ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI
ENTRE : SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES LE CANNET;
(ci-après les « Bénéficiaire »)
ET : INVESTISSEMENT SABA INC.;
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE ABRITAT INC.;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier Soreconi: 150909001
Décision
Arbitre : Me Pamela McGovern
Pour les Bénéficiaires : Me Sébastien Fiset
Pour l’Entrepreneur : Aucun représentant
Pour l’Administrateur : Me Marc Baillargeon
Date de la Décision : 27 novembre 2017
Identification complète des parties
Bénéficiaires : Syndicat des Copropriétaires Le Cannet
50 rue Saint-Antoine E, Montréal, QC
Montréal (Québec) H2Y 1A5
Et son procureur :
Me Sébastien Fiset
Fiset Légal
1175, Bernard, suite 301
Montréal (Québec) H2V 1V5
Entrepreneur: Investissement Saba Inc.
M. Wagulh Saba
6645, boul. Thimens
Saint-Laurent (Québec) H4S 1W2
Administrateur : La Garantie Abritat Inc.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
Et son procureur :
Me Marc Baillargeon
La Garantie Abritat Inc.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
Plumitif
09.09.2015 Demande d’arbitrage à la suite de la décision communiquée au Bénéficiaire par le procureur de l’Administrateur datée du 27 août 2015
01.12.2015 Nomination d’un arbitre par le Centre d’arbitrage
27.06.2016 Lettre du procureur de l’Administrateur avec le cahier des pièces
22.08.2016 Lettre de Me Sébastien Fiset à Me André Dugas
02.11.2016 Courriel de Mme St-Louis à M. Baillargeon. 5 p.j.
· 22.08.2016 : Lettre de Me Fiset à Me Dugas
· 27.10.2016 : Courriel de M. Baillargeon à Me Fiset
· Guide d’arbitrage
· 30.05.2014 : Décision d’arbitrage
8.11.2016 Courriel de Me André Dugas aux parties
30.11.2016 Courriel de Me Oliva (Fiset Légal) à toutes les parties. 6 p.j.
· Plan d’argumentation amendé
· Correspondances entre les procureurs des parties
· Extrait de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé
· Extrait de doctrine
· Extrait du site Internet du CCAC
06.12.2016 Courriel de Me Oliva (Fiset Legal) à toutes les parties. 5 p.j.
· 06.12.2016 : Lettre à Me Dugas de Me Oliva (Fiset Légal)
· Décision arbitrale Élyse Desrochers
· Copie de l’arrêt Marquis de la Cour d’appel
· Copie de la décision Turgeon
· Copie de la décision Benoit
05.06.2017 Appel conférence/conférence de gestion
07.06.2017 Envoi du procès-verbal de l’appel conférence/conférence de gestion
28.06.2017 Réception du plan d’argument de l’Administrateur
28.06.2017 Appel conférence et plaidoiries des parties sur la demande de documents et informations du Bénéficiaire
27.07.2017 Courriel de Me McGovern à toutes les parties avec la décision sur la demande de production de documents et informations
07.08.2017 Échange courriels entre les parties suivant la réception de la décision interlocutoire
08.08.2017 Échange de courriels entre les parties :
· Demande de délai additionnel par Me Baillargeon,
· Refusée par Me Oliva
· Revue par Me McGovern demandant que les réponses soient données par Me Baillargeon lors d’un appel conférence en date du 14 août
10.08.2017 Lettre de Me Fiset à Me McGovern concernant la sentence arbitrale déjà rendue
09.08.2017 Courriel de Me Baillargeon à toutes les parties avec réponses aux questions demandées :
· Déclaration assermentée de M. Jacques Laliberté, CPA CGA
· Entente de conférence téléphonique pour le 14 août 2017 à 10h30
14.08.2017 Appel conférence et conférence de gestion
· Envoi du procès-verbal à toutes les parties
01.09.2017 Correspondance de Me Fiset concernant les points 7 et 8 de la lettre du 8 septembre 2015
08.09.2017 Correspondance entre Me Fiset et Me Baillargeon avec demande d’une réponse de l’Administrateur avec délai abrégé
08.09.2017 Courriel de Me Baillargeon mentionnant une difficulté dans l’envoi des plans
08.09.2017 Courriel de Me Baillargeon avec documents suivants :
1. Devis terrasses sur le toit - 316523.1
2. Devis toit-terrasse 316523.1
3. Devis général 316523.1
4. Soumission RAM - Travaux généraux
5. Soumission Rénovations Don Jonathan - Toiture (dalles)
6. Soumission Aménagement Denis & fils
7. Soumission Habitat excellence - Toiture (dalles)
8. Soumission Habitat excellence - travaux généraux
9. Soumission Mini - Excavation Daniel Beaulieu
