Microsoft Word - 2021-02-24-Sentence arbitrale

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC

 


 

ENTRE :                                                        THE JABOUR RESIDENTIAL TRUST

 

Bénéficiaire

 


C. :

 

 

 

ET :


LES PRODUCTIONS BEL-CO INC.

 

Entrepreneur

 

LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)

 

Administrateur


 

Dossier CCAC : S20-082101-NP

 

 


 

SENTENCE ARBITRALE


 

 

Arbitre :                                                          Me Sophie Truesdell-Ménard

 

Pour la Bénéficiaire :                                     Mme Mirna Jabour

M. Karim El-Bassiri

[...] Lorraine (Québec) [...]

 

Et son procureur:                                           Me Jason Novak

Spiegel Sohmer Inc.

1255, rue Peel, bureau 1000 Montréal (Québec) H3B 2T9

 

Pour l’Entrepreneur :                                      Jean-François Côté, Les productions Bel-Co inc.

67, boulevard Sainte-Rose - bureau A Laval (Québec) H7L 3J9


Et son procureur:                                           Me Stéphanie Chartray Marceau & Boudreau Avocats 1265 boul. Michèle-Bohec Blainville (Québec) J7C 0P8

 

Pour l’Administrateur :                                   Garantie de construction Résidentielle

4101, rue Molson, 3e étage Montréal (Québec) H1Y 3L1

 

Normand Pitre, conciliateur

 

Et leur procureur :                                          Me Eric Provençal

4101, rue Molson, 3e étage Montréal (Québec) H1Y 3L1

 

Date de l’audition :                                        25 janvier 2021

 

Date de la Décision :                                     26 février 2021

 

 

Extraits pertinents du Plumitif

 

 

21.08.2020

Réception par le greffe du CCAC de la demande d’arbitrage de la

 

24.08.2020

Bénéficiaire

Transmission aux parties de la notification d’arbitrage

02.09.2020

Nomination de Me Sophie Truesdell-Ménard à titre d’arbitre

20.10.2020

Réception du cahier de pièces de l’Administrateur par courriel

26.10.2020

Courriel aux parties : recherche de disponibilité pour fixer appel

 

28.10.2020

conférence préparatoire

Courriel aux parties : confirmation des informations pour la tenue de

 

l’appel conférence préparatoire

06.11.2020

Tenue de l’appel conférence préparatoire et transmission subséquente

 

13.11.2020

du procès-verbal

Courriel aux parties pour fixation des dates d’audition

13.11.2020

Réception des pièces de l’Entrepreneur

23.11.2020

Réception des pièces de la Bénéficiaire

19.01.2021

Réception de pièces additionnelles de la Bénéficiaire

10.01.2021

Réception de pièces additionnelles de l’Entrepreneur

22.01.2021

Transmission par la Bénéficiaire d’une photo manquante à la pièce P-7

25.01.2021

Enquête et audition virtuelle par le biais de la plateforme Zoom

26.02.2021

Décision


SENTENCE ARBITRALE

 

INTRODUCTION

 

[1]                 La résidence de la Bénéficiaire est une maison unifamiliale isolée et non détenue en copropriété, aussi connue et identifiée comme le [...], à Lorraine, (le « Bâtiment »).

 

[2]                 La réception du bâtiment a lieu le 26 octobre 2019 et la date de fin des travaux est le ou vers le 13 décembre 2019, date à laquelle l’avis de fin de travaux est signé.

 

[3]                 La dénonciation écrite de la Bénéficiaire, reçue par l’Administrateur, est datée du 6 mars 2020.

 

[4]                 Une inspection a eu lieu par le conciliateur Normand Pitre, agissant pour l’Administrateur, le 2 juin 2020. Cette inspection donne lieu à la décision de l’Administrateur datée du 24 juillet 2020.

 

MANDAT ET JURIDICTION

 

[5]                 Le Tribunal est saisi du dossier conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) (le « Règlement ») adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) Loi sur le

Bâtiment »), par nomination de la soussignée en date du 2 septembre 2020, le tout suivant une réclamation pour couverture sous le plan de garantie au Règlement visé par les présentes (la « Garantie » ou « Plan ») relativement à une demande d’arbitrage de la Bénéficiaire parvenue au greffe du CCAC le 21 août 2020.

