Le 19 janvier 2006
ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT
SUR LE PLAN DE GARANTIE DES
BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Monsieur Jacques E. Ouellet Arbitre
Organisme d’arbitrage autorisé par
La Régie du bâtiment du Québec
SORECONI
(Société pour la résolution des conflits inc.)
Dossier numéro PG 050914001
Madame Marie-Claude Bellemare et Monsieur Claude Martineau-Boucher
Bénéficiaires appelants
ET
Construction Réal Maltais Ltée
Entrepreneur intimé
ET
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ
Administrateur du plan de garantie
Mise en cause
APPEL DE LA DÉCISION DE L’ADMINISTRATION DU PLAN DE GARANTIE
DÉCISION DE L’ARBITRE
IDENTIFICATION ET REPRÉSENTANTS DES PARTIES
Pour les appelants
Pour l’entrepreneur intimé
Pour l’administrateur du plan |
Madame Marie-Claude Bellemare Monsieur Claude Martineau-Boucher 5688, ave. Christophe-Colomb, Condo C, Montréal (Québec) H2S 2G1
Monsieur Réal Maltais Construction Réal Maltais Ltée, 328, rue De Champs, Boucherville (Québec) J4B 6N7
Me Luc Séguin, Savoie Fournier, Avocats, Madame Joanne Tremblay, Inspecteur-conciliateur, 5930, boul. Louis-H. Lafontaine, Anjou (Québec) H1M 1S7 |
MANDAT
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI en date du 14 octobre 2005. D’emblée, les parties reconnaissent que l’arbitre aura à statuer sur l’unique décision apparaissant au Rapport de décision de Mme Joanne Tremblay, Inspecteur conciliateur au Service d’inspection et de conciliation de l’Administrateur du plan, en date du 24 août 2005, soit :
1 - Gondolement des planchers de bois franc.
HISTORIQUE DU DOSSIER
7 juin 2002 - Acte de vente impliquant les premiers propriétaires.
23 mai 2003 - Acte de vente impliquant les propriétaires appelants.
4 octobre 2003 - Première dénonciation d’un gondolement de plancher (corridor), des bénéficiaires appelants à Construction Réal Maltais Limitée.
25 octobre 2003 - Demande de réclamation des bénéficiaires appelants.
9 mars 2004 - Rapport d’inspection non déterminante, considérant le temps de l’année.
19 octobre 2004 - Rapport d’inspection favorable aux appelants, l’entrepreneur intimé devant d’abord effectuer certains travaux correctifs. Advenant que le problème persiste, les planchers devront être remplacés.
5 juillet 2005 - Les bénéficiaires dénoncent l’échec des réparations effectuées et demandent que les planchers soient remplacés.
24 août 2005 - Décision supplémentaire de l’inspecteur conciliateur, constatant amélioration, et rejetant la réclamation des appelants.
14 septembre 2005 - Demande d’arbitrage des bénéficiaires.
14 octobre 2005 - Nomination de l’arbitre.
26 octobre 2005 - Visite des lieux
28 novembre 2005 - Audition
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
Les parties présentes ne formulent aucune objection quant à la recevabilité de la demande d’arbitrage, ainsi qu’à la nomination du soussigné comme arbitre.
Des témoins seront présentés pour les bénéficiaires ainsi que pour l’administrateur du plan. L’appelante, Me Marie-Claude Bellemare, agira comme procureur en cette instance.
L’arbitre entendra la preuve et les arguments des parties. Il statuera conformément aux règles de droit; il fera aussi appel à l’équité si les circonstances le justifient.
VISITE, PREUVE ET ARGUMENTATION
[1] Les bénéficiaires étant les demandeurs, ils sont invités à présenter leur preuve.
[2] Toutefois, le procureur de l’administrateur annonce qu’il soulèvera des objections sur les opinions qu’énoncera M. Roger Huard en tant que témoin appelé par les bénéficiaires.
[3] Il enchaîne en signalant que M. Huard est formateur pour l’APCHQ, pour les planchers de bois francs. Il se dit surpris qu’il soit ainsi appelé à comparaître par les bénéficiaires.
[4] Appelé, M. Huard confirme d’abord son rôle auprès de l’administrateur.
[5] Dans l’instance qui nous occupe, il dit avoir accompagné deux (2) fois en tant qu’expert, Mme Joanne Tremblay, soit en décembre 2004 et ensuite en août 2005.
[6] Lors de la visite de décembre 2004, il rencontra le bénéficiaire, M.Boucher.
