(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Société pour la résolution de conflits inc. (SORECONI)
No dossier SORECONI : 11092001
No dossier Garantie 137778-1
ENTRE 2433-2553 Québec INC.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET MELANIE CABRAL ET FRANÇOIS DIONNE
(ci-après « les Bénéficiaires»)
ET : La Garantie DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ inc
(ci-après « l’Administrateur »)
Arbitre : Me France Desjardins
Pour les Bénéficiaires : Madame Mélanie Cabral
Monsieur François Dionne
Pour l’Entrepreneur : Madame Janick Chartrand
Monsieur Hugues Magny
Pour l’Administrateur : Me François Laplante, Savoie Fournier avocats
Madame Joanne Tremblay
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 27 octobre 2011.
27 octobre 2007 Contrat préliminaire et contrat de garantie
19 mars 2008 Formulaire d’inspection préréception du bâtiment
19 mars 2008 Acte de vente
19 mars 2008 Contrat de garantie
8 mars 2010 Lettre de dénonciation des Bénéficiaires
16 mars 2010 Lettre de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires
6 avril 2010 Avis de 15 jours aux parties par l’Administrateu
28 mai 2010 Décision de l’Administrateur
19 mai 2011 Rapport d’inspection des Bénéficiaires
1er juin 2011 Décision de l’Administrateur
7 juillet 2011 Rapport du GAMMS
11 juillet 2011 apport de soutien technique de l’Administrateur
29 août 2011 Décision de l’Administrateur
20 septembre 2011 Demande d’arbitrage de l’Entrepreneur
27 octobre 2011 Nomination de l’Arbitre
28 novembre 2011 Conférence préparatoire téléphonique
19 janvier 2012 Audition
Les faits
[1] L’Entrepreneur demande l’arbitrage de la décision rendue le 29 août 2011 par l’Administrateur de la Garantie qui lui ordonne de compléter les travaux requis sur le drain français qui n’est pas fonctionnel ainsi que les travaux de remise en état des chambres du sous-sol de la maison des Bénéficiaires.
[2] Le 27 octobre 2007, les Bénéficiaires signent un contrat préliminaire et contrat de garantie constituant une promesse d’achat à l’Entrepreneur 2433-2553 Québec Inc., d’une maison de type bungalow avec bachelor sur la rue Wilfrid-Gascon à Mirabel. Le 19 mars 2008, les parties signent un second contrat de garantie prévoyant l’application du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ à leur résidence en cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations.
[3] En juin 2009, les Bénéficiaires constatent une infiltration d’eau au logement du sous-sol. L’Entrepreneur conclut que le problème découle des gouttières et de la pente inverse sur le terrain. Les Bénéficiaires procèdent à leurs frais à ces travaux en juillet 2009. Le 7 mars 2010, ces derniers constatent à nouveau que le plancher de la chambre du sous-sol est boursouflé et que le «ciment sous le plancher est mouillé». Le lendemain, ils dénoncent par écrit la situation à l’Entrepreneur, avec copie à l’Administrateur.
[4] Le 6 mai 2010, l’Administrateur procède à l’inspection du bâtiment à la suite de laquelle l’Entrepreneur mandate Goudron Pagé Inc. afin d’expertiser au moyen d’une caméra l’état du drain français, lequel s’avère ne pas être fonctionnel. L’Administrateur rend une première décision le 28 mai 2010 concluant à vice caché et ordonnant à l’Entrepreneur de corriger la situation. Le dossier est fermé suite aux travaux réalisés par l’Entrepreneur.
[5] Le 27 avril 2011, l’Administrateur est informé de la récurrence d’infiltration d’eau. Les Bénéficiaires déposent le 30 mai un rapport d’inspection qu’ils ont commandé auprès de la firme Inspection Plus J.E., qui fait état de problèmes aux lisses d’assise et d’infiltration d’eau via les fondations. Les tests, inspections et expertises effectués sur le bâtiment par l’Administrateur l’amènent à rendre une deuxième décision, le 1er juin 2011, dans laquelle il conclut à l’insuffisance des correctifs effectués par l’Entrepreneur, à qui il ordonne de compléter les travaux requis pour «rendre le bâtiment étanche et conforme»
[6] Le 7 juillet 2011, la firme Microbiologie du Bâtiment GAMS Inc., mandatée par l’Administrateur, conclut, suite à son inspection en date 24 juin 2011, que les «manœuvres de décontamination ont été suffisantes pour éliminer la contamination fongique détectée dans le rapport précédent » (19 mai 2011).
