ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

(Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

 

 

ENTRE :                                                        Bryan-Eric Lane

 

(ci-après « Le Bénéficiaire »)

 

ET :                                                                Construction Qualimax inc.

(ci-après « L’Entrepreneur »)

 

 

ET :                                                                La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ

 

(ci-après « l’Administrateur »)

 

No dossierCCAC :   12-122801-NP

 

 

 

DÉCISION INTERLOCUTOIRE RÉVISÉE

 

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

 

 

 

Pour le Bénéficiaire :

 

Monsieur Bryan-Eric Lane

 

 

 

Pour l’Entrepreneur :

 

Non représenté

 

 

 

Pour l’Administrateur :

 

Me Stéphane Paquette

 

 

 

Date de la décision :

 

Le 18 décembre 2013


 

Identification complète des parties

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

1010, de la Gauchetière Ouest

Bureau 950

Montréal (Québec) H3B 2N2

 

 

 

Bénéficiaire :

 

Monsieur Bryan-Eric Lane

1565, boul. de l’Avenir, bureau 206

Laval (Québec) H7S 2N5

 

 

 

 

Entrepreneur :

 

Construction Qualimaxinc.

117, rue des Cascades

Saint-Jérôme (Québec) J7Y 4Z4 4S5

 

À l’attention de monsieur Mario Laroche

 

 

 

Administrateur :

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc..

5930, boul. Louis-H.-Lafontaine

Montréal (Québec) H1M 1S7

 

À l’attention de MeStéphane Paquette

 

 

 

 

DÉCISION

 

[1]       Le tribunal arbitral a rendu une décision interlocutoire dans ce dossier (CCAC : S12-122801-NP qui est datée du 22 novembre 2013 (ci-après « la décision interlocutoire »).

[2]       Cette décision interlocutoire contient une divergence entre deux dates butoirs ainsi qu’une erreur cléricale dans une de ces dates.Ces dates se rapportent à la communication par le Bénéficiaire d’un rapport d’expert autorisé par le tribunal arbitral.

[3]       Dans le sous-paragraphe 48 (d), la date butoir tombe 60 jours après la date de la décision interlocutoire, soit le 22 janvier 2014; au cinquième paragraphe des conclusions de cette décision, la date butoir y mentionnée est le 15 janvier de l’année 2013, plutôt que de l’année 2014.


 

 

[4]       De plus, quelque trois semaines après la date de cette décision interlocutoire, le Bénéficiaire et l’Administrateur ont informé le tribunal arbitral que les bureaux administratifs de l’Administrateur seront fermés pour la période des Fêtes entre le 20 décembre 2013 et le 6 janvier 2014. Pendant la période de cette fermeture, le Bénéficiaire ne pourrait pas transmettre un préavis de dix jours de calendrier à l’Entrepreneur et l’Administrateur de la date de l’inspection de son bâtiment par son expert à laquelle les représentants ou experts de l’Administrateur et de l’Entrepreneur ont le droit d’assister et procéder à leur propre inspection. Ceci occasionnerait une difficulté au Bénéficiaire à respecterune des dates butoirs (soit celle du 15 janvier 2014 ou celle du 22 janvier 2014) pour la communication aux autres parties et au tribunal arbitral du rapport de son expert.

[5]       Lors d’une conférence téléphonique organisée par le tribunal arbitral à la demande du Bénéficiaire, ce dernier a demandé un prolongement de la date butoir pour la communication du rapport de son expert jusqu’au 28 février 2014. Il a fait cette demande en invoquant des motifs d’ordre personnel et en soulignant la divergence déjà mentionnée entre les dates butoirs du 15 janvier 2014 et du 22 janvier 2014. L’Administrateur a consenti à un tel prolongement. L’Entrepreneur n’a pas participé à cette conférence malgré le fait qu’il en a été avisé et il n’a fait aucune représentation au sujet d’une nouvelle date butoir par d’autres voies de communication.

[6]       Considérant la divergence des dates butoirs mentionnées à la décision interlocutoire, l’erreur cléricale quant à l’année 2013 au lieu de 2014 notée ci-haut ainsi que les nouvelles circonstances portées à l’attention du tribunal arbitral, ce dernier est d’avis que la décision interlocutoire devrait être révisée afin de fixer la date butoir pour la communication du rapport de l’expert du Bénéficiaire au 28 février 2014.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ARBITRAL :

 

DÉCLARE quesa décision interlocutoire du 22 novembre 2013 dans le dossier CCAC S12-122801-NP est révisée en y faisant les modifications suivantes :

1.    En supprimant tout le sous-paragraphe 48 (d) de cette décision, et;

2.    En remplaçant le cinquième paragraphe des conclusions de cette décision par le paragraphe suivant :

 

       «DÉCLARE que le Bénéficiaire aura jusqu’au 28 février 2014 pour communiquer aux autres parties et au tribunal arbitral le rapport de son expert visant les dommages précités à son bâtiment; »

CONFIRMEle restant de la décision interlocutoire.

Frais d’arbitrage à suivre.

 

 

Montréal, le 18 décembre 2013

 

 

 

 

 

 

Me ALBERT ZOLTOWSKI

Arbitre 

 


 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

(Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

 

 

ENTRE :                                                        Bryan-Eric Lane

 

(ci-après « Le Bénéficiaire »)

 

ET :                                                                Construction Qualimaxinc.

(ci-après « L’Entrepreneur »)

 

 

ET :                                                                La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ

 

(ci-après « l’Administrateur »)

 

No dossierCCAC :   12-122801-NP

 

 

 

DÉCISION INTERLOCUTOIRE

 

 

 

Arbitre :

 

MeAlbert Zoltowski

 

 

 

Pour le Bénéficiaire :

 

Monsieur Bryan-Eric Lane

 

 

 

Pour l’Entrepreneur :

 

Monsieur Mario Laroche

 

 

 

Pour l’Administrateur :

 

MeStéphane Paquette

 

 

 

Date de la décision :

 

Le 22 novembre 2013


 

 

Identification complète des parties

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

1010, de la Gauchetière Ouest

Bureau 950

Montréal (Québec) H3B 2N2

 

 

 

Bénéficiaire :

 

Monsieur Bryan-Eric Lane

1565, boul. de l’Avenir, bureau 206

Laval (Québec) H7S 2N5

 

 

 

 

Entrepreneur :

 

Construction Qualimaxinc.

