ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN
DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier no: GAMM: 2010-10-007
APCHQ : 11-008FL
ENTRE :
ÉLIANE MONETTE & DANIEL HENRI
(ci-après les « bénéficiaires »)
ET :
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après l’« administrateur »)
ET :
LES CONSTRUCTIONS GRIZZLY INC.
(ci-après l’« entrepreneur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Johanne Despatis
Pour les bénéficiaires : Me Claude Coursol
Pour l’administrateur : Me François Laplante et Me Manon Cloutier
Pour l’entrepreneur : Me Martine Brodeur
Dernière correspondance : 28 aout 2014
Date de la sentence : 17 octobre 2014
SENTENCE ARBITRALE
INTRODUCTION
[1] Madame Éliane Monette et monsieur Daniel Henri, les bénéficiaires, contestent en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Règlement, la décision suivante rendue le 1er décembre 2010 par la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, l’administrateur :
1. Nappe phréatique et présence d’ocre ferreuse
Les faits
Les bénéficiaires indiquent que peu de temps après la livraison du bâtiment, une inondation au sous-sol se serait produite à la suite d’une panne affectant la pompe de la fosse de retenue.
L’entrepreneur, informé de la situation, a procédé à la réparation des dégâts causés par l’inondation et au remplacement de la pompe.
Une lettre datée du 29 avril 2009 transmise par le procureur des bénéficiaires, Me Clause Coursol, laquelle fut reçue par l’administrateur le 8 mai 2009, nous informait de la possibilité que la résidence soit aux prises avec un problème d’ocre ferreuse et d’une nappe phréatique élevée.
Ils ont fait appel à Les expertises Latulippe et Associés inc. afin qu’une expertise technique soit effectuée.
De façon générale, les bénéficiaires ont mentionné n’avoir jamais subi d’infiltration d’eau ni de problèmes d’humidité excessive au sous-sol depuis que l’entrepreneur a procédé au remplacement de la pompe.
Lors de notre inspection du 30 juin 2010, nous avons constaté la présence d’un bassin de captation dans lequel une pompe submersible est installée, de même qu’une pompe d’urgence.
L’une des pompes est reliée à une batterie, laquelle peut actionner la pompe au besoin lors d’une panne électrique.
On constate également que le fond du bassin ainsi que les parois sont enduits d’un cerne ferrugineux lâche qui s’enlève bien au toucher.
Le fond du conduit d’amenée en provenance du drain français contient un dépôt de consistance molle qui s’enlève également bien au toucher.
Le niveau de l’eau dans le bassin est quelquefois trop élevé de sorte que le drain français autour du bâtiment est partiellement immergé de façon continue.
À l’extérieur, on a pu constater que les descentes de gouttières et les pentes de terrain n’éloignent pas efficacement du bâtiment les eaux de pluie.
Le 12 octobre 2010, nous avons procédé à une deuxième inspection au cours de laquelle nous avons été en mesure de constater que les bénéficiaires avaient procédé, peu de temps auparavant, au nettoyage du bassin de captation et du drain français.
Lors de la mise en fonction de la pompe, on a pu constater l’écoulement d’une eau claire en provenance du drain français.
Aucune infiltration d’eau ou présence excessive d’humidité n’a été constatée au sous-sol du bâtiment lors des deux inspections.
Compte tenu de ce qui précède, nous pouvons conclure à l’effet que le système de drainage du bâtiment demeure fonctionnel.
ANALYSE ET DÉCISION (point 1) :
De l’avis de l’administrateur, la situation observée sur place en rapport avec le point 1 ne rencontre pas tous les critères du vice caché en ce sens qu’elle n’est pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.
Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ce point.
[2] À l’audience, l’administrateur et l’entrepreneur ont reconnu que la situation aurait dû être analysée sous l’angle de la malfaçon. Ils ont également reconnu qu’il y a présence d’ocre ferreux à l’intérieur du drain et que le système de drainage n’est pas adéquat et nécessite un correctif.
LES FAITS
[3] Les bénéficiaires ont signé l’acte de réception de leur résidence située à Saint-Charles Borromée le 1er mai 2008. Il s’agit d’une résidence unifamiliale d’un étage avec sous-sol construite par Les constructions Grizzly inc., l’entrepreneur, et couverte par le Règlement.
[4] La résidence est munie de deux drains, le premier, périphérique, et le second, intérieur installé sous la maison. Les deux sont reliés à un bassin de captation situé dans le sous-sol de la résidence.
[5] Monsieur Larry Deblois, représentant de l’entrepreneur, explique à l’audience avoir installé un drain intérieur par précaution, au cas où le drain périphérique ne suffirait pas. Afin d’imperméabiliser les fondations, il a également goudronné le solage. Monsieur Deblois, affirme avoir au moment de l’excavation du site à l’automne 2007 procédé comme il l’a fait pour les autres résidences situées autour, i.e. en creusant un trou d’exploration afin de vérifier la présence d’eau. Ayant observé la couleur orange du sol, il a décidé de ne pas trop creuser mais de plutôt bâtir plus en rehaussant le terrain. À l’époque, dit-il, il ignorait qu’il pouvait y avoir un problème d’ocre ferreuse.
[6] Après la dénonciation des bénéficiaires, il a modifié le système de drainage des autres résidences du secteur en utilisant plutôt un drain périphérique lisse doté de deux cheminées d’accès afin d’en assurer le nettoyage. Il affirme n’avoir eu aucun problème avec les autres résidences.
[7] À l’audience, madame Éliane Monette, une des deux bénéficiaires, raconte avoir pris possession de sa résidence le 20 avril 2008. À peine quelques jours plus tard, la pompe du bassin de captation cesse de fonctionner dans la nuit du 25 au 26 avril 2008 et l’eau s’accumule sur le plancher de bois flottant du sous-sol où dorment deux de ses enfants. L’entrepreneur qu’elle informe aussitôt du problème lui explique alors que le niveau d’eau est élevé dans le bassin en raison, d’une part, de la grande quantité de neige tombée durant cet hiver-là et, d’autre part, du fait que la pompe n’avait pas été raccordée correctement. Ainsi, elle fonctionnait continuellement et l’eau étaient uniquement évacuée sur le terrain.
[8] L’entrepreneur retient alors les services d’un plombier pour corriger le problème de raccordement de la pompe. Il lui fait aussi installer une seconde pompe, d’urgence, hydraulique, au cas où la pompe principale devait cesser de fonctionner.
[9] L’année suivante, poursuit la bénéficiaire, au printemps 2009, le niveau d’eau est encore élevé à l’intérieur du bassin malgré un hiver plus clément. En fait, raconte-t-elle, le système de pompage fonctionne pratiquement de manière continue, sauf en période de grand froid et à l’été, en période de canicule.
[10] Toujours au printemps 2009, la bénéficiaire note la présence d’une matière visqueuse à l’intérieur du bassin. Elle retient alors de retenir les services de la firme Latulippe et associés, une entreprise d’expert-conseils en bâtiment, afin d’identifier la matière en question, les conséquences de sa présence sur le système de drainage. Elle lui demande aussi de mesurer le niveau de la nappe phréatique. Au même moment, elle informe dans les termes suivants l’administrateur et l’entrepreneur de sa démarche :
Selon toute vraisemblance la propriété [...] aurait été construite trop basse considérant le niveau de la nappe phréatique à l’endroit de son implantation. Placée dans ces conditions les drains français de l’immeuble seraient constamment sollicités et de l’ocre ferreuse s’y serait développée.
Actuellement, des expertises sont en cours d’exécution mais les résultats préliminaires obtenus semblent confirmer la situation décrite ci-devant.
[...]