 

[6]                 Le Tribunal rappelle aux parties qu’il est habilité par la Régie à trancher les différends découlant des plans de garantie1. La Loi sur le bâtiment et le Règlement ne contiennent pas de clauses privatives complètes. L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et celle-ci est finale et sans appel.

 

[7]                 À titre d’arbitre, la soussignée doit statuer conformément aux règles de droit et faire appel à l’équité lorsque les circonstances le requièrent2.

 

[8]                 Bien que la soussignée ait le droit de faire appel à l’équité lorsque les circonstances le commandent, l’appel à l’équité par le biais de l’article 116 du


1 Loi sur le bâtiment, RLRQ, c. B-1.1, art. 83.1.

2 Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes, [2004] no AZ-50285725 (C.A.), par. 43.


Règlement ne peut être utile pour faire échec à une disposition du plan qui est sans ambiguïté et calquée sur un Règlement qui est d’ordre public.

 

ÉLÉMENTS PORTÉS EN ARBITRAGE

 

[9]                 Deux questions en litige sont portées en arbitrage, à savoir :

 

Point 1 : Fissuration des vitres de plusieurs fenêtres du Bâtiment (point 5 de la décision de l’Administrateur)

 

[10]             Le conciliateur, dans sa décision, a tranché en défaveur de la Bénéficiaire sur ce point. Il a conclu que la fissuration était due à l’installation par la Bénéficiaire d’une pellicule teintée sur les fenêtres affectées, appliquant l’exclusion de l’article 12(3) du Règlement.

 

Point 2 : Le conciliateur a-t-il excédé sa compétence en mentionnant dans sa décision qu’une somme de 31 807,15$ était retenue par la Bénéficiaire?

 

ANALYSE

 

[11]             Ont témoigné à l’audience :

·         Madame Mirna Jabour (ci-après « Jabour »);

·         Monsieur Jean-François Côté (ci-après « Côté »);

·         Monsieur Karim El-Bassiri (ci-après « Bassiri »);

·         Monsieur Normand Pitre, conciliateur (ci-après « Pitre »).

 

[12]             Pour fins d’analyse, le Tribunal traitera de la preuve présentée et du raisonnement juridique dans la même rubrique pour chacun des points, l’un après l’autre.

 

Point 1 : Fissuration des vitres de plusieurs fenêtres du Bâtiment

 

Cause de la fissuration

 

[13]             La première question à résoudre est celle de la cause de la fissuration observée des vitres thermos de plusieurs fenêtres du Bâtiment.

 

[14]             Il est admis que des pellicules teintées ont été appliquées sur les fenêtres du Bâtiment vers novembre 2019.


[15]             Lors d’échanges par courriel3 suivant son inspection, le conciliateur Pitre a demandé à l’Entrepreneur de préciser qui avait teinté les vitres du Bâtiment, ce à quoi Côté pour l’Entrepreneur a répondu qu’elles avaient toutes été teintées par la Bénéficiaire. Il joint à ses courriels le Contrat de vente de Fenergic, le fournisseur auprès duquel l’Entrepreneur s’est procuré les fenêtres installées dans le Bâtiment, ainsi qu’un Mémo technique 01-2018 de Fenergic (pièce A-16).

 

[16]             Ce Mémo technique explique que « L’utilisation d’une pellicule sur le verre peut causer une tension thermique à l’intérieur du verre et augmenter le risque de bris thermique de celui-ci. ». On peut également y lire : « … par conséquent, tout ajout de produit sur le verre annule toute garantie contre les bris thermiques. Nous ne sommes pas responsables du remplacement des thermos et des produits qui pourrait (sic) y être apposé (sic) ainsi que de tous les frais s’y rattachant. ».

 

[17]             Il est établi4 que ce Mémo technique n’a jamais été remis à la Bénéficiaire, ni par l’Entrepreneur, ni par Fenergic, ni par le conciliateur. Le Tribunal croit Jabour

et El-Bassiri lorsqu’ils déclarent qu’on ne leur a jamais dit que la pose d’une pellicule teintée sur les fenêtres pouvait mettre en péril leur garantie, et qu’ils ne l’auraient pas fait poser s’ils l’avaient su.

