TRIBUNAL D’ARBITRAGE

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide de

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

CANADIAN COMMERCIAL ARBITRATION CENTRE (CCAC)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Canada

Province de Québec

Dossiers n: S12-020901-NP

  noS13-031503-NP

 

OFFICE MUNICIPAL d’HABITATION DE MONTRÉAL

Demandeur

c.

 CONSORTIUM M.R. CANADA LTÉE

Défenderesse

et

LA GARANTIE ABRITAT INC.

Administrateur

 

________________________________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE

________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Jean Philippe Ewart

 

Pour les Bénéficiaires:

Me Bernard Synnott

Fasken Martineau DuMoulin sencrl, srl

Me Julie Faucher,

Office Municipal d’Habitation de Montréal

 

Pour l’Entrepreneur:

Me Benoit Roussy

Gilbert Simard Tremblay sencrl

 

Pour l’Administrateur:

Me Marc Baillargeon

Contentieux des garanties Abritat / GMB

Me François Laplante

Me Élie Sawaya

Marcoux Avocats

 

Date de la Décision: 15 mai 2015

 

Identification des Parties

 

BÉNÉFICIAIRE :                         OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE MONTRÉAL

Attention : Me Bernard Synnott

Fasken Martineau DuMoulin sencrl, srl

Tour de la Bourse, 800, Place Victoria, bur. 3700

Montréal (Québec)

H4Z 1E9

 (le « Bénéficiaire »)

 

entrepreneur:                                                     CONSORTIUM M.R. CANADA LTÉE

Attention: Me Benoit Roussy

Gilbert Simard Tremblay sencrl

1200, ave. McGill College, bur. 1800

Montréal (Québec)

H3B 4G7

 (l’ « Entrepreneur »)

 

ADMINISTRATEUR :                                                             LA GARANTIE ABRITAT INC.

Attention: Me Marc Baillargeon

Contentieux des garanties abritat / gmn

7333, Place des Roseraies

Anjou (Québec)

H1M 2X6

(l’ « Administrateur »)

 

 

Introduction

 

[1]        Le bâtiment visé est composé de quatre-vingt-trois (83) unités d’habitation situé à Lachine, Qc (initialement identifié à la documentation soumise comme Résidence St-Pierre-aux-Liens, et par la suite sous l’appellation Résidence Jean-Placide-Desrosiers) (le « Bâtiment »), le Bénéficiaire avisant s’adresser au Tribunal et aux réclamations visées sous son mandat d’entreprise d’organisme sans but lucratif (« OSBL ») para-publique municipale comme propriétaire unique du Bâtiment et comme gestionnaire professionnel de services aux occupants des unités qui sont selon le témoignage du Bénéficiaire des personnes âgées avec perte d’autonomie légère.

 

 

 

Introduction

Mandat et Juridiction

Litige

Pièces

Chronologie procédurale

Décision Adm1 - Décision arbitrale Dénonciation

Demande de suspension- Décision arbitrale Suspension

Démarches auprès des tribunaux de droit commun

Déroulement subséquent de l’instance arbitrale

Chronologie de l’Arbitrage

Faits Pertinents

Introduction

Date de réception et Date de fin des travaux

Revêtement de sol - Point 1

Fissuration des balcons - Point 2

Prétentions des Parties

Questions en Litige

Analyse et Motifs - Obligations de l’Entrepreneur

Le Règlement

Obligations de l’entrepreneur

Obligations de l’Entrepreneur; de moyen ou de résultat

Obligations de l’Entrepreneur - bonne exécution - prudence et diligence

Obligation d’information, de renseignement - Entrepreneur

Obligation d’information - Bénéficiaire

Obligation de conseil - Entrepreneur

Situations de matériaux impropres ou de piètre qualité

Plans et Devis - Impact aux obligations de l’Entrepreneur ?

Fardeau de preuve

Contrat et Devis - et le rôle assumé par l’Architecte

Contrat à Forfait - Modalités contractuelles

Devis

Échanges  - entre le Bénéficiaire, l’Entrepreneur et leurs représentants

Procès verbaux et avis

Directives

Rapports d’expertise

Exonérations de 2119 C.c.Q.

Architecte, mandataire du Bénéficiaire ?

Immixtion du propriétaire

Conclusions  - Obligations de l’Entrepreneur

Obligation continue d’information

Obligation de conseil

Bonne foi; Force majeure et exonération

Faute du propriétaire - immixtion

Analyse et Motifs - 2118 C.c.Q.

Caractérisation du vice et Régime de responsabilité de 2118 C.c.Q.

Notion et caractérisation de vice  - critères de vice et de perte de l’ouvrage

Tuiles déficientes - Constats du Bénéficiaire

Habitabilité

Conclusions - 2118 C.c.Q.

 

Mandat et Juridiction

 

[2]        Le Tribunal est saisi d’un premier dossier dans l’affaire en rubrique                    (n: S12-020901-NP) (« Dossier S12 ») par nomination du soussigné en date du 10 février 2012, sous demande d’arbitrage du Bénéficiaire en date du 9 février 2012 soumise au Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC) («CCAC» ou «Centre») en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.8) alors en vigueur (le «Règlement»), adopté en conformité de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) (la «Loi»),

 

[3]        Le Tribunal est saisi d’un second dossier (n: S13-031503-NP) («Dossier S13») par nomination du soussigné en date du 25 mars 2013, sous demande d’arbitrage du Bénéficiaire en date du 15 mars 2013 en conformité du Règlement.

 

[4]        Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal est alors confirmée.

 

[5]        Une réunion d’actions des Dossier S12 et Dossier S13 est pourvue par décision du Tribunal en date du 26 avril 2013.

 

Litige

 

[6]        Le litige est un recours qui découle :

 (i) d’une décision de l’Administrateur en date du 10 janvier 2012 (dossier 501243-1) («Décision Adm1») résultant d’une souscription auprès de La Garantie des Maîtres Bâtisseurs inc. («GMB») dans le cadre de la garantie prévue au Règlement (la «Garantie» ou le «Plan»); il est à noter que l’Administrateur avise faire maintenant affaires sous la dénomination de ‘La Garantie Abritat Inc.’ («Abritat») (GMB et Abritat, collectivement « Administrateur »), et

 

(ii) de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire en date du 9 février 2012 soumise au Centre sous l’égide du Règlement.

 

[7]        La Décision Adm1 identifie cinq (5) points de réclamation dont les Points suivants sont alors sujet de l’arbitrage (nota : le Point 4 étant retiré de l’arbitrage) :

 

« Point 1 » : Tuiles de revêtement du sol;

« Point 2 » : Fissuration des balcons;

« Point 3 » : Isolation acoustique déficiente;

« Point 5 » : Résistance au feu déficiente.

 

[8]        Le litige découle d’autre part :

(i) d’une décision supplémentaire de l’Administrateur datée du 20 février 2013 (dossier 501243-1) visant les Points 1 et 2 (la «Décision Adm2») émise suite à Ordonnance du Tribunal (à la Décision Dénonciation), et

 

(ii) de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire de la Décision Adm2 en date du 15 mars 2013.

 

Décision Adm1 et Décision Adm2 (collectivement, « Décisions Adm »).

 

[9]        Tel que plus amplement décrit ci-dessous, l’Administrateur considère à la Décision Adm2 que la situation au Point 1 ne rencontre pas les critères de vice au sens de l’article 2118 C.c.Q. et conséquemment ne donne pas suite à cette réclamation et, quant au Point 2, fissures des balcons, accueille en partie la réclamation pour les fissures entre les supports métalliques, excluant de la couverture du Plan les fissures qui donnent sur ces supports.

 

Pièces

 

[10]      Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur sont identifiées comme A- avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé; les Pièces déposées par la Bénéficiaire sont identifiées comme B- et l’Entrepreneur a déposé en cours d’enquête un recueil de pièces qui sont identifiées sous cote E-, numérotées par le Tribunal dans l’ordre chronologique (sauf E-89 en liasse, série de procès-verbaux) de la table des matières soumise par l’Entrepreneur de plus de cent (100) correspondances, informations et recommandations techniques, directives à l’Entrepreneur, rapports et procès-verbaux de rencontres de chantier.

 

Chronologie procédurale

 

Décision Adm1 - Décision arbitrale Dénonciation

[11]     L’Administrateur considère à la Décision Adm1 que la couverture de la Garantie ne s’applique pas car le délai de dénonciation des vices allégués excède, selon lui, le délai prévu pour ce faire au Règlement.

 

[12]     Une première décision arbitrale est rendue le 24 août 2012 (la « Décision Dénonciation ») alors que le Tribunal a (i) accueilli en partie l’objection préliminaire déclinatoire de l’Entrepreneur et de l’Administrateur respectivement quant aux Points 3 et 5, déclarés forclos (ii) ordonné quant aux Points 1 et 2 renvoi à l’Administrateur pour inspection et rapport emportant décision au sens du Règlement ou avis de la conclusion de règlement et transaction et (iii) maintenu juridiction à la demande d’arbitrage du Bénéficiaire et sur tout différend relatif à toute décision émise ou à être émise par l’Administrateur relativement aux réclamations et différends qui demeurent assujettis au présent arbitrage ou qui peuvent en découler.

 (nota : requête en homologation du Bénéficiaire de la Décision Dénonciation accueillie par Jugement de la Cour Supérieure (Hon. C. Roy, J.C.S.) (2013 QCCS 195)).

 

Demande de suspension - Décision arbitrale Suspension

[13]     Le  25 septembre 2012, le procureur de l’Entrepreneur soumet au Tribunal une demande de suspension de la procédure arbitrale à laquelle s’oppose le Bénéficiaire.

 

[14]     Le Tribunal rejette la demande de suspension de l’Entrepreneur, par décision arbitrale rendue le 2 octobre 2012 (la « Décision Suspension ») qui vise les Points 1 et 2.

 

Démarches auprès des tribunaux de droit commun

[15]     Le 18 juillet 2012, parallèlement à la procédure d’arbitrage auprès du Centre en date du 9 février 2012, le Bénéficiaire dépose une requête introductive d’instance en Cour supérieure (dossier 500-17-072971-123) pour dommages et intérêts identifiant l’Entrepreneur et des tiers au présent arbitrage (soit l’architecte et la firme conseil à laquelle il est associé qui ont préparé les plans et devis et agi à la surveillance des travaux de construction du Bâtiment) à titre de défendeurs.

 

[16]     Le 9 octobre 2012, le procureur de l’Entrepreneur avise le Tribunal de son intention de déposer une requête pour suspension d’instance arbitrale en Cour supérieure, présentée devant la Cour le 2 novembre 2012.

 

[17]     Le 23 janvier 2013, l’Honorable Claudine Roy, J.C.S., (i) rejette la requête pour suspension d’instance arbitrale et (ii) accueille une requête en homologation de la Décision Dénonciation présentée par le Bénéficiaire (non contestée, accueillie séance tenante par la Cour).

 

[18]     Le 20 février 2013, l’Administrateur émet la Décision Adm2 s’adressant aux Points 1 et 2 et de même date l’Entrepreneur soumet à la Cour d’appel une requête pour permission d’en appeler du jugement de la Cour supérieure quant à la Décision Suspension.

 

[19]     Le 15 mars 2013, l’Honorable Jacques Dufresne, J.C.A., permet l’appel du jugement rendu par la Cour supérieure le 23 janvier 2013 et ordonne la suspension de l’instance arbitrale pendant l’appel (2013 QCCA 468);

 

[20]     Le 12 juillet 2013, par décision unanime, la Cour d’appel rejette l’appel de l’Entrepreneur (Hon. N.Kasirer, M. St-Pierre, C. Gascon, J.C.A.) (2013 QCCA 1211).

 

Déroulement subséquent de l’instance arbitrale

[21]     Sur requête de réunion d’actions de l’Entrepreneur, le Tribunal a ordonné le 11 avril 2013 réunion d’actions des Dossiers S12 et S13 par ordonnance sur le banc, avec motifs écrits en date du 26 avril 2013 (la « Décision Réunion ») et avise que cette réunion aura pour conséquence de soumettre la demande d’arbitrage sous le Dossier 13 à l’Ordonnance de la Cour d’appel (Hon. Dufresne, J., J.C.A.) du 15 mars 2013 précitée.  Plus précisément, cela signifie que l’instance arbitrale sous le Dossier 13 est alors, au même titre que le Dossier 12, suspendue.

 

[22]     Suite à la décision de la Cour d’appel précitée (2013 QCCA 1211) rejettant l’appel de l’Entrepreneur du jugement rendu par la Cour supérieure et conséquemmment la demande de suspension de la Décision Suspension, le présent arbitrage procède alors au fonds par enquête et audition pour les fins de la présente décision arbitrale.

 

 

Chronologie de l’Arbitrage

 

[23]     Sommaire de la chronologie du présent arbitrage :

 

2004.12.06                Contrat à forfait, suite à un appel d’offres public, entre le Bénéficiaire, à titre de maître de l’ouvrage, et l’Entrepreneur, sous format ‘Document normalisé de construction CCDC2’ du Comité Canadien des documents de construction avec annexes et Avenant de modification, estampillé du 6 décembre 2004.

(« Contrat à forfait »).      

2010.02.11                Lettre du Bénéficiaire (Mme L. Laurin) à l’Entrepreneur et l’Administrateur (Pièce B-1) emportant dénonciation de certains vices allégués.

2010.04.20                Rencontre de conciliation GMB (voir procès-verbal Pièce E-35).     

2011.05.17                Mise en demeure des procureurs du Bénéficiaire à l’Entrepreneur et aux architectes Lapointe, Magne & Ass., avec copie à l’Administrateur (Pièce B-2).

2012.01.10               Décision de l’Administrateur ( « Décision Adm1 »)

2012.02.09                Demande d’arbitrage par le Bénéficiaire.

2012.02.10               Nomination de l’arbitre par le Centre.

2012.03.09                Conférence préparatoire.

2012.06.05/18          Enquête et audition sur moyen préliminaire déclinatoire.

2012.08.24                Décision Arbitrale interlocutoire sur déclinatoire

Point 1.Tuiles; revêtement de sol

Point 2. Balcons

Point 3. Isolation acoustique

Point 5. Résistance feu

Les Points 1 et 2 demeurent; les Points 3 et 5 sont forclos et le Tribunal maintient juridiction à la demande d’arbitrage du Bénéficiaire à toute décision à être émise par Administrateur et sur tout différend afférent. (« Décision Dénonciation »)

2012.09.25                Requête (Entrepreneur) de suspension d’instance et Opposition (Bénéficiaire) à suspension.

2012.09.28                Avis de l’Administrateur qu’il ne s’oppose pas à la requête de demande de suspension.

2012.10.02                Décision arbitrale rejetant la demande de suspension d’instance (« Décision Suspension »).

2012.11.02                Demande de l’Entrepreneur auprès de la Cour Supérieure de suspension de la Décision Suspension.

2013.01.23                Jugement de la Cour Supérieure (Hon. C. Roy, J.C.S.) (2013 QCCS 195) rejetant la demande de suspension d’instance de l’Entrepreneur et acueilllant la requête d’homologation de la Décision Dénonciation.

2013.02.01                Conférence préparatoire.

2013.02.20                Décision de l’Administrateur (dossier 501243-1) (« Décision Adm2 »).

2013.02.20                Requête de l’Entrepreneur à la Cour d’appel pour permission d’en appeler.

2013.03.15                Décision de la Cour d’appel (Hon. J. Dufresne, J.C.A.) (2013 QCCA 468), sur Demande de permission d’appeler et sur Demande de suspension d’instance arbitrale du Dossier S12.

2013.03.15                Demande d’arbitrage du Bénéficiaire au Dossier S13.

2013.03.25                Nomination de l’Arbitre (Dossier S13).

2013.04.11                Enquête et audition sur réunion d’actions; Décision sur le banc.

2013.04.26                Décision arbitrale - motifs écrits - ordonnant réunion d’actions

(« Décision Réunion »).

2013.07.12                Décision de la Cour d’appel rejetant l’appel et donc la demande de suspension d’instance (Hon. N.Kasirer, M. St-Pierre, C. Gascon, J.C.A.) (2013 QCCA 1211)

2013.09.05                Conférence préparatoire.

2013.11.14                Rapport d’expertise de Marc Deschamps, Architecte, dépôt du Bénéficiaire (« Rapport Deschamps »).

2013.11.26                Conférence préparatoire.

2013.12.19                Rapport d’expertise de Michel Lemaire Expert-conseil Inc., dépôt de l’Entrepreneur (« Rapport Lemaire »).

2014.01.20/21          Enquête et audition.

2014.03.31                Enquête et audition.

2014.04.01                Enquête et audition.

2014.12.19                Réouverture enquête.

2015.02.03                Enquête; conférence téléphonique.

 

 

Faits Pertinents

 

Introduction

[24]     Le contrat à forfait qui lie le Bénéficiaire, à titre de maître de l’ouvrage, et l’Entrepreneur (Pièce A-1), est sous format du ‘Document normalisé de construction CCDC2’ du Comité Canadien des documents de construction avec annexes et Avenant de modification, et est estampillé du 6 décembre 2004 (le « Contrat à Forfait »).

 

[25]     Le procureur de l’Entrepreneur souligne que l’octroi du Contrat à Forfait fait suite à un appel d’offres public tel que requis par la législation applicable, et que, sous la mécanique [et documentation] de cet appel d’offres et du Contrat à Forfait (qui prévoit un cahier d’appel d’offres incluant des conditions contractuelles ainsi que des devis de travaux avec listes détaillées), divers paramètres de construction et choix des matériaux sont stipulés par le Bénéficiaire donneur d’ordre ou ses mandataires tels architectes ou autres.

 

[26]     Quoique les unités d’habitation du Bâtiment peuvent être identifiées par certains sous un vocabulaire au quotidien de ‘parties privatives’ pour les espaces en utilisation exclusive à son occupant afin de les distinguer des ‘parties communes’ qui sont à la disposition et accès de l’ensemble des occupants tels salle communautaire et autres, le Bénéficiaire, sous son mandat d’entreprise OSBL para-publique municipale, est propriétaire unique du Bâtiment.

 

[27]     Le Bénéficiaire, sous sa mission de construction, rénovations et gestion de logements d’un des parcs résidentiels les plus importants du Québec, a la responsabilité dans la période d’intérêt de plus de 25 000 logements et plus de 500 employés, avec un soutien technique d’au moins deux architectes (mais pas de département d’architecture per se).

