ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
(Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (« CCAC »)
ENTRE : |
|
Sucila Chinniyan Shanmuganathan et Kandiah Shanmuganathan |
|
|
(ci-après « les Bénéficiaires »), |
|
|
|
ET : |
|
Saint-Luc Habitation inc. |
|
|
(ci-après « L’Entrepreneur »), |
|
|
|
ET : |
|
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. |
|
|
(ci-après « L’Administrateur »). |
|
|
|
No dossier CCAC : S10-240201-NP |
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : |
|
Me Albert Zoltowski |
|
|
|
Pour les Bénéficiaires : |
|
Monsieur Praphakar Shanmuganathan |
|
|
|
Pour l’Entrepreneur : |
|
Monsieur Patrick Varin |
|
|
|
Pour l’Administrateur : |
|
Me François Laplante |
|
|
|
Date de la décision : |
|
18 juin 2010 |
Identification complète des parties:
|
|
|
Arbitre : |
|
Me Albert Zoltowski 1010, de la Gauchetière Ouest Bureau 950 Montréal (Québec) H3B 2N2 |
|
|
|
Bénéficiaires : |
|
Monsieur Kandiah Shanmuganathan et madame Sucila Chinniyan Shanmuganathan 5045, rue J.B. Martineau Saint-Léonard (Québec) H1R 0A2 |
|
|
|
Entrepreneur : |
|
Saint-Luc Habitation inc. 800, boulevard Langelier, bureau 407 Montréal (Québec) H1P 3K2
À l’attention de Monsieur Patrick Varin
|
|
|
|
Administrateur : |
|
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. 5930, boulevard Louis-H. Lafontaine Anjou (Québec) H1M 1S7
À l’attention de SAVOIE FOURNIER Me François Laplante |
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial le 24 février 2010.
Historique du dossier :
21 octobre 2005 : |
Contrat préliminaire (condominium) et contrat de garantie; |
|
|
14 juillet 2009 : |
Avis du co-Bénéficiaire à l’Entrepreneur de faire des réparations, avec copie à l’Administrateur; |
|
|
24 octobre 2009 : |
Avis de15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur; |
|
|
5 février 2010 : |
Inspection du bâtiment par l’Administrateur; |
|
|
15 février 2010 : |
Décision de l’Administrateur (sous la plume de monsieur Jocelyn Dubuc); |
|
|
22 février 2010 : |
Demande d’arbitrage du co-Bénéficiaire (monsieur Kandiah Shanmuganathan) au CCAC; |
|
|
24 février 2010 : |
Réception par le CCAC de la demande d’arbitrage des Bénéficiaires; |
|
|
24 février 2010 : |
Nomination de l’arbitre; |
|
|
25 mars 2010 : |
Avis du tribunal d’arbitrage concernant les dates de l’audience préliminaire par voie téléphonique et de l’audience au fond; |
|
|
31 mars 2010 : |
Audience préliminaire par conférence téléphonique; |
|
|
7 avril 2010 : |
Avis du tribunal d’arbitrage confirmant la décision unanime des parties de remettre l’audience au fond du 9 avril 2010 au 7 juin 2010; |
|
|
7 juin 2010 : |
Audience; |
|
|
18 juin 2010 : |
Décision arbitrale. |
DÉCISION
Introduction
[1] Cette décision du tribunal d’arbitrage concerne le délai et les autres formalités de dénonciation d’un défaut de construction allégué par les Bénéficiaires.
[2] Il s’agit d’un bâtiment détenu en copropriété divise (un condominium) situé au 5045, rue J.B. Martineau à Saint-Léonard, province de Québec dont le sous-sol, étant une partie privative, a été inondé en 2006 et à quelques reprises par la suite.
[3] Le 15 février 2010, l’Administrateur, par l’entremise de monsieur Jocelyn Dubuc, inspecteur-conciliateur au Service de la conciliation de l’Administrateur rend la décision suivante : Dans un premier temps, il rejette la réclamation des Bénéficiaires parce que, selon la preuve qu’il a recueillie lors de son inspection, le délai de dénonciation des malfaçons, vices cachés ou vices majeurs, selon le cas, prescrit par le contrat de garantie n’a pas été respecté. Selon ce contrat, les malfaçons, vices cachés ou vices majeurs doivent être dénoncés par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance, ou en cas de vice ou de perte graduelle, de leur première manifestation.