117, rue des Cascades

Saint-Jérôme (Québec) J7Y 4Z4 4S5

 

À l’attention de monsieur Mario Laroche

 

 

 

Administrateur :

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc..

5930, boul. Louis-H.-Lafontaine

Montréal (Québec) H1M 1S7

 

À l’attention de MeStéphane Paquette

 

 

 

 

Décision

 

 

Mandat

 

L’arbitre a reçu son mandat duCentre Canadien d’Arbitrage Commercial (ci-après le « CCAC ») le 28 décembre 2012.

 

 

Historique du dossier :

 

 

31 octobre 2012 :

Inspection du bâtiment par l’Administrateur;

 

 

10 décembre 2012 :

Décision de l’Administrateur;

 

 

28 décembre 2012 :

Réception par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;

 

 

12 février 2013 :

Avis aux parties de la tenue d’uneconférence préparatoire fixée au 19 février 2013;

 

 

19 février 2013 :

Demande de remise du Bénéficiaire de la conférence préparatoire du 19 février 2013;

 

 

19 février 2013:

Nouvel avis aux parties de la tenue d’une conférence préparatoire fixée au 25 février 2013;

 

 

25 février 2013:

Conférencepréparatoire;

 

 

7 mars 2013:

Avis de convocation aux parties à l’audience fixée au 30 avril 2013;

 

 

28 mars 2013:

Courriel du Bénéficiaire demandant la remise de l’audience

 

 

16 mai 2013:

Avis de convocation aux parties à l’audience fixée au 3 juillet 2013;

 

 

3 juillet 2013:

Audience;

 

 

4 juillet 2013:

Demande du Bénéficiaire de suspendre l’instance;

 

 

7 juillet 2013:

Transmission d’arguments du Bénéficiaire à l’appui de sa demande de suspension;

 

 

10 juillet 2013:

Transmission d’arguments de l’Administrateur contestant la demande de suspension;

 

 

17 juillet 2013:

Avis aux parties de la tenue d’une audition par voie téléphonique sur la demande de suspension;

 

 

19 juillet 2013:

Transmission d’arguments supplémentaires du Bénéficiaire à l’appui de sa demande de suspension

 

 

19 juillet 2013:

Première audition par voie téléphonique sur la demande de suspension du Bénéficiaire;

 

 

18 août 2013:

Transmission de la jurisprudence et commentairespar le Bénéficiaire;

 

 

19 août 2013:

Transmission par l’Administrateur de ses arguments avec la jurisprudence;

 

 

19 août 2013:

Transmission par le Bénéficiaire de sa réplique;

 

 

26 août 2013:

Deuxième audition par voie téléphonique sur la demande de suspension du Bénéficiaire;

 

 

22 novembre 2013:

Décisioninterlocutoire

 

 

 

DÉCISION

 

Procédures précédant la demande de suspension

[1]          Le 28 décembre 2012monsieur Bryan-Eric Lane(le « Bénéficiaire »)a déposé une demande d’arbitrage auprès du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial(« CCAC »)de la décision de l’Administrateur, sous la plume de madame Anne Delage, datée du 10 décembre 2012. Sous la rubrique « FAITS, ANALYSE ET DÉCISION » qui réfère à seulement un point de réclamation du Bénéficiaire, elle écrit ce qui suit :

              « 1.   Drain français comportant une pente négative

 

              Les faits :

 

              Le 8 mai 2012, soit dans la cinquième année de la garantie, à la suite d’une inspection préachat commandé par l’actuel bénéficiaire, il est constaté que le drain français comporte une pente négative.

 

              Aucune infiltration d’eau n’a été constatée et des mesures du niveau d’humidité dans les matériaux au sous-sol ont été prises à la base des murs de gypse par l’expert mandaté par le bénéficiaire, lesquelles indiquent un taux d’humidité inférieur à 17%, ce qui nous indique que les matériaux sont secs.

 

              Le bénéficiaire procède finalement à l’achat du bâtiment le 25 mai 2012.

             

            ANALYSE ET DÉCISION (point 1) :

            De l’avis de l’administrateur, les situations observées sur place en rapport avec le point 1 ne rencontrent pas les critères du vice majeur en ce sens qu’il n’y a pas perte de l’ouvrage.

            Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation du bénéficiaire à l’égard de ce point.


 

 

            CONCLUSION :

 

            POUR TOUS CES MOTIFS,l’ADMINISTRATEUR :

 

            NE PEUT CONSIDÉRER la demande de réclamation du bénéficiaire pour le point 1;

 

            FIXE la date de réception du bâtiment au 4 octobre 2007.»

[2]       Tel que mentionné à la décision de l’Administrateur, le Bénéficiaire a acquis le bâtiment de ses propriétaires précédents par contrat notarié signé le 25 mai 2012.

[3]       Dans sa demande d’arbitrage adressée au Centre Canadien d’Arbitrage Commercial, le Bénéficiaire, qui est aussi avocat, écrit ceci :

              « Par la présente, nous vous confirmons l’intention du soussigné de contester en arbitrage la décision rendue par l’inspectrice-conciliatrice Anne Delage en date du 10 décembre 2012 dans le cadre du dossier mentionné en objet.

 

              Plus particulièrement, et tel qu’il sera démontré lors de l’audition d’arbitrage à se tenir dans ce dossier, nous démontrerons que la problématique relative à la pente négative du drain français constitue un vice de construction ou de réalisation au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec et que par conséquent, l’administrateur est tenu d’accueillir la demande de réclamation du Bénéficiaire visant à procéder aux travaux correctifs requis pour corriger la problématique susmentionné, advenant le refus et/ou la négligence de l’entrepreneur de procéder à tels travaux correctifs à ses frais.

 

              La décision rendue par l’inspectrice-conciliatrice Anne Delage le 10 décembre 2012 est erronée en ce que la problématique relative à la pente négative du drain français constitue une problématique couverte par le 5e paragraphe de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. En effet, le vice faisant l’objet de la demande de réclamation du bénéficiaire est d’une gravité suffisante pour donner ouverture à la garantie prévue par l’article 2118 du Code civil du Québec.»