10. Soumission RAM - Toiture (dalles)
11. Ventilation des couts Habitat excellence
12. Soumission Rénovations Don Jonathan - travaux généraux
13. Soumission P. Barbeau
08.09.2017 Courriel de Me Fiset avec une demande de précision
12.09.2017 Lettre de Me Fiset à Me McGovern avec décisions en annexe
15.09.2017 Courriel provenant de l’un des procureurs du Bénéficiaire avec une demande de remise
18.09.2017 Courriel provenant de Me Fiset avec des décisions pour appuyer la demande de remise
18.09.2017 Appel conférence et Courriel de Me McGovern à Me Fiset et Me Baillargeon
· Audition du 21 septembre à 9h30 est maintenue
· Autorités de l’Administrateur seront transmises d’ici le 19 septembre 17h
· Procureur des Bénéficiaires peut transmettre ses autorités lors de l’audition
· Information concernant les témoins de l’Administrateur: M. Laliberté et possiblement M. Caron
18.09.2017 Courriel de Me Baillargeon à toutes les parties avec deux documents annexés :
· Déclaration de copropriété amendée en date du 26 septembre 2014
· Décision de l’Administrateur
19.09.2017 Courriel de Me Baillargeon à toutes les parties avec les Autorités de l’Administrateur
20.09.2017 Courriel de Me Baillargeon à toutes les parties avec les questions à l’arbitrage
20.09.2017 Envoi des pièces B1 à B10 :
· B-1 : Certificat d’accréditation d’Investissement Saba Inc, par La Garantie Abritat Inc., du 4 mai 2011 au 3 mai 2015
· B-2 : Contrat préliminaire et contrat de garantie (Condominium) entre les Investissements Saba Inc. et Clinique Agatha Inc., pour l’unité commerciale 101
· B-3 : Contrat préliminaire et contrat de garantie (Condominium) entre les Investissements Saba Inc. et 9256-2396 Québec Inc. (« Polyclinique »), pour l’unité commerciale 102, celle-ci ayant remplacé les unités 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110
· B-4 : Certificats d’enregistrement du bâtiment émis par La Garantie Abritat Inc. pour les unités 107, 108, 109 et 110, Acte d’achat et Index des immeubles en liasse
· B-5 : Décision de l’Administrateur, sous la signature de l’analyste financier Denis Lefebvre, datée du 15 janvier 2014
· B-6 : Renouvellement de Les Investissements Saba Inc. à La Garantie Abritat Inc. du 10 juin 2014
· B-7 : Lettre de La Garantie Abritat Inc. à Les Investissements Saba Inc. du 11 novembre 2014
· B-8 : Décision de l’Administrateur, sous la signature de l’inspecteur Jocelyn Dubuc, datée du 2 février 2015
· B-9 : Courriel de Me Marc Baillargeon, daté du 1er mai 2015
· B-10 : Comparution devant notaire le 26 septembre 2014 Le Cannet c. Polyclinique
21.09.2017 Audition
28.09.2017 Courriel de Me Baillargeon à Me McGovern et à Me Fiset avec les documents suivants :
· Lettre d’envoi avec Cahier de pièces de l’Administrateur datée du 27 juin 2016
· 2 sentences arbitrales concernant la reconnaissance de l’application de l’équité à toutes les parties
04.10.2017 Courriel de Me Oliva à toutes les parties avec :
· Réplique du Bénéficiaire
· Déclaration sous-serment de Dr. Rami Younan
· Déclaration sous-serment d’Issam Saliba
Admissions
[1] L’Entrepreneur a été accrédité par l’Administrateur du 4 mai 2011 au 15 janvier 2014 et du 10 juin 2014 au 16 décembre 2014, tel que confirmé par la déclaration assermentée de Jacques Laliberté, représentant de l’Administrateur, datée du 11 août 2017;
[2] La déclaration de copropriété concernant le bâtiment faisant l’objet du présent litige a été signée en date du 5 juillet 2012, tel qu’il appert du document A-1 produit avec le Cahier de l’Administrateur;
[3] Le 24 octobre 2012, un contrat préliminaire et contrat de garantie a été signé par l’Entrepreneur et 9256-2396 Québec Inc. (« Polyclinique », pour les unités 104 et 105), tel qu’il appert du document B-3 produit par le Bénéficiaire;
[4] Le 3 novembre 2012, un contrat préliminaire et contrat de garantie a été signé par l’Entrepreneur et Clinique Agatha Inc. pour l’unité 101, tel qu’il appert du document B-2 produit par le Bénéficiaire;
[5] L’avis de fin des travaux est daté du 8 octobre 2013, tel qu’il appert du document A-2 produit avec le Cahier de l’Administrateur;
[6] Une mise en demeure a été transmise par une représentante du Bénéficiaire à l’Entrepreneur le 10 janvier 2014, tel qu’il appert du document A-3 produit avec le cahier de l’Administrateur;