[7] Pour donner suite à la demande de support technique de la part de l’Entrepreneur qui souhaite obtenir une opinion sur l’efficacité du système de drainage des fondations, monsieur Marco Lasalle, coordonnateur aux travaux du service de la conciliation pour La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, procède, à une inspection les 28 et 29 juin 2011.
[8] Le 29 août 2011, madame Joanne Tremblay rend une troisième décision pour l’Administrateur. Elle conclut à l’insuffisance des travaux correctifs effectués par l’Entrepreneur et lui ordonne de les compléter dans des délais précis, en conformité des conclusions de monsieur Lasalle, à défaut de quoi l’Administrateur interviendra directement pour les exécuter aux frais de l’Entrepreneur.
LA PREUVE ET L’ARGUMENTATION
[9] L’audience de la demande d’arbitrage s’est tenue à la Cour municipale de Mirabel en présence des Bénéficiaires, des représentants de l’Entrepreneur ainsi que du procureur de l’Administrateur et de madame Joanne Tremblay, signataire de la décision pour l’Administrateur.
[10] L’Entrepreneur fait entendre monsieur Hugues Magny, responsable de chantier pour l’Entrepreneur, depuis 13 mois, lequel témoigne avoir été appelé pour un problème d’infiltration d’eau. Il explique les travaux effectués entre mai et août 2011. Ainsi, la brique a été enlevée en façade et des travaux pour assurer l’étanchéité de l’enveloppe ont été effectués, après quoi des tests d’eau ont été réalisés sur l’enveloppe avant de reposer la brique. Ensuite, il y aurait eu remise à neuf de l’intérieur de la maison après les travaux de désinfection. Il témoigne à l’effet que l’eau ne s’infiltre plus depuis ces travaux.
[11] Madame Janick Chartrand, Secrétaire de l’entreprise, témoigne ensuite à l’effet qu’elle a demandé l’aide de «l’APCHQ». Ses représentants ont creusé et fait passer une caméra pour vérifier le drain français, ce qui, selon elle, constituerait un autre problème. Madame Chartrand est d’avis que l’infiltration d’eau n’est pas causée par le drain français et l’Entrepreneur a réparé de bonne foi tout ce qui devait l’être à cet égard. Il n’y aurait pas nécessité de faire les travaux ordonnés car le problème serait plutôt lié aux pentes vers la maison et l’égouttement à l’arrière du bâtiment. Elle ajoute que l’Entrepreneur a déjà dépensé 43 000$ en travaux correctifs.
[12] En contre-interrogatoire, monsieur Magny explique qu’il s’est rendu à 7 ou 8 reprises à la maison, que les travaux ont été exécutés en mai 2011. En ce qui concerne les tests d’étanchéité, le témoin admet que l’eau s’infiltrait à la base de la brique et autour des fenêtres mais que les travaux correctifs ont été effectués.
[13] S’adressant ensuite à madame Chartrand, le procureur de l’Administrateur réfère à la décision rendue le 28 mai 2010, plus précisément aux constats établis lors de l’inspection effectuée par la firme Goudron Pagé Inc., mandatée par l’Entrepreneur. Madame Chartrand confirme sa présence lors de cette inspection mais n’en connaît pas les conclusions. «De mémoire, dit-elle, on avait enlevé une grosse roche». Elle indique qu’il y eu correction de la pente inversée. Le témoin dépose la facture de Goudron Pagé Inc. au montant de 1 083.60$.
[14] Me Laplante réfère ensuite à la deuxième décision rendue par l’Administrateur le 1er juin 2011 et interroge madame Chartrand sur le mandat donné au service de soutien technique de l’Administrateur et sur les travaux effectués suite à cette expertise. Le témoin indique qu’elle a demandé de «voir si tout est correct» et que l’Entrepreneur n’a pas effectué les travaux recommandés aux drains. Par ailleurs, des travaux ont été réalisés après le rapport de monsieur Lasalle et avant la décision rendue en août par l’Administrateur. Ainsi, le 12 juillet 2011, l’Entrepreneur a creusé avec la firme Gorl’eau et installé des jets d’eau pendant une journée.