 

[18]             Pitre, n’ayant remarqué aucune autre cause pouvant expliquer la fissuration des fenêtres5, a conclu que celle-ci était due aux pellicules teintées, principalement sur la base du Mémo technique de Fenergic.

 

[19]             L’expert Corbeil mandaté par la Bénéficiaire, dans ses rapports, n’a pas fait état non plus d’observations liées aux fenêtres qui auraient pu indiquer une autre cause expliquant la fissuration.

 

[20]             Pitre admet n’avoir jamais vu cette question de pellicule teintée se poser en résidentiel, mais il se dit expérimenté avec les bris thermiques, qui est une problématique bien connue dans l’industrie.

 

[21]             Selon Pitre, le bris thermique causé par les pellicules teintées est l’explication évidente de la fissuration des fenêtres en l’espèce. C’est pourquoi il n’a pas cru bon d’investiguer davantage.

 

[22]             Outre la vaste expérience technique de Pitre6, plusieurs éléments factuels supportent sa conclusion.

 


3 Pièce A-15, courriels échangés, entre Pitre et Côté, entre le 3 et le 30 juin 2020.

4 Témoignages de Jabour et de El-Bassiri, non contestés à cet égard.

5 Par exemple : désordre au niveau des cadrages ou du fonctionnement du mécanisme d’ouverture, fissures dans les murs à proximité indiquant du stress anormal…

6 Voir le Curriculum Vitae de Pitre, pièce A-20.


 

[23]             D’abord, selon le témoignage non contredit de Côté, les fenêtres ont été installées en novembre 2018, mais les premières fissurations ne sont apparues qu’après l’inspection d’octobre 2019. Aucune fissuration n’est apparue lors du premier hiver, avant l’installation des pellicules. La fissuration s’est produite lors du premier hiver ayant suivi l’installation des pellicules teintées.

 

[24]             De plus, selon le contre-interrogatoire de Côté, le représentant de Fenergic est allé sur place constater la fissuration et a aussi conclu que celle-ci était due aux pellicules teintées, qui auraient provoqué un bris thermique, bien qu’il n’ait pas fait de tests sur les fenêtres affectées.

 

[25]             Finalement, lorsqu’elle témoigne au sujet de l’enjeu de chaleur excessive en lien avec l’idée de teinter toutes les fenêtres du Bâtiment, Jabour confirme qu’il n’y a pas de soleil direct qui atteint les fenêtres autour de la porte d’entrée, lesquelles ne sont pas fissurées. Le fait que la fissuration ne se produise pas dans des fenêtres non directement exposées au soleil tend à confirmer le bris thermique comme cause.

 

[26]             Le procureur de la Bénéficiaire fait valoir qu’aucun test n’a été effectué pour démontrer que la cause de la fissuration est un bris thermique lié aux pellicules teintées.

 

[27]             Le Tribunal, même en l’absence de tels tests, est d’avis que la preuve décrite ci- avant est suffisante pour établir de manière prépondérante que la cause de la fissuration observée est l’installation des pellicules teintées.

 

[28]             En outre, la Bénéficiaire n’a pas présenté de preuve, expertise ou autre, permettant d’établir une autre cause plus probable expliquant cette fissuration.

 

[29]             Vu cette conclusion, il est inutile de trancher la question de droit débattue par les procureurs des parties quant au fardeau de la preuve et à l’applicabilité des présomptions du Code civil du Québec en l’espèce.

 

L’installation des pellicules teintées faisait-elle partie du contrat de l’Entrepreneur?

 

[30]             L’article 12 (3) du Règlement prévoit que « …les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire, tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire [nos soulignements]» sont exclus de la garantie. L’article 16.1.3 du Contrat de garantie A-2 prévoit la même exclusion.


[31]             Une fois que l’on a conclu que l’installation des pellicules teintées est la cause de la fissuration des fenêtres du Bâtiment, on doit se demander si cette installation était incluse au contrat de l’Entrepreneur. En effet, l’entente contractuelle, incluant ses modifications le cas échéant, détermine ce qui fait l’objet de la garantie de GCR.

 

[32]             Or, Côté témoigne à l’effet que tous les travaux supplémentaires au contrat ont été documentés par écrit et qu’aucun document ne fait état d’un extra concernant des pellicules teintées. Il ajoute que la Bénéficiaire a engagé directement plusieurs autres fournisseurs, par exemple pour la domotique, l’epoxy du plancher du garage et un système de détection de fuites Water- Protec.