[4]       Lors de la conférence préparatoire qui a eu lieu le 25 février 2013, lorsque questionné sur ce sujet par le tribunal arbitral, le Bénéficiaire a reconnu qu’il n’y a pas eu d’infiltration d’eau dans sa maison et donc pas de dommage. Il a répété que sa réclamation rencontre les critères de l’article 2118 du Code civil du Québec (auquel réfère le paraphe 10(5) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs) et que, selon lui, la jurisprudence rendue sous l’égide de ceparagraphene requiert pas une manifestation de quelque préjudice que ce soit.

[5]       Lors de cette même conférence, le Bénéficiaire a indiqué que seulement son expert,monsieur Guertin, témoignera lors de l’audience.Il n’était pas certain s’il témoigneralui-même ou pas.

[6]       Le représentant de l’Entrepreneur, monsieur Mario Laroche, a indiqué qu’il serait le seul témoin de l’Entrepreneur. Le procureur de l’Administrateur a déclaré que son unique témoin sera la conciliatrice qui a rendu la décision de son client, madame Anne Delage.

[7]       Le tribunal arbitral a demandé aux parties àcommuniquer entre elles ainsi qu’au tribunal, au moins cinq jours avant l’audition, toute la preuve documentaire qu’elles désiraient soumettre en preuve lors de l’audition.

[8]       L’audience a eu lieu le 3 juillet 2013 au Palais de justice de Laval. Elle a été précédée d’une visite du bâtiment du Bénéficiaire, situé au 16145-16147 rue des Cascades à Mirabel, par le procureur de l’Administrateur qui était accompagné de la conciliatrice, madame Delage, ainsi que par le Bénéficiaire, un de ses deux experts monsieurChevrolat et l’arbitre soussigné.

[9]       L’audience a duré toute la journée et s’est terminée à 17 h. Trois témoins ont été entendus pour le compte du Bénéficiaire, soit la locataire du logement au sous-sol du bâtiment du Bénéficiaire, madame Deborah Martin ainsi que les deux experts, messieurs Alain Chevrolat, T.P. et Claude Guertin, ing.

[10]    Monsieur Chevrolat a effectué l’inspection du bâtiment. Monsieur Guertin ne l’a pas inspecté mais il a rédigé les conclusions de l’expertise. Cette dernièredatée du 25 mai 2012 et intitulée « Rapport d’expertise sur les drains de fondations de la propriété sise au : 16145-16147 des Cascades, Mirabel, (Québec) »est signé par messieurs Chevrolat et Guertin qui, ont été reconnus par le tribunal arbitral comme experts.

[11]    À la fin de l’audience, le Bénéficiaire a indiqué qu’il ne restait plus que son propre témoignage pour compléter sa preuve.

[12]    L’Entrepreneurn’était pas présent à l’audience.

[13]    Pour la deuxième audience dont la durée estimée était d’une demi-journée, le Bénéficiaire et le procureur de l’Administrateur ont déclaré qu’ils ne prévoyaient faire  entendre que le témoignage du Bénéficiaireet celui de la conciliatrice, madame Delage pour le compte de l’Administrateur, et ensuite présenter leursarguments.

[14]    Lendemain le 4 juillet, vers 20 h, le Bénéficiaire a transmis un courriel à l’arbitre soussigné, au procureur de l’Administrateur et au représentant de l’Entrepreneur dans lequel il demande la suspension de l’instance arbitrale ce qui lui permettrait d’effectuer des expertises additionnelles afin de vérifier la hauteur de la nappe phréatique. Il justifiait cette demande par le fait qu’il avait été mis au courant de la possibilité d’un nouveau problème potentiel,soit d’un niveau de la nappe phréatique qui pourrait possiblement excéder le niveau des fondations, lors du témoignage de son expert, monsieur Guertin.

[15]    De plus, il a annoncé son intention de procéder à l’ouverture des murs de son bâtiment afin de constater les dégâts qui auraient pu être occasionnés par l’infiltration d’eau au logement situé au sous-sol. Il a écrit qu’il a été mis au courant de cette nouvelle situation par des nouvelles constatations d’un taux d’humidité supérieur à 17 % au niveau du mur arrière de son bâtiment. Ces constatationsont été faites par son expert, monsieur Alain Chevrolat lors de sa visite au logement du sous-sol du bâtiment, le matin du jour de l’audience. Cesnouvellesprises du taux d’humidité par l’expert Chevrolatont été déclenchées par la déclaration de la locataire de ce logement,madame Deborah Martin, lors de cette visite, que depuis un mois précédant cette visite, elle a constaté un problème d’humidité et d’infiltration d’eau à l’intersection du plancher et du mur arrière de sa chambre à coucher, qui constitue également le mur de la façade arrière du bâtiment.

[16]    Après ce premier courriel du Bénéficiaire daté du 4 juillet 2013, il transmit aux autres parties et au soussigné deux autres courriels datés du 7 juillet et 19 juillet 2013 avant la première audition sur sa demande de suspension du 19 juillet 2013.

[17]    Le tribunal arbitral a décidé de citer au long le courriel du Bénéficiaire du 19 juillet 2013. Étant donné que le Bénéficiaire est lui-même avocat, et qu’il connaît l’importance d’une formulation exacte de ses prétentions, le tribunal arbitral, par souci d’exactitude, le cite in extenso.

Prétentions du Bénéficiaire

[18]    Voici donc le courriel du Bénéficiairedu 19 juillet 2013 où il décrit ses prétentions. Pour faciliter leur repérage, le tribunal arbitral a numéroté chaque paragraphe.