[7] M.Huard dit avoir constaté plusieurs facteurs pouvant avoir agi dans la situation. Par ailleurs, il ajoute n’avoir pas mesuré l’humidité du ciment; ce à quoi l’entrepreneur intimé s’objecte en affirmant qu’il n’y avait pas de ciment dans cet édifice.
[8] Répondant à une question, le témoin confirme qu’à première vue, le plancher semblait avoir gondolé. Il s’était formé des vallons, par en bas, dit-il, et une personne d’un certain poids pouvait faire bouger le plancher.
[9] Le témoin dit ne pas avoir constaté des espacements entre les lattes du plancher, mais que «c’était très serré.» Le «plywood » ayant absorbé beaucoup d’humidité, le plancher peut plier facilement.
[10] Enfin, le témoin affirme qu’uniquement un haut niveau d’humidité eût pu causer le gondolement du plancher; signalant qu’il s’agit d’un plancher flottant et qu’il y eût peu d’expansion du plancher à cause de la présence de céramique sur celui-ci.
[11] M. Huard termine en disant qu’il recommande en tout temps, à l’année, un taux d’humidité de 40% à 50%, dans une maison.
[12] Invité à témoigner, l’appelant, M. Claude Martineau-Boucher, débute en disant être en arbitrage aujourd’hui, car ils ont des problèmes avec leurs planchers; beaux en hiver, mais non en été.
[13] Il enchaîne, utilisant une vidéocassette, pour illustrer les vibrations dues au gondolement du plancher, lorsqu’une personne de poids normal y marche. Si elle sautille, des objets à proximité bougent. Il signale que le problème se manifeste dans la partie la plus utilisée de l’appartement, sauf dans la cuisine où tout est correct.
[14] L’appelant rappelle l’historique des évènements, du moment où ils se portèrent acquéreurs, jusqu’au 5 juillet 2005 alors qu’ils firent part à l’administrateur que les planchers de leur copropriété avaient recommencé à gondoler, malgré les travaux de dégagement effectués.
[15] Faisant référence au rapport émis le 19 octobre 2004, les appelants disent comprendre «que les planchers devront donc être remplacés.»
[16] Les bénéficiaires appellent M. Richard Forcier à témoigner en qualité d’expert. Celui-ci établit ses qualifications à la satisfaction des parties.
[17] Le témoin enchaîne en précisant qu’Il avait fait sa visite d’expertise le 20 octobre 2005, et émis son rapport quelques jours plus tard.
[18] Il dit avoir effectué des lectures d’humidité relative dans les diverses pièces de la copropriété, utilisant un appareil pour professionnel. A ce moment-là, les mesures obtenues se situaient autour de 50-52°. Il émet l’opinion que les planchers peuvent «survivre», entre 55 et 60°. Considérant, à son avis, que le Québec est une région humide, il croit qu’il est quasi impossible de maintenir l’humidité relative à 40-45°, à l’année longue.
[19] Le témoin expert affirme avoir constaté plusieurs défauts. A son avis, la source du problème ici est plutôt la pose, La grande majorité des lames sont concaves, dans toutes les pièces du condo. Le plancher a pris beaucoup d’expansion dans tous les sens.
[20] Il est évident pour lui que le plancher a subi un stress énorme à cet endroit; comme s’il y avait eu là un important déversement d’eau.
[21] A certains endroits, le plancher est faible. Il lui semble probable que les baguettes sous le revêtement soient trop espacées.
[22] Répondant à une question à savoir si les planchers pouvaient être réparés, le témoin avance tout d’abord l’opinion à l’effet que les travaux faits par Construction Perreault furent inutiles, ayant été exécutés trop tard.
[23] Interrogé à savoir si la majorité des gens utilisait des déshumidificateurs, il affirme que c’est une faible proportion.
[24] Enfin, il réitère que la technique de pose a contribué beaucoup, mais que ce n’est pas l’unique facteur. Il demeure convaincu qu’une très grande quantité d’humidité a pénétré cet endroit.
[25] Intervenant en contre interrogatoire, le procureur représentant l’administrateur, s’enquiert d’abord auprès du témoin au sujet des conditions existantes lors de la pose. Affirmant d’abord qu’il n’était pas présent à ce moment-là, il répète tout de même que le revêtement a subi un stress d’eau important.
[26] Le procureur rappelant au témoin qu’aux pages 7 et 14 de son rapport il fait référence aux baguettes sous le revêtement du plancher, il lui demande s’il les a vues. Le témoin dit non; il n’a pas fait d’ouverture pour voir. Il croit qu’elles sont probablement trop espacées. Même chose pour les fourrures.
[27] L’entrepreneur intervenant à son tour, s’enquiert auprès du témoin, à savoir pourquoi celui-ci n’avait pas fait de tests sous le plancher et vérifier les lattes de plywood.
