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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

GAMM   :    2009-09-003

                         APCHQ :     044679-3  (09-103 FL)

 

 

ENTRE :

 

SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ LES JARDINS DU PARC

                                                                                               (ci-après le « bénéficiaire »)

 

ET :

 

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ

                                                                                                            (ci-après l’« administrateur »)

 

 

 

 

DEVANT L’ARBITRE :

 Me Johanne Despatis

 

 

Pour le bénéficiaire :                                                    

M. Daniel Tardif, gestionnaire

 

Pour l’administrateur                                                    

Me François Laplante, (Savoie Fournier), procureur

Lieu de l’audience                                                         

Montréal

Date de l’audience                                                       

8 décembre 2009

Dates de réception de correspondance :

10 et 23 décembre 2009

Date de la sentence                                                     

28 janvier 2010

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Adjudex inc.

0903-8324-GAMM

SA 8071

INTRODUCTION

[1]               Cette sentence décide du recours institué par le Syndicat de la copropriété Les Jardins du Parc, le bénéficiaire, qui contestait à l’origine, en vertu de l’article 35 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Plan, plusieurs éléments d’une décision rendue le 1er décembre 2008 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, l’administrateur, suite à des réclamations relatives aux parties communes de son immeuble détenu en copropriété construit par Le Groupe Trigone Construction inc., l’entrepreneur.

[2]               Disons tout de suite que l’administrateur a rejeté les points initialement ou ultimement contestés devant moi pour le motif suivant :

ANALYSE ET DÉCISION (…) :

On constate que les points (…) ont été dénoncés par écrit dans la cinquième année de la garantie laquelle porte sur les vices majeurs.

Or, l’administrateur est d’avis que ces points ne rencontrent pas les critères du vice majeur.

Par conséquent, l’administrateur doit rejeter la demande de réclamation du syndicat à l’égard de ces points.

 

[3]               Afin de faciliter la compréhension de cette sentence, j’indiquerai par groupe quels éléments faisaient partie de la demande d’arbitrage du bénéficiaire et ce qui en est advenu.

[4]               D’abord, je signale que j’étais au début saisie de la contestation notamment des points suivants :

8. Structure des balcons réalisée en bois non traité;

10. Infiltration d’eau près de la porte d’entrée dans la salle d’ordinateur au 9718;

16. Rétention d’eau sur le balcon du 9702;

17. Infiltration d’eau sur le plancher du module de rangement extérieur du 9718 (en hiver)

18. Joints de mortier fissurés aux deux coins supérieurs de la façade ouest (façade latérale gauche lorsque vue à partir de la façade principale).

 

[5]                Le bénéficiaire a indiqué en cours d’audience que les points énumérés au paragraphe précédent étaient retirés de sa demande, ces éléments ayant été corrigés lors de travaux faits par les soins de l’administrateur relativement à des éléments couverts par le Plan et non en litige. Il n’y a donc pas lieu d’y revenir.

[6]               J’étais également saisie de la contestation du point 15. Défaut d’équerre des portes fenêtres des unités 9698, 9704, 9720. Il a été convenu en cours d’audience de laisser ce point en suspens afin que des vérifications soient faites par l’administrateur et le bénéficiaire. Ce point demeure donc en veilleuse.

[7]               À la fin de l’audience, les points dont j’étais saisie et qui demeuraient en litige étaient les suivants :

9. Infiltration d’eau au 9694 à la salle d’ordinateur (au centre du plancher) et dans le rangement extérieur;

12. Position des conduits d’évacuation des sèche-linge dans les soffites; 

13. Pentures des portes des modules de rangement rouillées; 

14. Absence de coupe-froid aux portes des modules de rangement extérieur; 

20. Appui incorrect des cinq escaliers de béton en façade; 

21. Risque de dégradation de la menuiserie sous-jacente derrière le revêtement en aluminium des fenêtres en baie; 

22. Absence de solin intra mural et de chantepleures au-dessus des deux fenêtres en demi-lune en façade;

23. Absence de membrane d’étanchéité sous le revêtement de toiture métallique en façade occasionnant des écoulements d’eau derrière les gouttières et derrière les rebords de toitures (constaté au 9700 et au 9706);