[11] Pour mener à terme son mandat, monsieur Latulippe mandate le géologue Pawel Olejczyck de la firme G&S Consultants afin d’effectuer un relevé de la nappe d’eau souterraine et de vérifier la stratigraphie du sol. Ce dernier, cité à témoigner à titre de témoin expert, explique avoir installé trois tubes d’observation, des piézomètres, afin de mesurer les niveaux d’eau autour et sous la résidence.
[12] Se référant aux mesures prises entre avril et juillet 2009, il écrit dans son rapport transmis à monsieur Latulippe cet été là :
Le relevé de nivellement effectué le 27 avril 2009 indique que le dessus de la dalle de béton du sous-sol repose à l’élévation arbitraire de 97,620 mètres. Sachant que l’épaisseur de dalle de béton est de 75 millimètres, le dessous de cette dernière se situerait à une élévation arbitraire de 97,545 mètres.
En observant les variations de l’élévation arbitraire de la nappe d’eau souterraine au cours de la période d’observation, on peut constater que la nappe mesurée au puits P-1 (forage F-1) s’est maintenue à des élévations comprises entre 98,100 et 98,240 mètres. Ces élévations indiquent que la nappe d’eau souterraine a atteint un niveau maximum dépassant de 620 millimètres l’élévation correspondant au-dessus de la dalle existante (97,620 mètres). À son niveau le plus bas, nonobstant les lectures du puits P-3, pendant la période d’observation, la nappe d’eau souterraine mesurée au forage F-2 (puits P-2) s’est retrouvée à une élévation de 5 millimètres inférieure à l’élévation correspondant au-dessus de la dalle de béton.
Cette situation constitue une situation propice à des infiltrations d’eau au sous-sol qui peut en plus être aggravée en cas de mauvais fonctionnement de la pompe de puisard ou du béton de fondation.
Il est cependant important de noter que les éléments de la nappe d’eau enregistrée représentent un instantané ponctuel des fluctuations de la nappe. Les valeurs mesurées, lors de la période d’observation, se situant un certain temps après la fonte des neiges, ne correspondent pas aux élévations maximales que la nappe peut atteindre durant l’année. Il pourrait être pertinent de procéder à quelques lectures supplémentaires à la fin de l’automne ou au printemps prochain afin de constater des fluctuations de la nappe encore plus importantes.
Par ailleurs, en observant les variations de l’élévation arbitraire de la nappe d’eau souterraine au cours de la période d’observation, on peut constater que la nappe mesurée au puits P-3 (forage F-3) s’est maintenue à des élévations comprises entre 97,330 et 97,350 mètres. Ces élévations indiquent que la nappe d’eau souterraine a atteint un niveau maximum qui ne dépasse pas l’élévation correspondant au-dessous de la dalle existante de 75 millimètres d’épaisseur (97,545 mètres), bien qu’elle y soit présente continuellement pendant le [sic] période des prises de lectures.
[13] Par la suite, monsieur Olejczyck procède à des relevés supplémentaires jusqu’en novembre 2013, relevés qu’il dépose à l’audience.
[14] En contre-interrogatoire, il reconnait avoir constaté des différences significatives entre les piézomètres 1 et 2. Bien que son mandat ne lui demandait pas d’en établir les raisons, il exprime l’avis qu’un tel écart, peu normal par ailleurs, entre deux piézomètres installés à des coins opposés d’un même bâtiment et dans des sols presque identiques dans une nappe libre, pourrait s’expliquer du fait que l’un soit plus près de la rue et l’autre en amont donc plus près de la source d’eau.
[15] L’expert se dit toutefois incapable d’expliquer pourquoi, malgré le fait que ses mesures au piézomètre 1 démontrent que le niveau d’eau y atteignait parfois vingt-quatre pouces au-dessus de la dalle de béton, cela n’ait pas entrainé de conséquence sur le bâtiment. En effet, dit-il, hormis une certaine humidité au sous-sol, qu’il n’a par ailleurs jamais mesurée, il n’y a observé aucune trace d’infiltration ni problématiques reliées à une humidité anormale.
[16] Les données recueillies au piézomètre 3 installé révèlent que le niveau de l’eau demeure sous la dalle sans y toucher. Selon lui, la présence de la maison et son système de drainage qui permet un rabattement du niveau d’eau expliquent pourquoi celui-ci se situe toujours sous la dalle de béton.
[17] Monsieur Claude Latulippe, technologue professionnel, a également été cité à témoigner à la demande des bénéficiaires. Son premier rapport, daté du 11 novembre 2009, décrit son mandat ainsi :
Suivant le mandat que vous nous avez confié, nous nous sommes rendus à votre domicile le 24 avril 2009. Notre mandat consistait plus particulièrement à déterminer si vous étiez aux prises avec un colmatage du système de drainage périphérique par la formation d’ocre ferreuse et de mandater un laboratoire de façon à déterminer le niveau de la nappe phréatique par la mise en place de piézomètres. Il était également de notre mandat ainsi que celui du laboratoire retenu de procéder à un relevé topographique de l’immeuble, de déterminer, le cas échéants, les méthodes de correction à l’immeuble requises en fonction de nos observations et d’en estimer de façon sommaire les coûts que pourraient représenter de tels travaux.
[...]
En fonction de l’analyse, [...] le potentiel de colmatage du système de drainage périphérique de l’immeuble sous étude est évalué à « élevé ».
[18] Après avoir décrit la résidence, il explique que celle-ci est munie d’un système de drainage conventionnel, i.e. un lit de de pierre en dessous de la dalle de béton et le long des murs extérieurs de la fondation dans lequel on retrouve un conduit communément appelé drain français qui permet d’acheminer l’eau à un bassin de captation muni de deux pompes.
[19] Sur la foi des données du géologue et de ses observations visuelles notamment lorsqu’il a fait procéder à l’excavation d’une tranchée sur un côté de la résidence afin d’en vérifier le système de drainage, l’expert Latulippe conclut dans son rapport :
Le système de drainage périphérique de l’immeuble est sujet et est d’ailleurs en partie colmaté par la présence d’ocre ferreuse, laquelle peut être observée non seulement à l’intérieur du bassin de captation mais également au conduit qui relie le système de drainage périphérique extérieur avec ce bassin, et également au périmètre de l’immeuble, tel qu’en fait foi la vérification lors de l’excavation du puits le long du mur gauche de la résidence. En fonction des niveaux d’eau relevés aux piézomètres 1 et 2, le soussigné, selon son interprétation, arrive à la conclusion que le niveau de l’eau au pourtour de la propriété se trouve principalement situé au-dessus du dessus de la dalle de béton et qu’en fonction des relevés effectués au puits # 3, soit celui situé à l’intérieur de l’immeuble, le niveau de l’eau se trouve inférieur au-dessus de la dalle, mais très près du dessous de cette dernière, démontrant ainsi que système de drainage périphérique au périmètre de l’immeuble pourrait être fonctionnel mais, considérant le taux élevé du potentiel de colmatage, ce dernier, une fois suffisamment colmaté, fera de sorte que niveau de l’eau augmentera, créant ainsi une pression hydrostatique engendrant automatiquement des infiltrations d’eau périphériques au bâtiment en affectant les finitions intérieures.
