ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment .

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

ENTRE •

Syndicat de la copropriété Quartier Gareau 3420 à 3454

(ci-après le « bénéficiaire »)

ET

Quartier Gareau inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

ET

Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc., ès qualités d'administrateur provisoire du plan de garantie autrefois administré par La Garantie Habitation du Québec inc.

(ci-après administrateur »)

N O dossier QH : 101935-12606

N O dossier GAMM : 2020-08-05

SENTENCE ARBITRALE


 

Arbitre :     M. Claude Dupuis

Pour le bénéficiaire :    Me Marc Charland

Pour l’entrepreneur :    Me Harold Rousselle

Pour l’administrateur :    Me Carl Huard

Visite des lieux :    Le 24 novembre 2020

Audience :      À Longueuil, le 24 novembre 2020

Date de la sentence :    Le 30 décembre 2020

 

I : INTRODUCTION

[1] Il s'agit ici d'un syndicat de copropriété administrant douze unités d'habitation situées en Montérégie.

[2]              L'actuel différend concerne l'état des escaliers extérieurs, dont quatre sont situés à l'avant et trois à l'arrière; à toutes fins pratiques, ces trois derniers ont particulièrement retenu l'attention dans le présent dossier.

[3]              L'état des dix colonnes ou supports des escaliers extérieurs est principalement mis en cause.

[4]              Il a été admis que la date de fin des travaux est le 29 avril 2014 et que la réception des parties communes a été complétée le 16 juin 2017.

[51 Une lettre du syndicat, datée du 3 mai 2020, est à l'origine du présent litige. En voici un extrait .

Saint Hubert, le 03 mai 2020

Quartier Gareau inc. M. Patrice St-Pierre

1981, Bernard-Pilon

Beloeil (Québec) J3G 4S5

Objet : Demande d'information de conception des balcons, escaliers et la durabilité d'une installation des mains courantes.

Monsieur,

Suite à un problème qui a été décelé par une phase du Quartier Gareau par rapport aux supports, stabilité et durabilité des balcons voir ci-dessous les photos en référence. Le syndicat de la copropriété Quartier Gareau 3420 à 3454 fait la demande à Quartier Gareau inc. de nous clarifier les questions ci-dessous étant donné que les propriétaires et les utilisateurs sont dans un danger ou risque s'il y a de possibles déficiences de conception ou construction par rapport aux balcons.

[photos]

Nous vous demandons de nous faire parvenir et nous clarifier les suivants points, car nous trouvons que possiblement il y a un problème de durabilité et conception :

Les détails de structure, joints d'attachement, dessins et spécifications de conceptions de balcons?

2.                    Détails de construction entre la bâtisse et les balcons?

3.                    S'il y a eu des changements des matériaux pour supporter les colonnes de balcons. Veuillez nous clarifier

4.                    S'il y a eu des changements de conception pendant la réalisation du projet en lien avec les balcons et sa structure portante? Veuillez nous clarifier.

5.                    Est-ce les balcons supportent les escaliers?

6.                    Est-ce que les colonnes sont des supports pour les balcons?

7.                    Quel est le poids, la charge que les balcons peuvent supporter?

8.                    Est-ce que les colonnes sont bien installées selon les règles de l'art?

[sic]

[…]

[6] Copie de cette lettre a également été adressée à l'administrateur.

[7]              À sa face même, cette lettre ne constitue pas une réclamation au sens de l'article 34 du plan de garantie. Comme l'indique l'objet de cette lettre, il s'agit plutôt d'une demande d'information adressée à l'entrepreneur.

[8]              On ne connaît pas les motifs, mais l'administrateur a traité cette lettre comme étant une réclamation au sens du plan de garantie. Il a donc produit un rapport de conciliation en date du 19 juin 2020. En voici quelques extraits

 Commentaires du représentant du syndicat au moment de l'inspection

Le représentant du syndicat nous mentionne qu'il n'a pas remarqué d'affaissement des balcons arrière, mais qu'il y a un garde-corps qui n'offre plus un bon support latéral. Il nous mentionne que la situation qui a provoqué la dénonciation est sur un bâtiment plus loin dans le développement qui doit changer les appuis des colonnes. Enfin, le représentant nous mentionne que le syndicat du 3700 à 3734 Gareau n'a plus de garantie depuis quelques années donc ils ne vont pas dénoncer la situation.

 

  Constations du conciliateur

Lors de notre visite, nous avons fait les observations suivantes

> Les balcons arrière sont faits de fibre de verre sur des colonnes en aluminium carré de 5-114x5-114. Les colonnes sont appuyées sur un mur de soutènement en bois massif de 6x6.