27. Bardeaux de toiture non conformes dans les versants de faible pente - absence de membrane autocollante sous-jacente à certains endroits;

28. Aucune membrane autocollante au bas des pentes de toit arrière;

29. Ventilation déficiente aux lucarnes (non reliée au comble principal);

31. Pare-vapeur non scellé au conduit d’évent du 9715;

32. Doute sur la qualité de la ventilation des combles; 

33. Évents maximum non centrés sur le toit et 

34. Infiltration d’eau dans le rangement extérieur sur le balcon au 9694.

 

[8]                L’instruction de l’audience a donc porté sur tous ces points non autrement réglés, abandonnés ou mis en veilleuse de la façon indiquée déjà.

[9]               Toutefois, le bénéficiaire devait faire savoir en cours de délibéré que l’étendue de sa demande était à nouveau modifiée et que celle-ci était ramenée aux seuls points 21, 27 et 28. Il écrit le 23 décembre 2009 :

La direction du Syndicat de copropriétés au nom de ses 15 copropriétaires revendique essentiellement trois points en litige, soit les points 21, 27 et 28 (…). Les 3 points précédents ont été admis par l’expert de l’APCHQ Monsieur Fortin architecte et par notre propre expert Monsieur Séguin technologue en architecture, que les 3 points ne respectent pas les normes du Code du bâtiment du Québec.

Le Syndicat n’a pas démontré qu’après 6 ans de sa construction, l’immeuble ne présente pas de dommages partiels ou majeurs. Dans les trois cas, le Syndicat auraient dû engager des frais pour ouvrir les murs et enlever des bardeaux d’asphalte, soient de procéder à des essais « destructifs ». Les frais engagés par le Syndicat étaient déjà assez élevés.

Cependant, considérant que les éléments du point # 21 « Menuiserie sous-jacente aux deux fenêtres, des condos 9702 et 9714 » et les points # 27 et
# 28 concernant les « bardeaux d’asphalte » verront leur durée de vie réduite de façon significative, la NORME minimale du Code du bâtiment, n’étant pas respectée. Le respect des normes en général permet aux ouvrages de maintenir leur durée vie prévue.

Le non respect des normes sur ses 3 éléments va entrainer à brève échéance, peut être 5 à 8 ans plus tôt, la sortie d’argent (frais de prévoyance) pour refaire la menuiserie sous les deux fenêtres 9702 et 9714 et la réfection complète des bardeaux d’asphalte recouvrant le toit de l’immeuble.

Le Syndicat vous demande  à ce que les NORMES minimales du bâtiment soient respectées sur ses trois éléments et que l’APCHQ entreprenne dès le printemps 2010, l’application des NORMES sur les points 21, 27 et 28.

 

[10]           Cette position revue du Syndicat n’est pas surprenante outre mesure puisque déjà au moment des plaidoiries, monsieur Daniel Tardif, représentant du bénéficiaire et gestionnaire de l’immeuble depuis juin 2009, avait déclaré que l’audience avait été fort instructive en ce sens qu’elle lui avait permis de réaliser et de mieux comprendre la portée relative du Plan et ses limites, particulièrement quant au fait, comme on le verra plus loin, que des réclamations puissent être rejetées faute d’avoir été formulées dans un délai donné. Déjà à ce moment monsieur Tardif avait plaidé toutefois qu’il estimait que les réclamations 21, 27 et 28 devaient être accueillies nonobstant la question des délais vu qu’elles visaient des problèmes considérés et reconnus comme des contraventions au Code national du bâtiment.

[11]           Quoi qu’il en soit, j’ai déduit de son envoi que le bénéficiaire se démettait des autres points que j’avais mis en délibéré et que je n’avais donc plus à me prononcer sur ces derniers. J’ai donc jugé à-propos afin d’éviter d’alourdir inutilement le dossier de ne pas me pencher plus longuement sur ces points.

 

LES FAITS

[12]           Les trois réclamations du bénéficiaire visent les parties communes d’une copropriété construite par l’entrepreneur dont il est admis qu’elle est couverte par le Plan.

