ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (DÉCRET 841-98)
ENTRE :
MADAME CARMEN PROULX
MONSIEUR PIERRE PROULX
(LES « BÉNÉFICIAIRES »)
ET :
LA GARANTIE DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS
NEUFS DE L’APCHQ INC.
(L’« ADMINISTRATEUR »)
ET :
CONSTRUCTION STÉPHANE BÉDARD INC.
(L’« ENTREPRENEUR »)
SENTENCE ARBITRALE
Arbitre : Me Johanne Despatis
Comparutions pour les bénéficiaires : M. Pierre Proulx assisté de :
Mme Carmen Proulx, bénéficiaire
Comparutions pour l’administrateur : Me Luc Séguin, procureur, assisté de :
M. Robert Prud’homme, inspecteur-conciliateur
Date d’audience : 14 juin 2006
Lieu d’audience : Saint-Lazare, Québec
Date de la sentence : 19 juin 2006
I
LE RECOURS
[1] Madame Carmen Proulx et monsieur Pierre Proulx, les « bénéficiaires », contestent en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le « Règlement », les éléments suivants de la décision rendue le 13 février 2006 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., « l’administrateur » :
Réception du bâtiment : Le 20 octobre 2004
Réclamation écrite : Le 7 novembre 2005
[…]
La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut considérer les points 1 à 8 dans le cadre du contrat de garantie :
Concernant les points 1 à 6 qui suivent, nous sommes en présence de situations apparentes qui, contrairement aux exigences de l’article 3.2 du contrat de garantie, n’ont pas été dénoncées par écrit au moment de la réception du bâtiment.
1. Finition de la teinture et du vernis aux escaliers de bois intérieurs
2. Installation des luminaires et prises électriques extérieurs
3. Installation des volets et des éléments décoratifs de ventilation dans les pignons
4. Installation du revêtement de vinyle intérieur
5. Installation de toute la ferblanterie pré peinte à l’extérieur
6. Installation du calfeutrant après la pose du revêtement de vinyle et de la ferblanterie
Concernant le point 7 qui suit, nous devons référer à l’article 4.00 du contrat de garantie, lequel stipule que les créances des personnes qui ont participé à la construction du bâtiment, sont exclues de la garantie.
7. Frais remboursés par les bénéficiaires aux fournisseurs de l’entrepreneur
[...]
Abandon de la réclamation des bénéficiaires pour les points 9 à 11 :
Les bénéficiaires ont abandonné
leur demande de réclamation pour les
points 9 à 11. Par conséquent, la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ n’a
pas à statuer et n’a plus à intervenir pour ces points.
9. Installation des panneaux de verre de la douche de la chambre 1 à l’étage
10. …
11. Installation du drain et du robinet de l’évier de cuisine
[2] Le 6 avril 2006, l’administrateur amendait dans les termes suivants sa décision :
Le présent addenda fait partie intégrante du rapport de décision émis le 13 février 2006.
Il a pour but de rectifier la date de réception du bâtiment, indiquée à notre rapport de décision. Ainsi, on aurait dû lire le 20 octobre 2005 comme date de réception du bâtiment, date à laquelle monsieur Pierre Proulx et madame Carmen Proulx ont procédé à la réception du bâtiment.
Cette date n’a toutefois pas d’incidence quant aux décisions rendues aux points 1 à 8. Ces dernières sont donc maintenues.
[3] J’étais également saisie de la contestation par les bénéficiaires des points 8 Absence de garde-corps à la chambre arrière à l’étage et 10 Réparation du raccordement de la robinetterie de la douche à l’étage. Toutefois, les bénéficiaires ont indiqué en début d’audience que ces points n’étaient plus en litige de sorte que je n’ai pas eu à m’y pencher. Je donne cependant acte de cette déclaration de désistement dans mes conclusions finales.
[4] Construction Stéphane Bédard inc., « l’entrepreneur », dûment convoquée ne s’est pas présentée à l’audience. Il semblerait que cette entreprise ne soit plus en affaire.