[7] Le 3 avril 2014, l’Administrateur a reçu une mise en demeure du Bénéficiaire concernant plusieurs déficiences, tel qu’il appert du document A-6 produit avec le cahier des pièces de l’Administrateur;
[8] Le 3 novembre 2014, une décision a été rendue par l’Administrateur accueillant 93 points soulevés par le Bénéficiaire dans la réclamation, suspendant 2 points jusqu’à l’hiver 2015 et rejetant 2 points, tel qu’il appert du document A-8 produit avec le cahier de pièces de l’Administrateur;
[9] Le 2 février 2015, une 2ième décision a été rendue par l’Administrateur concernant les points ayant été laissés en suspens et a accueilli en partie les réclamations concernant, entre autres, les portes et fenêtres de la suite 102, tel qu’il appert du document A-9 produit avec le cahier de pièces de l’Administrateur;
[10] Le 30 mars 2015, l’Administrateur, par l’entremise de son procureur, a avisé le Bénéficiaire de l’état de certains travaux correctifs à être effectués à la suite des décisions A-8 et A-9 et de plus, a avisé le Bénéficiaire qu’il devait défrayer 23.39% du coût des travaux puisque 23.39% du bâtiment sert à des fins commerciales, tel qu’il appert d’une copie de la lettre A-12 produite avec le cahier de l’Administrateur;
[11] La lettre A-12 prévoit également que seulement 23 des 35 unités étaient destinées à des fins résidentielles, soit 66%, puisque les autres unités avaient été reprises par le prêteur et n’ont pas été vendues par l’Entrepreneur. Conséquemment, l’Administrateur a avisé le Bénéficiaire qu’il devait assumer une proportion additionnelle du coût des travaux et a donc demandé au Bénéficiaire de transmettre une somme représentant 49.44% du coût total des travaux;
[12] Le 27 août 2015, l’Administrateur, par l’entremise de son procureur, a avisé le Bénéficiaire que le coût total estimé des travaux était de 554 850$ et a demandé au Bénéficiaire de transmettre une somme de 315 397$ représentant 49.44% du coût total connu des travaux correctifs, tel qu’il appert du document A-10 produit avec le cahier de l’Administrateur;
[13] Le 9 septembre 2015, le Bénéficiaire a transmis une demande d’arbitrage et le 1er décembre 2015, un arbitre a été nommé, tel qu’il appert des documents A-10 produits en liasse avec le cahier de l’Administrateur;
[14] Le 15 mai 2017, il y a eu une substitution d’arbitre et la soussignée a été nommée par le Centre d’arbitrage;
[15] Lors de l’appel conférence/conférence de gestion du 5 juin 2017, le Bénéficiaire a demandé de procéder sur sa demande de production de documents et d’informations;
[16] Le 28 juin 2017, les parties ont plaidé sur la demande de production de documents et d’informations du Bénéficiaire;
[17] Le 24 juillet 2017, le Tribunal a rendu une décision interlocutoire concernant les demandes de production de documents faites par le Bénéficiaire;
[18] Le 11 août 2017, l’Administrateur a produit une déclaration assermentée de Jacques Laliberté, Directeur du service de l’enregistrement et du recouvrement au sein de l’Administrateur, répondant en partie aux demandes du Bénéficiaire;
[19] Au mois d’août 2017, le Tribunal d’arbitrage a tenu un appel conférence/conférence de gestion, à quel moment les parties ont circonscrit le débat suite à une décision qui a tranchée l’une des questions soumises en arbitrage, soit la question concernant la reprise de certaines unités par le prêteur de l’Entrepreneur;
[20] Le 9 août 2017, le procureur de l’Administrateur a écrit:
Cependant, nous sommes d’avis et tenons à réitérer que suite à la Sentence arbitrale rendue dans l’affaire des SDC du 130 et 151 Marcel-R. Bergeron & Gelcon Inc. & Abritat, par Me Michel A. Jeanniot, en date du 19 juillet dernier, dont vous avez pris connaissance, le seul point en litige devant être tranché dans le présent dossier d’arbitrage est de savoir si l’Administrateur peut refuser de couvrir, en partie, les parties communes du bâtiment puisque ce dernier comporte des unités à usage commercial, qui, selon l’Administrateur, ne peuvent être couvertes par le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
Valeur en litige
[21] La valeur en litige est de classe [5] (60 001$ et plus);