[15] En réponse aux questions du procureur, sur ces derniers travaux, monsieur Magny confirme qu’ils n’ont pas creusé pour voir si l’eau se rendait au puisard et convient que l’eau devrait s’y rendre mais ajoute qu’elle peut s’éliminer par la pierre. À toutes les questions concernant ce qui pourrait arriver au printemps si l’eau ne se rend pas au bassin, monsieur Magny réitère que le problème d’infiltration d’eau est réglé.
[16] Le procureur de l’Administrateur fait entendre monsieur Marco Lasalle, coordonnateur et chef du service des travaux à la GMN. L’Entrepreneur a fait appel à ses services pour identifier la provenance de l’infiltration d’eau. Il témoigne à l’effet qu’il a effectué trois visites au bâtiment. Référant aux photos de son rapport, monsieur Lasalle explique le manque de solins à l’avant du bâtiment, ce que l’Entrepreneur a corrigé. Vu la récurrence d’infiltration d’eau, un problème aux fenêtres a également été corrigé.
[17] C’est le 28 juin qu’il a constaté que le taux d’humidité demeurait extrêmement élevé au sous-sol de la maison alors que le drain était immaculé. Il y a donc eu inspection des drains le 29 juin 2011 par excavation à l’extérieur jusqu’au drain. Il a été constaté que le niveau de pierre nette était insuffisant, (2 pouces alors que le Code national du bâtiment exige 6 pouces), ce qui contribue à réduire la durée de vie utile du drain.
[18] Monsieur Lasalle explique ensuite les constats résultant de l’ouverture du drain. Par souci d’exactitude, le Tribunal réfère au rapport écrit de l’expert qui note : «environ 50% du drain situé en façade est plus élevé de minimalement 4¨ par rapport à l’autre 50% situé à l’arrière». Monsieur Lasalle rapporte également : «nous sommes en mesure d’affirmer que l’embranchement vers le puisard intérieur est plus élevé que le drain extérieur ce qui fait que le drain est non opérationnel depuis la construction».
[19] Invité à se prononcer sur les prétentions de l’Entrepreneur à l’effet que, comme il n’y a plus d’infiltration d’eau, il n’y a pas lieu de faire des travaux au drain, monsieur Lasalle réitère qu’il a fait vérifier le drain à cause de l’humidité et que les pieds de la fondation sont toujours dans l’eau depuis sa construction. En cas de dégel, le potentiel d’infiltration d’eau est toujours présent.
[20] Le procureur de l’Administrateur fait ensuite entendre madame Joanne Tremblay, l’inspecteur-conciliateur signataire des trois décisions rendues par l’Administrateur. Celle-ci expose que la première année, il y a eu infiltration d’eau à l’avant de la maison, au sous-sol. Lors des travaux effectués par la firme Goudron Pagé Inc., l’Entrepreneur a retiré une grosse roche dans le sol mais n’a pas inversé la conduite. En avril 2011, nouvelle infiltration d’eau. Une caméra est alors passée dans le drain et l’Entrepreneur a fait des tests d’eau à l’avant du bâtiment. Madame Tremblay conclut à une double cause aux infiltrations d’eau :
- En été, en façade, via le dessus du mur de fondation et les fenêtres, ce qui a été corrigé par l’Entrepreneur.
- En hiver, quand le drain ne fait pas son travail. S’il pleut ou en cas de redoux, il y a risque d’infiltration d’eau, ce qui constitue un vice caché.
[21] Les Bénéficiaires témoignent ensuite à l’effet qu’il y a un problème d’infiltration d’eau depuis 2009. Madame Cabral expose les difficultés que génèrent, pour sa famille et la locataire du bachelor, les infiltrations d’eau et les travaux de décontamination et de réfection qui s’ensuivent.
[22] Madame Chartrand plaide que la compagnie qu’elle représente est un entrepreneur de bonne foi qui a déjà déboursé 43 000$ pour corriger l’infiltration d’eau. Elle considère que la décision de l’Administrateur est exagérée. Elle se déclare prête à examiner une solution qui permette au drain d’être fonctionnel sans sa réfection complète. Elle réitère que les pentes du terrain ne sont pas adéquates et que les descentes de gouttières doivent être déplacées.