[4] Quant à l’existence d’une malfaçon, d’un vice caché, ou vice majeur, l’inspecteur Dubuc déclare qu’à la lumière de la preuve recueillie, il n’aurait pas été en mesure, au moment de l’inspection, de statuer sur la responsabilité de l’Entrepreneur eu égard aux divergences d’opinions recueillies.
[5] Lors de l’audience préliminaire par conférence téléphonique tenue le 31 mars 2010, à laquelle ont participé les représentants de toutes les parties, ils ont convenu que lors de la prochaine audition, ils débattront uniquement la question du respect par les Bénéficiaires du délai et des autres formalités de la dénonciation du défaut de construction allégué.
[6] De plus, lors de cette conférence téléphonique, ils ont décidé de remettre au 7 juin 2010 l’audition prévue pour le 29 avril 2010.
[7] Le 7 juin 2010, l’audience eut lieu au 1010 de la Gauchetière Ouest, bureau 950 à Montréal en présence des personnes suivantes :
- Madame Sucila Chinniyan Shanmuganathan (la co-Bénéficiaire);
- Monsieur Praphakar Shanmuganathan, le fils des Bénéficiaires;
- Monsieur Patrick Varin, le représentant de l’Entrepreneur;
- Monsieur Jocelyn Dubuc, le représentant de l’Administrateur;
- Me François Laplante, le procureur de l’Administrateur.
[8] À la demande des Bénéficiaires, tous les témoignages et les représentations ont été faits entièrement en langue anglaise, sauf le témoignage de monsieur Dubuc. Avant que ce dernier témoigne, le tribunal d’arbitrage a offert aux Bénéficiaires de traduire sa déposition en anglais. Ceci ne fut pas nécessaire car le représentant des Bénéficiaires, monsieur Praphakar Shanmuganathan, a indiqué qu’il connaissait suffisamment le français pour comprendre les propos du témoin Dubuc.
Question en litige
[9] La question en litige peut être formulée simplement comme suit : Est-ce que les Bénéficiaires ont respecté les exigences de dénonciation du défaut de construction allégué qui sont prescrites par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (ci-après appelé le « Règlement »). Les mêmes exigences sont réitérées au contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur.
Preuve des Bénéficiaires
[10] Le seul témoin des Bénéficiaires est leur fils, monsieur Praphakar Shanmuganathan, âgé de 21 ans. Ce que le tribunal d’arbitrage retient de son témoignage peut être résumé comme suit :
[11] Le témoin demeure avec les Bénéficiaires dans le bâtiment couvert par le plan de garantie.
[12] Les Bénéficiaires ont acheté ce bâtiment en 2006.
[13] La première inondation du sous-sol de ce bâtiment est survenue le 2 août 2006, après une pluie.
[14] Une eau sale, remplie de boue et de débris a recouvert le plancher de leur sous-sol à une hauteur de 8 à 12 pouces. Le sous-sol n’était pas fini, ni meublé.
[15] Les Bénéficiaires ont contacté verbalement l’Entrepreneur après ce premier incident. Ce dernier a effectué des réparations et nettoyé les dégâts.
[16] En 2007, deux autres inondations se sont produites .
[17] La première eut lieu aux mois d’avril/mai 2007 et la deuxième aux mois de juillet/août 2007. Encore une fois, ces inondations sont survenues après des averses.
[18] Après ces deux inondations de 2007, les Bénéficiaires ont contacté un ou une représentant(e) des ventes de l’Entrepreneur. Selon le témoin, l’Entrepreneur n’a pris aucune mesure corrective après ces deux inondations.
[19] En 2007, les Bénéficiaires ont déposé une action contre l’Entrepreneur à la Cour des petites créances. Le juge a rejeté cette action parce que, selon le témoin, les Bénéficiaires ont omis de déposer une preuve d’expert. Il explique ce rejet par le manque d’expérience des Bénéficiaires.
[20] Les voisins des Bénéficiaires les ont renseignés quant à la possibilité que leur problème d’inondations périodiques du sous-sol soit couvert pendant une période de cinq (5) ans par le plan de garantie de l’Administrateur.