 

[33]             L’Annexe de soumission d’extra pièce E-1 contient une mention concernant les vitres teintées pour les trois fenêtres thermos de la porte de façade, qui est surligné en jaune, et où l’on peut lire « Le client à (sic) pris rendez vous avec le fournisseur déjà !». À ce sujet, Côté explique qu’aucun prix n’apparait à cette annexe car il n’a même pas eu le temps de faire soumissionner un fournisseur pour cette demande.

 

[34]             En effet, lorsqu’il communique avec M. Laramé de Protex le 17 octobre 2019, ce dernier lui dit avoir déjà rendez-vous avec El-Bassiri. Côté conclut que la Bénéficiaire allait contracter directement avec Protex pour ses besoins et ne s’en mêle pas davantage.

 

[35]             Dans les faits, Côté n’a d’ailleurs été impliqué d’aucune façon dans l’installation de la pellicule et ignore quel type de pellicule a été installé. Son frère, Pierre- Yves Côté, n’a fait qu’ouvrir la porte pour Protex le matin de leurs travaux, car il était présent pour superviser des corrections de déficiences.

 

[36]             Jabour admet de plus, en contre-interrogatoire, que Côté n’a pas été impliqué dans ses discussions avec Protex au sujet des pellicules teintées.

 

[37]             Le Tribunal conclut qu’il est clairement établi que les travaux d’installation de pellicules teintées sur les fenêtres ne faisaient pas partie du contrat de l’entrepreneur général, la Bénéficiaire ayant contracté directement avec Protex pour leur installation.

 

[38]             Puisque le Tribunal a conclu que l’installation des pellicules teintées est un ajout réalisé par la Bénéficiaire, et que ce sont ces pellicules qui ont selon toute vraisemblance causé la fissuration des fenêtres observée, il s’ensuit que l’exclusion de l’article 12(3) du Règlement doit trouver application.


Rôle de l’Entrepreneur dans la référence de Protex

 

[39]             Le procureur de la Bénéficiaire fait valoir que c’est l’Entrepreneur qui a suggéré l’installation d’une pellicule et référé sa cliente à Protex.

 

[40]             Se pose alors la question de savoir si le fait pour l’Entrepreneur d’avoir « référé » la compagnie Protex à la Bénéficiaire en réponse à son souhait de se procurer des verres teintés est suffisant pour rétablir son obligation de garantie au terme du Plan de garantie.

 

[41]             À l’audience, des versions contradictoires ont été présentées relativement aux discussions entre les parties au sujet des fenêtres à teinter.

 

[42]             D’une part, Jabour témoigne à l’effet que c’est Côté qui a recommandé, lors d’une rencontre tenue avant octobre 2019, l’usage de telles pellicules afin de réduire la chaleur dans la maison et qui lui a recommandé de faire affaire directement avec Protex pour « éviter son frais »7 d’Entrepreneur général.

 

[43]             Monsieur El-Bassiri ajoute que lors de cette rencontre, ils ont discuté du problème de chaleur excessive dans la maison, en présence notamment du designer, et que c’est Côté qui aurait alors suggéré l’application d’une pellicule teintée pour réduire la chaleur.

 

[44]             D’autre part, Côté témoigne plutôt à l’effet qu’il n’a été question que de poser une pellicule teintée sur les fenêtres autour de la porte d’entrée, pour régler le problème d’intimité, et non un problème de chaleur excessive.

 

[45]             Selon lui, c’est à la suite d’une demande de Jabour relevant un manque d’intimité, car on pouvait voir dans la maison par les fenêtres autour de la porte de façade, qu’il demande à son fournisseur s’il est possible de changer ces fenêtres pour qu’elles soient teintées.

 

[46]             Par courriel daté du 9 octobre 2019 (pièce P-6), Côté relaie la réponse reçue de son fournisseur, soit qu’aucun choix de vitres teintées n’est disponible dans cette grandeur, et qu’une option pourrait être de faire installer des pellicules teintées; un lien web explicatif est fourni, menant vers le site de Protex.