Question en litige
[22] Tel que mentionné ci-dessus, la seule question qui demeure en litige est la suivante : est-ce que l’Administrateur peut refuser de couvrir, en partie, les parties communes du bâtiment puisque ce dernier comporte des unités à usage commercial qui, selon l’Administrateur, ne peuvent être couvertes par la garantie prévue au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le Règlement):
Analyse et décision
[23] Au début de l’audience, les parties ont annoncé que toutes les pièces étaient produites de consentement et que la décision à être rendue doit porter sur la position prise par l’Administrateur dans la lettre A-12;
[24] Le bâtiment est situé au 450, rue Saint-Antoine Est et au 455, rue St-Louis à Montréal. Lors de son accréditation auprès de l’Administrateur, toutes les unités n’avaient pas encore été vendues;
[25] En février 2012, l’Entrepreneur aurait communiqué avec un représentant de l’Administrateur qui a pris en note, sur le document intitulé « Déclaration d’un bâtiment en copropriété », qu’il y avait 41 unités dans le bâtiment. Par contre, il n’y a pas eu de réponse aux questions concernant les points suivants : « garage », « mezzanine », « espaces commerciaux », « piscine intérieure » ou « ascenseur », tel qu’il appert du document A-16 produit avec le cahier de l’Administrateur;
[26] M. Jacques Laliberté, représentant de l’Administrateur, a témoigné que certaines des unités avaient été transformées en unités commerciales suite aux modifications à la déclaration de copropriété datée du 26 septembre 2014. Ce document B-10 a été produit par le Bénéficiaire;
[27] Le document B-10 décrit la constitution de la nouvelle partie privative à destination commerciale 102 à partir de l’unification des parties privatives commerciales 104 et 105, avec les parties privatives résidentielles 107, 108, 109 et 110. Conséquemment, à partir de cette modification, il y avait 35 parties privatives résidentielles et 2 parties privatives commerciales dans le bâtiment;
[28] Le Tribunal prend note que les unités 101, 104 et 105 n’ont pas été enregistrées comme faisant l’objet du plan de garantie;
[29] Par ailleurs, M. Laliberté a témoigné que l’Administrateur n’a pas remboursé les primes payées pour les unités 107 à 110 qui ont été transformées en unités commerciales;
[30] Tel que mentionné dans la lettre A-12, l’Administrateur a pris la position que 23,39% du bâtiment servait à des fins commerciales. Lors de l’audition, l’Administrateur a modifié sa position et a admis que seulement 19,8% servait à des fins commerciales;
[31] Selon le Bénéficiaire, seulement 10.12% du bâtiment (calcul déposé sous B-12) sert à des fins commerciales. Le document B-10 énonce que les unités 101 et 102 détiennent respectivement 3.48% et 11.51% dans les parties communes. Par ailleurs, toujours selon le Bénéficiaire, il y aurait eu une admission de l’Administrateur que les unités 107 à 110 étaient couvertes par le plan de garantie, selon le courriel transmis par le procureur de l’Administrateur B-9, réduisant la quote-part de l’unité 102 à 6.64% pour un total de 10.12% du bâtiment servant à des fins commerciales;
[32] Or, le Tribunal ne retient pas ce calcul;
[33] Le calcul approprié pour les fins du présent débat se retrouve dans les actes authentiques A-1 et B-10 qui établissent les quotes-parts des unités résidentielles et commerciales dans les parties communes;
[34] En effet, selon la déclaration de copropriété A-1, les unités commerciales 212 et 213 ont une quote-part totale de 4,81% dans les parties communes. Conséquemment, selon A-1 et B-10, les unités commerciales ont une quote-part totale de 19,8% des parties communes du bâtiment;
[35] Le Tribunal tient à souligner que seuls les actes authentiques A-1 et B-10 établissent les quotes-parts détenues par les unités commerciales dans les parties communes. Le Tribunal ne peut pas se fier à un courriel, qui en outre, comprend une erreur (B-9) pour établir ce pourcentage. Une telle erreur ne peut modifier des actes authentiques qui décrivent de façon spécifique les quotes-parts des unités commerciales dans les parties communes du bâtiment;