II
LES FAITS
[5] Les bénéficiaires ont tracé un bref historique s'échelonnant de la fin septembre à la fin octobre 2005 des événements ayant entouré la réception dans leur nouvelle résidence, située au 2478 de la Place Laurier à Saint-Lazare. Il s’agit d’une nouvelle propriété construite par Construction Stéphane Bédard inc. et couverte par la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, la « Garantie ».
[6] Cette résidence, qui devait leur être livrée pour le 30 septembre 2005, n’était pas terminée à cette date. Toutefois, ne pouvant plus attendre, les bénéficiaires ont dû y emménager le 3 octobre. Encore aujourd’hui, l’extérieur la maison présente toujours l’aspect d’un chantier de construction.
[7] Selon ce que racontent les bénéficiaires, ils ont à plusieurs reprises dans les jours suivants le 3 octobre demandé à l’entrepreneur de compléter un document énumérant la liste des travaux à terminer, ce à quoi ce dernier répondait qu’il apporterait le formulaire nécessaire le lendemain et de ne pas s’inquiéter puisqu’il travaillait toujours sur la maison.
[8] Toutefois, le 12 octobre, l’entrepreneur a déserté les lieux et tout son équipement a disparu. Les bénéficiaires ont vainement tenté de communiquer avec lui mais ses lignes téléphoniques avaient été débranchées.
[9] C’est dans ces circonstances que le formulaire en usage pour formaliser la réception du bâtiment ainsi que celui utilisé pour l’énumération des travaux à parachever n’ont a jamais été complétés et ce, malgré l’insistance des bénéficiaires.
[10] Comment question de fait, les bénéficiaires n’ont jamais non plus obtenu de l’entrepreneur une copie du Contrat de garantie. Ils affirment qu’ils ignoraient au moment où ils ont emménagé que leur problème de parachèvement pouvait être couvert par la Garantie.
[11] Quoi qu’il en soit, agissant sur les conseils d’un avocat, les bénéficiaires ont contacté l’administrateur qui leur a fait parvenir la documentation nécessaire à la présentation d’une réclamation.
[12] Le 24 octobre 2005, les bénéficiaires transmettaient à l’administrateur qui l’a reçue le 7 novembre suivant une demande de réclamation accompagnée d’une liste détaillée des travaux à parachever.
[13] Relativement au point 8 Frais remboursés par les bénéficiaires aux fournisseurs de l’entrepreneur, les bénéficiaires réclament une somme de 7888,63$. Ils racontent avoir éprouvé beaucoup de problèmes avec les sous-traitants de l’entrepreneur suite à la faillite de ce dernier, ce qui leur a entrainé des coûts excédentaires aux sommes que l’entrepreneur devait déjà à ces sous-traitants pour les travaux exécutés. Les bénéficiaires expliquent que le montant réclamé représente ces sommes excédentaires qu’ils ont dues débourser pour s’acquitter des créances dues aux sous-traitants de l’entrepreneur.
[14] Dans leur narration des faits, les bénéficiaires racontent aussi avoir en raison de l’urgence et leur absolue nécessité fait procéder sans plus de délai aux travaux de correction mentionnés aux points 9 Installation des panneaux de verre de la douche de la chambre 1 à l’étage et 11 Installation du drain et du robinet de l’évier de cuisine du rapport. Ils nient toutefois, contrairement à ce que monsieur Prud’homme, inspecteur conciliateur au service de l’administrateur, a écrit dans son rapport, avoir renoncé à leur réclamation à ces sujets.
[15] Les bénéficiaires précisent en effet qu’ayant dû faire effectuer d’urgence les travaux aux points 9 et 11, leur réclamation ne porte évidemment plus sur leur parachèvement même mais plutôt sur le remboursement de son coût, soit pour le point 9, la somme de 1 581.59 $ et pour le point 11 de 77.22 $.