 

[28]     Le Bénéficiaire, par correspondance datée 10 février 2010 (Pièce B-1) (Mme Laurin Coordinatrice au développement’ de l’OMH et responsable du suivi des dossiers de logements abordables du Bénéficiaire), pourvoie entre autre à dénonciation au sens du Règlement quant au Point 1, Revêtement de sol, avisant l’Entrepreneur et l’Administrateur de la récente « …découverte de vices cachés et majeurs de conception ou de réalisation », et réclamant réparation et quant au Point 2, Balcons, constatant des fissures sur plus de 40 balcons et réclamant remplacement.

 

 [29]    Il faut noter qu’aucune décision écrite en temps opportun n’a été rendue initialement par GMB nonobstant qu’une rencontre du 22 avril 2010 (voir procès-verbal Pièce E-35) se voulait selon la GMB (Pièce B-3) une rencontre de conciliation avec décision subséquente de l’Administrateur et que le transfert subséquent du dossier de GMB à Abritat a résulté en un délai de près de 22 mois entre la dénonciation du Bénéficiaire et une visite de l’inspecteur auteur de la Décision Adm1 (qui témoigne ne pas alors avoir fait d’inspection).

 

[30]     Lors de cette visite des lieux par l’Administrateur en décembre 2011 préalablement à et pour les fins de la Décision Adm1, plusieurs personnes sont présentes, incluant pour le Bénéficiaire (quelquefois « OMH »), Mme Fiore (responsable OMH du côté technique de l’occupation), Mme Goyer (directrice de la résidence visée, mais selon la preuve non contredite pas alors à ce poste en 2008-09) et Mario Roy (« Roy »), précédemment Directeur du développement de l’OMH et par la suite, depuis 2008, et donc dans l’ensemble lors des faits pertinents au présent litige, consultant à son compte avec mandat de conseiller auprès du Bénéficiaire et impliqué dans le suivi du dossier de la résidence visée.

 

[31]     La Décision Adm1 indique que sont aussi présents à cette rencontre R. Magne, architecte, de la firme retenue par le Bénéficiaire pour la construction (et surveillance de chantier) du Bâtiment, Lapointe, Magne et Associés («l’Architecte»), et d’autre part, pour l’Entrepreneur, D. Ayotte, ingénieur, représentant de l’Entrepreneur et chargé de projet pour la construction du Bâtiment, et M. Lemaire, architecte, consultant en inspection de bâtiment.

 

[32]     Quant à Roy, architecte de profession depuis plus de 30 ans, il a aussi été pendant une certaine période à l’emploi de la Société d’habitation et de développement de Montréal (« SHDM ») alors que sous transfert administratif de prise en charge du logement abordable dans une continuité de la mission de développement, il est demeuré responsable de la réalisation de logements abordables pour ce secteur para-municipal et un des responsables du projet du Bâtiment.

 

[33]     Roy dirige alors une équipe qui œuvre à ce développement du secteur, de la recherche de terrains, aux achats de services requis, jusqu‘à la livraison de résidences et unités de ce type. Roy témoigne devant le Tribunal sur les problèmes identifiés.

 

Date de réception et Date de fin des travaux

[34]     Nonobstant une détermination initiale autre de l’Administrateur à la Décision Adm1, de consentement des Parties à la Décision Adm2, le 12 mai 2006 est retenu comme date de réception du Bâtiment (date à laquelle l’architecte du Bénéficiaire, sous la plume de Robert Magne, arch., a émis un certificat d’achèvement substantiel de l’ouvrage - le Tribunal note que cet achèvement substantiel n’est pas nécessairement une ‘fin des travaux’ au sens du C.c.Q. et du Règlement, mais tel que pourvu par les Parties par modification des conditions générales du Contrat à Forfait, définition 19 et CG 5.4.1) et le 8 septembre 2006 a été retenu comme date de fin des travaux.

 

Revêtement de sol - Point 1

[35]     Le Tribunal comprend que ce que les Décisions Adm caractérisent de ‘problèmes avec les tuiles de revêtement de sol’ peut être plus décrit dans les circonstances comme un décollement des carreaux de vinyle composite et plus spécifiquement serait un problème qui découle possiblement du substrat de gypse, un sous-plancher en ciment de gypse, communément une chape de gypse, du scellant, s’il en est, de l’adhésif ou colle de fixation, et des couvre-sols souples, communément ‘tuiles’, qui sont dans ce cas des carreaux de vinyle composite (« CVC »), et est un résultat soit de l’ensemble, ou de la compatibilité, installation ou combinaison de produits ou de procédés, incluant facteurs de résistance en compression ou d’adhésion.

 

[36]     Cette chape de gypse est un nivellement auto ‘’surface’’ (dans le cas sous étude de marque Levelrock 2500) qui s’applique sur des éléments de dalle préfabriquée et ses joints de dalle colmatés, réunis à la charpente d’acier.

 

[37]     L’Administrateur identifie à la Décision Adm1 que les représentants du Bénéficiaire affirment que ce problème a débuté à la fin de l’année 2008, début de l’année 2009, alors que Roy confirme être présent à la visite des lieux de décembre 2011 et affirme avec appui que c’est lui qui a cerné ce problème le premier, soit au début 2010 et par la suite de façon plus systématique en avril 2010.

 

[38]     La preuve documentaire indique et Roy témoigne d’autre part qu’il est celui qui contacte en juin 2010 le fabricant de tuiles (Armstrong), de colle (Henry) et le dsitributeur de colle (Centura), visant à obtenir des échantillons et pourvoir à des tests.

 

[39]     Cette polémique du choix des matériaux relative aux CVC s’étend selon la preuve sur un nombre d’années plus important que la dénonciation d’un vice allégué, de tests d’adhésion en novembre 2005 (Pièce E-89 en liasse) à des procédures d’exécution émises par l’Architecte en février 2011 (Pièce B-11).

 

[40]     Quant à la dénonciation par le Bénéficiaire, Mme Laurin (Coordinatrice au développement à l’OMH) témoigne avec rigueur et précision sur le sujet du revêtement, spécifiant des dates précises de chaque évènement auquel elle réfère, qu’en mars et mai 2009 il y a eu quelques tuiles décollées et que, par la suite, de la mi-septembre 2009 au 19 décembre 2009 il y a eu des plaintes (huit (8)) de divers occupants sur des tuiles dans leurs unités (à différents endroits, salon, garde-robe, cuisine et entrée) pour finalement avoir le 20 janvier 2010 un décollement plus important à la salle communautaire qui amène le Bénéficiaire, sous la plume de Mme Laurin, à sa dénonciation par lettre du 10 février 2010 précitée et par la suite une rencontre où entre autres l’Administrateur et des représentants de l’Entrepreneur et du Bénéficiaire sont présents (mentionnée précédemment, du 22 avril 2010) mais qui ne résultera en une visite d’un inspecteur de l’Administrateur que près de 2 ans plus tard, et nonobstant qu’il n’y a pas alors d’inspection du Bâtiment, l’Administrateur émet la Décision Adm1.

 

Fissuration des balcons - Point 2

[41]     Dans le cadre de la Décision Adm2, l’Administrateur accueille en partie la réclamation pour les fissures entre les supports métalliques, excluant de la couverture du Plan les fissures qui donnent sur ces supports.

 

[42]     L’Administrateur considère que les fissures aux balcons qui donnent sur des supports métalliques n’ont pas le même niveau de gravité que les autres fissures (aux mêmes balcons) et ne rencontrent pas les critères du vice de construction au sens de l’article 2118 C.c.Q., alors que pour les fissures qui se situent entre les supports, il existe selon l’Administrateur un danger potentiel pour les occupants ce qui augmente substantiellement le niveau de gravité du problème et constitue un vice au sens de 2118 C.c.Q.; accueillant la réclamation pour ces fissures (entre les supports) l’Administrateur ordonne à l’Entrepreneur de remplacer les panneaux de fibrociment qui présentent ces fissures dans les quarante-cinq (45) jours suivant réception de la Décision Adm2.  Les Parties conviennent de pourvoir à travaux correctifs.

 

 

Prétentions des Parties

 

[43]     Dans le cadre de sa Décision Adm2, l’Administrateur conclut que la situation décrite au Point 1 ne rencontre pas les critères du vice de construction au sens de l’article 2118 C.c.Q. et conséquemment ne permet pas ouverture à la couverture du Plan en regard de l’article 10 (5) du Règlement.

 

[44]     Il faut noter que, tenant compte de la date de réception du Bâtiment, les autres dispositions de l’article 10 ne trouvent pas application et qu’il n’y a pas contestation des Parties quant à cet élément.

 

[45]     Le procureur du Bénéficiaire a indiqué en plaidoirie que les vices allégués aux Points 1 et 2 sont selon lui des vices majeurs, soit donc des vices visés par 2118 C.c.Q.,  et qu’il suffit donc au Bénéficiaire d’établir qu’il y a perte totale ou partielle du Bâtiment dans les cinq ans de la fin des travaux.

 

[46]     Il convient de reproduire l’article 2118 C.c.Q., et son complément 2119 C.c.Q pour fins des limites et conditions d’exonération de l’Entrepreneur :

« 2118. À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol. »

 

« 2119. L’architecte ou l’ingénieur ne sera dégagé de sa responsabilité qu’en prouvant que les vices de l’ouvrage ou de la partie qu’il a réalisée ne résultent ni d’une erreur ou d’un défaut dans les expertises ou les plans qu’il a pu fournir, ni d’un manquement dans la direction ou dans la surveillance des travaux.

L’entrepreneur n’en sera dégagé qu’en prouvant que ces vices résultent d’une erreur ou d’un défaut dans les expertises ou les plans de l’architecte ou de l’ingénieur choisi par le client. Le sous-entrepreneur n’en sera dégagé qu’en prouvant que ces vices résultent des décisions de l’entrepreneur ou des expertises ou plans de l’architecte ou de l’ingénieur.

Chacun pourra encore se dégager de sa responsabilité en prouvant que ces vices résultent de décisions imposées par le client dans le choix du sol ou des matériaux, ou dans le choix des sous-entrepreneurs, des experts ou des méthodes de construction

(nos soulignés)

 

 

Questions en Litige

 

[47]     L’ensemble des représentations principales des Parties à l’enquête au fond vise la réclamation au Point 1 - Revêtement de sol, et l’analyse et motifs du Tribunal s’y concentre.

 

[48]     Le Plan garantit (inter alia article 2 du Règlement, cité ci-dessous) l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire, et il y a ouverture à la couverture de la Garantie en cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles (art.10 du Règlement, cité ci-dessous). Le Tribunal devra déterminer en premier lieu si, dans les circonstances, l’Entrepreneur a manqué à ces obligations.

 

[49]     Il sera requis de cerner le fardeau de preuve applicable, d’une part aux obligations d’information (de renseignement) et de conseil et, d’autre part, dans le cadre d’une obligation de résultat, entre autre de cette obligation de bonne exécution technique des travaux de l’Entrepreneur agissant avec prudence et diligence, et de la responsabilité de l’Entrepreneur sous 2118 C.c.Q. qui établit une présomption de responsabilité de l’Entrepreneur alors que le Bénéficiaire n’a pas à faire la preuve d’une faute, uniquement de l’absence du résultat prévu, tenant compte de l’énoncé introductif de 2118 C.c.Q. « À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, … » et donc des éléments pourvus à 2119 C.c.Q.; il faut noter aussi le prérequis au bénéfice de cette présomption en sa faveur que le Bénéficiaire démontre par prépondérance qu’il y a perte de l’ouvrage, résultant d’un vice de 2118 C.c.Q..

 

[50]     Par la suite, dans l’affirmative d’un tel manquement, il y aura lieu de déterminer si la situation décrite au Point 1 rencontre les critères du vice au sens de l’art. 2118 C.c.Q. et si la demande d’arbitrage du Bénéficiaire doit ou non être accueillie.

 

 

Analyse et Motifs - Obligations de l’Entrepreneur

 

Le Règlement

 

[51]     Le Règlement s’applique à la Garantie souscrite dans les circonstances pour contrat conclu en conformité de l’article 2(1)c) du Règlement pour vente ou construction :

 

2.  Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction :

 

«   1°    des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie :

[…]   

c)      un bâtiment multifamilial de plus de 5 logements détenu par un organisme sans but lucratif ou une coopérative »[1];

 

[52]      Le Tribunal s’appuie pour les présentes que le Règlement est d’ordre public et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[2].  Conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est.

 

[53]      La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[3].

 

[54]     Le Tribunal statue conformément aux règles de droit et fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient[4], équité qui doit trouver assise au Règlement, et quoique non lié[5] par le Code de procédure civile s’en inspire, si d’à propos.

 

[55]     L’article 10 du Règlement prévoit dans les présentes circonstances la couverture du Plan dans le cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du Bâtiment :

 

« 10.  La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

[…]

 

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;

 

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. » [6]

(nos soulignés)

 

 

Obligations de l’entrepreneur

 

Obligations de l’Entrepreneur; de moyen ou de résultat  - 2118 C.c.Q.

[56]     Une des premières déterminations requises est de saisir si les obligations de l’Entrepreneur dans un contexte de contrat d’entreprise sont des obligations de résultat ou des obligations de moyens?

 

[57]     Alors qu’il n’y a pas d’automatisme au niveau[7] des obligations autres d’un entrepreneur que celles sous l’art. 2118 C.c.Q., l’obligation de résultat est clairement établie dans ce dernier cas, tel que les auteurs Baudouin et Deslauriers écrivent d’ailleurs :

 

« 39 […] au chapitre du contrat d’entreprise […] le législateur a renoncé à fixer l’intensité de l’obligation de l’entrepreneur […] (sauf pour les pertes ou vices de construction des ouvrages immobiliers)[8] » [9]

 

[58]     Dans un cadre d’activité de construction, et encore plus lorsqu’il s’agit d’un contrat avec plans et devis, on peut identifier l’obligation de résultat et le fardeau de preuve correspondant comme :

 

« Obligation de résultat - […] celui qui accepte de faire un travail précis, comme construire[10] […] selon certaines spécifications, est responsable s’il n’atteint pas le résultat promis. Sur le plan de la preuve, l’absence de résultat fait présumer la faute du débiteur […] Elle place sur ses épaules le fardeau de démontrer que l’inexécution provient d’une cause qui ne lui est pas imputable.»[11]

 

[59]     Les auteurs Edwards et Ignacz dans La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur[12] soulignent, reprenant les termes de l’art. 2100 C.c.Q. :

 

« Le deuxième alinéa de l’article 2100 C.c.Q., au chapitre du contrat d’entreprise ou de service, énonce maintenant formellement le principe général selon lequel l’entrepreneur ne peut, lorsqu’il est tenu à une obligation de résultat, se dégager de sa responsabilité qu’en prouvant la force majeure. »

 

et concluent d’autre part :

 

« Dans le même sens, l’entrepreneur est tenu de livrer un ouvrage conforme aux plans et devis.  De même, il répond envers le client de la faute du professionnel qu’il a engagé pour l’assister dans l’exécution de ses obligations.  Au demeurant, il doit compléter les travaux entrepris, même s’il réalise qu’il va subir une perte en ce faisant.»                                                                                (nos soulignés)

[60]        L’obligation de l’Entrepreneur au contrat d’entreprise est donc sous 2118 C.c.Q. spécifiquement prévue comme obligation de résultat, non seulement quant aux obligations prévues au contrat et aux plans et devis mais aussi quant au respect des règles de l’art et de la conformité aux usages de l’industrie, tel que le souligne le Pr Karim sous son ouvrage Contrats d’entreprise:

 

« L’exécution d’un ouvrage en tous points conforme ne signifie pas nécessairement une exécution conforme seulement aux obligations prévues au contrat et aux spécifications prévues dans les plans et devis, mais aussi conforme aux règles de l’art et aux usages.  […] En effet, il n’est pas inutile de rappeler que l’obligation de délivrer un ouvrage conforme aux règles de l’art est une obligation de résultat»[13]              [ndlr : l’auteur citant les décisions en note[14]]. 

(nos soulignés)

 

Obligations de l’Entrepreneur - bonne exécution - prudence et diligence

[61]     La base législative des obligations de l’entrepreneur au contrat d’entreprise se retrouve à l’article 2100 C.c.Q. qui, nous notons, est d’ordre public de protection[15] et requiert que l’entrepreneur, sous son obligation de bonne exécution technique des travaux, agisse avec prudence et diligence et se conforme aux usages et règles de son art :

 

« 2100.  L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

 

Lorsqu’ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure ».

 

[62]     La force majeure qui doit revêtir un caractère de gravité, imprévisible et irrésistible, est une cause d’exonération dans les règles de droit commun à l’obligation de résultat, tel qu’énoncé à l’art. 1470 C.c.Q. et comprend la faute d'un tiers ou du propriétaire. Ces moyens peuvent être invoqués par tous les intervenants en construction dont l'entrepreneur général; l'entrepreneur peut invoque[16]r la faute du client dans le choix d'une méthode d'exécution, dans une immixtion injustifiée du client, soit alors que le client s'immisce injustement par le fait d'imposer l'opinion de son expert à l'entrepreneur ou alors également s'immisce injustement en imposant ses décisions quant aux méthodes ou aux matériaux à employer. Nous reverrons ces concepts dans l’étude de l’exonération de responsabilité de l’art. 2118 C.c.Q. sous la rubrique ‘Exonérations de 2119 C.c.Q.’ ci-dessous.

 

[63]     Dans l’affaire D’Aoust c. Lanthier[17] la juge Landry commente l’obligation d’agir ‘avec prudence et diligence’ de l’entrepreneur citant et souscrivant aux définitions suivantes[18] :

 

« Le Code civil du Québec utilise ensemble, à plusieurs reprises les mots «prudence et diligence» dans le but de forcer les personnes qui posent des actes dans l’intérêt d’autrui à le faire conformément à la norme de conduite objective et abstraite de la personne avisée, placée en semblables circonstances.