[36] Le Tribunal doit maintenant décider si cet intérêt de 19,8% des propriétaires d’unités commerciales, permet à l’Administrateur de demander au Bénéficiaire une contribution proportionnelle pour les coûts de réparation requis pour procéder aux travaux prévus aux décisions A-8 et A-9. Le Tribunal prend note du fait que l’Administrateur n’a pas mentionné dans les décisions A-8 et A-9 que le Bénéficiaire devrait supporter une partie des coûts de réparation;
[37] Afin de répondre à la question en litige, le Tribunal se réfère au Règlement ainsi qu’aux décisions arbitrales portant sur des cas similaires;
[38] Le Règlement prévoit :
1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:
…
«bénéficiaire»: une personne, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopérative qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf et, dans le cas des parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise, le syndicat de copropriétaires;
…
2. Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction:
1° des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:
a) une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée;
b) un bâtiment multifamilial à partir du duplex jusqu’au quintuplex;
c) (sous-paragraphe abrogé);
2° des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:
a) une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée;
b) un bâtiment multifamilial comprenant au plus 4 parties privatives superposées, sans tenir compte, dans le calcul de ces 4 parties, des espaces privatifs dont la destination est le stationnement ou le rangement;
c) (sous-paragraphe abrogé);
3° des bâtiments visés aux paragraphes 1 ou 2 et acquis d’un syndic, d’une municipalité ou d’un prêteur hypothécaire par un entrepreneur.
Malgré ce qui précède, le présent règlement ne s’applique pas lorsque le client de l’entrepreneur est un organisme sans but lucratif, une coopérative ou un office d’habitation créé en vertu de la Loi sur la Société d’habitation du Québec (chapitre S-8) et qu’il bénéficie pour l’achat ou la construction d’un bâtiment neuf, d’une aide financière dans le cadre d’un programme d’habitation mis en oeuvre par la Société d’habitation du Québec en vertu de sa loi constitutive.
La destination d’un bâtiment s’établit à la date de conclusion du contrat. Cette destination est présumée valoir pendant toute la période de garantie et la garantie s’applique à l’ensemble du bâtiment.
…
§ 2. — Garantie relative aux bâtiments détenus en copropriété divise
I. Couverture de la garantie
25. Pour l’application de la présente sous-section, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:
…
«parties communes»: celles faisant partie du bâtiment et énumérées à l’acte constitutif de copropriété ou, en l’absence de dispositions spécifiques dans cet acte, celles énumérées à l’article 1044 du Code civil.
…
II. Exclusions de la garantie
29. Sont exclus de la garantie:
1° la réparation des défauts dans les matériaux et l’équipement fournis et installés par le bénéficiaire;
2° les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;
3° les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire;
4° les dégradations résultant de l’usure normale du bâtiment;
5° l’obligation de relogement, de déménagement et d’entreposage des biens du bénéficiaire et les réparations rendues nécessaires à la suite d’évènements de force majeure tels les tremblements de terre, les inondations, les conditions climatiques exceptionnelles, la grève et le lock-out;
6° la réparation des dommages découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l’entrepreneur;
7° la réparation des dommages résultant des sols contaminés y compris le remplacement des sols eux-mêmes;
8° l’obligation d’un service public d’assurer l’alimentation en gaz ou en électricité du bâtiment;
9° les espaces de stationnement et les locaux d’entreposage situés à l’extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvrage situé à l’extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain à l’exception de la pente négative du terrain;
10° les promesses d’un vendeur à l’égard des coûts d’utilisation ou de consommation d’énergie d’appareils, de systèmes ou d’équipements entrant dans la construction d’un bâtiment;
11° les créances des personnes qui ont participé à la construction du bâtiment.