En fonction des relevés du niveau de l’eau, du type de sol et des études effectuées sur les lieux lors de notre visite, le soussigné est d’opinion que l’entrepreneur ayant érigé la résidence aurait dû prévoir des fondations en fonctions [sic] des exigences du Code national du bâtiment, lesquelles précisent qu’en pareille situation les murs de la fondation devaient être construits en cuvelage, c’est-à-dire qu’une membrane d’étanchéité devrait être appliquée sur les murs de la fondation unie à une membrane située en dessous d’une dalle de béton à l’intérieur de l’immeuble, ce qui est contraire à ce que nous avons pu constater. En effet, à l’extérieur de l’immeuble suivant le puit d’exploration, les murs de la fondation sont simplement recouverts d’un goudron liquide appliqué à chaud, lequel n’a aucune résistance à des pressions hydrostatiques importantes et aucun membrane ne se trouve sous la dalle de béton, tel qu’en font foi les observations effectuées lors de l’installation du piézomètre # 3 à l’intérieur du sous-sol.
De l’ensemble de ces faits, le soussigné est d’opinion qu’il est, à court terme, fort probable que des infiltrations d’eau se manifestent à l’intérieur de l’immeuble, et que l’ensemble du sous-sol court à sa perte, d’où la nécessité de procéder à des travaux dans les meilleurs délais.
En fonction de l’analyse des lieux et des exigences du Code national du bâtiment, le soussigné propose, et ce, sans s’y limiter ou s’y restreindre, de procéder aux travaux suivants :
- Procéder à l’excavation des aires extérieures au pourtour de la fondation afin de pouvoir y installer une membrane élastomère soudée à chaud sur les murs recouvrant non seulement les murs de la fondation jusqu’au niveau du sol mais devant également épouser le dessus ainsi que le côté de la semelle de fondation.
- Procéder à un remblai contre les murs de fondation d’un matériel granulaire jusqu’à environ 12 po. du niveau du sol fini.
- Procéder à l’installation d’un drainage de surface, lequel devra évacuer ses eaux vers un puit perdu ou un fossé ou vers la municipalité.
- Appliquer un matériel géotextile qui recouvrera ce système de drainage.
- Ajouter une terre arable pour pouvoir y mettre les divers aménagements paysagers, ne serait-ce que de la pelouse ou autre.
- À l’intérieur, il faudra procéder à la démolition entière des aménagements intérieurs pour pouvoir installer une membrane d’étanchéité sur la dalle de béton du sous-sol, laquelle doit remonter sur une hauteur de 18 à 24 po. contre les murs de la fondation. Afin de maintenir cette dernière en place, les murs où se trouvent cette membrane devront être recouverts d’un panneau de ciment fibre fixé mécaniquement à la fondation et la membrane recouvrant la dalle de béton devra elle aussi être revêtue d’une nouvelle chape de béton d’une épaisseur minimale de 3po., de façon à former un cuvelage parfait.
- Par la suite, les installations démantelées pourront être remises en état afin d’obtenir un aménagement intérieur similaire à celui observé lors de notre visite du 27 avril 2009.
[Sic]
[20] Monsieur Latulippe est retourné à la résidence en 2010 afin de procéder à des vérifications complémentaires du système de drainage. À la lumière des données de la firme G&S ainsi que de ses observations, monsieur Latulippe maintient sa recommandation faite à son rapport en 2009. Dans un rapport complémentaire, daté du 14 mars 2011, il écrit :
En fonction du tableau qui nous a été acheminé par le Laboratoire d’essai et de contrôle G&S Consultants et également en fonction de nos propres observations lors de notre dernière visite le 19 mai 2010, le soussigné arrive encore une fois à la conclusion que le niveau de la nappe d’eau souterraine peut se retrouver au-delà du dessous de la dalle de béton, voire même au-dessus de cette dernière, faisant de sorte que, encore une fois, nul doute n’existe dans l’esprit du soussigné que la fondation de l’immeuble repose dans ou en dessous du niveau de la nappe phréatique et que les fondations observées lors de l’expertise réalisée le 24 avril 2009 ne sont pas conformes aux exigences du Code national du bâtiment, et que les travaux décrits et recommandés précédemment sont requis et ce, tel qu’étayés à notre rapport d’expertise du 11 novembre 2009.
[21] Monsieur Latulippe retourne une troisième fois à la résidence en mai 2013 et, selon lui, il y observe une situation similaire à celles de 2009 et de 2011.
[22] Selon ce dernier, si la pompe cesse de fonctionner, le niveau d’eau va monter à un point suffisamment élevé pour causer des dommages à l’immeuble, en outre que la présence d’ocre ferreuse, rend le colmatage du système de drainage inévitable.
[23] Selon monsieur Latulippe, la construction de la résidence ne respecte pas les prescriptions de l’article 9.16.3 du CNB, en ce que l’entrepreneur n’a pas procédé à un cuvelage au moment de la construction. Cette disposition prévoit :
1) Si le niveau de la nappe souterraine est susceptible de créer une pression hydrostatique sous un plancher sur sol, celui-ci doit être :
a. formé d’une dalle de béton coulé; et
b. conçu pour résister à ces pressions.
[24] Or, selon monsieur Latulippe, les relevés faits par G&S démontrent que la dalle du sous-sol est sujette à subir des pressions hydrostatiques parce que l’élévation de l’eau sous la dalle et contre les murs peut s’élever à un niveau égal ou supérieur à celui de la dalle.
[25] Certes, dit-il, le système de drainage en place peut dans une certaine mesure intercepter cette pression d’eau mais il n’est pas apte à drainer une nappe complète. En effet, selon lui, les pompes installées ne sont pas conçues pour fonctionner de manière continue ni contrôler le débit de l’eau. Ces pompes sont destinées à intercepter une élévation ponctuelle qui peut arriver à quelques reprises durant l’année mais résolument pas en permanence ni en continu.
[26] C’est du reste, poursuit monsieur Latulippe, ce que les faits ont démontré, puisqu’à plusieurs reprises ces pompes ont cédé et dû être remplacées, soit parce qu’elles étaient brulées ou encore endommagées par l’ocre. Pour monsieur Latulippe, on ne peut pas assurer de façon continue, permanente et adéquate l’étanchéité de fondations sans prendre un moyen plus drastique comme le cuvelage qui, selon lui, est ici la seule solution possible en raison des niveaux d’eau élevés.
[27] Commentant la solution suggérée par l’administrateur et l’entrepreneur, soit la modification du système de drainage, l’expert Latulippe juge cette solution non recommandable parce qu’elle exige encore l’utilisation d’un moyen mécanique pour contrôler le niveau d’eau. Il ajoute que même si un drain lisse permet un égouttement plus rapide de l’eau, il reste qu’un tel système de pompe a une capacité limitée pour évacuer l’eau et que, de toute façon, il va se saturer un jour ou l’autre en raison de la présence d’ocre ferreuse. Autrement dit, pour l’expert, le potentiel de colmatage est passablement élevé et il le demeure même avec la solution proposée par l’administrateur et l’entrepreneur.
[28] En contre interrogatoire, il reconnait que ses trois visites faites en 2009, 2011 et 2013 ont toujours été faites au printemps et après la fonte des neiges. Il reconnait également que le printemps et l’automne sont les deux périodes où on est plus susceptible d’observer une nappe phréatique élevée, le printemps étant la pire des deux.
[29] Il reconnait également que les descentes de gouttières n’éloignent pas l’eau du bâtiment et aussi que le fait que le terrassement ne soit pas encore fait n’aide pas la situation puisque l’eau descend plus rapidement dans le sol et sollicite le drain.
[30] Finalement, il convient qu’il existe plusieurs méthodes pour pallier au problème de l’ocre ferreuse. Cependant, dit-il, bien qu’ayant lui-même déjà recommandé le recours à un drain rigide dans certaines situations, il écarte l’idée que cela puisse se faire ici en raison de la hauteur de la nappe phréatique.