[13]           Selon la documentation au dossier, une inspection préalable à la réception des parties communes, une démarche requise par le Plan, est réalisée le 3 octobre 2003 par l’architecte Pierre Normandeau. Bien qu’aucune preuve n’ait été présentée à cet égard, les parties conviennent que la réception du bâtiment n’était pas une question en litige. La date de celle-ci, toujours selon la documentation au dossier, coïncide avec celle de la fin des travaux relatifs aux parties communes.

[14]           L’examen du dossier révèle qu’en 2006 une première réclamation est présentée par le bénéficiaire à l’administrateur. Elle concerne notamment des infiltrations d’eau qui donnent éventuellement lieu à des travaux correctifs menés par les soins de l’administrateur.

[15]           Subséquemment, en mai 2008, devant l’imminence de l’expiration de la période de garantie de cinq ans, le bénéficiaire retient les services de la firme Ingétec. Celle-ci reçoit notamment le mandat de procéder à une inspection exhaustive du bâtiment et de répertorier les problèmes nécessitant des correctifs.

[16]           Le rapport d’Ingétec est signé par le technologue en architecture Dominic Séguin qui y répertorie une série de problèmes. Le document est acheminé à l’administrateur le 28 mai 2008 pour valoir à titre de dénonciation de ces problèmes que le bénéficiaire juge couverts par le Plan.

[17]           Monsieur Jacques Fortin, architecte et conciliateur au service de l’administrateur, procède à une première visite des lieux le 28 octobre 2008 et fait rapport le 1er décembre 2008. Insatisfait, le bénéficiaire se pourvoit en arbitrage; d’où les présentes.

[18]           Je résume dans les paragraphes qui suivent les éléments de preuve présentés à l’égard des points demeurés en litige. 

Point 21 : Risque de dégradation de la menuiserie sous-jacente derrière le revêtement en aluminium des fenêtres en baie.

[19]           Comme signalé au départ, le rapport de monsieur Fortin n’a pas considéré ce point couvert par le Plan. Il s’agissait, selon lui, d’une malfaçon non dénoncée en temps opportun comme l’exige le Plan. Tout en convenant de la matérialité du problème et que la situation dénoncée contrevient aux normes de construction, monsieur Fortin y voit une malfaçon mais non un vice de construction au sens du Plan. Selon lui, puisque plus de cinq ans se sont écoulés depuis la construction, s’il s’était agi d’un vice majeur, il y aurait eu dégradation et dommages. Or, dit-il, rien de tel ici; d’où sa conclusion.

[20]           Pour sa part, monsieur Séguin décrit ainsi la situation dans son rapport :

Nous avons observé la présence d’un pare-air derrière le revêtement d’aluminium des fenêtres à baie. Cependant, toutes les pièces d’aluminium constituant le revêtement sont scellées entre elles; l’eau qui parvient à s’accumuler derrière le revêtement (pluie ou condensation) ne peut être évacuée en raison du scellant. Il y a risque de dégradation de la menuiserie sous-jacente.

 

[21]           Il recommande ainsi de s’assurer que le scellant en place n’obstrue pas l’écoulement de l’eau, scellant qui devra être entretenu adéquatement.

[22]           À l’audience, monsieur Séguin reprend essentiellement ce qu’il écrit dans son rapport et qualifie lui aussi le problème de malfaçon. On a, dit-il, posé à cet endroit, et scellé, un revêtement empêchant que l’eau qui s’y infiltre puisse en ressortir. Selon lui, cette façon de faire est contraire aux normes de construction et elle doit être corrigée afin d’éliminer le risque ultérieur d’infiltration d’eau. Il convient cependant ne pas avoir observé de signes de dégradation ni d’infiltration d’eau.

Point 27. Bardeaux de toiture non conformes dans les versants de faible pente - absence de membrane autocollante sous-jacente à certains endroits

Point 28. Aucune membrane autocollante au bas des pentes de toit arrière.

[23]           Comme déjà mentionné, monsieur Fortin a considéré ces points exclus de la couverture du Plan, s’agissant, selon lui, de malfaçons non dénoncées en temps opportun.