Toutefois, les exclusions visées aux paragraphes 2 et 5 ne s’appliquent pas si l’entrepreneur a fait défaut de se conformer aux règles de l’art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment.
(nos soulignements)
[39] Le Tribunal note qu’il n’y a aucune disposition limitant la couverture des parties communes d’un bâtiment lorsque certaines unités privatives de ce bâtiment sont utilisées à des fins commerciales;
[40] L’Administrateur prend la position que l’objectif visé par le Règlement est de protéger uniquement les bâtiments résidentiels, et non pas de faire bénéficier des personnes non visées par le Règlement;
[41] Le Bénéficiaire plaide que (1) les contrats préliminaires pour les unités 101 et 102, (2) l’émission de certificats d’enregistrement du bâtiment pour les unités 107 à 110 et, (3) la confirmation B-9 que les unités 107 à 110 étaient couvertes par le plan de garantie, devraient amener le Tribunal à conclure que « les unités commerciales sont bel et bien couvertes par le Plan de garantie »;
[42] Or, le Tribunal réitère que la question est plutôt : « est-ce que l’Administrateur peut refuser de couvrir la proportion des parties communes détenues par les propriétaires des unités commerciales?»;
[43] Les parties ont référé le Tribunal à plusieurs décisions. Seules les décisions pertinentes à la question en litige feront l’objet de commentaires;
[44] Dans l’affaire Domaine Mon Voisin le Castor Inc. et 9027-8525 Québec Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc.[1], l’administrateur a avisé le bénéficiaire que la « destination de l’immeuble, au moment de la signature du contrat d’entreprise, n’était pas principalement résidentielle » et ainsi le plan de garantie ne pouvait s’appliquer au bâtiment;
[45] Or, l’arbitre Jeffrey Edwards (maintenant juge à la Cour du Québec) a souligné que selon l’article 2 du Règlement, le plan de garantie couvre des bâtiments neufs destinés à des fins principalement résidentielles et a précisé :
[20] Il est clair que le législateur n’a pas édicté que seul un bâtiment utilisé exclusivement à des fins résidentielles est visé par le Règlement. Au contraire, il est seulement requis que l’utilité principale du bâtiment soit résidentielle. Ainsi, en autant que la destination ou l’utilité principale du bâtiment soit résidentielle, il est permis que celui-ci soit également destiné et utilisé à d’autres fins, soit commerciale, artisanale, institutionnelle, industrielle ou récréo-touristique, et ce, sans pour autant perdre son admissibilité en vertu du Règlement…[2]
[46] Le bâtiment dans cette affaire était utilisé à 62,9% à des fins résidentielles et à 37,1% à des fins commerciales (gîte). L’arbitre a conclu :
En conclusion, après avoir entendu les témoins, examiné les pièces et les plaidoiries, visité les lieux, le Tribunal d’arbitrage conclut qu’à partir de la date de la conclusion du contrat de construction (Pièce A-2) jusqu’à ce jour, la destination du bâtiment en question a été principalement résidentielle.[3]
[47] Dans Copropriété Anse-Saint-Charles, Bâtiment A. et Questco Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[4], l’arbitre Jean Moisan (anciennement juge à la Cour d’appel) a décidé que le plan de garantie couvrait la totalité des coûts des travaux pour les parties communes alors que l’Administrateur avait plaidé que la garantie couvrait seulement une fraction des coûts correspondant aux parties privatives qui bénéficiaient du plan de garantie[5];
[48] L’Arbitre Moisan a écrit :
[13] Il est utile de rappeler que le Législateur est présumé connaître l’existence de ses lois et les réalités de fait sur lesquelles il entend baser ses règlements. Il connaît les notions juridiques entourant la copropriété inscrite dans le Code civil, de même que les réalités du domaine de la construction. On doit présumer qu’il a rédigé un règlement qui couvre toutes les facettes du sujet à traiter et qui remédie aux maux et aux lacunes qui affectent le domaine de la construction domiciliaire. La loi d’interprétation déclare qu’une loi [et un règlement] est édictée pour … « favoriser l’exercice des droits, …remédier à quelque abus ou procurer quelque avantage. Elle doit recevoir une interprétation large, libérale… »[6]
[33] De par la nature des parties communes, on ne voit pas de limitations possibles dans les travaux exigés pour la protection des structures et équipements destinés au confort et au bien-être des occupants. Tout ce dont doit s’occuper le syndicat forme un ensemble indivisible, global. C’est du fonctionnement de cet ensemble que dépend la qualité de vie des propriétaires de parties privatives.