« En prévision de l’appel-conférence de ce matin, voici les arguments que j’entends exposer au soutien de ma demande de suspension d’instance :

 

1)       ‘ Au 5e paragraphe de la deuxième page de la lettre de dénonciation du 4 juin 2012 (pièce A-2), il fut expressément dénoncé que l’expert (…) a constaté une quantité significative d’eau dans le tuyau du drain français du bâtiment de la Propriété;

 

2)      L’accumulation constante d’eau dans le drain français et le fait que le drain ne permet pas le drainage des eaux de sol vers l’avant peut entraîner des infiltrations d’eau dans mon bâtiment, notamment au niveau de la partie arrière, où la preuve démontre une accumulation d’eau, ce dont preuve fut faite le 3 juillet dernier;

 

3)    Ce faisant, il y a une problématique d’accumulation d’eau au niveau des semelles de fondations, que l’expert Guertin attribue à un drain français en pente négative;

 

4)    L’expert Guertin a expliqué lors de son témoignage rendu devant le tribunal le 3 juillet dernier que l’accumulation constante d’eau au niveau de la partie arrière pouvait entraîner des infiltrations d’eau dans le bâtiment;

 

5)      Lors de ma visite des lieux du 3 juillet dernier en compagnie de MePaquette, sa cliente, MeZoltowski et mon expert Alain Chevrolat, la locataire du 16 047 m’a alors avisé pour la première fois d’une problématique d’infiltrations d’eau dans le logement du sous-sol, au niveau de la chambre (partie arrière du bâtiment), ce qui nécessite une expertise immédiate;

 

6)     Par conséquent, et considérant la présence d’éléments nouveaux directement en lien avec la problématique dénoncée au niveau d’une accumulation d’eau au niveau des semelles de fondations, je demande à ce que je sois autorisé à suspendre l’instance afin que je puisse effectuer une expertise additionnelle en lien avec les problématiques potentielles d’infiltrations d’eau qui seraient directement en cause avec la problématique directement dénoncée par écrit le 4 juin 2012 (A-2);

 

7)    De plus, et étant donné que la photographie C-3 (page 12 de 22) du rapport d’expertise du 25 mai 2012 (et joint à la lettre de dénonciation A-2) montre que le niveau de l’eau semble plus élevé que le niveau des semelles de fondations, je demande à ce que je puisse suspendre l’instance afin que je puisse effectuer une expertise additionnelle afin de déterminer le niveau de la nappe phréatique au niveau de mon bâtiment, afin de déterminer si la problématique d’accumulation d’eau au niveau de mes semelles de fondations (dans le drain français) au niveau de la partie arrière du bâtiment est uniquement causée par la pente négative du drain ou si cette problématique est également causée par le niveau de la nappe phréatique qui serait trop élevé;

 

8)    Mon fardeau de preuve à titre de bénéficiaire consiste à faire la preuve d’un vice majeur : conformément à mon avis de dénonciation du 4 juin 2012, j’ai clairement dénoncé à l’entrepreneur et à l’administrateur une problématique d’accumulation d’eau à l’arrière du bâtiment ainsi que sur les côtés du bâtiment. Ce faisant, j’ai pleinement satisfait à l’exigence du 5e paragraphe de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le Règlement); et

 

9)    Il serait contraire à une bonne administration de la Justice et à l’équité de me forcer à soumettre une nouvelle demande à l’administrateur pour des éléments se rapportant directement aux éléments dénoncés dans mon avis de dénonciation A-2.

 

10) Il est de l’intérêt de toutes les parties à ce que toute la lumière soit faite, dans une seule et même audition sur la cause de la problématique ayant été dénoncée ainsi qu’à l’égard des dommages ayant été causés par cette même problématique depuis la réalisation de l’expertise.

 

11) Aucune disposition ne m’empêche de produire des expertises additionnelles en cours d’instance d’arbitrage, le tout afin de circonscrire la teneur et la cause exacte des problématiques que j’ai dénoncées à l’administrateur à l’intérieur des délais prévus par le Règlement.

 

12) Je demande donc à ce que l’instance soit suspendue afin de permettre au bénéficiaire de pouvoir effectuer des expertises additionnelles à mon bâtiment en lien avec les infiltrations d’eau à l’intérieur du bâtiment et causées par la problématique d’accumulation d’eau au niveau des semelles et afin de déterminer si ladite accumulation d’eau au niveau de mes semelles de fondations découle uniquement de la pente négative du drain et si la hauteur de la nappe phréatique serait également en cause. ‘»

 

(Soulignements du Bénéficiaire)

Prétentions de l’Administrateur

[19]    Le 19 août 2013, après avoir pris connaissance des autorités soumises par le Bénéficiaire ses commentaires et autres représentations additionnellesdans un nouveau courriel daté du 18 août 2013, le procureur de l’Administrateur qui a reçu cette correspondance la veille de la part du Bénéficiaire, écrit ceci :

              « … je réitère le contenu de mon courriel du 10 juillet, lequel est reproduit ci-après.»

et il cite son propre courriel au complet.

Selon ce courriel, il s’oppose formellement à la demande de suspension du Bénéficiaire pour les raisons suivantes  (pour faciliter la compréhension du lecteur, le tribunal arbitral a divisé le texte soumis par le procureur de l’Administrateur en paragraphes) :

            1.         « Le bénéficiaire, avocat spécialisé en droit immobilier, préalablement à son acquisition, a engagé en expert en immeuble afin de faire une inspection préachat et afin de faire une inspection du drain français. Cette inspection s’est déroulée le 8 mai 2012. Sur la base de cette inspection, une réclamation fut déposée le ou vers le 4 juin 2012. Cette réclamation portait sur le point suivant :Drain français comportant une pente négative

 

2.      En aucun temps, une problématique d’infiltration d’eau ou d’humidité ne fut dénoncée à l’administrateur.

             

3.      Notons également que le rapport d’expertise et le témoignage de monsieur Chevrolat, lors de l’audition du 3 juillet dernier est à l’effet que tous les matériaux étaient secs lors de son inspection du 8 mai 2012 et que sa lecture d’humidité de 13,5 % (matériaux secs selon le tableau à la page 9 de son rapport) était le pourcentage d’humidité le plus élevé qu’il a relevé lors de son inspection.

 

4.      Lors de l’audition tenue le 3 juillet dernier, MeLane a représenté et son expert a témoigné qu’il ne s’agissait pas d’un problème de nappe phréatique.(Soulignement du procureur de l’Administrateur).

 

5.         Jusqu’à ce jour, la seule problématique dénoncée conformément aux dispositions du règlement est un problème de drain français ayant une pente négative et non un problème de hauteur de nappel phréatique, d’infiltrations d’eau ou d’humidité excessive. Ce problème de drain français comportant une pente négative est distinct et non relié à une prétendue problématique de hauteur de la nappe phréatique. À cet égard, il va sans dire que les travaux nécessaires afin de régler la pente d’un drain français sont fort différents des travaux visant à régler le problème d’un immeuble implanté dans la nappe phréatique.Je suis par ailleurs d’accord avec MeLane que le simple fait de modifier la pente du drain français n’aura pas pour effet de régler la problématique découlant du fait que les semelles de fondation tremperaient dans la nappe phréatique.