[21] Le 11 juillet 2009, le sous-sol des Bénéficiaires a été inondé de nouveau, tel que mentionné dans la lettre intitulée « Notice to the constructor to make repairs » datée du 14 juillet 2009 et adressée à l’Entrepreneur, avec une copie à l’Administrateur.
[23] Dans cet avis du 14 juillet 2009 (pièce A-4), le co-Bénéficiaire, monsieur Kandiah Shanmuganathan écrit ce qui suit :
« Dear representative of St-Luc Habitation Inc.,
It has come to my attention numerous times that during rainfall the basement repeatedly gets flooded with water, the latest incident having happened on July 11th. I am sure you have been made aware of this situation by not only us but also by the other owners. There is definitely something that is wrong with the building or the pipes that needs to be fixed immediately to avoid further havoc to our property. So, you are hereby requested to make the repairs as per the “Garantie maisons neuves - APCHA” contract that we have with each other. This letter is also being sent to the APCHA in order to maintain proper diligence of the matter.”
[23] Lors de son contre-interrogatoire, le témoin reconnaît que la lettre précitée (pièce A-4) est la première dénonciation écrite à l’Administrateur.
[24] Lors de cet contre-interrogatoire, il déclare qu’une autre inondation est survenue en 2008 qu’il qualifie de « not very serious ».
Preuve de l’Entrepreneur
[25] Le seul témoin de l’Entrepreneur est monsieur Patrick Varin. Le tribunal d’arbitrage retient de son témoignage ce qui suit :
[26] Selon monsieur Varin, le premier incident est survenu au mois de juillet 2006, au cours des vacances de la construction.
[27] Il déclare qu’après une plue abondante, une coulée de boue s’est déversée par les portes de garage et a inondé le sous-sol des Bénéficiaires.
[28] Il ajoute que quelque 10 à 15 autres résidences nouvellement construites par l’Entrepreneur et dont les entrées de garage faisaient face à une ruelle privée commune ont également été inondées lors de ce premier incident.
[29] Il explique que cette inondation était causée par le fait qu’à la date de ce premier incident, le système de drainage de la ruelle commune et des entrées de garage n’était pas encore achevé.
[30] Il déclare qu’il s’agit du seul incident d’inondation dont les Bénéficiaires ont été victimes qui a été porté à l’attention de l’Entrepreneur, à part de celui du 11 juillet 2009 décrit sur l’avis du co-Bénéficiaire du 14 juillet 2009 (pièce A-4).
[31] Selon lui, lors de ce premier incident de 2006, une coulée de boue, plutôt que de l’eau s’est déversée au sous-sol des Bénéficiaires.
[32] Il ne connaît ni la nature ni les causes des inondations subséquentes à celle de juillet 2006 mentionnées par le témoin des Bénéficiaires.
[33] Il réfère à des déclarations verbales des Bénéficiaires qu’il a entendues en 2010 à l’effet que lors des inondations qui ont suivi celle de l’été 2006, l’eau sortait par le tuyau d’écoulement de la lessiveuse des Bénéficiaires.
Continuation du témoignage de monsieur Praphakar Shanmuganathan
[34] Avec la permission du tribunal d’arbitrage, le procureur de l’Administrateur a réouvert le contre-interrogatoire du témoin des Bénéficiaires, leur fils monsieur Praphakar Shanmuganathan.
[35] Monsieur Shanmuganathan a alors déclaré qu’il n’est pas d’accord avec le témoignage de monsieur Varin en ce qui concerne le premier incident de 2006.
[36] Il déclare que lors de ce premier incident, le plancher de leur garage était sec, ce qui ne pouvait survenir si la coulée de boue mentionnée par monsieur Varin s’est introduite par la porte du garage des Bénéficiaires.
[37] Il réitère que lors de ce premier incident, il s’agissait d’un déversement d’eau, quoique mélangée avec de la boue et d’autres débris. Quant aux inondations subséquentes, celles de 2007, 2008 et 2009, l’eau était claire.
Preuve de l’Administrateur
[38] Monsieur Jocelyn Dubuc, l’auteur de la décision de l’Administrateur, est son unique témoin. Il offre un court témoignage.