[34] C’est pour cette raison fondamentale que le Législateur n’a pas voulu assujettir ou restreindre les droits du syndicat à des limitations qui pourraient en compromettre l’exécution ou entraver l’exercice des droits s’y rapportant.
[35] À titre d’exemple, la Garantie imagine qu’il serait impensable que le syndicat puisse réclamer toute la couverture prévue pour les parties communes si seulement la moitié ou le quart des propriétaires de parties privatives sont admissible selon le Règlement. La réponse simple est de dire que cette moitié ou ce quart a autant besoin de toutes les parties communes que si toutes les parties privatives étaient couvertes. Toutes sont essentielles à chacun des propriétaires.
[36] À l’inverse, on peut se demander qui paierait pour les travaux de complétion ou de réfection des parties communes si seulement une partie des travaux étaient couvertes par la garantie prévue au Règlement. Y aurait-il lieu de les faire assumer par l’ensemble des copropriétaires ou seulement par ceux dont la partie privative n’est pas couverte ? Où trouve-t-on dans le Règlement une base pour asseoir une obligation de ce genre? Si le Législateur avait prévu une telle situation, il en aurait inscrit les modalités quelque part dans le texte.
[37] C’est sans doute pour cet ensemble de raisons que le règlement ne contient pas la disposition que souhaiterait y lire la Garantie. Le Règlement n’a pas créé une telle restriction. Par son abstention et son silence il confirme que une obligation de couverture de l’ensemble des parties communes en faveur du syndicat des copropriétaires.
(nos soulignements)
[49] L’administrateur a pris une position similaire dans SDC 130 Marcel-R. Bergeron et al. Et Gelcon Inc. et Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc., ès qualité d’administrateur provisoire du plan de la Garantie Abritat Inc.[7];
[50] Dans cette affaire, l’Administrateur a demandé le versement de 50% des coûts de réparations au syndicat avant le début des travaux correctifs puisque seulement 50% des unités avaient été vendues par un entrepreneur accrédité auprès de l’administrateur;
[51] L’arbitre Michel Jeanniot a rejeté cette position de l’administrateur après avoir cité les extraits ci-dessus de la décision de l’arbitre Moisan dans Copropriété Anse-Saint-Charles, Bâtiment A. et Questco Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ. De plus, il a ajouté :
[82] D’ailleurs, si le soussigné se réfère à l’esprit ainsi qu’à la lettre de l’article 7 du Règlement, on constate qu’on plan de garantie (tel que celui de l’Administrateur) garantie l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur. Les obligations légales et contractuelles de l’entrepreneur vis-à-vis le syndicat qui est un « Bénéficiaire » est (pour les aires communes) indivisible. Ne serait-ce que pour cette raison, la Garantie (l’Administrateur) a une obligation indivisible envers le syndicat (pour les aires communes) et doit supporter le coût entier des frais des travaux qu’elle (la garantie) a d’ailleurs reconnus;
(nos soulignements)
[52] Dans le présent dossier, l’Administrateur plaide qu’il ne doit pas couvrir la totalité des frais de réparation des parties communes puisque l’objectif visé par le Règlement est de protéger les bâtiments résidentiels uniquement et non de faire bénéficier la garantie à des personnes non visées par le Règlement, soit des propriétaires d’unités commerciales;
[53] De plus, vu le silence du Règlement au sujet de l’utilisation d’une partie d’un bâtiment pour des fins autres que résidentielles, le Tribunal peut trancher en équité, selon l’article 116 du Règlement, afin d’éviter que l’Administrateur ne soit tenu à des obligations qui dépassent l’esprit et la lettre du Règlement;
[54] Toujours selon l’Administrateur, le Tribunal doit décider ainsi pour éviter qu’un entrepreneur puisse lier à l’avance l’Administrateur pour des obligations exorbitantes autre que celles prévues au plan de garantie. À cet égard, l’Administrateur réfère le Tribunal à la décision de la Cour supérieure dans l’affaire La Garantie Habitation du Québec Inc. c. Robert Masson et Groupe d’Arbitrage[8];