[24]           Concernant le point 27, monsieur Fortin réitère à l’audience la position exprimée dans sa décision ajoutant n’avoir constaté aucune dégradation à l’intérieur de l’immeuble.

[25]           Concernant le point 28, il affirme qu’une seule infiltration d’eau a été observée, dans l’unité 9694 par ailleurs située au rez-de-chaussée de l’immeuble qui comporte trois étages. Selon lui, cette situation n’était pas reliée au problème du toit puisque, d’une part, l’eau observée s’était en fait accumulée au centre d’une pièce et non le long d’un mur extérieur; et puisque, d’autre part, les deux unités situées immédiatement au-dessus de l’unité 9694 n’avaient pas elles-mêmes subi d’infiltration.

[26]           Monsieur Fortin affirme en outre n’avoir aperçu dans l’entretoit ou dans les cabanons de trace d’infiltration d’eau, ni quelque autre dommage, susceptibles d’avoir résulté des malfaçons observées aux points 27 et 28.

[27]           En somme, selon monsieur Fortin, bien qu’il y ait là malfaçons, celles-ci ne constituent pas des vices majeurs au sens du Plan. En effet, dit-il, bien qu’elles remontent à six ans, celles-ci n’ont entrainé aucun dommage, ni dégradation et encore moins, la perte de l’immeuble.  Cela dit, monsieur Fortin reconnait que si ces deux éléments avaient été dénoncés dans la première année suivant la réception des parties communes, ils les auraient reconnus comme couverts par le Plan et aurait ordonné qu’ils soient corrigés.

[28]           Pour sa part, l’expert Séguin écrit dans son rapport au sujet des points en question :

Des sections arrière de toiture ont une pente faible et ne peuvent être recouvertes uniquement de bardeaux d’asphalte. Une membrane autocollante a été posée sous le bardeau de ces sections de toiture mais elles ne remontent que de 12’’ sur le versant principal. De plus, la membrane de ces sections à faible pente et du versant principal : le bardeau fissure à cet endroit. Finalement, le type de bardeau utilisé sur les sections à pente faible est un bardeau pour pente courante (pente minimale 1 : 3 et plus) et non pour pente faible (pente minimale 1 :6). Cela contrevient au Code national du bâtiment (art. 9.26.3.1 et 9.26.8. CNB).

[…]

Il n’y a aucune membrane autocollante au bas des pentes arrière. Cela contrevient au Code national du bâtiment (art. 9.26.5.1 CNB) qui stipule que les débords de toit doivent être protégés par un revêtement de protection.

 

[29]           Sans pouvoir l’affirmer, l’expert Séguin estime que l’absence de membrane aux endroits décrits pourrait expliquer les infiltrations d’eau observés. Il reconnait toutefois qu’il n’y a pas là risque de perte ni totale ni même partielle de l’ouvrage. Il réitère néanmoins que ces situations, qualifiées de contraires au Code national du bâtiment, réduiront la durée de vie du toit qui ne sera pas de 25 ans mais peut-être de 15.

[30]           Finalement, monsieur Tardif, affirme dans son témoignage avoir pour sa part aperçu durant l’hiver des amoncellements de glace sur le toit en raison de sa trop faible pente.

 

ANALYSE ET DÉCISION

[31]           Cette sentence porte sur les points 21, 27 et 28 de la décision rendue par l’administrateur le 1er décembre 2008. 

[32]           Le Plan énonce et encadre les obligations respectives de l'entrepreneur et de l’administrateur envers le bénéficiaire. C’est donc en vertu du Plan qu’il me revient de déterminer les droits et obligations de chacun. En l’espèce, les manquements reprochés visent des parties communes d’une copropriété.

[33]           Il y a lieu dans un premier temps de rappeler l’étendue des obligations de l’entrepreneur, et le cas échéant de l’administrateur, relativement aux parties communes d’une copropriété. L’article 27 du Plan stipule :

27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :

1. le parachèvement des travaux dénoncés par écrit :

a) par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

b) par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes;

2. la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

3. la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

4. la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les trois ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

5. la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à  l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

[34]           Ainsi, selon cette disposition, l’administrateur assume à l’égard du bénéficiaire les obligations légales ou contractuelles de l'entrepreneur si celui-ci n'y satisfait pas et ce, à l’intérieur des limites définies au Plan.