 

6.    Le problème de la hauteur de la nappe phréatique n’a pas fait l’objet d’une décision de l’administrateur n’ayant jamais été dénoncé ni à l’administrateur ni à l’entrepreneur. Bref, je vous soumets respectueusement que vous n’avez pas juridiction afin d’entendre une preuve et de décider quant à la hauteur de la nappe phréatique puisque cette question ne fut pas décidée par l’Administrateur, n’ayant jamais été dénoncée conformément au règlement. »

[20]    En conclusion, il invite le Bénéficiaire à dénoncer, dans les meilleurs délais, la problématique de la hauteur de la nappe phréatique et de l’humidité excessive alléguées et de déposer une nouvelle réclamation s’il le juge opportun, auprès de l’Administrateur.

Prétentions de l’Entrepreneur

[21]    L’entrepreneur n’a soumis aucun argument et n’a fait aucune représentation au sujet de la demande de suspension du Bénéficiaire malgré le fait qu’il a reçu une copie de toute la correspondance échangée entre le Bénéficiaire, le procureur de l’Administrateur et l’arbitre soussigné.

Autorités, représentations et prétentions supplémentaires du Bénéficiaire

[22]    Les 18 et 19 août 2013, le Bénéficiaire a soumis ses autorités jurisprudentielles et règlementaires, avec ses commentaires au sujet de sa demande de suspension. Le Bénéficiaire les a exposés longuement. Le tribunal arbitral les résume comme suit :

1.    Il devrait avoir le droit de procéder aux expertises additionnelles et, le cas échéant, de les déposer en preuve, hors délai. Il cite à l’appui trois décisions de la Cour d’appel du Québec qui ont renversé des jugements de la Cour supérieure refusant de permettre, selon le pouvoir discrétionnaire de cette cour prévu à l’article 17 du Règlementde procédurecivile (Cour supérieure), le dépôt d’une expertise additionnelle après l’émission du certificat d’état de cause. Dans chacun de ces trois arrêts[1], la Cour d’appel a infirmé le jugement de la Cour supérieure et a permis le dépôt hors délai d’une expertise additionnelle.

2.    Il devrait avoir le droit d’apporter toute modification ou révision à sa demande d’arbitrage aux termes de l’article 48 du Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial et de l’article 199 du Code de procédure civile. Il cite à l’appui un arrêt de la Cour d’appel qui applique l’article 199 CPC : Duchesneau c. Duplessis.[2]

3.    Il devrait aussi avoir le droit de compléter l’exposé de ses prétentions devant le tribunal arbitral selon les articles 199 du Code de procédure civile et l’article 48 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufsdu Centre Canadien d’Arbitrage Commercial.

4.    La procédure devant l’arbitre « en absence de toute décision ou convention peuvent avoir un effet différent, la présente procédure d’arbitrage continue d’être régie par les dispositions du Code de procédure civile. »[3]

5.    Il réplique que l’argument de l’Administrateur, à l’effet qu’il devrait soumettre une nouvelle réclamation auprès de ce dernier se rapportant à un niveau potentiellement excessif de la nappe phréatique par rapport au niveau des semelles des fondations de son bâtiment - est déraisonnable parce qu’il obligerait le Bénéficiaire à débourser des frais additionnels pour faire une nouvelle réclamation; de plus cette nouvelle réclamation auprès de l’Administrateur irait à l’encontre des règles de proportionnalité prévues au Code de procédure civile.

6.     Selon les circonstances, le tribunal arbitralpourrait statuer sur la base de l’équité et non seulement sur la base du droit, aux termes de l’article 116 du Règlement.

7.    La demande de suspension du Bénéficiaire ne causera aucun préjudice à l’Administrateur et le refus de sa demande de suspension ferait pencher la balance des inconvénients en faveur du Bénéficiaire.

Prétentions supplémentaires de l’Administrateur

[23]    Lors de la deuxième audition par voie téléphonique du 26 août 2013, l’Administrateur réplique aux prétentions additionnelles du Bénéficiaire comme suit :

              «1.    Aux termes de l’article 199 CPC - une partie peut amender ses actes de procédure en autant qu’il n’en résulte pas une demande entièrement nouvelle sans rapport avec la demande originale. Dans le cas qui nous occupe, l’amendement au sujet de la nappe phréatique résulterait en une nouvelle demande. Ceci serait illégal étant donné qu’un problème de nappe phréatique n’a jamais été dénoncé, et n’a jamais fait l’objet d’une décision de l’Administrateur.

 

              2.      Le tribunal arbitral ne peut pas faire abstraction que la demande de suspension a été formulée après une journée complète d’audition, que le bénéficiaire a lui-même déclaré lors de cette audition que la nappe phréatique n’est pas en litige et que le rapport d’expertise déjà déposé ne fait aucune référence à la nappe phréatique.

 

              3.      En ce qui concerne la confection et le dépôt tardif d’une expertise additionnelle au sujet des dommages additionnels causés par les constats d’humidité excessive par l’expert du Bénéficiaire, monsieur Chevrolat, effectués immédiatement avant l’audience le matin du 3 juillet 2013, - il plaide             que le Bénéficiaire n’était pas diligent car Il aurait pu la demander lors de la découverte de ce problème potentiel dans le logement du sous-sol, le matin de l’audience. Il ne l’a pas fait et a décidé de procéder à l’audience. Selon l’Administrateur, « Il a fait son lit et maintenant il est trop tard pour suspendre l’instance à cause de ça. » »

 

Analyse et décision

 

La dénonciation écrite du vice, datée du 4 juin 2012

[24]    Un des éléments que le Bénéficiaire doit prouver pour invoquer la réparation d’un vice de construction, aussi appelé un « vice majeur »dans la décision de l’Administrateuret au contrat de garantie, est l’existence d’une dénonciation écrite de ce vice qui doit être transmise à l’Entrepreneur ou à l’Administrateur à l’intérieur d’un délai prévu au paragraphe 10(5) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le « Règlement »). [4] Ce paragraphe énonce ce qui suit :

              «  10.    La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

(1)  …..

 

(2)  ……

 

(3)  ……

 

(4)  ……

 

                            (5)  la réparation des vices de conception, construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. » (Soulignements du tribunal arbitral).