 

Prudence : Qualité de la personne qui, réfléchissant à la portée et aux conséquences de ses actes, prend les mesures nécessaires pour éviter qu’ils ne constituent une source de dommage pour autrui».                                         (nos soulignés)

 

Obligation d’information, de renseignement - Entrepreneur

[64]     Cette obligation de bonne exécution, et l’absence de subordination entre l’entrepreneur et son client (et le libre choix à l’entrepreneur des méthodes d’exécution des travaux (art. 2099 C.c.Q.[19]) qui en découle), est encadrée par certaines obligations, dont une obligation d’information (art. 2102 C.c.Q.) qui engage l’entrepreneur à bien renseigner son client sur les questions relatives au contrat :

 

« 2102. L’entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relativement à la nature de la tâche qu’il s’engage à effectuer ainsi qu’aux biens et au temps nécessaires à cette fin.»

 

[65]     Il est clairement reconnu que l’Entrepreneur dans le cadre d’un contrat d’entreprise a une obligation d’information, de renseignement envers son client sous son obligation de bonne foi:

 

« L’obligation de renseignement fait partie de l’obligation générale de bonne foi qui doit exister non seulement lors de l’exécution du contrat, mais également lors de sa formation »[20].

 

[66]     La décision charnière sur cette obligation d’information Banque de Montréal c. Bail Ltée[21]  de la Cour Suprême (en 1992) nous enseigne[22], sous la plume du juge Gonthier, auteur de la décision, qui écrit :

 

« … Ghestin[23] expose correctement la nature et les paramètres de l’obligation de renseignement. […]

-       La connaissance, réelle ou présumée, de l’information par la partie débitrice de l’obligation de renseignement;

-       La nature déterminante de l’information en question;

-       L’impossibilité du créancier de l’obligation de se renseigner soi-même, ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur. »[24]

 

et de conclure ~ tant pour les contrats de grands chantiers que pour les contrats que l’on pourrait qualifier de moindre envergure (conclusion que la Cour Suprême applique aussi tel au ‘’…contrat de petite envergure, pour la construction d’une maison unifamiliale par exemple …’’)[25] :

 

« En résumé, l’obligation de renseignement dans les contrats d’entreprise portant sur de grands chantiers est qualifiée par l’allocation des risques entre les parties, l’expertise relative des parties, ainsi que la formation continue du contrat, même en cours d’exécution.» [26]                                                                       (nos soulignés)

 

[67]     De plus, la Cour Suprême, alors qu’elle traite postérieurement (en 2007) de l’obligation de renseignement dans l’affaire ABB c. Domtar (sous un banc de neuf (9) juges, sous la plume de Hon. LeBel et Hon. Deschamps JJ), écrit :

 

« Alors que la garantie contre les vices cachés est expressément prévue au C.c.B.C. et au C.c.Q., l’obligation de renseignement découle plutôt du principe général de bonne foi (Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554, p. 586; art. 6, 7 et 1375 C.c.Q.) et du principe du consentement libre et éclairé. De plus, l’obligation générale de renseignement a un champ d’application beaucoup plus vaste que la simple dénonciation d’un vice caché. Elle englobe toute information déterminante pour une partie à un contrat, comme l’a souligné le juge Gonthier dans l’arrêt Bail. »                                                                  (nos soulignés)

 

[68]     Tel que noté, cette obligation d’information qui incombe à l’Entrepreneur est une obligation continue, tout au long de ses relations contractuelles avec le client[27], donc pendant toute la période d’exécution des travaux :

 

« Le respect de l’obligation de renseignement qui découle de l’article 2102 C.c.Q. et de la bonne foi (art. 1375 C.c.Q.), s’illustre, […] non seulement lors de la négociation et de la conclusion du contrat[28], mais aussi, durant son exécution[29][30]

 

Obligation d’information - Bénéficiaire

[69]     Quoique la doctrine souligne que le libellé de 2102 C.c.Q. constitue une obligation d’information unilatérale de l’Entrepreneur, une telle obligation d’information découle de la bonne foi en matière contractuelle et s’applique à

toutes les parties, et on peut donc saisir une obligation réciproque[31] d’un client/maître de l’ouvrage :

 

« L’obligation prévue à l’article 2102 C.c.Q. est unilatérale[32]. L’article ne vise que l’entrepreneur […] et ne mentionne aucune obligation corrélative du client. Celui-ci a, toutefois, une obligation de se renseigner qui découle de l’article 1375 C.c.Q. et du devoir général qu’a tout créancier de se renseigner en regard de la théorie de l’acceptation des risques[33] » [34]                                          (nos soulignés)

 

et notons alors que ceci n’est pas le cas sous étude mais pour fins de cohésion de texte, que la Cour Suprême considère que généralement pour des particuliers acheteurs qui ne sont pas experts en construction, cette obligation est pratiquement retirée[35].

 

[70]     Notre Cour d’appel reprend cette même approche entre autre dans l’affaire Entreprises Daigle c. Investissements Kars[36] où la Cour (L. Rochette J.C.A., para 92) cite et supporte l’énoncé suivant du  Pr Karim :

 

« En vertu de son devoir général (art. 1375 et 1434 C.c.Q.), le client n’est pas tenu d’informer l’entrepreneur ou le prestataire de services relativement aux informations que ce dernier connaît déjà ou devrait connaître en vertu d’une obligation de prudence et de diligence lui imposant de se renseigner. Leur obligation de se renseigner [ndlr : Entrepreneur] est renforcée du fait de leur autonomie, de leur expertise et de leur compétence à cerner l’information nécessaire à l’exécution de leur prestation et de leur liberté quant au choix des moyens d’exécution (art. 2099 C.c.Q.). »[37]

 

[71]     Il sera requis pour le Tribunal d’intégrer le niveau d’une obligation corrélative d’un maître de l’ouvrage, le Bénéficiaire aux présentes, ayant une certaine expertise en construction dans l’analyse des faits et échanges entre le Bénéficiaire, l’Entrepreneur, leurs représentants et les sous-traitants de ce dernier, incluant les paramètres qui se dégagent des autres obligations applicables.

 

[72]     La Cour d’appel s’exprime de nouveau, très récemment en 2015, dans l’affaire Consortium ad hoc Katz et soutient cette obligation de se renseigner du Bénéficiaire :

 

« Dans l’arrêt Bail ltée, le juge Gonthier a indiqué « […] qu’il ne faut pas donner à l’obligation de renseignement une portée telle qu’elle écarterait l’obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires »[38]. Cette règle de prudence, qu’elle soit vue comme une véritable obligation par certains auteurs[39] et par la jurisprudence[40] ou plutôt comme une condition attachée à la créance du créancier de l’obligation par d’autres auteurs[41], s’impose dans tous les cas. »[42]                   (nos soulignés)

 

 

Obligation de conseil - Entrepreneur

[73]     L’Entrepreneur, dans le cadre d’un contrat d’entreprise, a de plus une obligation de conseil, distincte de l’obligation d’information :

 

« L’entrepreneur ou le prestataire de services a aussi l’obligation de se renseigner, ainsi que de renseigner et conseiller son client en faisant preuve de prudence et de diligence[43], de façon à ce qu’il puisse donner un consentement éclairé[44]. »[45]                                                                                           (nos soulignés)

 

[74]     Ce concept de consentement éclairé, que l’on retrouve souligné dans le cadre de l’obligation de renseignement (tel de notre Cour suprême dans l’affaire ABB c. Domtar précitée) est un principe de base en droit des contrats, il doit être ‘libre et éclairé’ (1399 C.c.Q.) et, écrit l’auteur et Hon. juge Baudouin :

 

« Le consentement est la condition la plus importante de la formation du contrat,

[…]  il convient, devant les développements récents, d'insister sur la portée réelle, et pour ainsi dire nouvelle, de l'exigence que le consentement soit éclairé et réfléchi.  De plus en plus, en effet, le droit se préoccupe de l'information qui doit être connue du contractant pour l'aider à prendre une décision éclairée.  Cette exigence … est désormais reliée à l'obligation de bonne foi (art. 1375 C.C.). » [46]

(nos soulignés)

 

[75]     Cette obligation de conseil de l’Entrepreneur est non seulement distincte de l’obligation d’information mais a d’ailleurs une portée plus large :

 

« 354.  L’obligation de conseil […] . Dans le cas du prestataire de services et de l’entrepreneur, en plus de se plier à l’obligation de renseignement, ils devront également s’assurer de la compréhension du client et son assimilation de ces renseignements afin qu’il soit en mesure de s’en servir adéquatement et de manière pertinente.  Il en est ainsi lorsqu’ils doivent conseiller le client sur des questions relatives au choix des sous-traitants et des matériaux, alors que ce dernier insiste pour le faire. »[47]                                                            (nos soulignés)

 

Situations de matériaux impropres ou de piètre qualité

[76]     On retrouve plusieurs applications jurisprudentielles de cette obligation de conseil, entre autre lors de situations découlant de matériaux impropres ou de piètre qualité tel que cite le Pr Karim :

 

« […] l’obligation d’informer […] et de conseiller, en cas d’impropriété manifeste du bien à l’utilisation à laquelle on le destine. […] Même si ce choix se fait sans l’intervention de l’entrepreneur […] ce dernier est également tenu d’aviser le client des conséquences et des dangers relatifs à ses choix[48].  Ce devoir d’information est circonscrit par la connaissance réelle ou présumée des parties, par la nature déterminante de l’information, par l’impossibilité du client de se renseigner lui-même, ou par la confiance légitime de ce dernier en l’entrepreneur ou en le prestataire de services[49]. […]  Il [ndlr :  l’entrepreneur] a la responsabilité de ne pas exécuter de travaux qu’il soupçonne qu’ils ne seront pas conformes aux règles de l’art en raison de la piètre qualité des biens[50]»[51]          (nos soulignés)

 

[77]     Cet énoncé du Pr Karim de ne pas exécuter les travaux dans un cas de matériaux impropres se doit d’être compris en tenant compte des différentes conditions factuelles applicables; il s’agit entre autres de circonstances où le ‘client’ n’a pas les connaissances ou expertise requises, où les obligations d’information et de conseil de l’entrepreneur n’ont pas été correctement assumées, et que par prépondérance on peut conclure que le client n’est pas en position d’un consentement et décision éclairé. Ces éléments ne se retrouvent pas à la présente cause, au contraire tel que plus amplement analysé ci-dessous; de plus, la seule jurisprudence citée en appui par le Pr Karim, Nadeau c Beauce (voir ci-dessus), en est une où le ‘client’ est profane et où la Cour (du Québec) détermine que l’entrepreneur n’a pas respecté son obligation d’information (para. 11 et 18) et qu’il y a non-respect par l’entrepreneur de l’obligation qui découle de l’art. 2104 C.c.Q. (para 17).

 

 

[78]     Le Code civil stipule en effet une obligation spécifique d’information pour les biens fournis par le client (souvent des cas de structures existantes sur lesquelles l’entrepreneur doit interagir) mais cette disposition n’est pas selon le Tribunal étrangère à une situation de biens ou matériaux proposés ou imposés par le maître d’ouvrage :

 

« 2104.   Lorsque les biens sont fournis par le client, l'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu d'en user avec soin et de rendre compte de cette utilisation; si les biens sont manifestement impropres à l'utilisation à laquelle ils sont destinés ou s'ils sont affectés d'un vice apparent ou d'un vice caché qu'il devait connaître, l'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu d'en informer immédiatement le client, à défaut de quoi il est responsable du préjudice qui peut résulter de l'utilisation des biens. »                                            (nos soulignés)

 

 

Plans et Devis - Impact aux obligations de l’Entrepreneur ?

[79]     Dans un cadre d’obligation de résultat, l’Entrepreneur ne peut s’exonérer que par force majeure, notons aussi pour nos fins le principe général relatif aux plans et devis :

 

« Un défaut ou une imprécision quant aux plans et devis ne peut, non plus, servir de moyens d’exonération lorsque les usages et les règles de l’art ont été ignorés par l’entrepreneur[52] ou lorsque ce défaut aurait pu être détecté par un entrepreneur compétent qui connaît les règles de l’art de son métier. » [53]

 

[80]     Ceci est d’ailleurs confirmé à diverses reprises par notre Cour d’appel qui ajoute dans l’affaire Construction RSR c. Acier St-Denis :

 

« De plus, les tribunaux reconnaissent qu’à défaut d’exigences contractuelles, de plans et de devis, l’entrepreneur doit exécuter les travaux selon les règles de l’art (Pichette c. Bouchard, [1957] C.S. 18, à la p. 21).

 

Celui-ci ne peut invoquer l’insuffisance et l’ambiguïté des plans fournis pour nier sa responsabilité s’il n’a pas réalisé l’ouvrage conformément aux règles de l’art (Giustini c. Expo ornemental inc., 2007 QCCA 417 au para. [7] ; et Nardolillo c. Caruso, J.E. 87-710 (C.A.) ).» [54]                                                          (nos soulignés)

 

 

 

Fardeau de preuve

 

[81]     La règle générale du fardeau de preuve se retrouve à l’article 2803 C.c.Q. qui prévoit que celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention; ce principe peut être atténué et distingué quant à un aspect de l’obligation d’information de l’Entrepreneur [55] en fonction des dispositions de l'article 2102 C.c.Q. (obligation d’un prestataire de services, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relative à la nature de la tâche qu'il s'engage à effectuer), mais ce n’est pas le cas dans nos circonstances.

 

[82]     Il a déjà été souligné par notre Cour suprême (entre autre dans Banque de Montréal c. Bail et  ABB c. Domtar précitées) que l’obligation d’information, de renseignement découle du principe général de bonne foi, et la bonne foi étant présumée         (art. 2805 C.c.Q.), le client (tel un Bénéficiaire) qui désire invoquer un manquement de l’Entrepreneur à ces obligations doit en faire la preuve, par balance des probabilités.

 

[83]     Alors que le fardeau est sur le demandeur Bénéficiaire quant aux obligations d’information et de conseil de l’Entrepreneur pour les fins de déterminer s’il y a manquement à ces obligations au sens et dans le cadre du Règlement pour fins d’ouverture à la couverture de la Garantie, dans le cadre d’une obligation de résultat, entre autre de cette obligation de bonne exécution technique des travaux et de la responsabilité de l’Entrepreneur sous 2118 C.c. Q., l’absence du résultat fait présumer de la faute et les Bénéficiaires n’ont pas à faire la preuve d’une faute, uniquement de l’absence du résultat prévu; ceci peut être établi de diverses façons telle entre autre la présence d’une non-conformité de certains travaux aux stipulations contractuelles ou aux règles de l’art. Rappelons finalement les dispositions de l’art. 2100 al.2 C.c.Q. qui stipule que l’Entrepreneur sous obligation de résultat ne peut alors se dégager de sa responsabilité qu’en prouvant force majeure.

 

[84]     Notre jurisprudence souligne à diverses reprises l’impact de cette présomption, tel cet extrait de notre Cour d’appel dans l’affaire Voie Maritime du St-Laurent c. United Dominion et Canron de 1996 sous la plume du juge Beauregard :

 

« Étant donné qu'en principe l'obligation d'un constructeur est une obligation de garantie, l'absence de faute de celui-ci n'a pas de pertinence à l'égard de la réclamation de son co-contractant pour la réparation ou le remplacement de la chose construite.»[56]

 

et la doctrine est d’ailleurs au même effet :

 

« Le débiteur d’une obligation de résultat est tenu non seulement d’accomplir un fait, mais aussi de fournir un résultat précis. L’absence de ce résultat fait présumer la faute de l’entrepreneur ou du prestataire de services.  Pour engager la responsabilité de ces derniers, le client n’a pas à faire la preuve d’une faute. Il lui suffit de démontrer le défaut au résultat convenu[57]                        (nos soulignés)

 

[85]     Pour bénéficier de cette présomption de responsabilité de l'entrepreneur établie par l’article 2118 C.c.Q., la Cour d’appel nous rappelle en 2004 dans l’affaire Silo Supérieur :

 

« En l'espèce, pour bénéficier de cette présomption, l'intimée devait démontrer par prépondérance de preuve qu’il y a eu perte de l'ouvrage et que celle-ci résultait d'un vice de construction […][58]

 

et la doctrine conclut avec raison quant à l’effet de cette présomption sur la nécessité de fixer une cause exacte de la perte ou détermination spécifique du vice, tel Baudouin qui explique ainsi la preuve qui doit être faite pour entraîner l'application de la présomption de responsabilité de 2118 C.c.Q.:

« 1685  […]  Le propriétaire doit, en effet, démontrer que cette perte [de l'ouvrage] est bel et bien attribuable à un vice […]. Toutefois, la présomption dont bénéficie le propriétaire lui évite d'avoir à démontrer la cause technique exacte de la perte de l'édifice. […] » [59]                                                                             (nos soulignés)

 

 

Contrat et Devis - et le rôle assumé par l’Architecte

 

Contrat à Forfait - Modalités contractuelles

[86]    L’ensemble des diverses décisions analysées dans le cadre de la relation entre le Bénéficiaire maître de l’ouvrage et l’Entrepreneur soulignent toutes, soit une mise en situation référant au contrat entre un maître de l’ouvrage et l’entrepreneur, ou soit et de raison évidente selon nous, de l’importance capitale et essentielle de se référer en tout premier lieu au contrat entre ces parties.

 

[87]    On a fait peu référence au Contrat à Forfait (Pièce A-1) ou à son contenu lors de l’enquête et quoique les circonstances spécifiques de sa négotiation ou signature n’ont pas été détaillées devant le Tribunal, notons que des initiales apparaissent à plusieurs endroits dans le texte autrement standard du CCDC 2 et que dans différentes dispositions une estampille ‘modifié par avenant initiales’ apparaît auprès d’initiales en support d’ailleurs d’un avenant joint et on peut en inférer que le Contrat à Forfait a été sujet de lecture et discussions par les parties signataires et qu’il ne doit pas être uniquement caractérisé du type ‘contrat d’adhésion’ au sens du C.c.Q. sans prendre ceci en considération.

 

[88]   Le Contrat à Forfait comprend  (A-3 Documents contractuels, art. 3.1) la convention entre le Bénéficiaire maître de l’ouvrage et l’Entrepreneur, les définitions et les conditions générales (« CG ») ou chaque modification ou retrait d’icelles est indiqué, et avenant correspondant, et en Annexe 2 est identifié comme partie des ‘documents contractuels’ les cahiers d’appel d’offres et différents devis et plans (les détails additionnels des annexes ne sont pas utiles pour nos fins). En cas de contradiction entre les ‘documents contractuels’, un ordre de priorité est prévu (art. CG 1.1.9).