[39] Le 5 février 2010, lors de son inspection du bâtiment des Bénéficiaires, il a rencontré monsieur Praphakar Shanmuganathan, sa mère madame Sucila Chinniyan Shanmuganathan ainsi que deux représentants de l’Entrepreneur, messieurs Patrick et Roland Varin.
[40] Il déclare que les deux membres de la famille Shanmuganathan lui ont alors raconté que leur sous-sol a été inondé tous les ans depuis 2006, chaque fois qu’il y avait une forte pluie.
[41] Il révise son dossier et affirme que la seule dénonciation écrite de quelques inondations que ce soit reçue par l’Administrateur est celle décrite sur l’avis du 14 juillet 2009 (pièce A-4).
[42] Sur la base des déclarations des membres de la famille Shanmuganathan quant à la survenance d’une première inondation en 2006 et d’inondations subséquentes lors de fortes pluies en 2007, 2008 et 2009, il a statué dans la décision de l’Administrateur que la lettre de dénonciation du co-Bénéficiaire du 14 juillet 2009 (pièce A-4) était tardive et ne respectait pas les exigences du contrat de garantie.
Contre-preuve des Bénéficiaires
[43] En contre-preuve, le témoin des Bénéficiaires explique que les inondations sont survenues non seulement après des pluies abondantes mais également après des pluies modérées.
[44] Il explique que la raison pour laquelle les Bénéficiaires ont attendu jusqu’au 14 juillet 2009 pour transmettre une dénonciation écrite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur est qu’avant cette date, ils ont utilisé d’autres moyens pour solutionner leurs problèmes d’inondations récurrentes.
Prétentions des parties
Prétention des Bénéficiaires
[45] Les Bénéficiaires n’ont pas soumis de prétentions autres que celles mentionnées par leur fils lors de son témoignage.
Prétention de l’Entrepreneur
[46] L’Entrepreneur se limite à préciser que la réclamation des Bénéficiaires devant la Cour des petites créances se rapportait au premier incident de 2006 plutôt qu’aux deux incidents qui, selon le témoin des Bénéficiaires, sont survenus en 2007.
Prétention de l’Administrateur
[47] Selon l’Administrateur, peu importe si la première manifestation du défaut de construction allégué par les Bénéficiaires était l’inondation en été 2006 ou la première des deux inondations en 2007, la dénonciation des Bénéficiaires datée du 14 juillet 2009 (pièce A-4) dépassait le délai raisonnable qui ne peut excéder six (6) mois de la découverte aux termes des paragraphes 27(3), 27(4) ou 27(5) du Règlement.
[48] Il argumente que ce délai de dénonciation est de rigueur et de déchéance, tel que déterminé par plusieurs décisions arbitrales, y compris trois (3) décisions qu’il dépose auprès du tribunal d’arbitrage[2].
[49] Le fait que les Bénéficiaires ont verbalement contacté l’Entrepreneur avant le 14 juillet 2009 au sujet des problèmes d’inondation de leur sous-sol n’est pas suffisant selon les exigences du Règlement. Ils avaient également l’obligation d’aviser par écrit l’Administrateur, ce qu’ils ont omis de faire avant l’avis du 14 juillet 2009 à l’Entrepreneur, avec copie à l’Administrateur (pièce A-4).
Analyse et décision
[50] Les exigences relativement à la dénonciation d’un défaut de construction sont prévues par le Règlement. Ils sont également réitérées au contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur (pièce A-1). Ils se trouvent aux paragraphes 27(3), 27(4) et 27(5) du Règlement.
[51] Ces paragraphes se lisent comme suit :
« 27. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :
3) La réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4) La réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;
5) La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu’il n’y a pas de partie commune faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles de leur première manifestation. »
[52] Le témoin des Bénéficiaires a admis que la première dénonciation écrite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur est celle du 14 juillet 2009 (pièce A-4). Elle a été reçue le lendemain par l’Administrateur selon son étampe de réception.
[53] Pourquoi les Bénéficiaires n’ont pas dénoncé par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur le ou les défauts de construction de leur bâtiment qui ont donné lieu aux inondations en 2006, 2007, 2008 et enfin à celle du 11 juillet 2009?