[25]    Il faut se rappeler que cette dénonciation écrite qui est prévue à l’article 10(5) du Règlement déclenche les différentes étapes de la procédure de réclamation auprès de l’Administrateur qui sont décrites à l’article 18 du Règlement.

[26]    Un aspect important de la rédaction de cette dénonciation requise selon 10(5) du Règlementest le fait qu’elle sert de fondement à la rédaction de la décision de l’Administrateur. À la lumière du texte de la dénonciation, la décision de l’Administrateurpeut s’avérer incomplète, soit parce qu’elle ne traite pas de façon complète d’un défaut particulier ou de tous les défauts de construction qui sont allégués dans le texte de la dénonciation. Dans des cas semblables que cetribunal arbitral a déjà eu à traiter à quelques reprises, il a statué que le dossier de réclamation d’un bénéficiaire du plan de garantie devrait être retourné à l’administrateur afin qu’il rende une nouvelle décision afin de compléter sa décision initiale.

[27]    Dans cette cause, une des prétentions du Bénéficiaire à l’appui de sa demande de suspension est que dans sa dénonciation du 4 juin 2012 (pièce A-2 en liasse), il a « clairement dénoncé à l’Entrepreneur et à l’Administrateur une problématique d’accumulation d’eau à l’arrière du bâtiment  ainsi que sur les côtés du bâtiment ». (Voir sa prétentionau sous-paragraphe 8du paragraphe 18 ci-haut).

[28]    Est-ce que cette prétention du Bénéficiaire est exacte?

[29]    Regardons le texte de sa lettre de dénonciation du 4 juin 2012. Dans un premier temps, on peut regarder le texte de la dénonciation envoyée par le Bénéficiaire à l’Administrateur (pièce A-2 en liasse). Cette dénonciation a été rédigée par MeSafaZawahreh, avocate du cabinet LANE, AVOCATS ET CONSEILLERS D’AFFAIRES INC. Il s’agit du cabinet où le Bénéficiairetravaille comme avocat. La dénonciation se lit comme suit :

              « Au cours du mois de mai 2012, préalablement à l’achat de la Propriété susmentionnée, notre client a constaté que cette dernière était affectée de vices de construction graves. Plus particulièrement, notre client a notamment constaté que le drain français du bâtiment de la Propriété avait une pente négative, ce qui a pour effet de retenir une quantité significative d’eau au niveau de la partie arrière et des façades latérales du bâtiment. Nous vous invitons plus particulièrement à prendre connaissance de l’avis de dénonciation écrit que nous avons transmis par huissier à l’entrepreneur Qualimax et dont copie est jointe en annexe des présentes. En outre, la quantité de gravier ayant été posée par Qualimax est insuffisante et/ou n’a pas été posée selon les règles d’art. Il sera nécessaire de procéder à la réfection des pentes du drain français du bâtiment et de la propriété de manière à corriger le problème d’accumulation d’eau, laquelle cause le développement d’ocre ferreux à l’intérieur du drain. »(soulignements de l’arbitre)

[30]    Dans sa lettre de dénonciation adressée à l’Entrepreneuret également datée du 4 juin 2012 (pièce A-2 en liasse), à laquelle elle réfère dans sa lettre de dénonciation précitée à l’Administrateur, MeZawahreh écrit comme suit :

              « Plus particulièrement, notre client, par l’entremise de ses experts,  a constaté entre autres mais sans limiter que la pente du drain français du bâtiment de la Propriété était négative et que cela avait pour effet d’empêcher le drainage complet de l’eau vers l’égout pluvial. L’expert de notre client a notamment constaté une quantité significative d’eau dans le tuyau du drain français du bâtiment de la Propriété.

 

              Cette problématique constitue un vice de construction grave et majeur. Plus particulièrement, cette problématique constitue de manière évidente un vice de construction au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec, donnant ainsi ouverture à l’application de la Garantie.

 

              Tel que vous le constaterez en prenant connaissance du rapport des experts de notre client dont copie est jointe au soutien des présentes en Annexe D, vous constaterez qu’il est nécessaire de procéder aux travaux appropriés visant à corriger la pente négative du drain français du bâtiment de la Propriété. Il sera également nécessaire de nettoyer et/ou de remplacer le drain en raison du fait qu’il est partiellement colmaté par de l’ocre ferreux, dont le développement est favorisé, voir directement causé, par la présence significative d’eau dans le drain qui ne peut normalement s’écrouler vers l’égout pluvial en raison de la pente négative de celui-ci.

 

              En outre, l’expert de notre client a constaté que le gravier sur le dessus de la semelle était manquant et que celui-ci n’avait pas été posé selon les règles de l’art.

 

              À la lueur de ce qui précède, des travaux de réfection du drain français du bâtiment de la Propriété sont donc nécessaires(Tous les soulignements sont faits par le tribunal arbitral.)

[31]    Selon letribunal arbitral, il ressort clairement du texte de ces deux lettres de dénonciation de l’avocate du Bénéficiaire que le vice dénoncé est celui d’un drain français ayant une pente négative.

[32]    Les autres problèmes dénoncés (et qui ne sont pas pertinents pour les fins de cette décision interlocutoire) réfèrent à un problème d’un drain qui est partiellement colmaté par de l’ocre ferreux ainsi qu’à un problème de gravier sur le dessus de la semelle (qui) était manquant et que celui-ci n’avait pas été posé selon les règles de l’art.

[33]    Il est exact que dans sa lettre de dénonciation adressée à l’Administrateur, le Bénéficiaire, par l’entremise de MeZawahreh, fait référence à une «  problématique d’accumulation d’eau à l’arrière du bâtiment ainsi que sur les côtés du bâtiment » (paragraphe 18, sous-paragraphe 8, ci-haut). Cependant, lorsqu’on regarde la phrase complète qui contient cette référence - il est clair que le vice qui fait l’objet de la dénonciation est un drain français mal installé à cause de sa pente négative. Ce que le Bénéficiairedans son argumentation appelle « une problématique d’accumulation d’eau à l’arrière du bâtiment ainsi que sur les côtés du bâtiment » - n’est qu’une manifestation ou une conséquencede ce vice dans la phrase suivante rédigée par MeZawahreh : « Plus particulièrement, notre client a notamment constaté que le drain français du bâtiment de la Propriété avait une pente négative, ce qui a pour effet de retenir une quantité significative d’eau au niveau de la partie arrière et des façades latérales du bâtiment. (Soulignements du tribunal arbitral. ».