 

[47]             Selon Côté, le message texte du 15 octobre 2019 (pièce P-7) serait la première mention de la possibilité de faire teinter toutes les fenêtres : la Bénéficiaire y demande si ce serait trop sombre dans la maison.

 

 


7 « avoid his fee »


[48]             Or nous avons noté ci-avant (paragraphe 34) que le 17 octobre, El-Bassiri avait déjà pris rendez-vous avec Protex. Dès lors, la Bénéficiaire n’implique plus l’Entrepreneur dans ses démarches avec Protex.

 

[49]             Il n’y a pas de preuve au dossier à l’effet que l’Entrepreneur aurait donné des conseils, mis de l’avant son expérience avec de telles pellicules, ou imposé un choix de fournisseur.

 

[50]             Au contraire, la preuve testimoniale, non contredite sur cet aspect, est à l’effet que Côté n’a pas participé aux échanges de la Bénéficiaire avec Protex, et ne sait même pas spécifiquement quel produit a été sélectionné et installé sur les fenêtres du Bâtiment.

 

[51]             Côté précise en outre, lors de son témoignage, qu’il n’a jamais installé de pellicules teintées et n’avait donc pas d’expérience dans ce domaine.

 

[52]             Dans l’affaire Gidal8, le Tribunal d’arbitrage avait conclu que l’Entrepreneur avait joué un certain rôle dans les choix effectués par les Bénéficiaires, lesquels se sont avérés problématiques. Il conclut pourtant que ceci ne peut faire échec à l’application de l’exclusion de la garantie :

 

« Le tribunal d’arbitrage note toutefois que certains éléments de la preuve de l’Entrepreneur semblent indiquer que ce dernier a joué un certain rôle relativement à ces portes de garde-robes et leur quincaillerie. À titre d’exemple, monsieur D’Alessio a témoigné que l’Entrepreneur a consenti au prix de ces portes de garde-robes et à leur quincaillerie d’installation[…]. Il semblerait qu’il a également payé un montant de 3 178,70$ à Boiserie Raymond inc. […]. Ces éléments de preuve sont toutefois insuffisants pour que le tribunal d’arbitrage change son appréciation de la preuve de l’Entrepreneur. »9

 

[53]             Le niveau d’implication de Côté qui émane de la preuve testimoniale, par ailleurs contradictoire sur plusieurs aspects, est significativement moindre que celui décrit dans l’affaire Gidal10.

 

[54]             Le Tribunal est d’avis que les éléments mis en preuve ne suffisent pas pour conclure que l’Entrepreneur a joué un rôle significatif dans notre affaire et ne permettent pas de faire échec à l’exclusion de garantie prévue à l’article 12(3) du Règlement.

 

 


8 Gidal Construction Inc. c. Lazaris, 2010 CanLII 29562 (QC OAGBRN), paragraphes 83 à 85.

9 Idem, paragraphe 85.

10 Précitée, note 8.


[55]             Vu la conclusion du Tribunal quant à l’applicabilité de l’exclusion de garantie, la soussignée ne se prononcera pas sur un possible devoir d’information et de conseil d’un entrepreneur envers son client, mis de l’avant par le procureur de la Bénéficiaire, sachant que le forum de la Cour supérieure, déjà saisi, sera plus propice à se pencher sur cet argument, s’il y est présenté.

 

Point 2 : Mention d’une somme de 31 807,15$ qui serait retenue par la Bénéficiaire

 

[56]             Pitre admet n’avoir jamais discuté du montant de 31 807,15$ que l’Entrepreneur allègue être retenu par la Bénéficiaire, laquelle n’a donc pas eu l’opportunité de commenter cette allégation.

 

[57]             Quant au fait que la Bénéficiaire a mentionné à son formulaire de réclamation (pièce A-8) qu’aucune somme n’était retenue, Pitre nous dit que dans son expérience, les bénéficiaires ne déclarent à peu près jamais de retenues dans ce formulaire.

 

[58]             Pitre explique que ce n’est qu’une mention dans sa décision et que cet élément n’a aucun impact sur celle-ci; d’ailleurs, le conciliateur a donné raison à la Bénéficiaire sur les points 1 à 4.