 

[89]   Les extraits suivants du Contrat à Forfait sont d’à propos :

 

CONVENTION ENTRE MAÎTRE DE L’OUVRAGE ET ENTREPRENEUR

 

A-1  OUVRAGE

L’entrepreneur doit :

1.1               exécuter l’ouvrage requis en vertu des documents contractuels pour LA CONSTRUCTION D’UN ENSEMBLE DE 83 LOGEMENTS ABORDABLES POUR PERSONNES ÂGÉES EN PERTE D’AUTONOMIE à SITUÉ […] DANS L’ARRONDISSEMENT LACHINE que les deux parties ont signés et qui ont été établis par Lapointe, Magne architectes, […] ingénieurs … et […] paysagistes agissant à titre de « professionnel » et ci-après désigné comme tel;

 

 

A-8  SUCCESSION

8.1       Les documents contractuels font partie intégrante de la convention et le tout constitue le contrat entre les parties […]

 

DÉFINITIONS

Les définitions suivantes s’appliquent aux documents contractuels.

 

3.         Maître de l’ouvrage

            Personne ou entité désignée comme telle dans la convention.  L’expression englobe tout agent ou représentant autorisé désigné comme tel par écrit à l’entrepreneur

 

7.         Professionnel

Personne ou entité désignée comme telle dans la convention.  C’est l’architecte, l’ingénieur ou l’entité ayant droit d’exercice dans la province ou le territoire de l’emplacement de l’ouvrage.  L’expression englobe tout représentant autorisé du professionnel.

 

16.       Instruction supplémentaire

Instruction que le professionnel émet pour compléter les documents contractuels lorsque cela est nécessaire à l’exécution de l’ouvrage, qui est compatible avec les documents contractuels, qui n’a pas d’effet sur le prix du contrat et le délai d’exécution du contrat et qui se présente sous forme de devis, de dessin, de tableau, d’échantillon de modèle ou d’instruction écrite.

 

17.       Avenant de modification

            Document écrit préparé par le professionnel pour apporter un changement au contrat, que le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur ont signé pour faire état de leur accord sur :

·                     une modification à l’ouvrage; […]

 

 18.      Directive de modification

Instruction écrite préparée par le professionnel et signée par le maître de l’ouvrage pour demander qu’une modification compatible avec la portée des documents contractuels soit apportée à l’ouvrage.

 

 

CONDITIONS GÉNÉRALES DU CONTRAT À FORFAIT

 

1.1.1  L’intention des documents contractuels est de comprendre toute la main-d’œuvre, tous les produits et tous les services nécessaires à l’exécution de l’ouvrage par l’entrepreneur conformément à ces documents.  Mais l’intention de ces documents n’est pas d’obliger l’entrepreneur à fournir des produits ou à exécuter des travaux qui ne seraient pas compatibles avec les documents contractuels, ou qui n’y seraient ni mentionnés directement ni implicitement inclus.

 

 

2.1.1 Le professionnel n’a autorité pour agir au nom du maître de l’ouvrage que dans la mesure prévue dans les documents contractuels, [s/o …]

 

2.2.1 Le professionnel administre le contrat pendant les travaux jusqu’à l’émission du certificat final de paiement, conformément aux documents contractuels et à l’article CG 2.1 […]

 

2.2.2 Le professionnel visite l’emplacement de l’ouvrage à des intervalles appropriés à la progression des travaux, dans le but de se tenir bien informé de leur avancement et de leur qualité […]

 

2.2.5 Le professionnel n’a ni autorité, ni responsabilité, ni fonction de surveillance à l’égard des moyens, méthodes, techniques, séquences ou procédés de construction,   […]  Il ne peut être tenu responsable du défaut de l’entrepreneur d’exécuter l’ouvrage conformément aux documents contractuels.  Il n’a ni la responsabilité, ni la maîtrise des actions ou omissions de l’entrepreneur, […]

 

2.2.6 Le professionnel est l’interprète, en premier lieu, des exigences des documents contractuels et formule des conclusions sur l’exécution, par chacune des parties, de ses obligations contractuelles, sauf [s/o …]

 

2.2.7 Tout litige, réclamation ou autre sujet de discussion se rapportant à l’exécution de l’ouvrage ou à l’interprétation des documents contractuels, sauf [s/o …] doit d’abord être soumis, par écrit au professionnel et à l’autre partie. Le professionnel fait connaître son interprétation ou sa conclusion aux parties, par écrit et dans un délai raisonnable.

 

2.2.8 Le professionnel a autorité pour rejeter tout travail qui, à son avis, n’est pas conforme aux documents contractuels.

 

2.2.10           Le professionnel examine, conformément aux documents contractuels, les dessins d’atelier, fiches techniques de produits et échantillons et y donne suite de la manière appropriée.

        

2.2.11           Le professionnel prépare les avenants de modification et les directives de modification.

 

2.2.13           Le professionnel émet ses certificats selon sa connaisance et son appréciation des travaux et selon les informations dont il dispose.  En émettant un certificat, il ne garantit pas que les travaux aient été exécutés correctement ou complètement.

 

3.1.1 L’entrepreneur a la maîtrise entière de l’exécution de l’ouvrage qu’il doit diriger et superviser effectivement de façon à en assurer la conformité avec les documents contractuels.

 

3.4.1 L’entrepreneur doit examiner les documents contractuels et signaler dans délai au professionnel toute erreur, contradiction ou omission qu’il peut y découvrir.  Même s’il doit faire cet examen avec attention, il n’est d’aucune façon responsable envers le maître de l’ouvrage ou le professionnel de son exactitude et ne peut être tenu responsable des dommages ou des frais qui peuvent résulter desdites erreurs, contradictions ou omissions et qu’il n’a pas découvertes.  S’il en découvre, il ne doit pas exécuter le travail tant qu’il n’a pas reçu les informations correctives ou manquantes du professionnel.

 

3.9.1 L’entrepreneur doit fournir et payer la main d’œuvre , les produits, l’outillage,     […]

 

3.9.2 Les produits fournis doivent être neufs.  Ceux qui ne sont pas spécifiés doivent être d’une qualité compatible avec ceux qui le sont, et leur utilisation doit être jugée acceptable par le professionnel.

 

6.1.1 Le maître de l’ouvrage peut […] apporter, par l’entremise du professionnel, des modifications à l’ouvrage […] au moyen d’avenants de modification ou de directives de modification.

 

6.1.2 L’entrepreneur ne peut apporter de modification à l’ouvrage sans avenant de modification ou de directive de modification.

 

CG 12.3 GARANTIES

 

12.3.2           L’entrepreneur n’est responsable de la bonne performance de l’ouvrage que dans la mesure où la conception et les documents contractuels permettent une telle performance.

 

12.3.6           Il incombe à l’entrepreneur d’obtenir des fabricants les garanties relatives aux produits lorsque ces garanties ont une durée supérieure à un an, en agissant à cette fin au nom du maître de l’ouvrage.  Ces garanties doivent être émises par le fabricant au bénéfice du maître de l’ouvrage.

(nos soulignés)

 

Devis

[90]    La preuve, tant documentaire que testimoniale, a soulignée certaines dispositions du devis préparé par l’Architecte (« Devis »), soit plus particulièrement les sections 03540 et 09651, dont [extraits sélectionnés par le Tribunal] :

 

     section 03540 ‘Chapes de béton de gypse’

2. Produits

2.1 MATÉRIAUX

.1 Produit de sous-plancher en ciment de gypse : ciment de gypse de sous-plancher Levelrock 2500 de CGC, distribué par Nivel-Sol, ou équivalent approuvé.

.4 Apprêt ou agent adhésif de sous-plancher : apprêt de plancher Levelrock de CGC ou équivalent approuvé.

.5 Produit d’étanchéité de sous-plancher : produit TopSeal de CGC ou équivalent approuvé.

3 Exécution

3.1 PRÉPARATION

.1 La structure du sous-plancher doit être solide. l’entrepreneur doit nettoyer le sous-plancher pour enlever la boue, l’huile, la graisse et les autres […]

.3 Appliquer l’apprêt de sous-plancher sur le sous-plancher.

3.2 APPLICATION D’UN PLANCHER EN BÉTON DE GYPSE

.1 On ne doit pas commencer l’application tant que l’immeuble n’est pas fermé, .2 […] Le béton doit être convenablement durci avant l’aspplication.

.3 L’entrepreneur doit assurer une ventilation constante et un chauffage suffisant pour […]

et la

     section 09651 ‘Revêtement de sol souple en carreaux’

2. Produits

2.1 MATÉRIAUX

.1 Carreaux vinyliques composite (CV) : conformes à la norme CSA A.126.12, de type A marbré de 3.0 mm d’épaisseur, dimensions 300 X 3000 mm :

.1 Type CV : Carreau de vinyle composite, couleur dans la gamme standard du fabricant … Armstrong …

.3 Apprêts et adhésifs : hydrofuges, recommandés par le fabricant du revêtement de sol, matériau compatible avec le support, qu’il soit situé au niveau du sol, au-dessus ou au-dessous de celui-ci.

3. Exécution

3.1 INSPECTION

.1 À l’aide des méthodes recommandées par le fabricant du revêtement de sol, s’assurer que les planchers en béton sont secs.

3.2 TRAITEMENT DU SUPPORT

.3 Apprêter et sceller le béton selon les instructions écrites du fabricant du revêtement de sol.

3.3 POSE DU REVÊTEMENT DE SOL DE CARREAUX

.1 Appliquer uniformément l’adhésif à l’aide de la truelle recommandée, […]

.4 Au fur et à mesure de l’avancement des travaux, et immédiatement après la pose passer un cylindre d’au moins 45kg sur les carreaux, dans les deux sens, pour assurer une parfaite adhérence.

 

[91]    Ces extraits du Devis permettent entre autre de mieux saisir l’approche de l’Architecte dans ses instructions à l’Entrepreneur alors que le Tribunal note d’une part, entre autre, l’art. CG 3.1.1. (précité), et l’art. 3.1.2 au Contrat à Forfait contenu bien connu d’un principe d’autonomie de l’entrepreneur bien établi :

 

« L’entrepreneur est seul responsable des moyens, méthodes, techniques, séquences et procédures de construction, ainsi que de la coordination des diverses parties de l’ouvrage faisant l’objet du contrat. »

 

alors et que d’autre part le Devis ne s’arrête pas à spécifier des matériaux mais que l’Architecte spécifie sous le titre ‘Exécution’ des éléments de ‘préparation’, ‘d’application’, de ‘traitement du support’, de ‘pose du revêtement’ lorsqu’il ne s’agit pas de truelle ou du poids d’un cylindre pour assurer l’adhérence.

 

[92]    Le Contrat à Forfait nous donne certaines indications quant au rôle de l’Architecte et du Bénéficiaire maître de l’ouvrage, et conséquemment des limites du rôle et responsabilités contractuelles de l’Entrepreneur.

 

[93]    Dans une recherche du Tribunal de préciser la portée des modalités du Contrat à Forfait, et de l’intention et objectif commun des parties, une analyse des modalités contractuelles étudiées par la Cour Suprême dans l’affaire Demers c Dufresne[60] (Demers, l’ingénieur et Dufresne, l’entrepreneur pour la construction des piliers d’un pont) est utile pour nos fins. Quoique les clauses contractuelles ne sont pas de même language, on peut retenir (des enseignements de la Cour) des nuances importantes à l’interprétation de certaines clauses du Contrat à Forfait, plus particulièrement les clauses (précitées ci-dessus dans leur contexte) mais que je reprends pour fin de lecture comparative plus aisée :

 

« 2.2.6   Le professionnel est l’interprète, en premier lieu, des exigences des documents contractuels et formule des conclusions sur l’exécution, par chacune des parties, de ses obligations contractuelles, sauf [s/o …]

 

2.2.7    Tout litige, réclamation ou autre sujet de discussion se rapportant à l’exécution de l’ouvrage ou à l’interprétation des documents contractuels, sauf [s/o …] doit d’abord être soumis, par écrit au professionnel et à l’autre partie. Le professionnel fait connaître son interprétation ou sa conclusion aux parties, par écrit et dans un délai raisonnable.

 

2.2.8    Le professionnel a autorité pour rejeter tout travail qui, à son avis, n’est pas conforme aux documents contractuels. »                                                                                                                                                                                                                    (nos soulignés)

alors que dans l’affaire Demers la Cour Suprême cite dans un ensemble des clauses contractuelles qui prévoient que l’ingénieur, responsable de préparer les plans et devis et surveiller l’exécution des travaux du pont, est chargé entre autre

 

     du contrôle et de l’approbation des plans d’exécution de l’entrepreneur et sous-traitants

     de la coordination des travaux des divers entrepreneurs

     de contrôler la qualité de tous les matériau

 

responsabilité du professionnel qui dépasse dans notre dossier les modalités du Contrat à Forfait, mais à l’inverse, ne prévoit au contrat Demers qu’un rôle de recommandations du professionnel, soit :

 

     recommandations en vue de l’acceptation ou du rejet des travaux

 

alors que le Contrat à Forfait au présent dossier accorde une autorité de rejet à l’Architecte en la matière.

 

[94]   Le raisonnement de la Cour Suprême s’appuie sur le fait que la méthode d’exécution du travail est sujette à l’approbation de l’ingénieur, situation qui n’est pas réflétée par notre Contrat à Forfait qui prévoit (précitée):

 

2.2.5    Le professionnel n’a ni autorité, ni responsabilité, ni fonction de surveillance à l’égard des moyens, méthodes, techniques, séquences ou procédés de construction, … 

 

[95]     Toutefois la Cour Suprême, sur la seule base spécifique de la clause suivante au contrat Demers:

 

« 14. Renseignements, conseils et instructions

Il [l’ingénieur] se tiendra ou tiendra ses ingénieurs et ses techniciens, constamment à la disposition de la corporation [le propriétaire], des entrepreneurs et des sous-traitants pour leur fournir les renseignements, les conseils ou les instructions dont ils auront besoin dans l’exécution des travaux. »

 

conclut en ratio decidendi à stipulation pour autrui expresse qui oblige l’ingénieur envers l’entrepreneur et quoiqu’il y a une erreur de l’entrepreneur manifeste (causant une explosion de caisson) la Cour (banc de cinq, avec longue dissidence de Pigeon J.) tient l’ingénieur responsable avec l’entrepreneur (également entre ces deux parties); la Cour a cherchée à préciser la situation hiérarchique et professionnelle des parties l’une à l’égard de l’autre.

 

[96]     La Cour souligne que les plans et devis originaires préparés par l’ingénieur prescrivent de façon détaillée la façon d’exécuter le travail dont l’entrepreneur ne peut s’écarter sans la permission de l’ingénieur, ce qui s’apparente à la situation présente sous étude (voir les sections du Devis 03540 et 09651 précitées, l’ art. CG 2.2.6. qui prévoit que l’Architecte formule des conclusions sur les exigences des documents contractuels et l’exécution des obligations qui en découle, et l’art. CG 2.2.7. qui prévoit que l’Architecte fait connaître son interprétation ou sa conclusion aux parties quant l’exécution de l’ouvrage).

 

 

Échanges  -  entre le Bénéficiaire, l’Entrepreneur et leurs représentants

 

[97]     Le procureur de l’Entrepreneur a transmis aux Parties et au Tribunal lors de l’enquête une documentation nombreuse sur la question du revêtement de sol, soit plus de cent (100) correspondances, informations et recommandations techniques, directives à l’Entrepreneur, rapports et procès-verbaux de rencontres de chantier préparés par l’Architecte.

 

Procès-verbaux et avis

[98]     Cette documentation déposée en preuve peut être divisée, pour les fins des présentes, en deux groupes distincts, soit :

 

(i)           datés de 2005 et 2006, une série de correspondances principalement de l’Entrepreneur et de l’Architecte respectivement, des informations et commentaires techniques de fabricants et autres et procès-verbaux de réunions de chantier (« PV ») de novembre 2005 à avril 2006 identifiés comme traitant de revêtement de plancher ~ PVs qui sont distribués à toute une série d’intervenants, incluant trois représentants du Bénéficiaire, dont Roy et par présence ou transfert à 2 sinon 3 représentants de SDHM ~ , et

 

(ii)       datés de mai 2010 à mars 2011, soit suite à la lettre de dénonciation du Bénéficiaire du 11 février 2010 (Pièce B-1), entre autres, correspondances de divers intervenants au dossier, recommandations, rapports, tests et travaux visant la pose et réparation des CVC.

 

[99]     On retrouve dès novembre 2005 des tests d’adhésion des CVC, effectués par l’Installateur, Tapis Solution, qui indiquent au PV (10 novembre 2005) « … le revêtement se détache assez facilement de la chape. […] des tests plus concluants devront être faits … » et au PV (17 novembre 2005) « Bien que la colle n’ait pas eu le temps de durcir … l’adhésif reste collé à la chape  … l’architecte et le client attendent les recommandations de l’entrepreneur et des sous-traitants impliqués.». Le témoignage de L. Crochetière (Vice président, Tapis Solution) est au même effet, alors qu’il indique avoir des inquiétudes ‘dès le départ’ quant à l’adhésif, ce qui d’ailleurs concorde avec le refus de garantie de Tapis Solution du 30 novembre 2005 (Pièce E-94).

 

[100]   De même, on retrouve des commentaires du Bénéficiaire relatifs à la chape de gypse aux procès-verbaux de réunions de chantier (Pièce E-89 en liasse), incluant au procès-verbal de la réunion no 47 (23 février 2006) qui indique :

 

« 5.35.1 Chape. […] Concernant la résistance de la chape, le client est conscient de la situation et devra prendre les mesures nécessaires dès la prise de possession .»                                                                                   (nos soulignés)

 

alors qu’au procès-verbal suivant, de la réunion no 48 (2 mars 2006), sous la rubrique ‘Chape’ où le Bénéficiaire (identifié par le rédacteur, l’Architecte, comme le ‘client’) requiert que le texte suivant soit ajouté au compte-rendu précédent :

 

« Le client n’est pas conscient de la faiblesse de la dalle de béton-gypse mais que la situation n’est le résultat des commandes des professionnels […]. La seule reconnaissance est que l’usage sera résidentiel. »              (nos soulignés)

 

[101]   Dans les circonstances, le Bénéficiaire était certes déjà avisé de causes potentielles quant au revêtement du sol, en copie conforme des correspondances nombreuses entre l’Entrepreneur et l’Architecte et alors aussi qu’il requiert avant même la fin des travaux que soit inscrit par exemple un texte qu’il croit disculpatif à un procès-verbal de réunion de chantier (Pièce E-89 en liasse, no 48, texte précité) qu’il [le Bénéficiaire] « …n’est pas conscient de la faiblesse… » de la chape de gypse.  Le Tribunal ne commentera pas plus avant car superfétatoire, à ce stade, la tautologie possible, soit que si le ‘client’ (Bénéficiaire) souhaite insérer qu’il n’est pas conscient d’une faiblesse c’est qu’il a été à tout le moins informé d’une faiblesse.