[54] Selon l’explication offerte par le témoin des Bénéficiaires, il semblerait qu’ils avaient deux motifs :
- Le premier était leur ignorance ou leur oubli de l’existence du plan de garantie de l’Administrateur et ce, malgré le fait que le contrat de garantie a été signé par l’un des co-Bénéficiaires le 21 octobre 2005, selon la pièce A-1. Ce n’est qu’un rappel de leurs voisins quant à la couverture de leur bâtiment par le plan de garantie de l’Administrateur qui semble les avoir poussé à envoyer la lettre de dénonciation du 14 juillet 2009 (pièce A-4) (voir le paragraphe 20 ci-haut)..
- Le deuxième motif est qu’avant juillet 2009, les Bénéficiaires ont trouvé d’autres moyens pour communiquer leur plainte ou réclamation à l’Entrepreneur (voir le paragraphe 44 ci-haut), sans faire de dénonciation écrite à l’Administrateur.
[55] L’ignorance de la loi (soit le premier motif) est un principe juridique maintes fois reconnu par les tribunaux civils et arbitraux. Il oblige ce tribunal d’arbitrage à rejeter cette première justification des Bénéficiaires.
[56] Quant à leur deuxième justification à l’effet qu’avant le 14 juillet 2009, ils avaient utilisé d’autres moyens pour solutionner leurs plaintes auprès de l’Entrepreneur, ce tribunal d’arbitrage ne peut pas la reconnaître comme valable selon les dispositions du Règlement.
[57] Aucune autre circonstance ou justification qui aurait pu, peut-être, justifier le retard des Bénéficiaires à envoyer une dénonciation écrite à l’Administrateur et à l’Entrepreneur n’a été mise en preuve par les Bénéficiaires.
[58] Par conséquent, le tribunal d’arbitrage - malgré la sympathie qu’il a pour les Bénéficiaires qui sont victimes d’inondations périodiques de leur sous-sol faisant partie de leur résidence achetée en 2006 - doit conclure que le ou les défauts de construction allégués par eux, soit un ou des vices ou malfaçons, qui auraient pu causer ces inondations peut-être en 2006 et ensuite en 2007, 2008 et 2009 après des averses de pluie et qui ont été dénoncés par écrit à l’Administrateur et à l’Entrepreneur seulement le 14 juillet 2009 (selon la pièce A-4), n’ont pas été dénoncés par écrit dans un délai raisonnable après leur découverte. Ce délai ne peut excéder six (6) mois de la découverte du vice ou de la malfaçon ou, dans les cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation - tel que prescrit par le Règlement. Par conséquent, ce ou ces défauts de construction allégués ne sont pas couverts par le plan de garantie de l’Administrateur.
Conclusions supplémentaires
[59] La loi sur le bâtiment[3] ainsi que le Règlement ne contiennent pas de clause privative complète. L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.
[60] Selon l’article 37 du Règlement, lorsque le demandeur est le bénéficiaire, les coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas, l’arbitre départage ces coûts. Dans le cas qui nous occupe, en vertu du pouvoir prévu à cet article et eu égard aux circonstances de ce dossier, les coûts de l’arbitrage doivent être à la charge de l’Administrateur.
[61] Étant donné qu’aucune expertise n’a été soumise au tribunal d’arbitrage, l’arbitre soussigné n’a pas besoin de statuer quant au remboursement aux Bénéficiaires des frais raisonnables d’expertises pertinentes aux termes de l’article 38 du Règlement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
DÉCLARE que les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.
|
|
Montréal, le 18 juin 2010 |
|
|
|
|
|
Me ALBERT ZOLTOWSKI Arbitre / CCAC |
[1] R.Q.c. B-1.1 r.0.2
[2] - Syndicat de copropriété 7000 Chemin Chambly et Landry & Pépin Construction inc. -et- La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Me Michel A Jeanniot, arbitre, SORECONI no 080424001, 2008-11-17.
- Monsieur Claude Carrier c. Construction Paul Dargis inc. -et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. (par. 74, 75 et 78), Me Raynald Poulin, arbitre, CCAC S09-061001-NP, 2010-04-09.
- Abdelkrim Rerhaye et Nawal El Alami c. Construction Médiane inc. -et- La Garantie Habitation du Québec inc., Me Jeffrey Edwards, arbitre, GAMM 2009-19-005, 2010-05-11.
[3] Loi sur le bâtiment, L.R.Q.c. B-1-1