[31] Contre-interrogé sur les signes révélateurs de pressions hydrostatiques, monsieur Latiluppe mentionne la possibilité que la dalle puisse se soulever, un phénomène qui ne s’est pas produit en l’espèce malgré la présence d’une nappe anormalement très élevée selon les données de G&S. En fait, dit-il, il n’y a aucun signe de pressions hydrostatiques ni d’infiltration autres que le colmatage du système de drainage. Il ajoute toutefois que tant et aussi longtemps que la pompe fonctionne et que le système n’est pas entièrement colmaté, l’eau ne s’infiltrera pas. Mais, dit-il, une fois colmatée, la pompe ne suffira pas pour éloigner l’eau ou prévenir le soulèvement de la dalle.
[32] Monsieur Latutippe explique qu’il y a pression hydrostatique quand la nappe touche à la sous face de la dalle de béton. Se référant aux données du piézomètre P3, qui est le plus représentatif, selon lui, de ce qui ce passe sous la dalle, ce ne serait qu’à deux reprises entre 2009 et 2013, l’eau effleure la sous face la dalle, soit le 3 octobre 2011 et le 16 avril 2013. Cependant, ajoute monsieur Latulippe, il y aura aussi pression hydrostatique lorsque tout le réseau de drainage sera colmaté. Pour l’instant, le niveau d’eau demeure plus bas parce que le système de drainage fonctionne mais quand il sera saturé et colmaté, l’élévation va faire en sorte que l’eau va monter plus haut. Or, ajoute-t-il, l’examen des données démontre que le système se colmate tranquillement mais sûrement.
[33] Les bénéficiaires ont également fait entendre monsieur Domino Larivière de Plomberie Domino Larivière. Monsieur Larivière explique les circonstances dans lesquelles lui ou son père ont changé, soit la pompe électrique, soit la pompe hydraulique, entre 2009 et 2013.
[34] Outre le raccordement de la pompe en avril 2009 et l’ajout de la pompe hydraulique à la même époque, monsieur Larivière raconte avoir été appelé, notamment en 2010 puis en 2011, pour procéder au nettoyage préventif du drain. En 2010, il change la pompe électrique, toujours à titre préventif. En 2011, il observe grâce à l’utilisation d’une caméra que le drain est partiellement obstrué par du sable ainsi que de l’ocre ferreuse. A cette époque, il suggère l’installation d’une pompe plus performante à des fins uniquement de prévention.
[35] Il y retourne en juin 2013 pour un entretien préventif et il nettoie la pompe et le bassin. En août 2013, il reçoit un appel d’urgence parce que la pompe électrique installée en 2010 cesse de fonctionner probablement, dit-il, en raison d’une surcharge électrique.
[36] Il reçoit un nouvel appel d’urgence en novembre 2013 au moment d’une panne électrique. Vérification faite, tout fonctionne adéquatement et il rassure la bénéficiaire. Cependant, plus tard le même jour, après le retour de l’électricité, la pompe électrique ne fonctionne plus et il doit la remplacer. Une seconde panne de courant survient le même mois et la pompe électrique nouvellement installée ne redémarre pas. Il suggère alors l’ajout d’une barre de protection pour pallier aux variations de courant. Puis un représentant de la compagnie, fabricant ce type de pompe, ayant suggéré de remplacer la pompe en place par une autre moins sensible aux variations de courant, il remplace donc la pompe jugée trop fragile.
[37] Dans le cadre d’une réouverture d’enquête faite à la demande des bénéficiaires, ces derniers expliquent avoir subi une infiltration d’eau dans la nuit du 5 au 6 janvier 2014 suite à la formation d’un bouchon de glace dans le conduit d’évacuation des eaux du bassin, ce qui a nécessité l’intervention d’un plombier. Les bénéficiaires ont également fait changer une pompe à l’été 2014 craignant que la pompe actuelle hautement sollicitée ne brule.
[38] L’administrateur a retenu les services de l’ingénieur Mohammed Hosseini de la firme Fondasol afin d’effectuer une contre-expertise géotechnique. Son rapport, daté du 9 décembre 2011, décrit ainsi son mandat :
L’objectif du mandat consiste à déterminer la nature et la stratigraphie des sols de fondation en place ainsi que le niveau et le type de la nappe phréatique présente avec son potentiel de colmatage de dépôt d’ocre. Le rapport doit également commenter les rapports consultés et se prononcer sur la solution éventuelle proposée pour le rabattement de la nappe phréatique.
[39] Monsieur Hosseini explique avoir réalisé deux sondages au moyen de piézomètres, un intérieur et un extérieur. Il visite les lieux une première fois le 16 février 2011 puis les 2 mai et 14 juin suivants. À sa première visite, il constate, d’une part, que le terrassement de la résidence n’est pas fait et, d’autre part, que le terrain voisin situé à gauche est vacant. Au cours de ses visites, il ne constate aucun indice d’infiltration d’eau ni humidité excessive dans le sous-sol de la résidence.
[40] Selon l’expert Hosseini, le nœud du problème dans ce litige est le drainage de l’eau. Or, selon lui, le drainage des eaux de surface exige que l’on procède au terrassement et que l’on s’assure d’éloigner de la structure les eaux de pluie qui s’écoule de la toiture.
[41] Monsieur Hosseini ajoute que le sous-sol de la résidence n’est pas profond par rapport à la rue, i.e. que l’entrepreneur n’a pas procédé à une grande excavation et que les semelles reposent sur un sol naturel et non sur un remblai.
[42] Selon monsieur Hosseini, la composition du système de drainage est déficiente puisqu’il ne comporte pas de membrane géotextile. En effet, dit-il, on ne peut pas mettre un remblai de sable avec de la pierre nette sur le tuyau parce qu’il faut qu’il y ait un filtre qui évite au sable de passer au travers. En raison de cette absence de filtre, le sable s’introduit dans le drain et y retient l’eau.
[43] Interrogé sur la façon appropriée de mesurer la hauteur d’une nappe phréatique, monsieur Hosseini répond que le piézomètre est le seul instrument qui le permette et que de pratiquer une tranchée en vue d’observations de visu comme l’a fait monsieur Latulippe constitue une erreur majeure.
[44] Monsieur Hossieni écarte les données de G&S comme n’étant pas fiables du fait que ses piézomètres n’auraient pas été installés selon les règles de l’art. Monsieur Hosseini explique qu’un piézomètre est un élément filtrant à la base, crépiné, surmonté d’un tuyau rigide. Or, dit-il, l’élément filtrant doit être entouré de sable et il doit y avoir un bouchon au-dessus de la crépine de manière à sceller le piézomètre faute de quoi celui-ci donnera des niveaux d’eau erronés. Or, selon monsieur Hosseini, G&S a installé le bouchon trop haut et cela fausse les résultats. Ainsi, dit-il, le piézomètre 1 est systématiquement supérieur au piézomètre 2 parce que selon lui, il y a eu une erreur systématique.
[45] En effet, selon cet expert, deux piézomètres correctement installés dans un sable homogène sur un même terrain de celui qui nous concerne devraient donner sensiblement des résultats identiques au sujet du niveau de l’eau. Selon lui, si les résultats obtenus par G&S représentaient la réalité, cela signifierait qu’il y aurait un pied d’eau au-dessus du terrain existant et que la rue serait inondée; ce qui n’est pas le cas. Il écrit dans son rapport :
Selon les relevés piézométriques effectués, […], le niveau d’eau dans le piézomètre P-3, situé dans le sous-sol, se trouve constamment sous la surface de la dalle de plancher, entre 290 et 570 mm sous la surface du plancher de sous-sol. Les piézomètres P-1 et p_2 n’indiquent pas le même niveau d’eau; le niveau d’eau indiqué par le piézomètre P-1, situé à gauche de la résidence, est constamment supérieur de 300 à 450 mm à celui indiqué par le piézomètre P-2. Ce qui résulte soit d’une erreur systématique soit de la mauvaise installation du piézomètre. Par ailleurs, lors de notre visite du 2 mai 2011, nous avons observé de la bentonite à l’intérieur du tuyau du piézomètre P-1 et ce en présence du bénéficiaire. Ce dernier a été informé de la situation. Basés sur notre observation du 2 mai 2011 et les résultats non cohérents des relevés piézométriques présentés G&S, nous sommes d’avis que le piézomètre P-1 n’a pas été installé correctement. En effet dans une nappe libre, au sein d’une formation de sable, tous les piézomètres doivent indiquer le même niveau de la nappe phréatique. G&S aurait dû constater cette anomalie de fonctionnement d’un instrument.