[28] Enchaînant, il émet l’opinion que la cause du problème est l’air ambiant trop chaud de la maison, maintenu à des degrés trop élevés.
[29] Les bénéficiaires demandent à interroger l’entrepreneur. Ils lui demandent d’abord combien de temps le bois pour les planchers demeure en entrepôt, avant la pose. Réponse; 5 à 6 jours. Il ajoute qu’il recommande un taux d’humidité de 50 - 55°. Enfin, l’entrepreneur admet qu’il a eu un problème avec les fourrures au sous-sol; elles n’étaient pas clouées, ajoutant qu’elles le furent chez les appelants.
[30] Le procureur de l’administrateur du plan invite Mme Joanne Tremblay à témoigner. Après avoir établi ses qualifications, elle relate que les appelants firent parvenir une Demande en réclamation le 25 octobre 2003. Elle fut reçue chez l’administrateur le 19 novembre 2003. L’unique dénonciation avait trait au bombement des planchers; rien d’autre.
[31] Elle fait une inspection le 2 mars 2004 et, dans son rapport du 9 mars suivant, elle indique qu’elle ne pouvait pas rendre une décision éclairée à ce moment-là, vu que les problèmes se manifestaient principalement au printemps et à l’été.
[32] Elle retourne le 24 août suivant. Elle constate alors des bombements prononcés au salon et à la salle à manger. Des travaux sont faits en février et mars suivant. Elle recommande de baisser le taux d’humidité.
[33] Le 18 août 2005, lors d’une inspection supplémentaire, elle constate que rien, à son avis, ne méritait des correctifs. Elle émet un rapport en conséquence.
[34] En argumentation, les bénéficiaires affirment que leurs planchers ne sont pas adéquats et que ce n’était pas dû à leur gestion du taux d’humidité. Deux (2) experts ont constaté que ce n’était pas acceptable. D’autres copropriétaires ont les mêmes problèmes.
[35] Leurs planchers ne peuvent plus se replacés. Ils ne servent pas les fins pour lesquelles ils ont été faits.
[36] Ils disent que cet état de fait est inacceptable. Les mesures correctives proposées par l’administrateur ne furent pas satisfaisantes.
[37] Les appelants exigent le remplacement complet des planchers, à une date à leur convenance. Ils exigent aussi le relogement durant les travaux; les frais de l’arbitrage et des experts devant être à la charge de l’administrateur du plan, même s’ils n’obtiennent pas gain de cause.
[38] L’entrepreneur, pour sa part, affirme qu’il est faux qu’il ne voulait pas faire les travaux exécutés par Construction Perreault. Il souffrait alors d’une hernie discale. Enfin, il dit que, s’il devait remplacer les planchers, ce ne serait pas des planchers flottants.
[39] D’abord, le procureur de l’administrateur demande que l’arbitre ne tienne pas compte de la décision de la Cour du Québec, du 3 août 2004, donnant en grande partie raison au demandeur, Michel Faucher, dans une cause l’opposant à Groupe Maltais (97) Inc..
[40] En outre, en référence à la pièce A.6 du cahier de pièces de l’administrateur, il affirme qu’aucune preuve n’a été faite à l’effet que le plancher gondolait avant la prise de possession du condominium par les appelants.
[41] Il considère que le témoignage de M. Huard n’est pas pertinent. La méthode de correction employée est permise. Elle ne viole aucune norme et ce fut confirmé par l’expert M. Forcier.
[42] Les décisions de Mme Tremblay furent constantes pour mentionner que le taux d’humidité devait se situer à 40° et non autour de 59°. A son point de vue, les légers bombements sont dus à ce facteur.
[43] Enfin, il dit que le témoin Forcier émet beaucoup d’hypothèses, alors qu’il doit être factuel. Il ne put donner les causes des problèmes; il ne peut pas dire si les espacements des lattes étaient adéquates ou non.
[44] En conclusion, il affirme qu’il n’y a pas de problèmes, si le taux d’humidité relative est maintenu à
40°. Et il réitère que le témoin Huard n’est pas un expert et qu’ainsi, il s’objecte au paiement de ses factures, advenant que celles-ci soient éventuellement présentées à l’arbitre en conformité avec l’article 124 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
DÉCISION
[45] Dans un premier temps, je tiens à disposer des arguments de l’administrateur. D’abord, je ne retiens pas sa demande de ne pas tenir compte de la décision de la Cour du Québec. Ce document fut déposé de façon régulière par les appelants et je me dois de le considérer. Il m’appartient de décider si je m’en inspire ou non.