[16] Pour sa part, l’inspecteur-conciliateur Prud’homme explique comment au moment de son inspection des lieux il en est venu à conclure que les points 1 à 6 de la réclamation n’étaient pas couverts par le Règlement, faute à ces yeux d’avoir été dénoncés au moment de la réception du bâtiment, réception qu’il situe au 20 octobre 2005.
[17] Quant au point 7, cet élément est selon lui expressément exclu du Règlement, d’où sa conclusion.
[18] Enfin, interrogé sur sa conclusion relative aux points 9 et 11, monsieur Prud’homme l’explique par sa compréhension des propos que les bénéficiaires lui avaient tenus à ce sujet à l’époque.
IV
ANALYSE ET DÉCISION
[1] Je vais traiter dans l’ordre des points 1 à 6; et ensuite du point 7 pour terminer avec les points 9 et 11.
Points 1 à 6
[2] La première question à décider est celle de savoir si la réclamation des bénéficiaires concernant ces points est conforme aux exigences du Règlement.
[3] Il est admis que les problèmes dénoncés ont trait au parachèvement de travaux au sens du Règlement. Selon le rapport, ces problèmes n’auraient pas été dénoncés au moment de la réception du bâtiment contrairement aux impératifs du Règlement.
[4] Le premier alinéa du premier paragraphe de l’article 10 du Règlement se lit ainsi :
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1. le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
[5] Selon cette disposition, un problème de parachèvement doit être dénoncé par écrit à la réception du bâtiment ou dans les trois jours qui suivent si le bénéficiaire n’y a pas encore emménagé. Un formulaire prescrit à cette fin par l’administrateur doit alors être complété et signé par les bénéficiaires et l’entrepreneur.
[6] Selon la preuve non contredite, l’entrepreneur s’est comporté en irresponsable en désertant le chantier et en laissant une maison inachevée sans que l’on n’ait jamais procédé à une quelconque inspection des lieux et encore moins à une inspection formelle à partir de quelque liste préétablie par l’administrateur où on aurait pu noter tous les travaux à parachever.
[7] Le témoignage des bénéficiaires à cet égard est éloquent et il n’est aucunement contredit : les raisons et les circonstances de l’absence de formulaires de réception du bâtiment et de déclaration de fin des travaux tiennent entièrement à l’entrepreneur qui ne s’est pas montré davantage responsable à cet égard que dans le reste. L’entrepreneur n’a non plus jamais remis aux bénéficiaires de copie du Contrat de garantie.
[8] Avec égards, le refus de l’administrateur d’assumer le parachèvement des travaux mentionnés aux points 1 à 6 au motif de l’absence de dénonciation au moment de la réception n’est pas fondé ne serait-ce que parce que l’absence de dénonciation invoquée est entièrement due à l’entrepreneur qui s’est volontairement et sciemment soustrait à ses obligations en se comportant d’une façon équivalent à de la fraude et de la mauvaise foi.
[9] Au-delà des formulaires, la preuve révèle que les problèmes dont il s’agit ont été dénoncés dans une lettre datée du 24 octobre 2005 et reçue par l’administrateur le 7 novembre suivant alors que la réception du bâtiment, si on peut l’appeler ainsi, avait eu lieu le 20 octobre 2005. En effet, dans les jours qui ont suivi la disparition de l’entrepreneur, les bénéficiaires se sont renseignés et ont aussitôt communiqué avec l’administrateur à qui ils ont sans délai transmis une réclamation détaillée.
[10] Le Règlement définit à son article 8 la réception du bâtiment comme étant: « l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel on le destine et qui indique, le cas échéant, les travaux à parachever ou à corriger. »
[11] Avec égards, la réception dont il s’agit à cette disposition revêt un certain caractère formel et cet « acte » n’a jamais eu lieu ici malgré les demandes répétées des bénéficiaires. Ces derniers n’ont été ni négligents ni nonchalants. Ils ont emménagé comme ils ont pu le 3 octobre et insisté à plusieurs reprises auprès de l’entrepreneur pour procéder dans les formes que lui-même leur demandait de suivre. Puis, l’entrepreneur disparait, sans même leur avoir jamais fourni une copie du Contrat de garantie.