[46] L’ingénieur Hosseini conclut dans son rapport :
Basées sur les données existantes, nous sommes d’avis que le drain français recommandé pour la résidence est un drain composé de tuyaux rigides de PVC en paroi lisse et non pas de tuyaux annelés flexibles de polyéthylène tel qu’il est actuellement le cas. […]
[…]
En résumé, les données géotechniques obtenues lors du présent mandat indiquent que les sols de fondation sont constitués de sable fin avec un peu de silt à sable fin silteux. Le niveau d’eau observé à l’intérieur de la résidence se trouvait à 420 et 170 mm sous la surface du plancher du sous-sol. Ce qui démontre le bon fonctionnement du système de drainage présent sous la dalle de plancher du sous-sol. Lors de notre visite du 2 mai 2011, nous avons constaté que le tuyau du piézomètre P-1 est obstrué par de la bentonite mise en place lors de l’installation des piézomètres. Ce qui contredit l’affirmation de G&S au sujet de la méthode d’installation des piézomètres. Les données piézométriques présentées par G&S indiquent un niveau d’eau systématiquement plus élevé dans le piézomètre P-1 par rapport à P-2. Ceci résulte de la mauvaise installation des piézomètres. Basée sur les données erronées de G&S, Latulippe a recommandé le cuvelage intérieur de la résidence avec un cout estimé 70 000,00$.
Compte tenu des données erronées du rapport de G&S et du rabattement de la nappe par le système de drainage actuel avec l’entretien régulier effectué et de l’absence d’indices d’infiltrations d’eau ou d’humidité excessives, nous sommes en désaccords avec la solution proposée par Latulippe. Nous sommes d’avis que le potentiel de colmatage chimique et bactériologique de dépôt d’ocre du site est qualifié de moyen à élevé, ce qui nécessite l’utilisation d’un drain français de type rigide à paroi lisse pour la résidence à l’étude. Présentement un drain français conventionnel avec un tuyau flexible annelé est présent en périphérie de la résidence. Ce drain français a fait l’objet de deux nettoyages par un entrepreneur. Malgré ces travaux de nettoyage, un dépôt d’ocre est présent à l’intérieur du drain français.
Selon la visite du 30 septembre, l’ancien terrain boisé adjacent a été déboisé pour la construction d’une résidence. Ce déboisement peut contribuer à diminuer le risque de colmatage bactériologique à long terme du nouveau drain proposé.
[47] Monsieur Hosseini explique que la méthode qu’il préconise est basée sur le principe de drainage des eaux et ses conclusions reposent d’avantage sur la stratigraphie du sol que sur le relevé des mesures. Il faut, dit-il, commencer avec le drainage des eaux de surface, i.e. un terrassement adéquat avec une couche de sol avec faible perméabilité pour couper les infiltrations d’eau vers le drain et s’assurer que les gouttières déversent l’eau loin des murs de fondation. Ces interventions vont considérablement, selon l’expert, diminuer l’apport d’eau vers le drain. La problématique va considérablement diminuer à condition que l’on entretienne convenablement le drain, i.e. qu’on le nettoie en recouvrant à des cheminées. La méthode de drainage est, selon lui, très importante.
[48] Interrogé au sujet de la méthode de cuvelage, monsieur Hosseini ne la recommande pas et la qualifie de dangereuse. Actuellement, dit-il, le niveau d’eau est toujours en bas de la dalle en raison du drainage; donc, il n’y a pas de pression sous la dalle. Si l’on procède à un cuvelage et qu’on enlève le drain, en prenant pour acquis que les mesures au piézomètre 1 sont fiables, cela signifie que le bâtiment reposera dans un mètre d’eau et qu’il risquera donc de flotter.
[49] Selon monsieur Hosseini, il y a pression hydrostatique quand il n’y a pas d’écoulement d’eau vertical ou horizontal. En revanche, à partir du moment où on a un tel écoulement, il n’y a pas de pression hydrostatique. Pourquoi? Parce que la nappe est rabattue. Or, explique monsieur Hosseini, les données intérieures démontrent que le système de drainage existant même s’il est déficient arrive à rabattre la nappe. D’ailleurs, il n’y a pas de problème d’inondation ni d’humidité. À l’intérieur, sous la résidence, la nappe est rabattue, ce qui n’est pas le cas, dit-il, à l’extérieur.
[50] L’expert explique aussi pourquoi à son avis le cuvelage n’est pas nécessaire ici. Selon lui, on y a recours toujours en fonction de deux éléments: le niveau de la nappe phréatique et la perméabilité du sol. Or, explique monsieur Hosseini, en l’espèce, le bâtiment n’a qu’un pied de profondeur par rapport au terrain original et il n’est pas construit dans la nappe phréatique. Or, dit-il, le cuvelage n’est nécessaire que lorsque qu’un bâtiment est construit à une profondeur de cinq à dix pieds et que le sol est perméable; ce qui n’est pas le cas ici. Monsieur Hosseini affirme qu’en fonction des critères géotechniques, le choix approprié en l’espèce est le remplacement du système de drainage par un système compatible.
[51] Commentant l’affirmation de monsieur Latulippe à l’effet que sa méthode ne fonctionnera pas parce que, à court et moyen terme, la pierre sous la dalle et autour du drain sera complètement colmatée et le système privé de son efficacité, monsieur Hosseini opine qu’une telle affirmation ignore le principe de drainage. Si les drains sont bien installés et le système bien entretenu à l’aide de cheminée, il ne se colmatera pas et il continuera de rabattre la nappe phréatique sans qu’il y ait pression hydrostatique. Dans cette optique, le fait que le système de drainage sera moins sollicité réduira considérablement le fonctionnement de la pompe.
PLAIDOIRIES
BÉNÉFICIAIRES
[52] Selon le procureur, le tribunal doit répondre aux questions suivantes : Y a-t-il malfaçon au sens du Règlement? Dans l’affirmative, quelle est cette malfaçon? Quelle en est la cause? Quelle est la mesure corrective appropriée selon le Règlement?
[53] Se tournant vers les deux premières questions, le procureur rappelle que la présence de malfaçon étant admise, le litige repose plutôt sur l’identification de celle-ci. Pour lui, la notion de malfaçon renvoie à quelque chose qui n’est pas bien fait, soit parce que contraire aux règles de l’art, soit parce que contraire aux normes applicables.
[54] Or, selon Me Coursol, en matière de malfaçon, il ne faut pas confondre la conséquence et la cause. Pour résoudre la malfaçon, il faut corriger la cause, i.e. débarrasser l’immeuble de la malfaçon. En l’occurrence, poursuit Me Coursol, la malfaçon qui affecte l’immeuble n’est pas d’avoir construit dans la nappe phréatique mais plutôt de l’avoir fait contrairement à la clause 9.16.3.2 du CNB, i.e. sans le recours à un cuvelage.