[23] Madame Cabral réplique que les bénéficiaires ont déboursé 15 000$ en 2009 pour corriger les pentes du terrain. Réagissant à la proposition de madame Chartrand d’examiner des solutions moins exigeantes que celle ordonnée par l’Administrateur, madame Cabral rétorque : «je ne veux pas que ma maison soit seulement fonctionnelle mais qu’elle soit conforme aux standards».
[24] En argumentation pour l’Administrateur, Me Laplante rappelle que, selon le témoignage des experts entendus, des vices affectent le drain français. Ainsi la partie arrière du drain est toujours submergée. Au sens de la garantie, argue-t-il, vu le niveau de gravité atteint, il s’agit d’un vice caché. Conséquemment, il n’y a pas d’autres alternatives que d’ordonner les travaux de correction.
L’ANALYSE
[25] Le Tribunal est saisi d’une demande d’arbitrage de l’Entrepreneur qui conteste la décision de l’Administrateur de la Garantie qui l’oblige à procéder à la réfection complète du drain français afin de le rendre opérationnel en s’assurant que le branchement du bassin de captation soit plus bas que le drain de fondation. À défaut par lui d’agir dans les délais fixés, l’Administrateur indique qu’il les exécutera lui-même aux frais de l’Entrepreneur, sans autre avis.
[26] À l’audience, l’Entrepreneur a soumis deux motifs de contestation de la décision de l’Administrateur. D’une part, selon lui, le problème d’infiltration d’eau serait réglé et ne serait pas relié à l’absence de fonctionnalité du drain français, considérée comme un autre problème découvert par l’Administrateur. D’autre part, la réfection complète du drain français, préconisée par l’Administrateur, constituerait une solution exagérée.
[27] Il y a lieu de rappeler que le présent arbitrage se tient en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.[1](ci-après le Règlement). C’est donc sur les dispositions du Règlement que l’arbitre doit fonder sa décision.
[28] Il convient donc de répertorier d’abord les dispositions légales et réglementaires qui encadrent les obligations des parties.
[29] La Loi sur le bâtiment[2] (ci-après la Loi) impose aux entrepreneurs généraux l’obligation de détenir une licence qu’ils ne peuvent obtenir qu’à certaines conditions, dont l’adhésion à un plan de garantie de leurs obligations, prescrite également par l’article 6 du Règlement.
[30] En vertu de l’article 79.1 de la Loi, «l'entrepreneur est tenu de réparer tous les défauts de construction résultant de l'inexécution ou de l'exécution de travaux de construction couverts par le plan» de garantie auquel il a adhéré. Le même article stipule qu’à défaut de l'entrepreneur de réparer ces défauts, l'administrateur du plan procède aux réparations. L'administrateur agit en fait comme caution et la Loi prévoit, à l’article 79.2, subrogation au profit de l’administrateur dans ce cas. C’est donc à bon droit que l’Administrateur a, dans sa décision, annoncé qu’il procéderait lui-même aux réparations, à défaut par l’Entrepreneur de s’y conformer.
[31] Pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d’accréditation, l’entrepreneur doit d’ailleurs, conformément à l’article 78 du Règlement, signer la convention d’adhésion fournie par l’administrateur, comportant les engagements énumérés à l’annexe II du Règlement. L’entrepreneur accrédité s’y engage, entre autres
…..
«3e à respecter les règles de l’art et les normes en vigueur applicables au bâtiment»
4° sans restreindre la responsabilité qui est sienne en vertu des lois en vigueur au Québec, à respecter la garantie lui incombant en vertu du plan de garantie approuvé par la Régie et, le cas échéant, à parachever les travaux ou à réparer les vices et malfaçons couverts par la garantie et ce, dès que l'administrateur est d'avis qu'une réclamation est fondée, sauf au cas de contestation;
5° à indemniser l'administrateur pour toute perte encourue ou à rembourser tout déboursé qu'il aura effectué suite à son défaut d'honorer la garantie lui incombant en vertu du plan de garantie;
…..
18° à mettre en place s'il y a lieu, toutes les mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment ou à rembourser le bénéficiaire lorsque de telles mesures ont dû être mises en place de façon urgente par ce dernier; »
…..
