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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

         GAMM 2006-19-005                 APCHQ :        037490-1

                                                                                                              115749-1

Date :

1er novembre 2007

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DEVANT L’ARBITRE :

JEAN MORISSETTE

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RALPH GALLE

Et

ANNA LIBERTA

Bénéficiaires

Et

SOLICO INC.

Entrepreneur

Et

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

Administrateur de la Garantie

 

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SENTENCE ARBITRALE

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[1]    Il s’agit d’une demande d’arbitrage des bénéficiaires qui contestent les décisions de l’Administrateur  de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. du 28 mars 2007.  Une décision concerne le 1206, rue Notre-Dame-de-Fatima et l’autre, le 1680 de la même rue, à Laval;

PRÉLIMINAIRES

[2]    Les personnes sont informées du processus judiciaire qui encadre l’audition de ce dossier et fait suite à la première journée d’audition du 1er août 2007;

[3]    Les parties reconnaissent ma compétence pour entendre, siéger et décider du présent litige soumis par avis d’arbitrage des bénéficiaires du 20 avril 2007;

[4]    Les parties reconnaissent l’authenticité des documents apparaissant au cahier des pièces produit par l’administrateur, pièces A-1 à A-16;

[5]    Les témoins ont été assermentés;

DÉLAI DE DÉNONCIATION

[6]    Puisque tous les points inscrits à la décision de l’administrateur concernent le défaut de lui avoir dénoncé les problèmes soulevés, je dois d’abord répondre à la question suivante :  Est-ce que les dénonciations des bénéficiaires ont été faites dans les délais prévus au contrat de garantie?

[7]    L’administrateur conteste le respect de dénonciation dans un délai raisonnable n’excédant pas six (6) mois puisqu’à la face même des pièces à son cahier, il appert que les désordres étaient connus depuis avril 2005 (pièces A-4 et A-12) alors qu’il n’a été avisé de ces plaintes qu’en août 2006 (pièces A-5 et A-13);

[8]    Afin de déterminer le délai dans lequel le bénéficiaire doit dénoncer une malfaçon, un vice caché ou majeur, je dois déterminer :

i)                  La date de la découverte du désordre et de la prise de possession, et

ii)                Si, au moment de cette découverte, le bénéficiaire avait l’obligation de dénoncer à l’entrepreneur et à l’administrateur ce désordre;

[9]    Ce questionnement en deux volets m’est apparu important puisque la preuve des contrats intervenus entre le bénéficiaire et l’entrepreneur est incomplète dans le cahier de pièces de l’administrateur;

[10]            Selon le témoignage non contredit de Ralph Galle, aucun autre document que les contrats préliminaires, pièce B-1 et B-2, ne lui aurait été remis;

[11]            Lorsque des contrats de garantie, pièces A-17 et A-18 lui sont montrés, il y reconnaît sa signature et celle de son épouse mais dit ne pas en avoir de copie.  Sur l’insistance et la demande des autres parties, il effectuera une vérification de son dossier et ne retrouvera pas de copie de ces contrats;

[12]            Madame Chantal Beauregard, pour l’entrepreneur, nous explique qu’effectivement, ces contrats de garantie A-17 et A-18 n’ont pas été transmis à l’administrateur du plan de garantie;

[13]            Cette situation est confirmée par l’absence de copie de ces contrats dans le cahier de pièces de l’administrateur et la déclaration qu’une recherche pour les trouver n’a pas donné de résultat dans les bureaux de l’administrateur.  Je souligne que les copies des contrats préliminaires dans le cahier de l’administrateur ne contiennent pas toutes les pages de ce document et que ce sont les bénéficiaires qui nous remettent  l’entier de cette entente;

[14]            À la lecture de ces formulaires-types, il appert que le contrat préliminaire est un contrat de construction alors que le contrat de garantie détaille les obligations respectives des parties aux présentes, dans le cadre de la couverture et du mécanisme de mise en vigueur de la protection en cas de découverte d’un manquement de l’entrepreneur à ses allégations légales ou contractuelles;