[34]    De plus, le tribunal arbitral note que ni la lettre de dénonciation adressée à l’Administrateur, ni celle adressée à l’Entrepreneur et dont copie a été envoyée à l’Administrateur, ne réfèrent à une « problématique d’accumulation d’eau au niveau des semelles de fondations » mentionnée dans les arguments du Bénéficiaire (sous-paragraphe 6 du paragraphe18 ci-haut).

[35]    Selon le tribunal arbitral, la conciliatrice, madame Anne Delage, a bien compris la nature du vice qui a fait l’objet des deux lettres de dénonciation signées par l’avocate du Bénéficiaire et citées ci-haut, soit un drain français comportant une pente négative.

[36]    De plus, ni dans sa demande d’arbitrage, ni dans ses nombreux courriels adressés aux autres parties et au tribunal arbitral en date des 4 juillet 2013, 7 juillet 2013, 19 juillet 2013, 18 août 2013 et 19 août 2013 se rapportant à sa demande de suspension, ni au cours des deux auditions par voie téléphonique des 21 juillet 2013 et 26 août 2013 - le Bénéficiaire n’a mentionné que la décision de la conciliatrice, Anne Delage, était incomplète ou qu’elle devait faire l’objet d’une décision complémentaire.

[37]    En fait, la position du Bénéficiaire, qu’il a répétée de différentes façons dans ses nombreux courriels et lors des deux auditions cités ci-haut est que le 3 juillet 2013, des faits nouveaux ont été portés à son attention. La première série de ces faits nouveaux est reliée à une possible infiltration d’eau au logement locatif situé au sous-sol du bâtiment.Ceci lui a été communiqué par sa locataire, madame Deborah Martin, (qui a témoigné à l’audience) lors de la visite du bâtiment le matin avant l’audience. Ensuite, il y a des nouvelles lectures d’un taux d’humidité excessive le long du mur arrière du bâtiment prise dans le logement du sous-sol par l’expert Chevrolat lors de la même visite.

[38]    Le deuxième fait nouveau allégué par le Bénéficiaireest la possibilité que le niveau de la nappe phréatique soit supérieur au niveau des semelles de la fondation. Voici comment le Bénéficiaire décrit lui-même ce deuxième fait nouveau dans son courriel du 7 juillet 2013 :

              « Toutefois, en écoutant le témoignage de monsieur Guertin ayant été rendu lors de l’audition, j’ai constaté que monsieur Guertin avait fait part devant le tribunal du fait que le niveau de la nappe phréatique, au moment d’effectuer l’expertise en mai 2012, semblait ou était supérieur au niveau des semelles de fondations. Plus particulièrement, en prenant connaissance du croquis préparé par monsieur Guertin, j’ai constaté que le niveau de la nappe phréatique semblait supérieur au niveau des semelles de fondations de mon bâtiment.

 

              Le fait que le niveau de la nappe phréatique puisse être supérieur au niveau des semelles de fondations, causant ainsi l’accumulation d’eau dans une partie du drain, constitue en soi un vice majeur, en sus de la pente négative du drain français. »(Soulignement du Bénéficiaire.)

 

[39]    Tel que reconnu par le Bénéficiaire lui-même, ce deuxième fait nouveau est potentiellement un deuxième vice de construction majeur. Selon le tribunal, il est clair que ce vice n’a jamais été dénoncé par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, tel que l’exige le paragraphe 10 (5) du Règlement, avant la transmission du courriel du Bénéficiaire du 4 juillet 2013, le lendemain de l’audience du 3 juillet 2013, dans le cadre de sa demande de suspension de l’instance. De plus, ce deuxième vice majeur potentiel n’a jamais été l’objet d’une décision de l’Administrateur.

[40]    Le Bénéficiaire tente d’éviter de faire une nouvelle dénonciation qui pourrait être suivie d’une nouvelle réclamation à l’Administrateur de ce qui pourrait constituer un deuxième vice majeur (une nappe phréatique trop haute) en invoquant divers arguments (fondés sur l’article 48 du Règlement du CCAC, l’article 199Cpc et la jurisprudence de la Cour d’appel) à l’appui de son droit de déposer une nouvelle expertise hors délai concernant ce deuxième vice majeur potentiel, et son droit d’amender sa demande d’arbitrage initiale ainsi que ses prétentions. Toutefois, tous ces arguments ne peuvent pas être accueillis en l’absence d’une dénonciation écrite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur qui est exigée par le paragraphe 10(5) du Règlement. Comme on le sait, le Règlementest d’ordre public.

[41]    Conséquemment, le tribunal arbitraln’a pas la compétence pour permettre au Bénéficiaire d’amender la dénonciation initiale du 4 juin 2013 afin d’y ajouter un nouveau vice majeur potentiel.

[42]    Pour ces raisons, le tribunal arbitralconclut qu’il n’autorise pas le dépôt d’une nouvelle expertise additionnelle concernant ce vice majeur potentiel qui n’a jamais été valablement dénoncé. Ce motif pour suspendre l’instance est donc rejeté.

Demande de suspension visant le dépôt d’une nouvelle expertise quant aux dégâts

Expertise additionnelle concernant les dommages

[43]    Une autre raison que le Bénéficiaire invoque à l’appui de sa demande de suspension de l’instance, est son désir de produire en preuve un nouveau rapport d’expert qui déterminerait l’étendue et l’ampleur des dommages causés par l’accumulation d’eau dans une partie de son drain français.

[44]    Il justifie la pertinence de cette expertise additionnelle par le fait que la conciliatrice, madame Anne Delage, a rejeté sa réclamation, particulièrement sur l’absence de dommage(s). Voici comment il décrit sa prétention :

              « Considérant que l’administrateur se fonde particulièrement sur l’absence de dommages pour refuser ma demande de réclamation, il va de soi que je suis fondé à demander au tribunal de m’autoriser à produire un rapport d’expertise additionnelle afin de déterminer l’étendue et l’ampleur des dommages causés par l’accumulation significative d’eau dans une partie substantielle de mon drain.  »

[45]    Il invoque essentiellement les mêmes arguments pour obtenir la permission à produire cette expertise additionnelle que ceux qu’il a exposés pour l’expertise additionnelle visant la nappe phréatique : la découverte de faits nouveaux lors de la visite des lieux le matin de l’audience, sa diligence, les articles 48 du Règlement du CCAC et 199 Cpc.