[46] Considérant l’opinion qu’aucune preuve n’avait été faite à l’effet que le plancher gondolait avant la prise de possession, je partage l’avis de l’administrateur. Il s’agit de ouï-dire.
[47] Le témoignage de M. Huard est pertinent en bonne partie, tout en reconnaissant ses faiblesses.
[48] Il est vrai que le témoin Forcier émet des hypothèses. Néanmoins, plusieurs sont valables, et il le démontre en puisant dans sa grande expérience. Sa contribution est valable.
[49] Valable aussi fut la visite des lieux effectuée le 26 octobre 2005. Bien que spectaculaire, la démonstration que fit l’appelant, permit de bien reconnaître les problèmes.
[50] Il illustra que, considérant que le plancher était décollé, en marchant ou en sautillant, on pouvait voir le plancher vibrer, monter et descendre, causant des vibrations pouvant faire tomber des objets reposant sur une bibliothèque ou une armoire.
[51] L’entrepreneur, M. Maltais, voulut expliquer comment les planchers avaient été réalisés. D’abord, il n’y a pas de dalles installées. Il s’agit d’un plancher flottant, sur lequel sont mises des planches et «un genre de foam». Ensuite, des lattes de 15 pouces sont posées sur cette base, sans attaches, dans le sens de la largeur des pièces du condominium, espacées les unes des autres d’une quinzaine de pouces. Les fourrures viennent ensuite mais dans le présent cas, elles furent fixées. Enfin, les lattes de bois franc sont installées.
[52] Enfin, ayant considéré les éléments de preuve de chacun et leurs plaidoyers, je considère que la demande des bénéficiaires appelants est bien fondée et mérite d’être soutenue.
[53] Ils se sont acquittés de l’obligation qu’ils avaient de présenter une preuve prépondérante et probante.
[54] Par ailleurs, je considère que l’administrateur du plan a démontré une inconstance à tout le moins difficile à justifier.
[55] Suite à ses inspection du 24 août et 4 octobre 2004, l’inspecteur conciliateur, après avoir ordonné à l’entrepreneur des travaux spécifiques, ajoute, et je cite :
«Advenant que les bombements se produisent à nouveau l’an prochain, une fois les correctifs ci-haut mentionnés effectués, l’entrepreneur devra apporter le correctif final, tel que déjà recommandé par l’architecte Ivan Mireault, à savoir procéder au remplacement complet des planchers, en installant des supports de planchers fixés mécaniquement à la dalle de béton, avant d’être recouvert idéalement d’un support de revêtement de 5/8 po. et bouveté.»
[56] Par contre, suite à son inspection supplémentaire du 10 août 2005, l’inspecteur conciliateur, Mme Tremblay, affirme dans son rapport du 24 août suivant, qu’elle avait constaté une amélioration considérable et qu’il n’y avait pas d’atteinte à la qualité de vie.
[57] Pensant autrement, les bénéficiaires formulent une demande d’arbitrage le 14 septembre 2005, et indiquent au formulaire de demande d’arbitrage, page 2, «les planchers de bois franc gondolent au cours de l’été et de l’automne malgré des réparations effectuées par l’APCHQ.»
[58] A leur avis, les témoignages et autres éléments de preuves justifient d’en revenir à la décision première de l’administrateur du plan, tel que formulée par l’inspecteur conciliateur.
En conséquence :
§ l’arbitre soussigné ordonne à l’entrepreneur intimé de refaire, dans les prochains trente (30) jours, les planchers défectueux au domicile des appelants, à des dates que ceux-ci lui indiqueront, à moins qu’ils ne s’entendent autrement;
§ il confirme que les coûts d’arbitrage sont à la charge de l’administrateur;
§ il statue que les frais d’expertises de Plancher Expertise R. Forcier sont raisonnables et pertinents;
§ il reconnaît l’argument du procureur de l’administrateur s’opposant à ce que les frais d’expertise réclamés pour le témoin M. Huard soient à la charge de l’administrateur.
Montréal, 19 janvier 2006
Jacques E. Ouellet, arbitre
RÉSUMÉ - Les bénéficiaires appelants contestèrent la décision rendue par l’administrateur du plan, celui-ci alléguant que les appelants avaient mal géré le contrôle de l’humidité relative dans leur unité résidentielle. A son avis, les appelants étaient responsables des gondolements et rétrécissements de leurs planchers. Les appelants soutenaient que la source de tous les problèmes était plutôt la mauvaise conception de ce plancher flottant; son installation déficiente et des réparations inadéquates. L’arbitre ordonne que le plancher soit refait.