 

[59]             Pitre explique l’utilité de cette mention par l’article 11 du Règlement, qui prévoit :

 

« Dans le cas d’intervention de l’administrateur pour parachever ou corriger des travaux relatifs à un bâtiment, le bénéficiaire doit faire retenir par son institution financière ou verser dans un compte en fidéicommis auprès d’un avocat, d’un notaire ou de l’administrateur du plan toute somme encore due en vue du paiement final des travaux qui seront exécutés par l’administrateur pour compléter ou corriger les travaux prévus au contrat original ou les travaux supplémentaires prévus à toute entente écrite convenue avec l’entrepreneur. » [nos soulignements].

 

[60]             Pitre explique que les conciliateurs ont pour directive de documenter toute allégation à l’égard de sommes dues pour le cas d’un éventuel recours à l’article 11.

 

[61]             C’est cependant lors de l’application de l’article 11, le cas échéant, que de plus amples vérifications doivent être faites pour établir le montant à déposer en fidéicommis11; on ne s’est pas rendu à cette étape dans le présent dossier.

 


11 Tel qu’illustré dans l’affaire Panetta c. 9096-2556 Québec inc., 2006 CanLII 60516, aux paragraphes 18,

52 et 55.


[62]             Le Tribunal, sachant que la Bénéficiaire et l’Entrepreneur ont également intenté des procédures judiciaires devant la Cour supérieure12, reconnait et précise que le montant de 31 807,15$ n’a pas été établi ni prouvé en la présente instance; au contraire, le montant est contesté et des éléments de preuve au dossier13 tendent à le remettre en question.

 

[63]             Le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer de façon certaine la somme due, le cas échéant, à partir de la preuve au dossier, de sorte que cette détermination devra faire l’objet du débat à venir en Cour supérieure, comme on le suggère d’ailleurs dans l’affaire Brunelle :

 

« Par exemple, « une somme due » dans le présent litige veut dire 25 189.00$ pour l’entrepreneur et 10 345.35$ pour les bénéficiaires.

À moins d’entente entre les parties, ce litige sera tranché par un tribunal civil […] »14.

 

[64]             Le Tribunal est d’avis que le Conciliateur n’a pas excédé sa compétence en faisant mention d’une retenue dans sa décision, vu l’article 11 du Règlement et l’explication fournie.

 

CONCLUSION

 

[65]             Pour l’ensemble des motifs repris ci-haut, la soussignée se doit de maintenir la décision de l’Administrateur quant au point 1, soit de rejeter la demande de la Bénéficiaire quant à la fissuration des fenêtres, vu sa conclusion à l’effet que celle-ci est due à la pellicule teintée installée par la Bénéficiaire, faisant en sorte que l’exclusion de l’article 12(3) du Règlement s’applique.

 

[66]             Ceci dit, le Tribunal ne se prononce pas sur la validité d’un éventuel argument dans l’instance en Cour supérieure sur de possibles obligations d’information ou de conseil de l’Entrepreneur à l’égard de sa cliente, tel que l’évoque le procureur de la Bénéficiaire.

 

[67]             Quant au point 2, et pour les motifs y afférant décrits ci-avant, le Tribunal maintient l’énoncé du conciliateur mais réserve les droits des parties quant à la détermination du montant qui devrait éventuellement être déposé, le cas échéant, en vertu de l’article 11 du Règlement.

 

[68]             Le Tribunal tient à remercier chacune des parties pour leur collaboration, laquelle a permis un déroulement harmonieux de l’audience.


12 Dossier No 540-17-014077-209.

13 Notamment l’état de compte de l’Entrepreneur au montant de 28 22,30$, pièce E-4.

14 Brunelle entrepreneur inc. c. Leblanc, 2005 CanLII 59103 (QC OAGBRN), paragraphes 30 et 31.


 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[69]             REJETTE la demande de la Bénéficiaire;

 

[70]             MAINTIENT la décision de l’Administrateur;

 

[71]             RÉSERVE les droits des parties quant à la détermination du montant qui devrait éventuellement être déposé, le cas échéant, en vertu de l’article 11 du Règlement;

 

[72]             LE TOUT avec frais à être départagés entre la Bénéficiaire et l’Administrateur, a raison de cinquante dollars (50$) de frais à charge de la Bénéficiaire et l’Administrateur pour le reliquat.

 

Montréal, le 26 février 2021

 

 


Me Sophie Truesdell-Ménard Arbitre