[35]           En effet, le Plan délimite l’étendue de la couverture relative aux parties communes d’une copropriété après leur réception. Cette couverture est ramenée à quatre circonstances.

[36]           La première vise le parachèvement des travaux et les malfaçons apparentes qui concernent ces parties communes et qui sont dénoncés au moment de leur réception.

[37]           La seconde vise les malfaçons cachées originant des parties communes, i.e. à celles résultant d’une déficience d’un des matériau ou de l’exécution des travaux de construction, en autant que ces malfaçons cachées aient été découvertes dans l’année suivant la date de réception des parties communes et aient été dénoncées dans un délai raisonnable ne pouvant excéder six mois.

[38]           La troisième concerne les vices cachés, i.e. ceux qui rendent le bien impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus (article 1726 du Code civil du Québec), en autant que ces vices soient découverts dans les trois ans suivant la réception et dénoncés en conformité du Plan dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois de leur découverte.

[39]           Finalement, la quatrième couvre les vices de construction affectant les parties communes dès lors qu’on les découvre dans les cinq ans suivant la date de fin des travaux et qu’ils sont dénoncés en conformité du Plan.

[40]           C’est donc là l’étendue de la protection offerte par le Plan relativement aux parties communes d’une copropriété après leur réception. Ainsi, communément, en outre de la garantie applicable au moment de la réception des parties communes, le Plan comporte trois garanties dont la durée respective est de un an (pour les malfaçons non apparentes), trois ans (pour les vices cachés) et cinq ans (pour les vices de construction). En substance, malfaçon, vice caché et vice de construction sont des notions voisines qui se distinguent entre elle essentiellement par leur gravité relative.

[41]           Ainsi, on le voit, la présence d’une malfaçon, apparente ou non, d’un vice caché et même d’un vice de construction n’est pas suffisante à elle seule pour ouvrir droit à un recours en faveur d’un bénéficiaire. Il faut aussi que le problème soit découvert puis dénoncé, à l’administrateur et à l’entrepreneur, et dans les délais prescrits.

[42]           En l’espèce, les problèmes en litige n’ont été découverts et dénoncés qu’au terme de la cinquième année de garantie, donc alors que les couvertures de garantie offertes par le Plan contre les malfaçons, soit un an suivant la réception, et contre les vices cachés, soit trois ans suivant la réception, étaient déjà expirées. Ne restait plus comme garantie possible pour le bénéficiaire en vertu du Plan que celle contre les vices de construction. C’est ce qui explique pourquoi l’administrateur, à bon droit, s’est appliqué à examiner les réclamations sous le seul angle de la garantie contre les vices de construction et exclu de le faire sous l’angle des malfaçons ou des vices cachés, les périodes couvrant ces deux dernières garanties étant terminées.

[43]           La notion de vice de construction affectant une partie commune d’une copropriété couverte par le Plan provient de l'article 2118 du Code civil du Québec qui dispose :

À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol. 

[Caractères gras ajoutés]

 

[44]           Dans Gérard Goulet inc. c. S.M. Constructions commerciales et installations pétrolières inc., AZ-50331285 , la Cour du Québec écrit : [paragraphes 19 et ss]

[19] Quant à l’article 2118 C.c.Q., il vise la perte, totale ou partielle, de l’immeuble qui résulte d’un des vices qui y est mentionné.  Outre le titulaire de la garantie et le débiteur visé, trois conditions sont nécessaires pour la mise en œuvre de la présomption de responsabilité qui y est prévue, comme le soulignent les auteurs Baudouin et Deslauriers :

« 1608 - Mise en application - Outre les conditions relatives aux personnes visées et aux titulaires de la présomption, trois autres éléments essentiels doivent être réunis pour mettre en œuvre le régime de responsabilité prévu à l’article 2118 C.c. D’une part, il doit s’agir d’un ouvrage immobilier. D’autre part, l’ouvrage doit avoir subi une perte dans les cinq ans de la fin des travaux.  Enfin, cette perte doit avoir été causée par un vice de conception, de construction, de réalisation ou encore par un vice du sol. »

 [Caractères gras ajoutés]

 

[45]           Dans Argonal inc. c. Sector Barbacki Shemie & Associés ltée, AZ-50081857 , la Cour supérieure écrit : [paragraphes 23 et ss]

[23] La notion de « perte » [...] doit donc recevoir une interprétation large et s'étendre notamment à tous dommages sérieux subis par l'ouvrage immobilier.