[55] Il en résulte, dit Me Coursol, que dès le moment où l’on construit dans la nappe phréatique ou à un niveau tel que celle-ci a une influence sur le bâtiment, il y a malfaçon si l’on ne prend pas la mesure prévue, ce que l’entrepreneur a fait.
[56] Passant en revue la preuve, le procureur soutient que, selon les relevés faits par G&S, la majorité du temps pendant les quatre dernières années, l’eau se situerait vis-à-vis la dalle ou au-dessus de celle-ci. Me Coursol s’étonne en outre que ni l’administrateur ni l’entrepreneur n’aient jamais fait savoir avant l’audience qu’ils estimaient les relevés pris par G&S comme n’étant pas fiables en outre de n’avoir ni l’un ni l’autre fait quoi que ce soit pour recueillir eux-mêmes plus de données.
[57] Pour le procureur, la présence d’ocre ferreuse n’est pas la cause de la malfaçon mais plutôt sa conséquence, puisque sans eau, il ne pourrait pas y avoir d’ocre dans le système.
[58] Le procureur soutient que pour être conforme au Règlement la solution que doit choisir le tribunal est celle qui débarrassera l’immeuble de la malfaçon. Or, puisque la malfaçon tient dans l’absence de cuvelage, la seule façon d’y remédier est de procéder à un cuvelage, soit le seul moyen d’attaquer la cause du problème, soit le niveau d’eau et non à sa conséquence.
[59] Se tournant vers la solution suggérée par monsieur Hosseini, le procureur soutient que son efficacité passe par l’entretien continu du système de drainage et le fonctionnement d’une pompe sans pour autant débarrasser l’immeuble de la malfaçon qui l’affecte.
[60] Me Coursol conclut en écartant l’affirmation de monsieur Hosseini selon laquelle le cuvelage serait dangereux. Il y a, dit-il, des façons de faire qui éviteraient que l’immeuble ne se soulève sous la pression de l’eau.
ENTREPRENEUR
[61] D’entrée de jeu, Me Brodeur soutient que le problème réside dans le fait que lorsque la nappe phréatique est plus élevée comme au printemps et à l’automne, on craint que le drain ne remplisse pas sa fonction à cause de la présence d’ocre ferreuse. Donc, pour Me Brodeur, la cause de la malfaçon est la présence d’ocre ferreuse et c’est à cela qu’il faut s’attaquer.
[62] En somme, pour Me Brodeur, il s’agit essentiellement d’une question de méthode corrective, une question, ajoute-t-elle, dont la règle de base veut qu’elle relève de l’entrepreneur. Il en résulte que le fardeau incomberait aux bénéficiaires de démontrer que la méthode corrective suggérée par l’entrepreneur serait complètement inefficace et que seule leur méthode serait la bonne.
[63] Me Brodeur fait valoir que les deux correctifs suggérés, soit le cuvelage ou la modification du système de drainage, sont deux méthodes reconnues et conformes aux règles de l’art.
[64] Or, pour la procureure, le choix du cuvelage repose essentiellement sur une crainte que l’installation conforme d’un drain rigide, lisse et le contrôle des eaux de surface, comme le suggère l’expert Hosseini, seraient insuffisants.
[65] La procureure rappelle qu’en l’espèce nous sommes en présence des pires conditions : la présence d’ocre ferreuse; un drain mal installé; un degré de colmatage assez important; un terrassement non terminé; des gouttières mal installées; et enfin, des pentes négatives. Tous ces éléments, explique la procureure, amènent une surcharge d’eau au drain qui n’arrive pas à suffire à la tâche. À cela s’ajoute le fait que les tentatives de nettoyage n’ont pas été efficaces. Or, plaide la procureure, malgré tout cela et après six printemps et automnes, il n’y a eu aucune infiltration ni problème d’humidité au sous-sol ni aucun signe de pression hydrostatique.
[66] Pour la procureure, la preuve révèle que l’expertise de monsieur Latulippe repose sur des données qui ne sont pas fiables. Quoi qu’il en soit, poursuit la procureure, l’examen des relevés ne permet pas de soutenir que le bâtiment a été construit dans la nappe phréatique.
[67] Selon la procureure, la preuve présentée par les bénéficiaires, qui en avaient le fardeau, ne permet pas d’écarter la solution suggérée par l’entrepreneur et rien ne démontre que la situation justifierait une méthode corrective aussi drastique que celle du cuvelage. D’autant plus, poursuit Me Brodeur, que l’expert Hosseini a expliqué qu’il serait même dangereux d’y recourir, vu les conditions du sol. Il est préférable, conclut-elle, d’éliminer l’eau avec un drainage adéquat et en installant un drain lisse.
ADMINISTRATEUR
[68] Après avoir fait sienne l’argumentation présentée par Me Brodeur, Me Laplante qualifie d’extrême la solution présentée par les bénéficiaires en outre de ne pas être justifiée selon la preuve prépondérante. En effet, avance Me Laplante, on est depuis six ans en présence d’un système de drainage peu efficace et obstrué sans que l’on ait pour autant observé quelque conséquence sur le bâtiment. Pour Me Laplante, la malfaçon tient au fait que le système de drainage n’est pas optimal pour le type de sol dont il s’agit de sorte que la mauvaise conception de ce système est la malfaçon qu’il y a lieu de corriger.
[69] Me Laplante fait valoir que le témoignage non contredit de monsieur Hosseini, la prise de mesure des niveaux d’eau est certes un élément indicateur des problèmes mais l’identification de leur solution ne repose pas sur les données prises mais plutôt sur la stratigraphie du sol. Or, soutient le procureur, celle-ci exige d’écarter le cuvelage qui non seulement n’est pas valable mais serait même dangereux.
[70] Le procureur poursuit en rappelant que le choix de la méthode corrective d’une malfaçon appartient à l’entrepreneur dès lors qu’elle règle le problème. Or, dit Me Laplante, la preuve révèle que ce serait le cas pour la solution proposée par l’administrateur, soit la modification du système de drainage jumelé à un terrassement adéquat et un système de gouttières propre à éloigner les eaux d’égouttement des fondations. En corrigeant la situation ainsi, il y aura diminution de la fréquence de pompage et résolution du problème.
ANALYSE ET DÉCISION
[71] Le Règlement énonce et encadre les obligations respectives de l'entrepreneur et de l’administrateur envers les bénéficiaires. Ce n’est d’ailleurs qu’à l’intérieur des limites et des paramètres définis au Règlement que je peux agir.
[72] Cela dit, juridiquement, toute partie qui se porte demanderesse devant un tribunal a le fardeau de démontrer le bien-fondé de ses prétentions au moyen d’une preuve prépondérante. L’article 2804 du Code civil du Québec nous dit en quoi consiste une preuve prépondérante :
La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
[73] L’article 10 du Plan se lit ainsi :
La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1. le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
2. la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
3. la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4. la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5. la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[74] Le Règlement offre quatre types de garantie. Outre celle applicable au moment de la réception de l’ouvrage, il y en a trois autres. Celle d’un an, couvrant les malfaçons non apparentes; de trois ans, contre les vices cachés; et la dernière, de cinq ans, contre les vices de construction. En substance, malfaçon, vice caché et vice de construction sont des notions voisines qui se distinguent entre elles essentiellement par leur gravité relative.
[75] En l’espèce, il est admis que la situation dénoncée s’inscrit dans le cadre de la garantie contre les malfaçons. Tous reconnaissent également la nécessité d’y apporter des correctifs. Ce qui est en litige est le choix de ceux-ci bien que tous reconnaissent également que la justesse de ce choix tient à l’étendue et à la nature du problème à corriger.