[12] D’une part, l’article 137 du Règlement exige que l'entrepreneur remette « au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé … ». Il ne l’a pas fait. À l’article suivant, il est clairement stipulé que le « bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé. » Ainsi, puisque les bénéficiaire n’ont, selon la preuve non contredite, jamais eu ce double, cela signifie que leurs propres obligations liées à cette condition étaient donc suspendues jusqu’à son avènement.
[13] D’autre part, l’article 116 du Règlement demande que l’arbitre « statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. »
[14] Ainsi, aussi bien en droit qu’en équité, j’estime qu’il serait tout à fait contraire au Règlement et inéquitable que les bénéficiaires se voient opposés des formalités normalement destinées à faire apparaitre le droit et à assurer l’équité en raison du comportement inacceptable de l’entrepreneur. Après tout, le Règlement existe notamment pour prémunir les bénéficiaires contre des situations de cet acabit.
[15] Pour toutes ces raisons, j’accueille la demande relative aux points 1 à 6 et ordonne à l’administrateur de procéder aux travaux de parachèvement qui y sont mentionnés.
Point 7
[19] Essentiellement, les bénéficiaires demandent que j’ordonne à l’administrateur de leur rembourser des sommes excédentaires au contrat de construction, sommes qu’ils ont dues débourser pour s’acquitter des créances dues aux sous-traitants de l’entrepreneur suite à la faillite de ce dernier.
[20] Peut-être les bénéficiaires auraient-ils un recours ailleurs mais, avec égards, le Règlement ne contient aucune disposition qui me permette de faire droit à une telle demande.
Points 9 et 11
[21] L’administrateur ne s’est pas prononcé sur le bien-fondé de ces deux réclamations en raison de sa méprise apparente sur le sens des propos des bénéficiaires au moment de son inspection.
[22] Selon la preuve prépondérante, ces réclamations n’ont pas été abandonnées. Cela dit, l’administrateur ne s’est jamais prononcé sur leur bien fondé. Il y a donc lieu d’ordonner que ces réclamations soient traitées et soient l’objet d’une décision de l’administrateur.
[23] Cela dit, je m’abstiendrai donc de me prononcer sur le bien fondé des réclamations. L’administrateur devra rendre une décision sur ces deux points en conformité du Règlement et les recours des bénéficiaires seront réservés par la suite s’ils ne sont pas satisfaits de la décision de l’inspecteur.
III
CONCLUSION ET DISPOSITIF
[24]
Pour toutes les raisons qui précèdent les réclamations concernant les
points 1, 2, 3, 4, 5
et 6 sont accueillies. J’ordonne donc en conséquence à l’administrateur de
procéder :
- à la finition de la teinture et du vernis aux escaliers de bois intérieurs
- à l’installation des luminaires et prises électriques extérieurs
- à l’installation des volets et des éléments décoratifs de ventilation dans les pignons
- à l’installation du revêtement de vinyle intérieur
- à l’installation de toute la ferblanterie pré peinte à l’extérieur
- à l’installation du calfeutrant après la pose du revêtement de vinyle et de la ferblanterie
[25] J’ordonne à l’administrateur de procéder à ces travaux dans un délai raisonnable à convenir avec les bénéficiaires. A défaut d’accord, je déterminerai moi-même cette échéance sur demande de l’une ou l’autre partie.
[26] En revanche, la réclamation concernant le point 7 est rejetée.
[27] Je prends acte du désistement des bénéficiaires à l’égard des points 8 et 10.
[28] Concernant les points 9 et 11, j’ordonne à l’administrateur, de voir à rendre une décision sur ces points en conformité du Règlement dans un délai raisonnable et je réserve les droits des bénéficiaires de contester les conclusions à venir de l’administrateur sur ces points conformément aux dispositions du Règlement.
[29] Conformément aux dispositions du Règlement, les coûts des présentes sont à la charge de l'administrateur.
Montréal, le 19 juin 2006
Johanne Despatis, avocate
Arbitre