 

[24] [...], il n'est pas nécessaire d'établir ni le fait que l'ouvrage a péri ni le moment auquel il va s'écrouler. Il suffit de démontrer que le défaut de construction constituait un vice important et sérieux qui risquait de nuire à la solidité et à l'utilité du bâtiment, c'est-à-dire une perte potentielle.  La simple menace de perte d'un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car elle entraîne, de manière immédiate, une diminution importante de sa valeur marchande et de son utilité.

            [Caractères gras ajoutés]

 

[46]           En définitive le problème susceptible d’être reconnu comme un vice de construction doit en être un d’une gravité susceptible d’entrainer la perte de l’ouvrage.

[47]           Dans son ouvrage Les contrats de construction en droit public & privé, l'honorable Thérèse Rousseau-Houle analyse la responsabilité pour vice de construction et se penche notamment sur le sens à donner à l'expression perte de l'ouvrage que l’on retrouve à l’article 2118 du Code civil du Québec.

[48]           L’auteure commente le concept de perte qu’elle associe à une défectuosité grave et susceptible d'affecter la stabilité ou la solidité d'un ouvrage ou le rendre impropre à sa destination. Elle écrit :

Pour donner lieu à la responsabilité quinquennale, il faut en outre que les défauts constatés soient des vices de construction ou de sol entraînant la perte partielle ou totale de l'ouvrage.

[...]

a) Vices entraînant la perte partielle ou totale de l'ouvrage

Selon les termes de l'article 1688 [aujourd’hui 2118], la responsabilité quinquennale n'est engagée que « si l'édifice périt en tout ou en partie.» Cet article, constituant une exception au principe de la libération du locateur d'ouvrage par la réception, devrait normalement être interprété de façon stricte. Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l'égard de travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d'assurer au public une protection efficace, nos tribunaux n'ont jamais appliqué l'article 1688 [aujourd’hui 2118] à la lettre et n'ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les termes «périt en tout ou en partie» ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l'édifice et les défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux.

Le champ d'application de la garantie quinquennale n'est donc pas restreint aux désordres qui entraînent la ruine effective des ouvrages. De telles hypothèses sont d'ailleurs relativement peu fréquentes car, lorsque la gravité des vices est susceptible de provoquer la ruine, l'effondrement de l'ouvrage se produit généralement en cours de construction et c'est alors la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur et de l'architecte qui peut être mis en cause. Il suffit pour engager la responsabilité quinquennale des constructeurs que le danger de ruine soit imminent, voire latent. La simple menace de ruine d'un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car l'ouvrage qui menace ruine perd une grande partie de sa valeur marchande et de son utilité. De même, une ruine simplement partielle est suffisante lorsque par suite des vices affectant les parties maîtresses de l'ouvrage, il y a menace d'effondrement ou fléchissement de certaines parties de l'immeuble ou simplement des fissures importantes pouvant causer la perte de composantes essentielles du bâtiment

[…]

b) Vices affectant la solidité de l'édifice ou le rendant impropre à sa destination

 Celle-ci s'étend à toutes défectuosités graves, à tous désordres qui, concernant la structure même de l'ouvrage ou ses parties maîtresses, sont de nature à compromettre la solidité. Si la jurisprudence a reconnu à maintes occasions que le terme «périr» de l'article 1688 [aujourd’hui 2118] n'est pas limitatif, elle a néanmoins réduit la portée aux vices graves causant des dommages sérieux aux gros ouvrages. Il doit s'agir de déficiences qui peuvent mettre en péril la solidité ou la stabilité de l'édifice ou de ses composantes essentielles.