[76] D’un côté, les bénéficiaires maintiennent sur la foi des mesures prises par le géologue et sur l’expertise de monsieur Latulippe que le niveau de la nappe phréatique est susceptible de créer une pression hydrostatique sous la dalle du sous-sol. Pour eux, il aurait fallu procéder dès la construction à un cuvelage qui serait la seule solution acceptable en vue de rendre l’immeuble conforme.
[77] De l’autre côté, l’entrepreneur et l’administrateur nient cette affirmation sur la foi des observations visuelles faites par l’entrepreneur au moment de la construction ainsi que sur l’expertise de l’ingénieur Hosseini qui préconise en gros une modification du système de drainage en vue de rendre l’immeuble conforme.
[78] L'administrateur et l’entrepreneur font valoir la primauté du libre choix de l’entrepreneur en matière de solutions aux problèmes à corriger. Ils invoquent, à cet égard, l’article 2099 qui suit du Code civil du Québec relatif au choix des méthodes d’exécution des contrats :
L'entrepreneur [...] a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.
[79] J’ai déjà eu l’occasion de me pencher sur cette disposition du Code civil du Québec dans la sentence Nutter et Rae et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ (O.A.G.B.R.N., 2008-06-10), SOQUIJ AZ-50557085, sentence invoquée avec approbation par les trois parties. Je m’y penchais sur les travaux susceptibles d’être ordonnés à un entrepreneur ou à l’administrateur en vue de rendre un immeuble conforme au Règlement et aussi sur la question du fardeau de preuve en cette matière. Je crois à-propos de m’en inspirer ici :
[...] l’article 2099 du Code civil du Québec reconnait [...] à l’entrepreneur le libre choix des moyens d’exécution de son contrat [...]
Ce droit comporte en corollaire un certain nombre d'obligations dont, à l'article 2100 du Code civil du Québec, celle pour l’entrepreneur d’agir, au mieux des intérêts de son client, avec prudence et diligence et aussi, celle familière ici, de se conformer aux usages et règles de leur art.
Cette liberté, cette latitude, tiennent à la reconnaissance par le législateur de l’expertise de certains dans le domaine de la construction. Pratiquement, cette reconnaissance a comme contrepartie chez l’entrepreneur une obligation dite de résultat à l’égard de son client, i.e. l’obligation de livrer une chose normalement attendue et qui soit conforme.
[…]
Ce principe de l’autonomie relative de l’entrepreneur est
repris de manière constante dans la jurisprudence arbitrale en matière de Plan.
C’est le cas dans Les Maisons Zibeline inc. et Gagnon où l’arbitre Jeffrey
Edwards écrit:
[page 7]
[...] Plusieurs options pour corriger les travaux ont été soulevées par les parties et par l’inspecteur-conciliateur, expert, lors de l’audition.
A cet égard, le Tribunal d’arbitrage réitère que le choix des moyens appartient à l’Entrepreneur mais que ce dernier a une obligation de résultat quant au travail réalisé. En conséquence, le Tribunal constate les problèmes anormaux au plancher de bois franc à la grandeur de la surface de l’unité. L’Entrepreneur devra donc corriger le problème selon la méthode de son choix mais tout en respectant les règles de l’art et le résultat requis.
[...]
Même si la notion, le concept, de méthode peut prêter à débat, aux dires de certains, le rapport no 2 imposerait des méthodes d’exécution de correctifs, ce qui ne serait pas de l’autorité de l’administrateur et devrait donc de ce seul fait être écarté.
Avec égards, prise dans son acception qui voudrait que l’indication des travaux à faire serait synonyme de choix des méthodes d’exécution, la prétention qui voudrait que pareil choix échappe à l’autorité de l’administrateur a été examinée et rejetée dans Ménard et Les entreprises Christian Dionne et Fils inc. [précité] où l’arbitre Jean Morissette écrit :
[27]Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs contient le mécanisme de mise en œuvre de la garantie. À la lecture de ce texte de loi qui encadre ma décision, il appert de ces articles que le défaut de l’Entrepreneur de corriger des travaux dans le délai indiqué à la décision oblige l’Administrateur à les effectuer :
[...]
[28] La première décision de l’Administrateur du 28 mars 2003 prévoit le changement complet du parement de briques du bâtiment sujet.
[29] Le texte des articles du Règlement que j’ai souligné m’indique que l’Administrateur a le pouvoir de choisir les travaux qui corrigeront la malfaçon. Nous rejetons l’argument de l’Administrateur et de l’Entrepreneur à l’effet que ce dernier est le seul maître de la façon choisie pour la correction de la malfaçon.
[30] Les auteurs Kott et Roy établissent ce principe dans le cadre d’un contrat d’entreprise de construction et non dans le cadre de l’application de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.
[31] Pour leur part, les arbitres Claude Mérineau et Gilles Lavoie se sont exprimés sur ce point alors que l’Administrateur n’avait pas déterminé des travaux correctifs, ce qui n’est pas ici le cas.
[32] L’Administrateur reconnaît que la situation dénoncée constitue une malfaçon existante et non apparente visée par l’article 10(2) du Règlement :
«(…)il importe tout d’abord de noter que l’administrateur reconnaît toujours que la situation dénoncée constitue une malfaçon existante et non apparente visée par l’article 10.2° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (c. B-1.1, r.0.2) et que la révision ne porte que sur un seul élément, soit celui relatif à la nature des travaux correctifs. »
[33] La méthode utilisée pour procéder aux travaux correctifs, soit le changement complet du parement de briques, est, nous l’accordons, de l’entière responsabilité de l’Entrepreneur.
[34] S’il est d’usage pour l’Administrateur de ne pas s’immiscer dans la correction visant la malfaçon, ce n’est pas que le Règlement ne lui donne pas ce pouvoir. Interpréter le règlement autrement laisserait les Bénéficiaires à la merci d’un entrepreneur incompétent, ce qui va à l’encontre de l’existence même du Plan de Garantie des maisons neuves. Le pouvoir de statuer comporte le pouvoir de choisir les travaux pour corriger la malfaçon.
[35] L’Administrateur peut statuer sur les travaux que doit faire l’Entrepreneur et dans ce cas-ci, suivant l’opinion de son expert qu’il avait mandaté spécialement sur le correctif approprié, il l’a fait. L’Administrateur a choisi, conclu et ordonné par la suite à l’Entrepreneur de changer complètement le parement de briques.
[...]
Je souscris à ces propos. L’administrateur a l’autorité,
pour paraphraser
Me Morissette, de statuer sur les travaux que doit faire
l’entrepreneur assujetti au Plan.
Cet énoncé, avec égards, ne contredit pas celui de l’argument de l’administrateur voulant que l’entrepreneur ait le libre choix des méthodes correctives. En effet, puisque l’administrateur a le pouvoir de statuer sur la malfaçon, il a aussi, selon la jurisprudence, celui de choisir les travaux (à faire) pour corriger la malfaçon. En cela, choix des travaux et méthodes d’exécution, renvoient à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver.
De nier en l’espèce à l’administrateur cette faculté reviendrait à lui permettre de contester sa propre décision en affirmant qu’à part de faire un constat de malfaçon ou de vice, l’administrateur serait inhabile à ordonner tels ou tels travaux correctifs. Ce serait là une interprétation absurde de la législation et contraire à l’esprit du Plan.
[...]
Cela signifie que si l’administrateur peut suivant le Plan indiquer les travaux à faire, l’arbitre susceptible de réviser la décision de l’administrateur peut donc également le faire lorsque l’administrateur ne l’a pas fait en conformité du Plan.