[46]    Tout d’abord, le tribunal arbitral souligne que le Bénéficiaire aurait pu découvrir ces« faits nouveaux » plusieurs jours avant l’audience. Selon le témoignage de sa locataire, madame Deborah Martin, entendu à l’audience du 3 juillet 2013, l’infiltration d’eau possible qui constituerait un fait nouveau est survenue à peu prèsun mois avant la date de l’audience. Pourquoi le Bénéficiairen’a pas questionné sa locataire à ce sujet lors de la préparation de sa causeavant l’audience du 3 juillet 2013? S’il l’avait fait, il aurait pu également en discuter avec ses experts avant l’audience. Toutefois, cette incurie de la part du Bénéficiaire ne lui est pas fatale.

[47]    Le tribunal arbitral constate que le Bénéficiairea été très diligent après la découverte de ce fait nouveau pour demander la permission du tribunal de produire une expertise additionnelle au sujet des dommages potentiels. Il a demandé cette permission au tribunal arbitral, le lendemain du jour de l’audience et plusieurs fois par la suite jusqu’au 26 août 2013.


 

[48]    Vu la possibilité que cette expertise additionnelle pourrait être pertinente aux éléments d’un vice visé par le paragraphe 10(5) du Règlement et qui fait déjà l’objet de la dénonciation par le Bénéficiaire et de la décision de l’Administrateur à son sujet et vu la diligence du Bénéficiaire à demander l’autorisation de la produire,le tribunal lui permettra de la produire dans les limites suivantes :

       a)    Cette expertise additionnelle des dommages au bâtiment devra se limiter à ceux causés par une installation fautive du drain français, particulièrement le long du mur arrière du bâtiment où, selon le témoignage de madame Deborah Martin, tel qu’illustré par le croquis (pièce B-1), elle a découvert des traces  d’eau sur le plancher;

       b)    Le Bénéficiaire devra fournir un préavis écrit d’au moins dix (10) jours de calendrier à l’Administrateur et à l’Entrepreneur afin de permettre à leurs propres représentants etexperts d’être présents et d’effectuer leur propre inspection lors de l’inspection de l’expert du Bénéficiaire;

       c)    Advenant que l’expert du Bénéficiaire a déjà procédé à une telle inspection avant la réception par le Bénéficiaire de la présente décision, l’Administrateur et l’Entrepreneur auront le droit d’effectuer une inspection semblable par leurs propres représentants ou expertsau bâtiment du Bénéficiaire, après un préavis de 10 jours de calendrier au Bénéficiaire;

       d)    Le Bénéficiaire, l’Administrateur et l’Entrepreneur auront 60 jours de calendrier de la date de cette décision afin de communiquer aux autres parties et au soussigné la ou les expertises qui suivront les visites d’inspection précitées,lesquelles ils ont l’intention de produire en preuve.

[49]    Finalement, le tribunal arbitral note qu’à la lumière de sa décision au sujet de cette expertise additionnelle concernant les dommages, il n’a plus besoin d’analyser les autres prétentions des partiesà ce sujet.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ARBITRAL :

 

REJETTEla demande du Bénéficiaire de déposer en preuve toute expertise visant la proximité excessive de la nappe phréatique aux semelles des fondations du bâtiment du Bénéficiaire;

ACCUEILLElademande du Bénéficiaire de suspendre l’instance arbitrale jusqu’à ce que le Bénéficiaire, l’Administrateur et l’Entrepreneur aient la possibilité de communiquer entre eux et au tribunal arbitral les rapports de leurs experts respectifs conformément  aux conditions décrites ci-dessous.

DÉCLARE quesi l’expert du Bénéficiaire n’a pas inspecté le bâtiment du Bénéficiaire afin de rédiger son rapport concernant les dommages au bâtiment de ce dernier causés par une ou des infiltrations d’eau possibles résultant d’une installation fautive du drain français, en date du 22 novembre 2013, le Bénéficiaire devra aviser par écrit l’Administrateur et l’Entrepreneur 10 jours de calendrier avant la date prévue d’une telle inspection afin de permettre à leurs propres experts et représentants d’être présents et de procéder à leurs propres inspections semblables du bâtiment du Bénéficiaire;

DÉCLAREque si l’expert du Bénéficiaire a déjà effectué une telle inspection le ou avant le 22 novembre 2013, le Bénéficiaire devra permettre aux experts de l’Entrepreneur et de l’Administrateuraprès un préavis de 10 jours de calendrier de procéder à leurs propres inspections de son bâtiment qu’ils pourraient juger nécessaires, afin de préparer leurs propres rapports au sujet des dommages précités au bâtiment du Bénéficiaire;

DÉCLAREque le Bénéficiaire aura jusqu’au 15 janvier 2013 pour communiquer aux autres parties et au tribunal arbitral le rapport de son expert visant les dommages précités à son bâtiment;

RÉSERVEà l’Entrepreneur et à l’Administrateur le droit de communiquer au Bénéficiaire et au tribunal arbitral les rapports de leurs propres experts concernant le même sujet à l’intérieur des 40 jours de calendrier suivant la réception du rapport de l’expert du Bénéficiaire;

DÉCLAREque les procédures arbitrales, et particulièrement le déroulement de l’audience au sujet de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire découlant de la décision de l’Administrateur du 10 décembre 2012 devront se poursuivre rapidement après la communication des expertises précitées ou après la communication par leBénéficiaire, l’Entrepreneur ou l’Administrateur de leurs choix respectifs de s’abstenir à communiquer et, le cas échéant, à déposer en preuve ultérieurement une telle expertise;

Frais d’arbitrage à suivre.

 

 

Montréal, le 22 novembre 2013

 

 

 

 

 

 

Me ALBERT ZOLTOWSKI

Arbitre 

 



[1]        -     Modes Strivainc. c. Banque nationale du Canada, 2002 CanLII 34212 (QC CA)

-          Roy c. Julien, 1991 CanLII 3898 (QC CA)

-          Duchesneau c. Duplessis 2013 ACCA 1349 CanLII

[2]              Cité à la note 1.

[3]           Poulin et Société immobilière Canpizltée, 2004 CanLII 58601 (Qc OAGBRN)

[4]              R.Q.c. B-1.1, r.0.2