 

[102]   D. Ayotte, ingénieur (Polytechnique 1991)(« Ayotte »), chargé de projet à l’emploi (depuis plus de 20 ans) de l’Entrepreneur ayant une expérience de projets institutionnels et commerciaux, est responsable de la gestion du projet de construction du Bâtiment pour l’Entrepreneur et a suivi l’ensemble de la problématique et de la chronologie des présentes.  Son témoignage correspond à la preuve documentaire, et il souligne d’autre part qu’ils [l’Entrepreneur] ont suivi les directives de l’Architecte, n’ont pas ‘donné’ d’alternatives ou suggestions sur les enduits, scellant ou couches avant surface finale, n’ont pas participé à la préparation de la documentation pour fins de soumission ni au choix initial des produits.

 

[103]   En contre-interrogatoire par le procureur du Bénéficiaire, Ayotte reconnaît effectivement que, dans le cadre d’un appel public, l’Entrepreneur connaissait les règles avant de soumissionner et qu’il n’y a pas de stipulation expresse de dégagement de responsabilité au Devis. Interrogé par son procureur, Ayotte conclut que même dans le cadre de travaux correctifs (donc en 2011), il ne lui a pas été permis [l’Entrepreneur] de procéder avec une méthode qu’il aurait choisie mais qu’il s’est vu imposer une méthode correctrice.

 

[104]   De retour en 2005, notons qu’en suivi de discussions, rencontres et tests relatifs aux tuiles et à leur adhérence au sous-plancher en novembre 2005, l’Entrepreneur, dès le 1er décembre 2005, avise par écrit l’Architecte sous intitulé « Avis de mise en garde » (Pièce E-4) :

 

                                    « … le choix de couvre-sol souple spécifié aux plans et devis n’est pas fait pour être installé sur une chape de gypse.

                                    et

                                    … notre sous-traitant en couvre-sols souples, Tapis Solutions, a rencontré au chantier plusieurs représentants d’adhésifs et tous sont venus à la conclusion que les adhésifs pour coller les couvre-sols souples sont incompatibles avec la chape de gypse …»

 

et quoique que l’Entrepreneur avance un énoncé unilatéral cherchant à se dégager de toute responsabilité :

 

« À défaut de suivre nos recommandations, soyez informé qu’aucune garantie ne sera émise et que nous nous dégageons de toutes responsabilités inhérentes aux problèmes d’adhésion et d’esthétique qui pourraient survenir aux couvre-sols souples et aux chapes de gypse. »

 

            l’Entrepreneur recherche aussi une confirmation écrite du Bénéficiaire :

 

                        « Si votre désir est de conserver la tuile de vinyle comme revêtement de plancher, nous exigeons une lettre du propriétaire [ndlr identifié : Bénéficiaire] à l’effet que ce dernier accepte nos conditions, c’est-à-dire, qu’il est conscient qu’aucune garantie ne peut être émise pour les couvre-sols souples et qu’il nous dégage de toutes responsabilités dans ce dossier. »

 

[105]   CGC, fournisseur de la chape (sous plancher de gypse) (« CGC ») a émis une recommandation pour la préparation de surface de son produit Levelrock et pour un adhésif pour CVC dès le 18 novembre 2005, et par la suite en janvier 2006 émet une recommandation de produits dont découle semble t-il la directive A-90.

 

[106]   Il est aussi opportun de noter le commentaire de l’Entrepreneur quant à la correspondance de Ardex (adressée à Tapis Solution, Pièce E-4 en liasse) qui avise que celle-ci mentionne que la colle Henry 430 ‘ne rencontre pas les résultats escomptés’.  Une lecture plus attentive de cette correspondance indique plutôt que la Henry 430 sur un substrat faible ne permettrait pas une adhérence solide mais que l’utilisation de cette même Henry 430 (suite à une application de Ardex GS-4) permettrait que l’installation soit couverte par une garantie de 10 ans (Henry’s Best).

 

[107]   En plus de cet ‘avis de mise en garde’ du 1er décembre 2005 (Pièce E-4) et des directives de l’Architecte (telles sous numérotation de l’Architecte A-90, A-95, A-95 révisée) (Pièces E-11, E-13, E-15 respectivement) analysées ci-dessous, le Tribunal note la correspondance de l’Entrepreneur à l’Architecte en date du 8 février 2006 qui reprend un historique détaillé du sujet sur les mois précédents (Pièce E-17); les représentants du Bénéficiaire sont soit récipiendaires ou en copie conforme de ces documents et de la grande majorité de la preuve documentaire de cette période 2005/06 identifiée ci-dessus.

 

Directives

[108]   Une directive A-90 datée du 18 janvier 2006 émise par l’Architecte donne instructions à l’Entrepreneur d’installer les tuiles sur la chape selon les recommandations du fabricant (adhésif Henry Pro 430), l’Entrepreneur soumettant le 23 janvier 2006 un avis que les produits proposés par CGC (imperfections chape Henry # 547 et # 546) ne sont pas disponibles au Canada.

 

[109]   Une nouvelle directive sur le sujet est émise, Directive A-95 (Pièce E-14), suivie de A-95 révision (Pièce E-15), où l’Architecte ajoute entre autre que «Tous ces matériaux doivent rencontrer les exigences du devis. »

 

[110]   L’Entrepreneur pourvoit alors à un historique très ciblé des discussions, rencontres, tests et recommandations de divers intervenants au dossier dans une correspondance détaillée datée du 8 février 2006 (Pièce E-17) :

 

                        « Pour notre part, nous demeurons d’avis qu’après l’ensemble des vérifications réalisées et les mises en garde formulées par toutes les parties qu’il est très risqué d’utiliser ces produits d’autant plus que les manufacturiers ne peuvent fournir de garantie dans les circonstances actuelles. »

 

            et cherche à confirmer un « dégagement  de responsabilité » :

 

« Dans ces circonstances et sur la base de votre expertise, nous procéderons aux travaux requis par vous mais vous devez savoir que malgré que nous suivrons spécifiquement l’ensemble de vos directives et/ou celles de C.G.C. et/ou celles de Centura, que nous sommes dans l’obligation de nous dégager de toutes responsabilités inhérentes à la tenue en service des produits spécifiés par vous. »

 

« Cette lettre vous est donc transmise ainsi qu’au propriétaire pour préserver nos droits et confirmer à tous notre dégagement de responsabilité face à l’utilisation d’un produit avec lequel nous ne pouvons garantir la tenue en service de revêtement de sol et du sous-plancher lui-même. »

 

[111]   La Directive A-95 et A-95 révision entraîne de nombreux échanges épistolaires et plus particulièrement entre autre le 9 février 2006 par l’Architecte (Pièce E-19), au deuxième alinéa :

 

                        « Le contenu des directives (A-90, A-95) qui spécifient les produits et méthodes à utiliser lors d’un test ou d’une installation définitive provient de vos sous-traitants et, par défaut, de votre gouverne. Ces directives démontrent manifestement que nous acceptions vos recommandations.  Nous vous signalons que les recommandations provenant de votre sous-traitant propose le sablage et l’utilisation du scellant SE-100 en équivalence au Topseal demandé au devis. »

 

à laquelle l’Entrepreneur par correspondance du 13 février 2006 répond que contrairement à ce qu’énoncé par l’Architecte relativement à la provenance des spécifications de produits pour installation (i.e. les sous-traitants de l’Entrepreneur - voir l’extrait de la lettre de l’Architecte du 9 février 2006 (Pièce E-19 -) :

 

            « Concernant votre deuxième alinéa, nous tenons à vous rappeler que le produit spécifié en est un qui fut spécifié par vous et, à cet égard, vous êtes à même de savoir que nous n’avons aucunement participé aux spécifications de ce devis… »

 

et d’ajouter d’abondant :

 

            « Il est donc faux de prétendre à tort que le contenu des directives A-90  et A-95 provient de nos sous-traitants. »

 

[112]   Il a été fait grand cas lors de l’enquête que le fabricant de tuiles Armstrong requérait un sous-plancher d’une résistance minimale de 3500 lb/po2.  Des commentaires relatifs à une résistance inférieure du sous-plancher Levelrock 2500 surgissent dès l’automne 2005 et des tests de compression sont effectués en novembre et décembre 2005, mais demeurent encore à discussion fin février et mars 2006.

 

[113]   Alors que le 28 février 2006, l’Architecte demandait à l’Entrepreneur de ne pas procéder aux travaux de finition de plancher aux niveaux 2 et 3 :           « Jusqu’à ce que nous obtenions un constat clair de la qualité des chapes aux niveaux 2 et 3 … » référant à sa recommandation au Bénéficiaire de faire effectuer des tests par Quéformat ltée (spécifiant une méthode « Marbean Schmidt »), l’Architecte dès le 10 mars suivant informe l’Entrepreneur que ces tests (inclure carottage)  sont ‘non normalisés’ et n’indiquent pas leur vraie valeur compressive et que l’Architecte ne peut se référer qu’aux tests normalisés ASTM C72 effectués précédemment par Nivel-Sol (le Tribunal notant que la résistance à compression (2 500-3 200 lb/po2) type identifiée à la fiche technique de Levelrock 2500 (Pièce E-2) réfère à ASTM C472) donc connus de l’Architecte tant quant aux résultats que référant à la norme ASTM.

 

Rapports d’Expertise

 

[114]   Le Bénéficiaire pourvoit à Rapport d’expertise (Pièce B-14) de Marc Deschamps, architecte (« Deschamps ») daté du 14 novembre 2013, avec photographies (couleur)  qui illustrent principalement des réparations ‘carreaux recollés’ au petit salon, salle communautaire et étage presbytère (photos 2 à 5) et principalement des décollements dans les logements (photos 8 à 14) (« Rapport Deschamps ») en suivi de cinq visites du Bâtiment entre avril et août 2013.

 

[115]   Le Rapport Deschamps indique qu’il ne peut être établi, avec les données disponibles : « …la cause première de l’absence d’adhérence entre la face inférieure des carreaux de vinyle composite et la couche de colle. »[61]

 

[116]   Le Rapport Deschamps conclut, et Deschamps témoigne, et le Tribunal doit souligner qu’il y a preuve contradictoire à ce sujet, que le décollement est généralisé au plancher des 64 logements situés aux 2e à 5e étages, en plus du décollement local de la salle à manger et de la salle communautaire.

 

[117]   Le Rapport Deschamps énonce à ses conclusions qu’il y a risque de chute que représente ce décollement pour des personnes en perte d’autonomie (sans que la preuve n’ait autrement supporté cet énoncé devant le Tribunal) et avance un estimation des coûts de remplacement du plancher CVC qui d’une part comprend des frais supplémentaires du Bénéficiaire que le Tribunal aurait hésité à inscrire dans un tel exercise (Pièce B-15, en liasse) et qui en contre-interrogatoire indique à certains postes certains dédoublements de montants estimés tenant compte de la facturation de l’installateur Tapis Solution.

 

[118]   L’Entrepreneur pourvoit à Rapport d’expertise de Michel Lemaire Expert-conseil Inc., (Pièce E-90) sous la plume de Michel Lemaire (« Lemaire »), architecte, daté du 19 décembre 2013, avec plus de soixante photographies (couleur) des tests, emplacements, décollements et traces de colle sur CVC et sous-planchers (« Rapport Lemaire »).

 

[119]   Le Rapport Lemaire, avec diverses analyses et conclusions mixtes de faits et de droit et conclusions de droit qui demeurent plutôt de la compétence du Tribunal,  identifie une méthode correctrice autre que celle utilisée par le Bénéficiaire (qui serait moins coûteuse afin de mitiger les dommages) mais surtout pour nos fins identifie aussi des constats spécifiques lors des deux visites et tests auxquels Lemaire participe sur les lieux, soit les 15 juin 2011 et 14 février 2013.

 

[120]   En suivi de la visite de 2011, l’expert Lemaire est d’avis qu’il ne s’agit pas d’un problème de pose mais d’adhérence à l’interface CVC et colle (et non à l’interface gypse colle) donc d’incomptabilité entre la colle et les carreaux.

 

[121]   En suivi de la visite de 2013, il y a constat que les carreaux de couleur blanche (vs vert et rouge aussi utilisés) collés sur dalle de béton avec colle conventionnelle alsphatique (colle noire, autre que la colle utilisée selon la ‘recette’) ne sont alors pas problématiques mais, et c’est le focus des conclusions et du témoignage de Lemaire, que le problème d’adhérence se retrouve principalement aux carreaux blancs, « … essentiellement  incomptabilité entre les carreaux blancs et la colle utilisée en 2006 » et « Il y a quelque chose dans les carreaux blancs d’Armstrong qui l’empêche d’adhérer avec la colle qui a été prescrite et utilisée. »[62]

 

Exonérations de 2119 C.c.Q.

 

[122]   Tenant compte du cadre d’application du Règlement, il n’est pas de la compétence du Tribunal de déterminer une responsabilité quelconque de tout tiers au dossier, que ce soit l’Architecte ou les sous-traitants de l’Entrepreneur, quoique certains éléments de preuve documentaire soient au dossier mais uniquement saisis par le Tribunal pour les fins des présentes dans le cadre du Règlement.

 

[123]   C’est donc dans un cadre uniquement de déterminer les obligations de l’Entrepreneur et les limites de celles-ci, s’il en est, pour les fins du Règlement que le Tribunal analyse lorsqu’approprié le Contrat à Forfait ou le contenu des plans et devis afin de saisir le rôle ou les obligations soit contractuelles ou légales de tiers pouvant avoir un impact sur celles de l’Entrepreneur, tant quant à leur nature qu’à leur limites.

 

[124]   Notons toutefois les principes repris entre autre dans l’affaire Protection incendie Idéal[63] où la Cour supérieure en 2014, passage cité de nouveau au jugement de la Cour d’appel[64] en 2015, nous avise :

 

« [15]      La question de savoir qui est responsable du vice de construction est étrangère au litige principal. Les demandes dans ce litige bénéficient d'une présomption qui ne peut être repoussée que dans les conditions prévues à l'art. 2119 C.c.Q. et la malfaçon d'un sous-traitant, comme d'ailleurs le vice de fabrication des composantes, n'en font pas partie. »

 

Architecte, mandataire du Bénéficiaire ?

 [125]  Il a été fait cas, en plaidoiries contradictoires de l’Entrepreneur et du Bénéficiaire, du rôle de mandataire du Bénéficiaire par l’Architecte, entre autre alors que les procureurs respectifs citent pour chacun l’affaire Reliance Construction c. Commerce and Industry[65] .

 

[126]   Dans cette affaire, les architectes («Gross») avaient été retenus pour plans et devis et pour surveillance des travaux, et suite à infiltration d’eau au toit, le couvreur, l’entrepreneur général et Gross ont été condamnés solidairement à indemniser l’assureur subrogé aux droits du locataire (alors qu’une autre firme d’architectes, retenue pour assurer les travaux de toiture, a été exonérée - ce qui semble indiquer une certaine complexité factuelle et de responsabilité à la condamnation de Gross). Tenant compte de l’identité des parties, on doit souligner la nature extracontractuelle des relations à analyser et conséquemment une obligation de moyens à l’égard du locataire, tiers au contrat entre Gross et le propriétaire.

 

[127]   On peut tenter de cerner la qualité du mandat de l’architecte dans cette affaire -  alors que le reproche principal qui emporte responsabilité de Gross ne porte pas tant sur la surveillance des travaux que sur le fait d’avoir permis au locataire d’emménager dans l’immmeuble alors que les travaux de construction n’étaient pas terminés (para 70) - en associant cette autorité d’emménager à celle d’un propriétaire (alors que, fait intéressant, le locataire et le propriétaire semblent avoir des liens (paragr. 14)). Toutefois, le Tribunal est d’avis que des jurisprudences autres sont plus d’à propos pour circonscrire cette question soulevée de mandat et on retrouve certaines dans un cadre d’analyse de l’immixtion du propriétaire.

 

[128]   Les représentations des Parties, et divers éléments de preuve testimoniale, ont soulevé la question de l’impact d’une immixtion du propriétaire et de l’Architecte d’une part au rôle et autonomie de l’Entrepreneur et d’autre part quant au choix des matériaux. Ceci vise entre autre le moyen d’exonération que l’on retrouve sous 2119 al. 3 C.c.Q précité:

 

« Chacun pourra encore se dégager de sa responsabilité en prouvant que ces vices résultent de décisions imposées par le client dans le choix du sol ou des matériaux, ou dans le choix des sous-entrepreneurs, des experts ou des méthodes de construction

 

Immixtion du propriétaire

[129]   Les auteurs Edwards et Rodrigue commentant 2118 C.c.Q. indiquent :

 

« Lorsqu’un architecte prépare des plans, il est entrepreneur de travail intellectuel. En revanche, lorsqu’il surveille les travaux de l’entrepreneur à la demande du maître de l’ouvrage, il devient le mandataire de ce dernier et est lié par ses actes et décisions. »[66]

 

[130]   Cette citation est tirée de l’affaire Leclerc [67] à la décision de 1969 de la Cour du banc de la Reine, sous caveat que l’arrêtiste indique plus clairement que c’est le propriétaire qui est lié par les décisions de l’architecte, sommaire plus audacieux que les propos de la Cour sous la plume du juge Pratte qui s’attarde plutôt aux clauses du contrat - formulaire type pour contrat d’entreprise alors utilisé par les architectes - et ce qui y est identifié commme compétences de l’architecte dans les circonstances.

 

[131]   La Cour suprême (banc de cinq, dont dissidence des juges Laskin et Pigeon) soulignera d’ailleurs dans cette affaire[68] le « contrat …attribuant les pouvoirs les plus étendus» à l’architecte.

 

[132]   Une longue dissidence de l’Hon. Juge Pigeon (alors que la majorité s’exprime en trois paragraphes) où il considère erroné le motif avancé par le juge Pratte en Cour d’appel qui exonère l’entrepreneur car il considère que « … c’est l’architecte qui a décidé », et que l’entrepreneur « n’a eu qu’à suivre ses instructions, et la qualité de son travail n’est pas mise en question ».