[…]
Concrètement ici, les bénéficiaires pour réussir devaient démontrer par une preuve prépondérante que les solutions préconisées par l’administrateur ne sont pas conformes au Plan et n’auront pas vraisemblablement l’effet correctif recherché d’assurer selon l’article 10 du Plan la réparation des malfaçons ou vices, soit en l’occurrence d’éliminer les infiltrations d’eau, la condensation occasionnée par le taux d’humidité excessif affectant la dalle et le fini la recouvrant de la résidence des bénéficiaires.
En effet, ce que le Plan vise notamment est la réparation d’une malfaçon ou d’un vice. Dans cette optique, une solution qui ne présenterait pas, suivant la preuve, la vraisemblance raisonnable d’arriver à corriger cette malfaçon ou vice devra être écartée. C’est, selon les bénéficiaires, le sort que je devrais réserver aux solutions retenues par l’administrateur.
[80] En l’espèce, il incombait aux bénéficiaires de démontrer que la solution préconisée par l’administrateur ne corrigerait pas la malfaçon reconnue. Même en présence de versions contradictoires, y compris des expertises, le tribunal doit, comme c’est la règle, appliquer la norme de la prépondérance évoquée plus haut pour décider quelle version retenir.
[81] La preuve non contredite révèle la présence dans le sol de la bactérie d’ocre ferreuse. Toujours selon la preuve non contredite, l’ocre ferreuse se développe lorsqu’elle est en contact de l’air et de l’eau. Dans ces conditions, son développement se traduit dans l’apparition progressive d’une matière visqueuse à l’intérieur et à l’extérieur des drains qui finissent progressivement mais sûrement par se colmater.
[82] Tant l’entrepreneur que l’administrateur reconnaissent qu’ici le drain est mal installé en outre de n’être pas adéquat et de ne pas évacuer l'eau autour de la semelle. Bref, ce n’est toujours qu’une question de temps avant qu’il ne se colmate complètement, à la fois en raison du sable qui s’y trouve déjà que de la présence d’ocre ferreuse d’où un système de pompage très grandement sollicité.
[83] Ainsi, selon les bénéficiaires la présence d’ocre ferreuse serait la conséquence de la malfaçon et non sa cause alors que selon l’administrateur et l’entrepreneur, ce serait plutôt l’inverse.
[84] Selon les bénéficiaires la cause de la malfaçon serait d’avoir construit dans la nappe phréatique en ne tenant pas compte des prescriptions du CNB et c’est ce qui explique pourquoi l’eau est constamment évacuée par le système de pompage. Selon, monsieur Latulippe, son choix de la méthode corrective qu’il préconise se fonde essentiellement sur les données recueillies par G&S ainsi que sur ses propres observations visuelles lors de l’excavation d’une tranchée sur un côté de la résidence.
[85] Un bon segment de l’instruction a porté sur la validité des données prises par les piézomètres installés par G&S qui, selon les bénéficiaires, démontrent que leur résidence est bel et bien construite dans la nappe phréatique.
[86] Or, avec égards, la fiabilité des données avancées au soutien de cette affirmation est largement contredite par une preuve articulée elle-même non contredite. Il en résulte une prépondérante à l’effet qu’un certain nombre d’irrégularités observées dans l’installation de ces appareils de mesure en ont vraisemblablement affecté les résultats et les conclusions à en tirer.
[87] En effet, les propos de l’expert Hosseini sont non contredits à l’effet que le piézomètre 1 n’était pas installé correctement et que ses mesures devraient être écartées. En effet, selon la preuve prépondérante, si l’on tenait pour avérées les données provenant de ce piézomètre, cela signifierait que le niveau de l’eau se situerait à un pied au-dessus du sous-sol de la résidence et que celle-ci subirait des pressions hydrostatiques; deux affirmations, avec égards, contredites par la preuve.
[88] En effet, il n’y a eu, selon la preuve, aucune infiltration d’eau au sous-sol due à des pressions hydrostatiques et on y a observé aucune trace d’humidité, signes qui selon la preuve prépondérante seraient présents si l’immeuble subissait effectivement des pressions hydrostatiques. La preuve largement prépondérante nous commande dès lors d’écarter comme non fondée l’affirmation voulant que la résidence des bénéficiaires aurait été construite dans la nappe phréatique. Conséquemment, je retiens comme prépondérante la preuve voulant que la malfaçon à corriger est le système de drainage inadéquat du bâtiment en outre que les eaux de surface n’y sont pas drainées adéquatement, avec pour résultat que la pompe est trop grandement sollicitée.
[89] Pour toutes ces raisons, il y a donc lieu de retenir comme appropriée la solution proposée par l’administrateur et l’entrepreneur qui, selon la preuve, aura selon toute vraisemblance l’effet correctif recherché.
Frais d’expertise
[90] S’agissant des frais raisonnables d’expertises pertinentes encourus par un bénéficiaire, l’article 124 du Règlement stipule que l’arbitre doit le cas échéant ordonner à l'administrateur de les rembourser au bénéficiaire ayant gain de cause de manière totale ou partielle.
[91] Les bénéficiaires réclament à ce titre une somme de 19 275.03 $ pour les services de l’expert Latulippe, les interventions du laboratoire G&S, ainsi que la présence à l’audience des experts Latulippe et Olejczyck. A cette somme, s’ajoutent les frais de 3 927.63 encourus à titre de frais de plomberie engagés pour le changement des pompes et le nettoyage des drains à titre préventif.
[92] Selon les bénéficiaires, ces dépenses ont été encourues afin de soutenir leur réclamation qu’au départ l’administrateur avait rejetée, et aussi pour prévenir que l’eau ne s’infiltre dans leur résidence par le bassin. Pour leur part, l’administrateur et l’entrepreneur estiment ces frais excessifs.
[93] Dans les circonstances et vu la preuve, les réclamations visant le remboursement des frais d’expertises pour soutenir l’ensemble des réclamations à l’arbitrage ont été engagées de manière légitime et elles étaient pertinentes pour éclairer les points en litige ici ainsi que d’autres aspects du dossier qui n’ont pas fait l’objet du présent arbitrage en raison des admissions faites par l’administrateur et l’entrepreneur en début d’audience. Compte tenu des circonstances du présent dossier, il m’apparait logique et équitable d’en ordonner le remboursement ici.
[94] En revanche, les frais de plomberie ne constituent pas des frais d’expertises et le tribunal n’a pas compétence pour en ordonner le remboursement en vertu du Règlement.
DISPOSITIF ET CONCLUSION
[95] Pour toutes les raisons qui précèdent, le Tribunal :
- Accueille en partie la réclamation des bénéficiaires à l’encontre de la décision rendue par l’administrateur et ordonne en conséquence à l’entrepreneur d’apporter dans le délai imparti les correctifs requis décrits par l’ingénieur Hosseini soit les modifications au système de drainage et l’ajout de cheminées et qu’à défaut par l’entrepreneur de le faire, il y soit procédé par l’administrateur.
- Ordonne à l’entrepreneur d’effectuer ces travaux à un moment à convenir avec les bénéficiaires et au plus tard d’ici la fin mai 2015.
- À défaut par l’entrepreneur de le faire, ordonne à l’administrateur de procéder à ces travaux d’ici la fin juin 2015.
- Déclare en vertu de l’article 124 du Règlement que les frais de 19 275.03 $ encourus par les bénéficiaires seront à la charge de l’administrateur et ordonne à ce dernier de rembourser d’ici le 28 novembre 2014 cette somme aux bénéficiaires.
- Ordonne en conformité de l’article 123 du Règlement que les coûts du présent arbitrage soient à la charge de l’administrateur.
Montréal, le 17 octobre 2014
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Johanne Despatis, avocate
Arbitre