[32] En l’espèce, l’Administrateur conclut à vice caché en application de l’article 10 (4) du Règlement, qui se lit comme suit :
10. « La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
…
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;»
[33] L’article 1726 du code civil du Québec énonce quant à lui :
1726. «Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses
accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait donné si haut prix, s’il les avait connus.»
[34] Tel qu’établi dès les premières lignes de l’article 10 du Règlement, il doit y avoir manquement de l’entrepreneur à ses obligations pour que la garantie trouve application. Au surplus, les tribunaux ont établi le caractère d’ordre public (les parties ne peuvent y déroger, même par convention) du Règlement.. À cet effet, le Tribunal réfère notamment aux propos de l’Honorable Pierrette Rayle qui s’exprimait pour la Cour d’appel du Québec sur cette question, reproduits récemment par cette même Cour[3]
«Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés».[4]
[35] C’est donc dans un contexte législatif et réglementaire très encadré et d’ordre public, visant à assurer l’exécution de ses obligations par l’Entrepreneur, que le Tribunal doit analyser la demande d’arbitrage.
[36] L’Entrepreneur ne nie pas qu’il y ait eu infiltration d’eau mais pour lui, les défauts ont été corrigés (briques, fenêtres, contre-pente, décontamination, etc…) de bonne foi, aux coûts de 43 000$. Il n’y aurait donc pas lieu d’intervenir davantage par la réfection du drain considérant qu’ il n’y a plus d’infiltration.
[37] Les experts de l’Administrateur ont pour leur part démontré que le problème du drain français est apparu dès le début de leur intervention. Toutes les parties ont, après les travaux effectués en 2010, cru que le problème était réglé. Une nouvelle infiltration d’eau en 2011 a amené l’Administrateur et l’Entrepreneur à requérir de nouvelles expertises qui ont confirmé que l’humidité excessive dans le bâtiment s’explique par l’absence de fonctionnalité du drain français.
[38] La soussignée est convaincue que la problématique du drain français n’est pas nouvelle, comme le prétend l’Entrepreneur. Quant à savoir si elle est la cause des infiltrations d’eau, l’Entrepreneur n’a soumis aucune preuve susceptible de mettre en doute les conclusions des experts.
[39] Or, c’est sur l’Entrepreneur, qui conteste le bien-fondé de la décision de l’Administrateur, que repose le fardeau de la preuve, en application des dispositions contenues à l’article 2803 du Code Civil du Québec :
2803 Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
[40] Pour se décharger du fardeau de la preuve, il ne suffit pas de démontrer sa bonne foi, les efforts mis ou les frais déboursés pour corriger la situation. L’Entrepreneur n’a pas déposé de contre-expertise, pas plus qu’il n’a été en mesure d’établir quellequ’autre cause que ce soit pour expliquer les infiltrations d’eau qui, faut-il le rappeler, se sont produites à chaque printemps depuis la construction.
[41] De l’avis du Tribunal, la preuve soumise par l’Administrateur a clairement établi la présence d’un vice caché du fait, entre autres, que le drain est plus haut à l’avant qu’à l’arrière. Le drain à l’arrière étant submergé à 100%, le tribunal retient les propos de monsieur Lasalle à l’effet que «les pieds de la fondation sont dans l’eau depuis sa construction».
[42] Les témoignages de madame Tremblay et de monsieur Lasalle (à qui l’Entrepreneur s’est lui-même adressé pour obtenir un avis) n’ont à aucun moment été contredits par une preuve technique quelconque. Qui plus est, en conférence préparatoire, madame Chartrand avait annoncé vouloir faire entendre un représentant de la firme Goudron Pagé Inc. mandatée par elle en 2010 pour effectuer des travaux au drain français mais à l’audition, aucun témoin n’a été présenté à ce sujet. De plus, dans son témoignage, madame Chartrand a déclaré ne pas se rappeler exactement les travaux et constats de ladite firme.
[43] L’examen de la facture de Goudron Pagé Inc. n’a pas non plus permis au Tribunal d’établir qu’il y aurait eu, en 2010, correction de la pente du raccord du drain au bassin, tel que requis par l’Administrateur et convenu avec l’Entrepreneur. Quant aux travaux effectués par la firme Gorl’eau en juillet 2011, tant le témoignage de monsieur Magny à l’audition que la facture des travaux effectués par la firme, démontrent plutôt l’absence de vérification de la fonctionnalité du drain français.