 

[133]   Le Juge Pigeon est plutôt d’avis que, d’une part, dès que le principe de l’art. 1688 C.c.B.C.[69] (prédécesseur de 2118 C.c.Q.) entre en jeu une approbation de l’architecte n’est pas un moyen de défense pour l’entrepreneur, et d’autre part :

 

«Nous sommes d’avis que l’arrêt Brown v Laurie [ndlr :citation non incluse :16 L.C.J. 85] fait autorité de façon concluante contre la proposition voulant que le travail ayant été exécuté selon les conditions du contrat et sous la surveillance d’un architecte choisi par l’employeur, le constructeur soit libéré de la responsabilité qui lui incomberait autrement. (Wardle c. Bethune 3, Canadian Consolidated Rubber Co. c. Pringle & Son Ltd. & The Foundation Co. Ltd.4) [70]

3.  16 L.C.J. 85

4.  (1871), L.R. 4 P.C. 33 à 54.

 

[134]   Cette exception à la responsabilité de l’entrepreneur est d’ordre public et son interprétation doit être restrictive.[71] Toutefois, cette position jurisprudentielle, ‘tempérée’ par la majorité dans Leclerc, vise la question de surveillance et non celle de spécification aux appels d’offres, aux plans et devis.  Notre Cour d’appel considère toutefois que l’obligation de conseil de l’architecte tant aux plans et devis que sous mandat de surveillance tel dans l’affaire Ville de Lac St-Charles[72] qui vise une problématique de pose de pavage sur une surface qui ne s’y prête pas (notez le parallèle aux faits du présent dossier) où deux firmes d’ingénieurs ont respectivement agi une sur les plans et l’autre sur la surveillance, et où la Cour considère une obligation similaire de conseil des conséquences de la pose.

 

[135]   L’arrêt Scaffidi Argentina c. Constructions GSS Gauthier[73] - confirmé par la Cour d’appel en 2014[74] - adresse la question du choix des méthodes d’exécution, où nous avons constaté tel qu’indiqué plus haut une spécificité très marquée dans les instructions de l’Architecte à sa documentation:

« Le choix des méthodes d’exécution des travaux pourrait être considéré comme étant une atteinte au droit de l’autonomie de l’entrepreneur lorsque ce choix a été fait dans les cahiers des charges ou lors des négociations du contrat d’entreprise. Toutefois, Vincent Karim précise dans son ouvrage Contrat d'entreprise :

«229. L’entrepreneur qui accepte de réaliser l’ouvrage selon les spécifications contenues dans les cahiers des charges, accepte en même temps de suivre la méthode d’exécution déjà choisie par le client, ce qui fait présumer non seulement sa connaissance et sa maîtrise de la mise en application de cette méthode, mais aussi sa reconnaissance que la méthode et les matériaux ainsi choisis sont appropriés.»[75]

 

[136]   Toutefois notre problème semble demeurer entier car dans cette affaire traitant d’un vice de conception de construction et de réalisation de l’ouvrage, le tribunal nonobstant l’exposé et citations précités, se tourne vers l’arrêt Davie Shipbuilding pour finalement circonscrire le tout sans répondre avec finalité, la preuve ayant démontré que l’entrepreneur a reconnu que les plans et les matériaux choisis étaient appropriés.

 

[137]   Il est clair que nous devons aussi nous tourner vers notre Cour suprême, dont l’affaire Davie Shipbuilding Ltd. c. Cargill Grain Co. Ltd.[76] qui pour le soussigné est un arrêt clé sur la question sous étude.  Cette affaire est d’ailleurs citée dans nombre de décisions subséquentes, par exemple dans la série de notre Cour d’appel dans Boulanger c. Commission scolaire régionale de l'Estrie[77] que nous analyserons plus avant pour autres fins ci-dessous.

 

[138]   L’arrêt Davie Shipbuilding c. Cargill est d’ailleurs précédé de l’affaire CCH Canadian Ltd. c. Mollenhauer[78] où l’entrepreneur (Mollenhauer) s’est engagé par contrat à construire un immeuble pour l’appelante CCH, contrat qui décrivait la qualité et la quantité de la brique à utiliser (fournie par un tiers conformément au devis) et qui s’est révélée impropre; en sommaire, la Cour décrète que puisque la brique avait été fournie conformément au devis et la fourniture du matériau sous la surveillance de l’architecte de CCH, et puisque le propriétaire, CCH, ne s’était pas fié à la compétence et au jugement de l’entrepreneur, ce dernier n’était pas responsable des défectuosités ou de l’impropriété de la brique.

 

[139]   La Cour suprême nous enseigne dans l’affaire Davie Shipbuilding c. Cargill à propos de la défense d'exonération :

 

« Pour que la responsabilité soit écartée, faut-il que la preuve établisse chez le propriétaire une plus grande compétence que chez son architecte et son entrepreneur.

Il faut regarder le tableau dans son ensemble. Le point de départ est la responsabilité des hommes de l’art ; ils sont responsables si la preuve n’établit pas à la satisfaction du tribunal la cause d’exonération qui résulte du fait du propriétaire. Si son expertise en la matière est très grande et qu’elle surclasse carrément celle des exécutants, la responsabilité de ceux-ci sera entièrement écartée. Si, par ailleurs, l’expertise du propriétaire est à peu près l’équivalente de celle des hommes de l’art, leur responsabilité ne sera que mitigée.

La doctrine et la jurisprudence françaises imposent une condition à l’exercice de cette défense : que les exécutants ne se sont pas volontairement fermé les yeux à des erreurs du propriétaire pouvant affecter la solidité de l’ouvrage. J’accepte cette condition. Ayant comme client un expert en la matière, les exécutants ne sont pas obligés de reprendre à pied d’œuvre tout ce que le propriétaire leur transmet comme données de base et comme documents. Si les exécutants, toutefois, à la lecture de ces données et de ces documents, ont des points d’interrogation, ils ont l’obligation d’en faire part au propriétaire expert, lui donnant ainsi l’occasion de prendre ses décisions en toute connaissance de cause.» [79]                                                                                          (nos soulignés)

 

[140]   Cet extrait cité de l’arrêt Davie s’adresse au ‘fait du propriétaire’.  Les propos[80] de Thérèse Rousseau-Houle dans son ouvrage Les contrats de construction en droit public et privé reprennent cette analyse :

 

«Dans l'arrêt Davie Shipbuilding c. Cargill Grain, la Cour suprême n'écarte pas la qualification du contrat qui est véritablement un contrat d'entreprise et ne cherche pas à contourner les conditions d'application de l'article 1688. Au contraire, elle reconnaît que les entrepreneurs sont présumés responsables de la perte des installations portuaires, mais qu'ils peuvent s'exonérer en prouvant que le dommage provient de la faute du propriétaire.

Deux conditions sont toutefois expressément posées pour que l'immixtion du propriétaire dans la réalisation des travaux puisse exonérer l'entrepreneur et l'architecte. Il faut d'une part, que le maître de l'ouvrage soit notoirement compétent et que d'autre part, il se soit réellement immiscé dans la conception de l'exécution des travaux et que cette immixtion fautive soit la cause du dommage.

La spécificité du contrat d'entreprise oblige à reconnaître que l'exonération de l'entrepreneur ou de l'architecte est subordonnée à la constatation chez le maître de l'ouvrage d'une compétence technique notoire, compétence à défaut de laquelle, la responsabilité des architectes et entrepreneurs est retenue, car il est de leur devoir de résister aux interventions irresponsables d'un client profane.»

(nos soulignés)

 

[141]   Dans la foulée de l’arrêt Davie, on souligne de nouveau à diverses reprises la question de l’étendue de l’obligation de l’entrepreneur quant à la bonne exécution technique des travaux, l’obligation ou non de remettre en cause la conception des travaux, tel les énoncés de notre Cour d’appel dans l’affaire précitée deVille de Lac St-Charles (problématique de pose de matériaux sur une surface qui ne s’y prête pas) et référant à des clauses contractuelles entre les parties, soit principalement pour nos fins :

 

« 0.5.9 - L'entrepreneur accepte et reconnaît être entièrement responsable pour tous les matériaux ou équipement et pour tous les outillages employés dans la construction du projet, …

 

0.9.6 - La surveillance, l'approbation et l'acceptation des travaux ne dégageront aucunement l'entrepreneur de la complète obligation que son contrat lui impose d'exécuter les travaux suivant les règles de l'art, …

 

0.10.6 - Nonobstant la garantie d'entretien fournie par l'entrepreneur, ce dernier demeure responsable envers le propriétaire de la qualité et de la bonne opération du Code civil de la Province de Québec, article 1688, ou de tout autre article relatif à la responsabilité civile de l'entrepreneur envers le propriétaire.»

 

la Cour - qui contrairement au juge de première instance, identifie les circonstances comme sujettes à l’article 1688 C.c.B.C. - délimite l’obligation de l’Entrepreneur comme suit :

 

« [26]  Ces clauses soulèvent la question de l'étendue de l'obligation de l'entrepreneur d'exécuter les travaux suivant les règles de l'art.  Doit-il, par exemple, en raison de celles-ci, discuter ou remettre en cause la conception des travaux ?  À notre avis, l'obligation de l'entrepreneur trouve sa limite dans ses connaissances, son expérience ou, plus globalement, dans sa qualification professionnelle.  Ainsi, celui-ci est tenu d'exécuter l'ouvrage selon les plans et devis en respectant l'ensemble des techniques et des pratiques de construction approuvées qui assurent la qualité de l'ouvrage.  Comme la Cour suprême l'affirme dans Davie Shipbuilding Ltd c. Cargill Grain Co., les fonctions de l'ingénieur et de l'entrepreneur sont différentes:

 

«  Il ne faut pas oublier que les fonctions de l'ingénieur et de l'entrepreneur sont différentes, le premier étant l'homme de l'art à qui l'on confie normalement la conception et la préparation des plans et devis, et le second n'étant que l'exécutant.  Si le second a l'obligation de faire la vérification que veut lui imposer le jugement dont appel [soit l'obligation de vérifier les données transmises par le propriétaire expert], la présence de l'ingénieur n'est, à toutes fins pratiques, plus utile »[3]. [1978] 1 R.C.S. 570 , 583.

 

[29]  […] Choinière [ndlr : entrepreneur], conscient des problèmes […] , a dénoncé à l'appelante et aux ingénieurs, à de nombreuses reprises, les problèmes susceptibles de découler de leur pavage. Dans cette situation précise, et sujet aux obligations découlant de l'article 1688 C.c.B.C., son obligation se limitait à dénoncer au donneur d'ouvrage les problèmes constatés. »[81]

 

La Cour fait d’autre part alors référence en note à l’affaire Poulin [82].

 

[142]   La Cour suprême s’adresse clairement à ce fait, cette faute du propriétaire dans Davie alors que sous la plume du Juge de Granpré on édicte :

 

« Cette faute du propriétaire peut être rattachée à des faits forts divers. […]. Elle peut être aussi le fait du propriétaire versé en la matière qui impose ses vues à son architecte et à son entrepreneur. C’est là une opinion généralement acceptée en France et je n’ai aucune hésitation à la faire mienne. »

 

[143]   La stipulation par le législateur sous 2119 al. 3 C.c.Q précité d’une exonération pour vices qui résultent de décisions imposées par le client dans le choix du sol ou des matériaux, confirme ce concept de décisions imposées et cristallise les limites de cette immixtion, alors que la jurisprudence constante et récente, entre autre dans le jugement phare en 2014 de Deguise c. Montminy (cas de pyrite et

de pyrrhotite où plus de 50 cabinet d’avocats ont agi), reprenant le concept énoncé dans Davie qui confirme de nouveau :

 

« Le client peut s'immiscer injustement par le fait d'imposer l'opinion de son expert à l'entrepreneur ou à ses sous-traitants, mais il peut également s'immiscer injustement en imposant ses décisions quant aux méthodes ou aux matériaux à employer … »[83]

 

[144]   Finalement, un groupe de décisions dans deux affaires sous enquête commune et instances réunies comporte des éléments similaires à notre présente cause, et sont d’un intérêt particulier pour plusieurs éléments de droit soulevés par le présent arbitrage ~ voir aussi la rubrique Caractérisation du vice et Régime de responsabilité de 2118 C.c.Q. ci-dessous, soit Commission scolaire de l’Estrie c. Poulin (EYB 1985-145155, C.S., Tôth, J.) et en appel sous la plume du juge R. Chouinard (et Hon. Rousseau-Houle et Chevalier) (1992 CanLII 3528, QC CA) qui reprend sous Boulanger c. Commission scolaire régionale de l'Estrie, (1992 CanLII 7800, QC CA) des faits et conclusions similaires :

 

             il s’agit de dégradation de plancher de tuiles [de carrière] dans des édifices scolaires (corridors, cafétéria,…) où les tuiles décollaient, bombaient,…

             les architectes retenus par la commission scolaire maître de l’ouvrage avaient responsabilité de préparer plans & devis et surveillance des travaux,

             l’entrepreneur était sous contrat de construction à forfait, s’obligeant à fournir les matériaux et exécuter les travaux,

             pour les travaux de recouvrement de plancher l’entrepreneur retient les services d’un sous-contractant, qui lui obtient les tuiles d’un fournisseur tiers,

             l’architecte émet une modification (no 1) aux plans & devis relativement aux tuiles.

 

[145]   En première instance, le juge ne retient pas la garantie légale sous l’art. 1688 C.c.B.C. considérant qu’il n’y a pas perte de l’ouvrage, mais analyse la responsabilité de l’architecte et de l’entrepreneur sous la responsabilité générale contractuelle ( art. 1065 C.c.B.C.).  La Cour d’appel s’adressant dans Boulanger à la responsabilité de l’architecte, cite in extensio le juge de première instance dont elle partage l’opinion sur ce point[84] et quoique contrairement au présent dossier l’architecte dans Boulanger n’a pas soumis les tuiles à des tests et que le juge de première instance indique que l’architecte a ‘approuvé aveuglement’ la tuile, ce jugement permet de saisir la délimitation des rôles et responsabilités respectives d’un entrepreneur et d’un architecte agissant pour un propriétaire (« …propriétaire n’avait aucune expertise ni compétence dans le domaine, contrairement à la situation prévalant dans l’arrêt Davie Shipbuilding Ltd. c. Cargill Grain Co. Ltd.[3], le maître d’oeuvre n’ayant jamais imposé un choix fondé sur ses recherches et son expérience) - donc distingue selon la Cour cette affaire Boulanger de l’arrêt Davie pour ces fins alors que pour les nôtres, ceci place une emphase additionnelle de distinguer (en faveur de celui-ci dans l’appréciation de la preuve) l’Entrepreneur du Bénéficiaire:

 

 [17] […]

«En apposant sa signature à la modification numéro 1 [ndlr : quant aux tuiles], l’Architecte a engagé sa responsabilité professionnelle,…

La lecture des devis montre que c’était le devoir de l’Architecte de spécifier les matériaux à employer. L’Entrepreneur s’est engagé à poser les matériaux spécifiés.

 

La protection qu’il devait à son client obligeait l’Architecte à empêcher la Commission scolaire de donner des directives quant au choix de la tuile dont les conséquences pourraient être dommageables. Dans ce cas, il aurait dû soit refuser d’approuver la tuile Cabec et d’aviser la Commission scolaire en conséquence ou encore exiger que le matériau qui ne lui était pas connu soit soumis à des tests à la suite de quoi il aurait probablement refusé son approbation. En approuvant aveuglément la tuile Cabec alors qu’il n’avait pas la moindre idée de sa qualité, il a commis une faute professionnelle et a engagé sa responsabilité au cas où celle-ci causerait des dommages à la Commission scolaire.

 

[…] L’architecte doit empêcher le propriétaire que celui-ci ne donne des ordres ou des directives d’où il pourrait résulter un dommage. Cette obligation lui incombe au moment où le propriétaire tente de s’immiscer dans l’ouvrage et non point au moment où un dommage se réalise et que l’on peut déterminer si le vice affecte la solidité de l’édifice ou n’est de nature qu’à causer des dommages sérieux sans compromettre la solidité de l’ouvrage. Il s’agit d’une obligation contractuelle et d’un devoir de conseil inhérent à la profession d’architecte. »

 

[146]   On peut noter aussi postérieurement (1996) aux affaires Boulanger et Poulin la cause Myre c. CHQ adressant un revêtement extérieur de béton polymère choisi par le maître de l’ouvrage, alors que l’entrepreneur n’a pas été consulté sur ce choix (et qu’il a dans ces circonstances fait une suggestion de remplacement, refusée par l’architecte du propriétaire), la cour note que l’entrepreneur « …était sous la supervision constante des architectes qui devaient approuver les travaux étape par étape… » et que « La propriétaire et ses architectes exigeaient de Myre [ndlr : entrepreneur] qu’elle se conforme aux plans et devis … »[85].

 

[147]   En sommaire[86], pour qu'une immixtion du maître de l’ouvrage vaille exonération de responsabilité, tenant compte entre autre (i) des paramètres prévus aux ententes contractuelles, et (ii) de la spécificité des choix de matériau et identificiation de méthodes d’exécution aux plans et devis, selon le cas :

 

[147.1] elle doit être faite par un client ayant (i) une expertise de construction, une compétence technique notoire et (ii) une connaissance de la méthode d'exécution de l’Entrepreneur, alors que plus les connaissances du client en la matière seront vastes, et plus l’Entrepreneur aura de chances de voir sa responsabilité exonérée, et

 

[147.2] cette immixtion résulte en une ‘faute du propriétaire’ alors (i) qu’il impose l’opinion de son expert à l’entrepreneur (ou aux sous-traitants de celui-ci), expert pouvant être un architecte qui a soit préparé les plans et devis ou a responsabilité de surveillance de travaux et agit à titre de mandataire du maître de l’ouvrage, ou (ii) qu’il impose ses décisions quant aux méthodes ou matériaux à utiliser, tel par exemple par exigence de se conformer aux plans et devis alors que l’entrepreneur a pourvu à avis motivé de son désaccord, et

 

[147.3] l'entrepreneur doit donc (i) être réticent à l'égard d'une telle immixtion, réticence qui doit faire l'objet d'un avis donné au client exprimant ce désaccord motivé, incluant informations pertinentes justificatives, (ii) avoir avisé son client des risques et des conséquences pouvant en résulter, et (iii) exprimer son intention de se dégager de toute responsabilité pour ses conséquences si le client insiste et maintient son immixtion, et

 

[147.4] finalement, cette immixtion doit être la cause de la perte de l'ouvrage.