[55] Dans cette affaire, la Cour supérieure a renversé une décision de l’arbitre concernant des frais de relocalisation et d’entreposage puisque « ces frais ne sont pas couverts si les acomptes sont remboursés »;
[56] Or, dans le présent dossier, la question porte plutôt sur l’indivisibilité des parties communes et les frais qu’un syndicat de copropriétaires, bénéficiaire d’un plan de garantie, devrait supporter ;
[57] Le Bénéficiaire a référé le Tribunal à la décision rendue dans Brouillette et al., Construction Jean-F. Toulouse Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc.[9], où l’arbitre Fournier a rappelé que le Règlement « a été adopté pour protéger les consommateurs acheteurs de maisons neuves, et il doit être interprété en leur faveur »[10];
[58] Dans le cas d’un syndicat de copropriétaires, bénéficiaire d’un plan de garantie, le Tribunal voit difficilement pourquoi les propriétaires d’unité à vocation résidentielle devraient supporter une partie des coûts pour la réparation des parties communes parce que des propriétaires d’unités à vocation commerciales détiennent des quotes-parts de 19,8% des parties communes alors que la garantie couvre des bâtiments destinés « à des fins principalement résidentielles »;
[59] L’Administrateur a cité deux décisions arbitrales dans lesquelles les arbitres ont reconnu que l’équité doit s’appliquer à toutes les parties «ce qui inclut l’Administrateur»[11];
[60] Le Tribunal est d’avis que l’équité devrait plutôt favoriser le Bénéficiaire dans la présente affaire et rappelle l’extrait suivant de la décision de l’arbitre Moisan dans Copropriété Anse-Saint-Charles, Bâtimat A[12] :
[33] De par la nature des parties communes, on ne voit pas de limitations possibles dans les travaux exigés pour la protection des structures et équipements destinés au confort et au bien-être des occupants. Tout ce dont doit s’occuper le syndicat forme un ensemble indivisible, global. C’est du fonctionnement de cet ensemble que dépend la qualité de vie des propriétaires de parties privatives.
[61] Tel que demandé par l’arbitre Moisan dans Copropriété Anse-Saint-Charles, Bâtiment A dans le contexte où il y avait des parties privatives non-couvertes par la garantie, qui devrait assumer la partie non-couverte? Est-ce que c’est l’ensemble des copropriétaires ou seulement ceux qui ont des unités commerciales? Le Tribunal ajoute : qu’arrive-t-il si ces derniers deviennent insolvables?
[62] L’arbitre Moisan y a répondu par la négative et a conclu que le Règlement ne créée pas une telle restriction. « Par son abstention et son silence il confirme une obligation de couverture de l’ensemble des parties communes en faveur du syndicat des copropriétaires[13];
[63] Conséquemment, le Tribunal est d’avis que l’Administrateur a une obligation indivisible envers le Bénéficiaire pour les aires communes et doit donc supporter le coût entier des travaux requis suite aux décisions A-8 et A-9;
[64] Quant aux frais, ils sont à la charge l’Administrateur, conformément à l’article 123 du Règlement;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande du Bénéficiaire
DÉCLARE que l’Administrateur doit supporter seul le coût des travaux sur les parties communes;
RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toutes les actions et toutes les sommes versées, y compris les coûts exigibles pour l’arbitrage en ses lieux et place et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
Le tout, avec les coûts du présent arbitrage à la charge de l’Administrateur conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
Montréal, le 27 novembre 2017
_______________________
Pamela McGovern, Arb.
Arbitre
[1] 2010 CanLII 36090
[2] Ibid, p. 8 paragraphe [20]
[3] Ibid, p. 14
[4] 2009 CCAC S08-181201-NP
[5] Ibid [10]
[6] Loi d’interprétation, L.R.Q., chapitre I-16, article 41
[7] 017 Soreconi 162502001/161705001/162909001/1611810001
[8] 2016 QCCA 5593
[9] Décision rendue le 23 juin 2009 par l’arbitre Alcide Fournier, dossier Soreconi : 071029001
[10] Ibid, p. 8 paragraphe [44]
[11] SDC Les Villas du golf, phase II c. Les Maisons Zibelines Inc., CCAC, 15 mars 2010, par. 28, page 9, et Martin Lapointe & al. C. Construction Réjean D’Astous Inc. & GBRN de l’APCHQ Inc., Soreconi, 25 octobre 2006, par. 78, page 12
[12] Précité paragraphe [33]
[13] Précité paragraphe [37]