> La largeur des balcons est de 9pi.

[photos]

> Plusieurs colonnes ne sont pas appuyées sur les 4 faces.

Sous les colonnes, il y a une plaque d'appui. [photos]

En façade, il y a un garde-corps qui n'est pas bien fixé, car des vis sont dans une fente du mur de soutènement. [photos]

Au bâtiment 3702 boul. Gareau, le bois de mur de soutènement semble avoir été endommagé par l'eau. Des poteaux temporaires ont été installés. [photos]

  Décision

Considérant que le bâtiment a été inspecté par l'ingénieur Gary Bloomfield le 16 juin 2017 et qu'aucune malfaçon n'a été observée quant à la méthode d'installation (voir Note B)

Considérant que les dénonciations portent sur des questionnements et des demandes d'informations ,

Considérant qu'aucun désordre structural n'a été observé ,

La situation n'ayant pas été découverte dans l'année suivant la réception des parties communes et dénoncée par écrit à l'entrepreneur et à La garantie Qualité Habitation dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte, nous devons nous prononcer dans le cadre d'un vice caché au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil du Québec et selon l'article 6.4.2.4 du contrat de garantie obligatoire de condominium.

[…]

Or selon ce qu'il nous a été possible de constater lors de notre inspection, le point constaté n'atteint pas le degré de gravité du vice caché qui serait de nature à nuire de manière importante à l'utilité du bien concerné.

[…]

[9] Je rappelle que la juridiction de l'arbitre consiste à confirmer ou infirmer la décision de l'administrateur, lequel conclut que la situation présente « ... n'atteint pas le degré de gravité du vice caché...

[10] En cours d'enquête, les personnes suivantes ont témoigné

M. Gustavo Lozano, copropriétaire

  M. Raymond Richard, ingénieur

M. Pierre Chiasson, courtier immobilier et contracteur

[11] Les parties ont accordé au soussigné un délai de soixante (60) jours à compter de la date d'audience pour rendre sentence dans la présente affaire.

[12] À l'appui de leur argumentation, les procureurs ont déposé les documents suivants .

Pour l'administrateur .

Syndicat de copropriété du 900 Laval, M. François Gagnon, es qualité c. Les

Maisons Zibeline Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de I'APCHQ Inc. , sentence arbitrale rendue le 29 octobre 2005 par M. Alcide Fournier (SORECONI).

Mme Madeleine Roy, M. Jacques Roy c. Les Constructions Denis Bourgault Enr.

et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de I'APCHQ Inc. , sentence arbitrale rendue le 21 novembre 2005 par M. Alcide Fournier (SORECONI).

Michel Poirier, Madeleine Lupari c. Construction Lamtel Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de I'APCHQ Inc. , sentence arbitrale rendue le 21 décembre 2005 par M e Marcel Chartier (SORECONI).

Syndicat des copropriétaires Le Mir c. 9264-8476 Québec inc. et Garantie construction résidentielle (« GCR »), sentence arbitrale rendue le 27 août 2019 par M e Jean Philippe Ewart (SORECONI).

Pour le bénéficiaire .

Construction G.M.R. inc- c. Syndicat des copropriétaires du 521 de Cannes à

Gatineau (2018 QCCA 129).

G.M.R. inc. (2016 QCCQ 1 1 1).

Syndicat des copropriétaires Lofts Chevrier 4474390 c. 9201-0776 Québec Inc.

(2016 CanLll 60547).

Pour l'entrepreneur .

Construction Dompat inc. c. Société des vétérans polonais de guerre du

Maréchal J. Pilsudski inc. (2019 QCCA 926).

Il : DÉCISION ET MOTIFS

[13]        La visite des lieux n'a pas démontré que les escaliers extérieurs étaient dans un état de décrépitude.

[14]        Certes, il y avait à certains endroits, sur les murs et les supports de colonnes des escaliers, de la moisissure sur le bois. Il a été mis en preuve que le bois utilisé pour le support des escaliers était de la pruche du Canada; les caractéristiques de cette essence, décrites dans un document déposé en preuve par l'entrepreneur, n'ont pas été critiquées.


[15]        Au cours de la visite, l'ajustement des pieux avec certaines colonnes d'aluminium à l'aide d'une pièce en bois pouvait apparaître bizarre, de même que la présence de certaines bases de poteaux en aluminium décentrées sur le mur, causant un porte-à-faux d'environ 2 pouces par rapport à la base de la plaque de la colonne de 6 pouces.

 

[16]          Cette visite des lieux a été relativement courte.