 

 

Conclusions - Obligations de l’Entrepreneur

 

Obligation continue d’information

[148]   L’obligation continue d’information (2102 C.c.Q.), de renseignement de l’Entrepreneur découle du principe général de bonne foi (art. 1375 C.C.) et du principe du consentement libre et éclairé du récipiendaire de l’information. Le droit se préoccupe de l'information qui doit être connue du contractant pour l'aider à prendre une décision éclairée.

 

[149]   Dans une situation de biens manifestement impropres à l’utilisation à laquelle il sont destinés (2104 C.c.Q.), si applicable, l’obligation d’information de l’Entrepreneur y est limitée à la dénonciation de la condition des biens.

 

[150]   Cette obligation de se renseigner de l’entrepreneur est généralement renforcée du fait de son autonomie et de la liberté de choix des méthodes d’exécution; a contrario, un situation contractuelle, et dans certains cas factuelle, de restrictions à cette autonomie et liberté, soit d’une imposition de méthodes d’exécution par exemple - alors que les Devis imposent des détails très précis et donc restrictifs aux méthodes (voir les sections du Devis 03540 et 09651 précitées, l’ art. CG 2.2.6. qui prévoit que l’Architecte formule des conclusions sur les exigences des documents contractuels et l’exécution des obligations qui en découle, et l’art. CG 2.2.7. qui prévoit que l’Architecte fait connaître sa conclusion aux parties quant l’exécution de l’ouvrage) -  réduit significativement l’aspect unilatéral et les limites de cette obligation de l’Entrepreneur.

 

[151]   D’autre part, l’obligation de se renseigner du Bénéficiaire, règle de prudence fondamentale (inter alia les arrêts Bail et Consortium Katz, la doctrine sous la plume du Pr Karim) est applicable dans les circonstances, que ce ne soit par l’expertise de construction (et de rénovations) du Bénéficiaire et de construction de son Architecte.

 

Obligation de conseil

[152]   L’obligation de conseil de l’Entrepreneur requiert de conseiller le client, en faisant preuve de prudence et de diligence, sur des questions relatives au choix des sous-traitants et des matériaux (même alors que ce dernier insiste pour le faire), afin de s’assurer de la compréhension du client, de façon à ce que le client puisse donner un consentement éclairé. L’Entrepreneur doit aviser le maître de l’ouvrage des conséquences et des dangers relatifs aux choix de celui-ci.

 

[153]   À plus d’une reprise l’Entrepreneur a rempli cette obligation de conseil et avis, tel son ‘Avis de mise en garde du 1er décembre 2005 (Pièce E-4) ou son avis du 8 février 2006 (Pièce E-17) où il indique « …après l’ensemble des vérifications réalisées et les mises en garde formulées par toutes les parties qu’il est risqué d’utiliser ces produits … ».

 

Bonne foi; Force majeure et exonération

[154    Il y a difficulté à ne pas saisir un accroc à la bonne foi du Bénéficiaire lorsqu’il tente selon la preuve sous divers aspects et situations de placer la responsabilité d’un choix de matériau sur l’Entrepreneur - tel lorsqu’il veut se déclarer « …pas conscient de la faiblesse de la dalle de béton-gypse… » (réunions de chantier nos. 47 et 48) - ou de choix de méthode d’exécution alors que l’Architecte, son mandataire, écrit, en suivi des directives A-95 et A-95 révision :

 

« Le contenu des directives (A-90,A-95) qui spécifient les produits et méthodes à utiliser […] provient par défaut de votre gouverne. Ces modifications démontrent manifestement que nous acceptions vos recommandations. »

 

alors qu’il est du rôle de l’Architecte :

 

            d’examiner les fiches techniques de produits et y donner suite de manière appropriée (CG 2.2.10) incluant de juger acceptable leur utilisation (CG 3.9.2), et

            que l’intention des documents contractuels n’est pas d’obliger l’entrepreneur à fournir des produits ou exécuter des travaux qui ne seraient pas compatibles avec les documents contractuels (CG 1.1.1) dont l’Architecte est l’interprète en premier lieu (CG 2.2.6) et qu’il a autorité pour rejeter tout travail qui à son avis n’est pas conforme aux documents contractuels (CG 2.2.8).

 

Faute du propriétaire - immixtion

[155]   Cette décision unilatérale initiale du Bénéficiaire de ne pas changer de matériau de revêtement en 2005-06 suite aux avis et dénonciations de risques et conséquences reçues, tenant compte des règles de prudence et diligence, et de bonne foi, qui doivent régir le Bénéficiaire et qui, par la suite, en 2010-11 résultera à des décollements de tuiles et toute une séries d’interventions autres, caractérise selon le Tribunal une faute du propriétaire d’une immixtion injustifiée dans les circonstances alors qu’il impose ses décisions quant aux méthodes ou aux matériaux à employer et impose l'opinion de son expert à l'entrepreneur tant initialement par le Devis (sections 03540 et 09651 précitées) que reflété par la suite par le contenu et contexte des directives et correspondances (malgré les efforts d’intérêt propre du Bénéficiaire et de l’Architecte respectivement à se disculper).

 

[156]   L’Entrepreneur a donc non seulement rempli ses obligations de renseignement et de conseil, et celle d’aviser le Bénéficiaire de la piètre qualité (ou caractère impropre à l’utilisation proposée) des matériaux et biens devant être utilisés pour ou intégrés au Bâtiment mais aussi dans les circonstances, l’Entrepreneur a exprimé son désaccord et avis et exprimé son intention de se dégager de toute responsabilté (voir entre autre, à plus d’une reprise en février 2006 en suivi de l’émission de la directive A-95 (Pièces E-17 et E-19) et Pièce B-9 du 18 Août 2011, courriel de M. Raymond) que certains considèrent une condition de l’exonération.

 

[157]   L’Entrepreneur n’a manqué à aucune de ses obligations légales ou contractuelles quant à la réclamation au Point 1.

 

[158]   Ayant déterminé que nous ne sommes pas dans un cas de manquement par l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles au sens de l’article 10 du Règlement dans les présentes circonstances de la réclamation du Bénéficiaire au Point 1, il pourrait être soulevé qu’il est ou non requis pour permettre ouverture à la couverture du Plan que ce manquement se doit d’être associé aux faits de l’ensemble des réclamations, ou séparément à chacune d’entre elles; toutefois, ce débat et détermination, s’il en est, ne sera pas requis pour nos fins tenant compte de la finalité de la caractérisation ci-dessous du vice allégué à la réclamation qui rend inutile une telle détermination sans intérêt ou effet pratique dans les circonstances particulières du présent dossier.

 

 

Analyse et Motifs - 2118 C.c.Q.

 

Caractérisation du vice et Régime de responsabilité de 2118 C.c.Q.

 

Notion et caractérisation du vice  - critères de vice et de perte de l’ouvrage

[159]   Tel que mentionné, et pourvu à la Décision Dénonciation, la Garantie visée aux présentes ne peut être par le passage du temps que celle que l’on retrouve identifiée au paragr. 5 de l’article 10 du Règlement (perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux) dans le cadre de la responsabilité légale de l’article 2118 C.c.Q.

 

[160]   La responsabilité de 2118 C.c.Q. est d’ordre public et de nature impérative.

 

[161]   Le procureur du Bénéficiaire a déposé diverses jurisprudences et extraits de doctrine qui adressent les planchers, solage et plancher de dalles; avec raison,  ces sources identifient ceux-ci comme des ‘ouvrages’ au sens de 2118 C.c.Q. mais il faut d’autre part que la problématique d’un tel élément de bâtiment soit liée à la solidité ou viabilité du bâtiment ou en extension et interprétation large à son utilisation ou destination.

 

[162]   Le Tribunal est d’avis que la notion de perte dans le cadre de 2118 C.c.Q. doit recevoir une interprétation large s’étendant sur tout dommage sérieux et majeur subi par l’ouvrage et que, tel que le soulignent les auteurs Edwards et Rodrigue sous La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons:

 

« Il est également possible que la simple perte de l’usage normal des lieux tombe sous le coup de cette disposition.  De fait, certains tribunaux ont décidé, en vertu des règles de l’ancien Code, que la présence de troubles graves, nuisant à l’utilisation de l’immeuble, constituait une perte. La responsabilité quinquennale a notamment été retenue lorsque les vices empêchaient l’ouvrage de servir à sa destination normale ou limitaient, de manière importante, l’usage normal de l’ouvrage. »[87]                                                                                                                              (nos soulignés)

 

[163]   Les auteurs citent plusieurs arrêts jurisprudentiels[88] (incluant où un administrateur de Garantie est partie) et il apparaît clair au Tribunal que les notions de viabilité et d’utilité de la construction visée sont applicables à la détermination recherchée, ce que souligne d’ailleurs Hon. T. Rousseau-Houle dans Les contrats de construction en droit public & privé[89]

 

« … critère de la gravité des vices. Si les vices sont susceptibles de compromettre l’ouvrage dans sa solidité, sa durée et sa conservation, même s’il n’y a pas menace de ruine… »

 

et ajoute, aux vices compromettant la solidité de la construction,:

 

« …les vices entraînant des troubles graves dans l’utilisation de l’immeuble. »

 

et que souligne d’autre part J.L. Beaudoin qui écrit sous analyse de 2118 C.c.Q.:

 

« La jurisprudence a donné une interprétation large à la notion de perte en l’appréciant par rapport à la destination et à l’utilisation prospective de l’ouvrage.  Constitue donc une perte toute défectuosité grave qui entraîne un inconvénient sérieux et rend l’ouvrage impropre à sa destinationEn d’autres termes, le défaut qui, en raison de sa gravité, limite substantiellement l’utilisation normale de l’ouvrage entraîne une perte qui autorise la mise en œuvre du régime. »[90]

(nos soulignés)

 

[164]   On peut de plus se reporter entre autres à diverses décisions de jurisprudence telles Gauthier c. Séguin[91], Foundation Co. Of Canada Ltd. c. Golden Eagle Canada Ltd.[92] et Constructions François et Richards Inc. c. Audet [93].

 

[165]   Dans son analyse de l’art. 1688 C.c.B.C., le juge Thôt dans l’affaire Poulin considére (ce à quoi la Cour d’appel souscrit par la suite) qu’un problème de tuiles ne rencontre pas les critères de cette garantie légale, s’appuyant sur la détermination de solidité et stabilité de l’immeuble, nonobstant l’ampleur des dégâts:

 

« Le critère à appliquer est donc celui de la nature du vice. Ni l’ampleur des dégâts, ni le coût des réparations ne sont des facteurs déterminants. Le problème de tuiles à l’école La Ruche est sérieux car il affecte une très grande surface du plancher et que le coût de réfection est très élevé. Par contre ce problème n’affecte en rien la solidité ou la stabililté de l’édifice. Il s’ensuit que le vice affectant le plancher de tuiles ne tombe pas sous la garantie légale de l’article 1688 C.C.»[94]

 

[166]   D’une part, le soussigné a pourvu à commentaires sur ce sujet, entre autre dans l’affaire Syndicat Champêtre-Andante[95] (passage cité en autre par notre collègue M. Chartier dans l’affaire Boisclair[96]), où je soulignais :

 

« Toutefois, et nonobstant et tenant compte de cette interprétation libérale, il est nécessaire que le préjudice subi soit un empêchement ou une limite substantielle à l’utilisation normale de l’ouvrage, que le vice et perte rende l’ouvrage impropre à sa destination, soit dans le cadre des présentes de pouvoir être utilisé comme propriété résidentielle. »

 

[167]   D’autre part, le Tribunal est ouvert à une interprétation large du concept de perte de l’ouvrage, incluant tels la perte partielle ou la perte potentielle, et le Tribunal retient le concept d’habitabilité dans le cadre de la détermination de 2118 C.c.Q.[97], concept que l’on retrouve pour nos fins entre autres aux définitions de ‘fin des travaux’ et ‘réception du Bâtiment’ de l’art. 8 du Règlement: «…le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine»., dans nos circonstances, une résidence pour personnes âgées avec perte d’autonomie légère. De plus, selon le Tribunal, les paramètres applicables peuvent inclure selon les circonstances des éléments de sécurité des occupants ou d’un retrait forcé et nécessaire des lieux.

 

Tuiles déficientes - Constats du Bénéficiaire

[168]   Il est opportun d’identifier l’étendue du vice allégué de décollement de tuiles; le Bénéficiaire a présenté une preuve documentaire détaillée de ses constatations, incluant tableau récapitulatif numérique et plans du Bâtiment avec indication spécifique de chaque localisation de ces tuiles (décollées ou recollées) en date du 9 juin 2010 (Pièces E-36 et E-37).

 

[169]   D’autre part le Bénéficiaire indique un total de 14 appels de service pour tuiles décollées (en date du 20 janvier 2010 à la Pièce B-10) et dépose en date de mars 2014 une Pièce B-10 (qualifiée par les procureurs du Bénéficiaire de Pièce de remplacement) qui indique en date du 10 février 2014 - soit pour appel pour tuiles décollées ou pour lectures de sondes - pour un total de 77 appels, notant que ce nombre d’appel est réduit à 29 (incluant les 14 initiaux) dans les cinq ans de la fin des travaux (8 septembre 2011). Toutefois, ces informations sont d’une utilité limitée car il n’en découle aucune indication de la sévérité de la problématique constatée lors d’un appel ou d’un nombre quelconque de tuiles visées.

 

[170]   En sommaire, le Tribunal se basant sur la preuve au dossier note le constat très détaillé et identifié du Bénéficiaire (Pièces E-36 et E-37) d’un total de 3,1% de tuiles « déficientes sur total plancher secteurs logements » (avec environ 30% de ce total situé dans les ‘salon’ des 3e, 4e et 5e), pourcentage augmenté à un total de 4,9% de la superficie totale (i.e. incluant alors le secteur ‘presbytère’ (RC et 2e) visant salle à manger et salle communautaire, donc espaces d’utilisation commune).

 

[171]   Quant aux espaces de passages communs, soit les corridors, les déficiences relevées sont minimes en nombre (moins de 5% du 3,1% identifié au secteur logement).

 

[172]   Même si le Tribunal - ce qui n’est pas le cas - tentait de juxtaposer les informations des déficiences spécifiques en preuve en juin 2010 et le nombre d’appels en janvier 2010 et d’extrapoler à un estimé de février 2014 ou en 2011 dans les cinq ans de la fin des travaux, l’inexactitude du résultat ne pourrait être utile, demeurerait en deçà de pourcentages significatifs ~ alors que plus encore l’ampleur du dégât ou le coût de réparation ne sont pas des facteurs déterminants à la caractérisation de vice recherchée.

 

[173]   À tout le moins, ce constat est un des indicateurs à évaluer dans une détermination de la gravité du vice, soit quant à l’habitabilité ou la pérennité du Bâtiment.

 

Habitabilité

[174]   Il n’y a pas preuve au dossier que cette problématique de tuiles ait empêché d’une manière quelque peu significative l’usage et donc habitabilité du Bâtiment, alors de plus que les occupants, identifiés par le Bénéficiaire comme des personnes âgées avec perte d’autonomie légère, devrait donc requérir par inférence une attention plus aigüe quant à leur utilisation des lieux et avoir relevé le niveau requis d’intervention du Bénéficiaire s’il considérait l’usage des lieux comme problématique; au contraire, la preuve avancée par le Bénéficiaire souligne que les remplacements de tuiles dans les unités ne se font que lors d’une vacance de logement (déménagement d’un occupant).

 

[175]   Dans une intervention récente au dossier, le procureur du Bénéficiaire dépose jugement dans l’affaire Duroy [distributeur] c. Soprema [fabricant] [98] qui adresse une question de revêtement de lattes de vinyle dans un immeuble propriété du Bénéficiaire; quoique certains éléments de fait et les obligations de renseignement d’un entrepreneur sont de même nature, cette affaire ne peut trouver application tant qu’il s’agit d’un mandat de design de produit par un distributeur à un fabricant, qu’il y a admission de défaut par le fabricant, et qu’il s’agit d’une situation de garantie de qualité (i.e. vices cachés au sens de 1726 C.c.Q.) où les critères et principes de droit (tel la gravité d’un déficit d’usage) sont différents du cadre de la responsabilité légale (2118 C.c.Q.) qui nous importe.

 

 

Conclusions - 2118 C.c.Q.

 

[176]   Dans les circonstances présentes, le Tribunal ne peut que conclure que la problématique du revêtement de sol identifié au Point 1 ne rencontre pas les paramètres caractériels de vice et perte de l’ouvrage au sens de l’article 2118 C.c.Q. et conséquemment la demande du Bénéficiaire est rejetée et les conclusions de l’Administrateur au Point 1 sont confirmées et demeurent en vigueur.

 

[177]   Le Tribunal détermine, en conformité de l’article 123 du Règlement et de sa compétence à départager les coûts en l’instance, le Bénéficiaire ayant en partie gain de cause dans le cadre de l’ensemble des Décision Adm1 et Adm2, que les frais du présent arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[178]   MAINTIENT la décision de l’Administrateur datée du 20 février 2013 relativement au Point 1 ‘Tuiles de revêtement du sol’;

 

[179]   ORDONNE que l'Administrateur assume les frais du présent arbitrage.

 

 

DATE:  15 mai 2015          

                                                                                             

 

 

 

                                                                                                    ________________________

Me Jean Philippe Ewart

Arbitre



[1] (L.R.Q. c. B-1.1, r.8) D. 841-98, a. 2; D. 920-2001, a. 1.

[2] Idem, D.841-98, a.5, article 5 du Règlement.

[3] Idem, articles 20 et 120 du Règlement.

[4] Art. 116 Règlement, D. 841-98, a. 116.

 

[5] Le terme 'tribunal' au Code de procédure civile ne vise pas le Tribunal, comme nous le rappelle notre Cour d'appel (Skelling c. Québec (Procureur général) 2006 QCCA 148, par.10) :

 

«…, le terme « tribunal », défini à l'article 4 j) C.p.c., réfère aux tribunaux relevant de l'autorité législative du Québec, énumérés à l'article 22 C.p.c. Il ne vise pas les tribunaux administratifs exerçant des fonctions quasi-judiciaires».