[15]            Les parties signataires sont liées et l’administrateur, par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.0.2) , est aussi lié par le contenu de ces contrats, devient l’administrateur de ce plan de garantie;

[16]            C’est au contrat de garantie, pièces A-17 et A-18 que les bénéficiaires trouveront leurs diverses obligations, dont celles qui les obligent à dénoncer la découverte d’un désordre à l’entrepreneur et à l’administrateur, par écrit, dans un délai raisonnable de leur découverte et qui ne peut excéder six (6) mois (art. 3.2, 3.3 et 3.4 du contrat de garantie);

[17]            Madame Chantal Beauregard nous dit qu’elle a fait signer ces contrats à l’époque où elle faisait des vérifications administratives pour compléter les formulaires de contrat que l’entrepreneur n’avait pas complété et devait remettre à l’administrateur.  Elle a trouvé les contrats de garantie, pièces A-17 et A-18 dans les dossiers de l’entrepreneur, son employeur, mais n’a aucune preuve qu’une copie aurait été donnée aux bénéficiaires;

[18]            Le contrat A-18 pour le lot 2 643 065 (1676-1678-1680 et 1682) est signé le 4 juillet 2003, après le contrat notarié de vente, pièce A-10, du 5 février 2003 et qui concerne cet immeuble;

[19]            Ces contrats A-10 et A-18 sont issus du contrat préliminaire, pièce B-1 du 31 janvier 2002.  Le contrat de garantie est signé après la prise de possession du bâtiment sujet de la garantie;

[20]            Le contrat de garantie, pour le  lot 2 639 208, pièce A-17 du 8 novembre 2001, est intervenu avant le contrat notarié du 17 novembre 2003, pièce A-2.  Il a la même date que le contrat préliminaire B-2, mais ne coïncide pas dans la description de l’immeuble;

[21]            La lecture de ce contrat notarié, pièce A-2, nous indique qu’il s’agit d’un contrat de vente du terrain et aucune mention du bâtiment n’est faite;

[22]            Le surlignage apparent apposé sur les contrats de garantie A-17 et A-18 est expliqué par Madame Beauregard.  Elle nous dit que ces indications montraient les informations à compléter ou des signatures à obtenir;

[23]            Les certificats d’enregistrement du bâtiment émis par l’administrateur, pièces A-3 et A-11, n’ont pas de date et les montants de garantie y apparaissant ne coïncident avec aucun montant de vente ou prix de la construction;

[24]            Ces divers éléments sont suffisants pour considérer qu’il y a un début de preuve par écrit qui permet de contredire les écrits A-17 et A-18 dans lesquels existe la mention que l’entrepreneur affirme avoir remis une copie du contrat de garantie aux bénéficiaires;

[25]            Dans la partie du contrat de garantie, pièces A-17 et A-18, intitulée « Règles relatives au contrat de garantie », on y lit :

‘’1. L’entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l’administrateur.

2. Le bénéficiaire n’est tenu à l’exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l’entrepreneur qu’à compter du moment où il est en possession d’un double du contrat de garantie dûment signé.’’

[26]            Les articles 137 et 138 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs desquels sont issus ces articles du contrat de garantie mentionnent :

« 137.   L'entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l'administrateur.

 

138.   Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé. »

[27]            De plus, dans la présente affaire, il y a absence du formulaire étape 5 qui sert de date de la réception du bâtiment et je dois considérer les contrats notariés pour en venir à déterminer une date de prise de possession.   À l’examen des contrats notariés de cession des bâtiments, je conclus que les bénéficiaires ont pris possession et ont occupé le 17 novembre 2003 pour les 1706, 1708 et 1710 Notre-Dame de Fatima et le 5 février 2003 pour le 1680, 1682 et 1684, Notre-Dame de Fatima;

[28]            Le fait que les bénéficiaires prennent possession de leur bâtiment  à une date donnée est-il suffisant pour fixer dans le temps le défaut de la mise en application des délais de garantie?  Je ne le crois pas et en voici l’explication;

[29]            À maintes reprises, des décisions ont interprété le contrat de garantie comme un contrat réglementé, c’est-à-dire, un contrat soumis à un cadre légal qui oblige les co-contractants à une rigueur dans le respect des conditions d’application de la garantie; [1]