[44] Le Tribunal ne doute pas de la bonne foi de l’Entrepreneur mais il ressort de la preuve que celui-ci n’a pas accordé route l’attention requise aux problèmes du système de drainage en n’y effectuant que des travaux correctifs superficiels, niant ainsi, du moins en apparence, sa responsabilité à l’égard de ce vice caché.
[45] Dans une cause présentant des faits similaires à la présente affaire, l’arbitre Marcel Chartier écrit :[5]
«Les deux facteurs invoqués par l’entrepreneur pour le mauvais fonctionnement du drain français sont d’abord une mauvaise pente sur le terrain et ensuite des margelles non-conformes. Or, aucun de ces facteurs n’a été retenu dans les 2 rapports d’expertise. En effet, il ressort plutôt de la preuve que ces 2 facteurs peuvent aggraver le problème d’obstruction du drain par le sable, mais ils n’en sont aucunement la cause déterminante.
De la preuve testimoniale et écrite, il ressort clairement qu’il y a un problème de drainage : il a été mis en preuve que le drain français est presque complètement obstrué par du sable fin. Même si l’entrepreneur a fait de son mieux comme il le dit, il n’en demeure pas moins responsable tant en vertu du Code civil du Québec qu’en vertu du contrat d’entreprise et de Garantie»
[46] Comme l’écrit Me Michel Jeanniot dans la décision Filomena Stante et Antonio Carriero c. Les Constructions Oakwood Canada Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ :
«Les Bénéficiaires sont en demande et tel quiconque porte une demande devant un Tribunal d’arbitrage, c’est la demande qui a le fardeau de preuve, qui a le fardeau de convaincre; sans que ce fardeau ne soit indu, ce sont les Bénéficiaires demandeurs qui ont l’obligation de démontrer le caractère déraisonnable de la décision de l’Administrateur ou, subsidiairement, que les points qu’ils soulèvent sont recevables dans le cadre de l’application du contrat
de garantie».
[47] Quoique le Tribunal ait expliqué à l'Entrepreneur, lors de la conférence préparatoire téléphonique, que le fardeau de preuve lui incombait et qu’il lui ait rappelé au début de l'audition, celui-ci ne s’est pas acquitté de son obligation. En l’absence de toute preuve permettant au Tribunal de mettre en doute les conclusions des experts entendus, le Tribunal conclut que l’Entrepreneur a failli à son obligation de démontrer que la décision de l’Administrateur est mal fondée.
[48] Le second argument soulevé par l’Entrepreneur concerne l’ampleur des travaux ordonnés au drain français. Ainsi, selon les propos mêmes de madame Chartrand, il y a exagération de l’Administrateur lorsqu’il exige la réfection complète du drain français. Or, plutôt que de présenter une preuve technique pour démontrer l’inutilité des travaux exigés par l’Administrateur, l’Entrepreneur argue d’une part, que les drains des bâtiments voisins ne seraient pas fonctionnels non plus et, d’autre part, qu’il y aurait lieu de «s’asseoir et ne pas exagérer». Elle suggère que les parties puissent s’entendre «pour qu’il y ait correction pour que ça devienne fonctionnel sans réfection du drain au complet».
[49] D’une part, le Tribunal croit utile de rappeler, tel qu’établi par la loi et une abondante jurisprudence, que les entrepreneurs ont plus qu’une obligation de moyens. Ils ont une obligation de résultat «et à cet effet, ils doivent livrer une construction qui réponde aux règles de l’art et qui permette d’assurer les fonctions qui lui sont destinées».[6]. De la preuve entendue, le drain français ne remplit pas ses fonctions. Ce vice peut provoquer d’autres infiltrations d’eau parce qu’il rend le système de drainage des fondations impropre à l’usage auquel il est destiné.
[50] D’autre part, il est toutefois reconnu qu’en contrepartie de son obligation de résultat, l’Entrepreneur a le choix des moyens pour corriger un défaut. Dans cette perspective, est-ce qu’en ordonnant la réfection complète du drain, l’Administrateur impose un moyen correctif à l’Entrepreneur?