 

et plus récemment inter alia en 2012 (Packard c. Olivier 2012 QCCA 28, Dalphond, P. J.C.A. référant à 9103-0049 Québec inc. c. Cour du Québec 2009 QCCS 3984) et se doit d'être compris comme pourvoyant qu'un tribunal administratif n'étant pas un tribunal judiciaire au sens de 22 C.p.c., conséquemment le Code de procédure civile ne s'applique pas au Tribunal (sauf dispositions spécifiques, tel qu'il peut être spécifiquement prévu au Règlement par exemple pour fins d'homologation (article 121 du Règlement; voir aussi l'article 119 (4)).

 

[6] Art. 10 Règlement, Décret 841-98, a. 10; D. 39-2006, a. 1.

 

[7] En autres circonstances où détermniation est requise, le Tribunal se fonde inter alia sur les critères énoncés par P.-A. CRÉPEAU dans son ouvrage L’intensité de l’obligation juridique, Cowansville, Éd. Y. Blais, 1989, pour déterminer l’intensité de l’obligation dont doit répondre l’Entrepreneur.

 

[8] Les auteurs référant aux art. 2118, 2119 et 2121 C.c.Q.

 

[9] BAUDOUIN et DESLAURIERS, La responsabilité civile, Éd. Yvon Blais, 2007, 7e éd., p. 45.

 

[10] Art. 2098 C.c.Q; Voir aussi: 2911663 Canada inc. c. A.C. Line Info inc., J.E. 2004-811 (C.A.), REJB 2004-60090; Gagnon c. Bisson inc., J.E. 2004-671 (C.S.), REJB 2004-54512.

 

[11] Op. cit. BAUDOUIN et DESLAURIERS, La responsabilité civile, p. 1027, Paragr. 1-1251.

 

[12] IGNACZ, Marianne et EDWARDS, Jeffrey, La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur dans le cadre de La construction au Québec : perspectives juridiques - sous la direction de KOTT, Olivier F. et ROY, Claudine, Wilson & Lafleur Ltée, Montréal, 1998, p. 542.

 

[13] KARIM, Vincent, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation) Contrats de prestation de services et l’hypothèque légale, Éd. Wilson & Lafleur, 2e édition, 2011,  para. 248.

 

[14] Motel Lévesque inc. c. Industries Desjardins ltée, AZ-97021094, J.E. 97-246 (C.S.); Assurance mutuelle des fabriques de Montréal c. Constructions Loracon inc., AZ-50427814, 2007 QCCQ 3215; Compagnie d’assurances St-Paul/St-Paul Fire & Marine Insurance Company c. SNC-Lavalin inc., 2009 QCCQ 56 (jugement [ndlr : alors] porté en appel) - Le Tribunal note que postérieurement à la publication de l’ouvrage Contrats d’entreprise du Pr Karim, la Cour d’appel (2011 QCCA 1551) statue que les intimés (SNC-Lavalin) n'ont pas rendu leurs services en respectant les règles de l'art qui dans les circonstances se trouvaient au Code national du bâtiment-1985 et que la Cour d’appel stipule être au moment de la conception des plans du bâtiment.

 

[15] Développement Tanaka inc. c. Corporation d’hébergement du Québec, 2009 QCCS 3659 (appel rejeté).

 

[16] Deguise c. Montminy, 2014 QCCS 2672, para. 803 à 809; M. Richard,JCS (jugement phare sur pyrite).

 

[17] 2005 CanLII 14422 (QC CQ), para. 47 à 49.

 

[18]  Reid, H. Dictionnaire du Droit québécois et canadien, Wilson et Lafleur, 2001, p. 182 et note 1, p. 451.

 

[19] « 2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution. »

 

[20] ABB inc. c. Domtar inc. 2005 QCCA 733, para 72, (confirmé par la Cour Suprême 2007 CSC 50,  [2007] 3 S.C.R. 461 (banc de neuf juges), Hon. LeBel et Hon. Deschamps JJ.), citant J. Pineault, D. Burman, S. Gaudet, Théorie des obligations, Thémis, 2001, p. 573.

 

[21] [1992] 2 R.C.S. 554.

 

[22] Noter que le contrat visé par l’affaire Banque de Montréal c. Bail était un contrat à forfait relatif.

 

[23] GHESTIN, J., Traité de droit civil, vol. II, Les obligations - Le contrat :  formation (2e éd. 1988).

 

[24] Op. Cit. Banque de Montréal c. Bail Ltée, note 20, Gonthier, J., pp. 586, 587.

 

[25] Idem, p. 592.  Voir rubrique ‘Obligation d’information - Bénéficiaires’  ci-dessous.

 

[26] Idem, p. 594.

 

[27]  Op. cit. 9034-1215 Québec inc. c. Corporation Solutions Moneris inc.,  J.E. 2006-553, (C.Q.), para. 29, citant Banque de Montréal c. Bail Ltée. Voir aussi BAUDOUIN et JOBIN, Les obligations, 6e édition, Éd. Y. Blais, 2005, paragr. 328.

 

[28] Demeule c. Bell Canada 2007 QCCQ 13370; Lussier Électrique inc. c. Centre commercial d’Asbestos inc. 2009 QCCQ 6653.

 

[29] A.C. Line Info Inc. c. 2911663 Canada Inc., AZ-50103715, J.E. 2002-232 (C.S.); Planchers Exclusifs P.L. Inc. c. Gagné, C.Q. Terrebonne, no 700-32-009806-017, 20 janvier 2003, J. Audet; et, sur les obligations de l’article 1375 C.c.Q. voir aussi Sperandio c. 3095-9571 Québec inc. (Construction Melcon), AZ-50319394 (C.S.).

 

[30] Op. cit., KARIM,  Contrats d’entreprise paragr. 339.

 

[31] Le Tribunal est sensible à cette obligation des demandeurs; on retrouve une expression de celle-ci dans 9034-1215 Québec inc. c. Corporation solutions Moneris inc 2005 CanLII 50680 (QC CQ), :

 

« [30]   Certes, l'obligation prévue à l'article 2102 C.c. est unilatérale.  Cet article ne vise que le prestataire de services. Il ne mentionne aucune obligation corrélative de la part du client.

[31]   Toutefois, il est manifeste que le client a, de son côté, une obligation « de se renseigner » laquelle découle de l'article 1375 C.c. et du devoir général qu'a tout contractant de se renseigner. »

 

[32] L’auteur cite : Demeule c. Bell Canada, AZ-50463149, 2007 QCCQ 13370; Lussier Électrique inc. c. Centre commercial d’Asbestos inc., AZ-50566143, 2009 QCCQ 6653.

 

[33] L’auteur cite entre autre : Banque de Montréal c. Bail Ltée, (précité note 20, [1992] 2 R.C.S. 554), J. Gonthier, plus particulièrement la section sur l’obligation de renseignement du client.

 

[34] Op. cit., KARIM, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), paragr. 340.

 

[35]  Op. cit. Banque de Montréal c. Bail Ltée, précité note 20, Gonthier,J., p. 592.

« Le contrat d’entreprise de petite envergure, pour la construction d’une maison unifamiliale par exemple, sera confié par un particulier novice en la matière à un entrepreneur expérimenté.  Il est alors justifié que le maître de l’ouvrage [ndlr : les Bénéficiaires] soit pratiquement relevé de toute obligation de renseignement.»                                                                                         (nos soulignés)

 

[36]  Entreprises Daigle international inc. c. Investissements Kars (Canada) inc.  2009 QCCA 1150

 

[37] KARIM, V., Les contrats d'entreprise, de prestation de services et l'hypothèque légale, Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 72. (ndlr : nota : 1ère édition) - Citation au texte retirée.

 

[38] Banque de Montréal c. Bail ltée, précité note 20, p. 587.

 

[39] JOBIN, P.-G. et VÉZINA, N., Baudoin et Jobin, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, no 314, p. 413-415; Voir aussi KARIM, V., Les obligations, 3e éd., vol. 1, Montréal, Wilson & Lafleur, p. 76-79.

 

[40] Banque Laurentienne du Canada c. Mackay, 2002 CanLII 41095 (QC CA), para. 33-34, p. 370-371 (Baudoin, J-L., J.C.A.); R. (Canada) c. Covex, J.E. 98-198 (C.S.) confirmé par Covex c. R., J.E. 2000-2110 (C.A.), paragr. 12-13 de l’arrêt de la Cour d’appel.

 

[41] LLUELLES, D. et MOORE, B., Droit des obligations, 2e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2012, no 2009.

 

[42] Québec (Procureure générale) c. Consortium ad hoc Katz, Gendron, Jodoin, Perron, Rousseau, Babin & Associés, Roussy, Michaud & Associés, Cadoret, Savard, Tremblay & Associés, Jean Roy, a.g. 2015 QCCA 159, paragr. 65.

 

[43] Industries V.M. inc. c. Berardini, AZ-00021570 (C.S.), conf. AZ-03019548 (C.A.); Lemieux c. Aubin, AZ-50170111 (2003) (C.Q.).

 

[44] Remax de l’Estuaire inc. c. Lauzier, AZ-98031333, J.E. 98-1689 (C.Q.). Voir aussi KARIM, V., « La règle de la bonne foi prévue dans l’article 1375 du Code civil du Québec : sa portée et les sanctions qui en découlent » (2000) 41 C. de D. 433, pp. 435 et ss.

 

[45] Op. cit., KARIM,  Contrats d’entreprise, paragr. 269.

 

[46] Op. cit. BAUDOUIN, pp. 245 et 246.

 

[47] Op. cit., KARIM, Contrats d’entreprise, para. 354.

 

[48]  Caumartin & Laporte Inc. c. Portelance-Barbeau, AZ-98021991, J.E. 98-2083 (C.S.); Bernard Longpré Inc. c. Langlais, [2001] R.L. 55 (C.S.); Nadeau (Clinique dentaire Hélène Nadeau) c. Réfrigération JP (Beauce) inc., AZ-50450166, B.E. 2007BE-1008, 2007 QCCQ 10185.

 

[49]  Banque de Montréal c. Bail Ltée, précité note 20, p. 554; Caumartin & Laporte Inc. précité, note 47; Bernard Longpré Inc. c. Langlais, précité note 47; Viking Fire Protection Inc./Protection incendie Viking inc. c. Allendale Mutual Insurance Company 2005 QCCA 957; Promutuel-Orléans, société mutuelle d’assurances générales c. Fondations du St-Laurent (1998) inc. 2120 QCCA 9664.

 

[50]    Nadeau (Clinique dentaire Hélène Nadeau) c. Réfrigération JP (Beauce) inc. précité, note 47.

 

[51]     Op. cit., KARIM,  Contrats d’entreprise, paragr. 452.

 

[52]     Nardolillo c. Caruso, AZ-87011229, J.E., 87-710 (C.A.); Gisutini c. Expo ornemental inc., 2007 QCCA 417.

 

[53]     Op. cit. KARIM, V. Contrats d’entreprise, paragr. 301.

 

[54]   Construction RSR inc. c. Acier St-Denis inc., 2007 QCCA 1466 (CanLII), paragr. 9.

 

[55]   Kirkman c. Gagné 2006 QCCS 2125, paragr. 53.

 

[56] Administration de la Voie Maritime du St-Laurent et Procureur Général du Canada c. United Dominion Industries Limited et Canron Incorporated (Cour d’appel - No: 500-09-001851-930 (500-05-003450-853)), AZ-97011046, p. 14.

 

[57] Op. cit. KARIM, V., Contrats d’entreprise, paragr. 295.

 

[58] Silo Supérieur (1993) Inc. c. Ferme Kaech & Fils Inc., 2004 CanLII 13319 (QC C.A.), paragr. 26.

 

[59]  Op.cit. BAUDOUIN, J.L., La Responsabilité civile, no 1685.

 

[60] Demers et autres c. Dufresne Engineering Co. Ltd. et autre, [1979] 1 RCS 146, pp.153-4.

[61] Pièce B-14, Rapport Deschamps, p.4.

[62] Pièce E-90, Rapport Lemaire, p.12.

 

[63] Protection incendie Idéal inc inc. c. Tyco Fire Products Ltd., 2014 QCCS 5144

 

[64] Protection incendie Idéal inc. c. 333, Sherbrooke Est, 2015 QCCA 546

 

[65] Reliance Construction of Canada Ltd. c. Commerce and Industry Insurance Co., et al.

   REJB 2001-24306, C.A., 24 mai 2001.

 

[66] Op. cit .EDWARDS, J. et RODRIGUE, S., La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, paragr. 2.1.2.1, p.423.

 

[67] Dame Leclerc c. J.N. Massie et fils Ltée [1969] B.R. 1061.

 

[68] T. Leclerc et J.N. Massie & Fils Limitée 1971 RCS 377.

 

[69] Bien que le jugement soit rendu sous l’ancien code, la doctrine reconnaît son application à l’art. 2118 C.c.Q. : Jacques Deslauriers, Vente, louage, contrat d'entreprise ou de service, Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, p. 671, note 275 [Deslauriers]. Voir aussi Centre d'auto Lavigne inc. c. Services de gestion des carburants M.T.L. inc., REJB 1999-15623, (C.S.), SA, vol. 2, onglet 38, paragr. 12; 62.

 

[70] Idem, T. Leclerc et J.N. Massie & Fils Limitée, p. 384.

 

[71] Carlos Medeiros c. R.P. Entreprises enr., Larry Eldridge, Robert Hume et Paul Hébert EYB 2009 160913.

 

[72] Ville de Lac St-Charles c. Construction Choinière Inc.  (no 200-09-001676-979, C.A. 16 juin 2000),para 43.

 

[73] Scaffidi Argentina c. Constructions GSS Gauthier 2000 inc., 2012 QCCS 5417.

 

[74] Cour d’appel, Voir :

    Intact, compagnie d'assurances c. Constructions GSS Gauthier 2000 inc., 2014 QCCA 991 et

    Arrêt rendu séance tenante le 13 mai 2014 dans le dossier no 500-09-023175-128.

 

[75] Op. cit. KARIM, V., Contrats d’entreprise paragr. 229.

 

[76] Davie Shipbuilding Ltd.c. Cargill Grain Co.Ltd, [1978] 1 RCS 570.

 

[77] Boulanger c. Commission scolaire régionale de l'Estrie, 1992 CanLII 7800 (QC CA)

 

[78] CCH Canadian Ltd. c. Mollenhauer Contracting Co., [1976] 1 R.C.S. 49. La Cour Suprême distingue d’ailleurs dans ce jugement un arrêt précédent de la Cour dans Steel Company of Canada Limited c. Willand Management Limited [1966] R.C.S. 746, où l’entrepreneur a été trouvé responsable des défauts de la colle utilisée pour fixer les matériaux de la toiture à la charpente même si elle avait été employée conformément aux plans et devis préparés par les employés du propriétaire, car l’entrepreneur avait consenti une garantie écrite de 5 ans pour matériaux et travail et étanchéité de l’ouvrage, situation qui se distingue de même de l’affaire devant le Tribunal aux présentes.

 

[79] Op. cit. Davie Shipbuilding Ltd.c Cargill Grain Co.Ltd, p. 577.

 

[80] ROUSSEAU HOULE, Thérèse, Les contrats de construction en droit public et privé, Wilson & Lafleur, Montréal, 1982, p.197.

[81] Op. cit. Ville de Lac St-Charles c. Construction Choinière Inc. , C.A. para 26 et 29.

 

[82] Analysée ci-dessous, Commission scolaire de l’Estrie c. Poulin (EYB 1985-145155, C.S., Tôth, J.) et en appel e R. Chouinard JCA (et Hon. Rousseau-Houle et Chevalier) (1992 CanLII 3528, QC CA).

 

[83] Deguise c. Montminy, précité note 16, para. 809.

 

[84] Boulanger c. Commission scolaire régionale de l'Estrie, 1992 CanLII 7800 (QC CA), para. 17.

 

[85] Construction Myre Ltée c Corporation d’Hébergement du Québec AZ-97021103, C.S., 10 décembre 1996, page 14 du jugement.

 

[86] En suivi des jurisprudences citées à ce poste, plus particulièrement Davie Shipbuilding et des propos de Hon. T. Rousseau-Houle, voir aussi Op. cit. KARIM V., Contrats d'entreprise, p. 6, par. 1174-1176, p. 7-11, par. 1184-1213.

 

[87] EDWARDS, Jeffrey et RODRIGUE, Sylvie, La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, paragr. 2.2.2. dans le cadre de  La construction au Québec : perspectives juridiques, sous la direction de Me Olivier F. Kott - Me Claudine Roy, Éd. Wilson Lafleur, 1998, p.434.

 

[88] Société d’habitation du Québec c. Bouliane, J.E. 94-1761 (C.S.); Villeneuve (Corp. Municipale de la ville de) c. Gauthier (1982) C.S. 199, Commission de la construction du Québec c. Construction Verbois Inc., J.E. 97-2080 (C.S.); Bélanger c. Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec, J.E. 98-114 (C.S.).

 

[89] ROUSSEAU-HOULE, Thérèse, Les contrats de construction en droit public & privé, Montréal, Wilson & Lafleur, 1982, pp. 346 et 347.

 

[90] BAUDOUIN, J.L., La responsabilité civile (7e édition), Cowansville, Yvon Blais, 2007, paragr. 2-273.

 

[91] (1969) B.R. 913.

 

[92] (1986) R.L. 167 (C.A.),

 

[93] (1996) R.J.Q. 2363 (C.S.).

 

[94] Op. cit. Poulin c Commission scolaire de l’Estrie, para 20.

 

[95] Syndicat des copropriétaires La Champêtre-Andante c Maison de ville Laurentiennes Inc. et Garantie APCHQ, CCAC no. S08-011201-NP 9 avril 2009, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, para. 91.

 

[96] Boisclair c Les Entreprises E. Chaîné Inc et Garantie APCHQ, Soreconi no. 090417001 15 mai 2009, Marcel Chartier Arbitre, p. 11.

 

[97] VOIR entre autres Société d’habitation du Québec c. Bouliane, J.E. 94-1761 (C.S.); Commission de la construction du Québec c. Construction Verbois Inc., J.E. 97-2080 (C.S.); Bélanger c. Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec, J.E. 98-114 (C.S.).

 

[98] Distribution Duroy c.Soprema Canada Inc. 2014 QCCS 5936.