[17]          D'entrée de jeu, cette visite nous éloigne de la position du syndicat dans ce dossier à l'effet qu'il existe un risque de perte de l'ouvrage.

[18] En introduction, nous avons noté que la réclamation du syndicat dans le présent dossier consistait en une demande d'information.

[19]        Toutefois, une soumission préparée par M. Pierre Chiasson en date du 19 octobre 2020, en vertu de laquelle le syndicat estime les travaux de réparation à 42 000 $, clarifie la réclamation de ce dernier.

[20]        Si on analyse cette soumission, on constate qu'elle comporte divers travaux d'aménagement, notamment remplacement du bois moisi, pose de pieux vissés ajustables ainsi qu'installation de sections de colonnes d'acier ajustables entre les pieux et les colonnes d'aluminium.

[21] Il m'apparaît clairement que la présence des moisissures sur les pièces de bois, qui ne sont pas si nombreuses, découle du manque d'entretien du bois.

[22]            Je rappelle que l'avis de fin des travaux remonte au 29 avril 2014.

[23]            La réception des parties communes a été complétée le 16 juin 2017.

 

 

[24] Au moment de la présente réclamation, soit le 3 mai 2020, environ sept ans s'étaient écoulés depuis la fin des travaux et environ trois ans depuis la réception des bâtiments.

[25]         Il n'existe aucune preuve quant à l'entretien de ce bois par le syndicat au cours de ces périodes, alors qu'il est reconnu que ce matériau nécessite un entretien quasi annuel ou du moins tous les deux ans.

[26]         Dans son rapport d'inspection pré-réception daté du 16 juin 2017, l'ingénieur Bloomfield recommande quelques réparations mineures au sujet de la moisissure et autres; il n'a pas été démontré qu'elles ont été effectuées.

[27]         La soumission préparée par M. Pierre Chiasson préconise la pose de pieux pour appuyer les colonnes structurales des escaliers.

[28]         Or, il a été mis en preuve par l'entrepreneur, à la suite d'une expertise effectuée le 20 novembre 2020, que des pieux sont déjà en place.

[29]         La même soumission de M. Chiasson requiert, au lieu de pièces de bois, des colonnes d'acier ajustables entre les pieux et les colonnes d'aluminium; le syndicat condamne également le porte-à-faux entre la base de la colonne d'aluminium et la pièce de bois.

[30]         Ces deux derniers points ont été traités par l'ingénieur en structure, M. Raymond Richard, dont les services ont été retenus comme témoin expert par le syndicat dans la présente affaire,

[31]         Dans son rapport daté du 29 août 2020, il conclut que l'ajout de pieux vissés peut être une alternative; or, on a constaté précédemment que des pieux étaient déjà installés.

 

[32] En cours d'enquête, M. Richard a admis que les sections de colonnes en bois pouvaient être utilisées pour l'ajustement des têtes de pieux avec les poteaux.

[33] Il a également admis que le fait que certaines colonnes soient désaxées par rapport à la base n'aura aucun effet sur la solidité de la structure.

[34] Comme il a été souligné en cours d'enquête, le tribunal est également d'avis, à l'égard des parties de colonnes en bois ainsi qu'à l'égard de certaines colonnes désaxées par rapport à la base, que ces deux situations étaient présentes lors de l'inspection pré-réception de l'ingénieur Bloomfield le 16 juin 2017 ; or, ce dernier n'en fait pas mention.

[35]        À l'évidence même, par un examen attentif, ces deux dernières situations étaient décelables.

[36]        À la suite de la présente enquête, il n'existe aucune preuve que l'aménagement et la structure des balcons ne soient pas conformes aux règles de l'art.

[37] Qui plus est, ni la visite des lieux ni la preuve ne nous dirigent vers un début de perte de l'ouvrage.

[38]          Le tribunal ne peut conclure non plus qu'on est en présence d'un vice caché.

[39]          Pour ces motifs, le tribunal confirme la décision de l'administrateur datée du 19 juin 2020 et rejette la réclamation du bénéficiaire datée du 3 mai 2020, laquelle est appuyée par la soumission des travaux exigés datée du 19 octobre 2020.


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III : CONCLUSION

[40] Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal .

 REJETTE la réclamation du syndicat.

Coûts de l'arbitra e

[41] Conformément à l'article 37 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, l'arbitre départage les coûts du présent arbitrage de la façon suivante : cent dollars (100,00 $) à la charge du bénéficiaire et le solde à la charge de l'administrateur.

BOUCHERVILLE, le 30 décembre 2020.

 

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Claude Dupuis, arbitre