[30]            J’estime que cette rigueur doit aussi être respectée dans le processus de mise en vigueur du contrat de garantie et des obligations qui en découlent;

[31]            Il m’apparaît inconcevable de refuser la couverture de la garantie à des bénéficiaires pour défaut d’avis écrit, sans la preuve que les conditions les forçant à dénoncer par écrit le désordre découvert ont été respectées;

[32]            Les termes de l’article 137 et 138 du Règlement sont sans équivoque.  Les bénéficiaires auraient dû recevoir une copie du contrat de garantie.  La preuve prépondérante est à l’effet qu’ils n’ont pas reçu la copie de leur contrat de garantie qui a été déposée par le représentant de l’entrepreneur et qui n’a pas été transmise à l’administrateur;

[33]            L’article 138 ne parlant que de l’entrepreneur est-il opposable à l’administrateur du plan de garantie?

[34]            La section IV du Règlement intitulée « Règles relatives aux contrats de garan-tie » donne toute la dimension du contrat de garantie qui intervient entre les parties;

[35]            L’article 140 confère au Règlement son caractère d’ordre public lorsqu’il édicte que le bénéficiaire ne peut, même par convention particulière, renoncer aux droits qui y sont détaillés;

[36]            De même, l’article 139 édicte que le contrat de garantie doit être conciliable avec le Règlement et que toute clause qui ne l’est pas est nulle;

[37]            Ainsi, lorsque je lis à l’article 136 que la signature apposée par l’entrepreneur lie l’administrateur, qu’il agit comme le représentant de l’administrateur du contrat de garantie;

[38]            Je conclus que l’obligation de dénoncer à l’entrepreneur et à l’administrateur, la découverte d’un désordre dans un délai raisonnable ne pouvant excéder six (6) mois, est en vigueur du moment qu’un bénéficiaire est en possession du contrat de garantie dûment signé;

[39]            De plus, le Règlement est rédigé de manière à ce que l’administrateur prenne fait et cause pour l’entrepreneur advenant sa dissolution, sa déconfiture ou s’il ne respecte pas le plan de garantie;

[40]            Ainsi, toute défaillance de l’entrepreneur sera à la charge de l’administrateur, entendu que cette défaillance soit sujette à la couverture du plan;

[41]            La règle de droit «  Non addiplendi contractus » qui gouverne les relations et obligations légales des parties est bien connue dans notre droit civil québécois.  L’une des parties au contrat de garantie ne peut reprocher à l’autre de ne pas avoir respecté ses obligations si elle même ou son représentant n’a pas respecté les siennes;

[42]            En terminant, j’ajoute qu’il m’apparaît aller à l’encontre de l’esprit du Règlement, du bons sens et de l’équité de décider que l’obligation d’aviser par écrit l’entrepreneur n’est pas en vigueur pour défaut de remettre une copie du contrat de garantie et d’accepter que cette obligation est valide sans le besoin de respecter cette obligation pour l’administrateur, alors que les bénéficiaires n’ont pas le document qui leur donne les explications de la procédure de mise en application du plan de garantie;

 

POUR ET PAR CES MOTIFS :

ACCUEILLE l’avis d’arbitrage du 20 avril 2007 des bénéficiaires;

REJETTE les arguments de l’administrateur quant au défaut de dénonciation;

RETOURNE les plaintes des bénéficiaires à l’administrateur pour qu’elles soient traitées et qu’une décision au fond soit rendue sur les demandes du 24 août 2006 des bénéficiaires;

Conformément à l’article 139 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’administrateur;

ORDONNE aux parties de s’y conformer.

 

JEAN MORISSETTE

Arbitre

 

M. Ralph Galle

Pour les bénéficiaires

 

Mme Chantal Beauregard

Pour l’entrepreneur

 

Me Patrick Marcoux

Pour l’administrateur

 

Date d’audience :

2 octobre 2007

 



[1]     À titre d’exemple :  Paul Blanchette Constructon et Daniel Letiecq et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., no de l’APCHQ : 025391