[51] Le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de distinguer la nature des travaux à faire, sur laquelle l’Administrateur peut intervenir, et la méthode pour les exécuter qui appartient à l’Entrepreneur. À cet effet, le Tribunal retient les propos de l’arbitre Jean Morissette dans la cause Ménard et Les entreprises Christian Dionne et Fils inc. :[7]
«Le texte des articles du Règlement que j’ai souligné m’indique que l’Administrateur a le pouvoir de choisir les travaux qui corrigeront la malfaçon. Nous rejetons l’argument. de l’Administrateur et de l’Entrepreneur à l’effet que ce dernier est le seul maître de la façon choisie pour la correction de la malfaçon.
Les auteurs Kott et Roy établissent ce principe dans le cadre d’un contrat d’entreprise et non dans le cadre de l’application de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.»
……..
La méthode utilisée pour procéder aux travaux correctifs, soit le changement complet du parement de briques, est, nous l’accordons, de l’entière responsabilité de l’Entrepreneur.
S’il est d’usage pour l’Administrateur de ne pas s’immiscer dans la correction visant la malfaçon, ce n’est pas que le Règlement ne lui donne pas ce pouvoir. Interpréter le règlement autrement laisserait les Bénéficiaires à la merci d’un entrepreneur incompétent, ce qui va à l’encontre de l’existence même du Plan de Garantie des maisons neuves. Le pouvoir de statuer comporte le pouvoir de choisir les travaux pour corriger la malfaçon.
[52] Dans le présent litige, il appartenait à l’Entrepreneur de démontrer que les travaux correctifs préconisés par l’Administrateur ne sont pas les bons, ne sont pas adéquats ou qu’il serait plus approprié d’en choisir d’autres.
[53] L’Entrepreneur n’a pas soumis telle preuve au Tribunal. Au contraire, il a plutôt fait valoir les dépenses qu’il a déjà dû encourir pour tenter de régler le problème.
[54] Vu l’obligation de résultat qui incombe à l’Entrepreneur de fournir un bâtiment exempt de tout vice caché et celui-ci n’ayant pas réussi à démontrer le caractère déraisonnable de la décision de l’Administrateur quant à la nature des travaux à effectuer, le Tribunal la maintient.
LA DÉCISION
[55] L’arbitre doit statuer «conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient».[8] Sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.[9]
[56] Considérant les faits, le droit applicable, la preuve versée au dossier et présentée à l’audition, le tribunal conclut que la décision de l’Administrateur est bien fondée. Par conséquent, l’Entrepreneur devra effectuer tous les travaux requis dans la décision rendue par l’Administrateur le 29 août 2011, le tout en conformité des conclusions du rapport de soutien technique de monsieur Marco Lasalle en ce qui concerne le drain français.
[57] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et vu que c’est l’Entrepreneur qui est demandeur, les frais d’arbitrage seront partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur.
123. « Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.»
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
MAINTIENT la décision de l’Administrateur, rendue le 29 août 2011;
ORDONNE à l'Entrepreneur de se conformer à la décision de l’Administrateur rendue le 29 août 2011 et d’effectuer tous les travaux requis, le tout en conformité des exigences des règles de l’art et des conclusions du rapport de soutien technique de monsieur Marco Lasalle;
FIXE au 15 juin 2012 la date limite de fin des travaux;
CONDAMNE l’Entrepreneur et l’Administrateur au paiement à parts égales, des coûts de l’arbitrage.
Laval, 21 février 2012
Me France Desjardins
Arbitre/SORECONI
[1] L.R.Q. c.B.-1.1 r.0.2
[2] L.R.Q., c. B.-1.1
[3] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Myl Développement Inc. et Mario Lévesque, Cour d’appel 500-09-019672-096, 14 janvier 2011
[4] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle et René Blanchet, ès qualité d’arbitre au CCAC, Cour d’appel, 15 décembre 2004, motifs de la juge Pierrette Rayle
[5] Construction renoir Inc. c. Éric Taillon et Mylène Roy et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., SORECONI 060405002, sentence rendue le 1er juin 2006.
[6] Les Constructions André Malo Inc. c. Christian Arsenault et Monia Abderrahman et La Garantie des ba^timents résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., SORECONI 080417001, sentence rendue par Me Michel Jeanniot le 4 novembre 2008
[7] Jose Ménard et Paul Mahoney c. Les Entreprises Christian Dionne et Fils inc. et La Garantie
des maisons neuves de l’APCHQ inc., 2006 CanLII 60456
[8] Article 116 du Règlement
[9] Articles 20 et 120 du Règlement