu’à ce moment là, ils avaient déjà soumis un rapport d’expertise par un technicien en architecture (la Pièce A-3 dans le dossier Phase IV), ce à quoi le Tribunal a référé lors des discussions à cet égard;
[23] Dans les circonstances, le Tribunal, de sa propre initiative, a fourni des explications auxdites représentantes tout en leurs rappelant de leur droit de consulter un avocat; le tout a été consigné dans un procès verbal expédié aux parties le 20 mai 2014, dont les paragraphes pertinentes se lisent comme suit :
(13) Lors d’une discussion concernant la liste de témoins de chaque partie, il est devenu apparent que les Bénéficiaires n’étaient pas encore en mesure de nommer le(s) expert(s) qu’elles entendaient faire témoigner à l’audience;
(14) Suivant une discussion générale sur la nature d’une expertise, le rôle du témoin-expert devant le Tribunal d’arbitrage et la règlementation applicable par rapport à la responsabilité des parties quant au paiement des frais d’expertise, durant laquelle les Bénéficiaires ont été rappelée de leur droit de consulter un avocat, il fût convenu qu’il serait dans l’intérêt de la justice et du bon déroulement de l’audition au mérite, de suspendre l’audition préliminaire pour permettre aux Bénéficiaires de soumettre le(s) rapport(s) d’expertise(s) qu’elles jugent nécessaires;
(15)À cet égard, les Bénéficiaires se sont engagées à communiquer aux parties, ainsi qu’à l’arbitre soussigné, dans un délai de deux semaines suivant la tenue de l’appel conférence : le(s) nom(s) de leur(s) témoin-expert(s), le délai requis pour fournir le(s) rapport(s) d’expertise correspondant(s) avec curriculum vitae(s) à l’appui, ainsi que toute documentation manquante, incluant toute photos additionnelles et estimation(s) à être ajoutées au dossier d’arbitrage;
[24] Cette conférence s’est suivie d’une autre conférence téléphonique en date du 19 septembre 2014, lors de laquelle les Bénéficiaires ont fait part de leur intention de ne pas faire entendre M. Goulet, auteur du rapport d’expertise se trouvant déjà au dossier par l’entremise du cahier d’autorités de l’Administrateur, mais de faire témoigner M. Jason Griffis, Inspecteur en bâtiment, à titre d’expert; elles ont aussi demandé un délai additionnel pour fournir son rapport d’expertise et CV, le tout tel qu’il appert du procès-verbal expédié aux parties le 23 septembre 2014;
[25] Les Bénéficiaires ont produit un « Rapport d’inspection Visuelle Sommaire » de M. Jason Griffis, Inspecteur en bâtiment;
[26] Lors de l’audition, le procureur de l’Administrateur s’est objecté à la qualification de M. Griffis à titre d’expert. Après avoir analysé le CV de ce dernier, ainsi que la nature de son rapport d’inspection visuelle, le Tribunal a jugé que M. Griffis ne pouvait témoigner à titre d’expert, pour les motifs énoncés verbalement lors de l’audience. Celui-ci a donc témoigné à l’audition à titre de témoin ordinaire;
[27] Ce dernier a témoigné sur l’inexistence de chantepleures à certains endroits et de l’existence d’allèges de fenêtres en pente négatives. Il faut souligner que ces faits ont été constatés par l’Administrateur dans les décisions faisant l’objet du litige (points nos 2 et 3), mais il a déterminé que ces déficiences ne sauraient revêtir le niveau de gravité d’un vice majeur tel que défini par le Code Civil (Article 2118), lequel comporte la notion de perte partielle ou totale de l’ouvrage;
[28] Les Bénéficiaires ont fait le choix du rapport et du témoin expert qu’ils voulaient faire entendre et ils ont eu ample opportunité pour consulter un avocat à cet égard, tel que suggéré par le Tribunal;
[29] De plus, la demande de réouverture de débats a été présentée non pas, lors du procès, mais bien quatre mois plus tard dans le contexte d’une conférence téléphonique ayant rapport à la question de la date de réception dans le Dossier Phase III;
[30] A la lumière de ce qui précède, nous sommes très loin d’une impossibilité d’agir selon les critères établis par la jurisprudence;
[31] Le Tribunal ajoute que le Requérant ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve pour établir qu’il s’agit d’éléments de preuve pouvant avoir un impact déterminant sur la question en litige;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
REJETTE la demande de réouverture de débats présentée par le Bénéficiaire Phase IV et précise que cette décision s’applique autant au Dossier SORECONI nos 140202001 (Phase III), qu’au Dossier SORECONI no 142901001 (Phase IV);
LE TOUT, frais à suivre le cours de l’instance.
Montréal, le 20 avril 2015
(Signé) L. Milazzo
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Me Lydia Milazzo
Arbitre / SORECONI