[Caractères gras ajoutés]

 

[49]           Cela dit, puisque la seule garantie susceptible de s’appliquer ici est celle visant les vices de construction, il s’agit donc de voir, si en l’espèce, le bénéficiaire, qui en avait le fardeau (article 2803 Code civil du Québec), a démontré de manière prépondérante la présence à l’égard des trois points restés en litige qu’il s’agissait de vices de construction, i.e. des problèmes graves susceptibles d’entrainer la perte totale ou partielle de l’ouvrage

[50]           Comme on l’a vu plus haut, la jurisprudence n’exige pas qu’un édifice s'écroule pour qu'il y ait perte de l’ouvrage au sens du Code civil du Québec. La simple présence d'un danger sérieux susceptible d’entraîner une perte de l'ouvrage suffit pour ouvrir droit à cette garantie. En somme, on dira qu’il y a perte de l’ouvrage lorsqu’est démontrée la présence d’un vice d’une gravité propre à en affecter la solidité. Autrement dit, pour qu’une  déficience soit qualifiée de grave ou sérieuse, selon l'article 2118, elle doit présenter une gravité susceptible de mettre en péril la solidité ou la stabilité de l'immeuble.

[51]           En l’espèce, la preuve révèle que les problèmes observés n’ont pas entrainé de conséquences sérieuses. Messieurs Séguin et Fortin conviennent certes que les situations observées contreviennent aux normes de construction mais aucune d’elles n’est décrite comme susceptible de mettre en péril la solidité de l’ouvrage ou encore d’entrainer des troubles graves dans l’utilisation de l’immeuble.

[52]           En somme, la preuve ne démontre pas que les problèmes en litige, qui manifestement n’ont pas amené la destruction de l’ouvrage, puissent non plus en compromettre dans sa solidité. Il est vrai que la durée de vie du toit sera possiblement réduite mais rien ne permet de voir là un problème affectant la solidité de cet ouvrage ou de le mettre en péril ou encore une situation pouvant entrainer des troubles graves dans l’utilisation de l’immeuble au sens de l’article 2118.

[53]           Il en résulte que les défauts dénoncés ne peuvent pas malheureusement pour le bénéficiaire être qualifiés de vices de construction.

[54]           Comme déjà mentionné, le bénéficiaire a reconnu ne pas avoir été familier avec les modalités du Plan et notamment les délais qu’il comporte et qu’on lui oppose. Le représentant du bénéficiaire a qualifié d’injuste que des réclamations invoquant contravention aux normes de construction puissent échouer sur la seule base des délais. En ce sens, le bénéficiaire me demande d’agir en équité, i.e. de passer outre aux dispositions du Plan relatives à la durée des différentes garanties qu’il comporte.

[55]           Il est vrai qu’à l’audience l’administrateur a reconnu que les points en litige, incluant certains parmi ceux abandonnés par le bénéficiaire, concernent des problèmes qui, s’ils avaient été dénoncés à temps, auraient pu être corrigés en conformité du Plan.

[56]           Cela est certes regrettable mais je ne peux pour ma part aller au-delà des limites que le législateur a fixées à la juridiction de l’arbitre. Les propos de l’arbitre Gilles Lavoie dans Dufour et Rénovations René Gauthier inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., 23 février 2007, valent ici avec les adaptations nécessaires :

Dans ce cadre, même s’il est très difficile d’avoir à rejeter une demande d’arbitrage alors que manifestement la preuve au mérite démontre clairement que les réparations qui devaient être effectuées n’ont jamais respecté les règles de l’art car elles n’ont jamais corrigé les défauts initiaux, force est de constater, après analyse du Règlement qui est clair et impératif sur ces questions et de toute la jurisprudence applicable à des affaires impliquant le respect des dits délais, qu’il s’agit de délais formels qu’il n’est tout simplement pas possible d’ignorer ou de contourner en invoquant l’équité. Ici, la responsabilité première du bénéficiaire était d’invoquer ses droits à l’intérieur des délais du Règlement et durant la période de validité de la Garantie. En attendant jusqu’au printemps 2006 pour agir, il a agi hors délai et hors de la période où la Garantie pouvait valablement être invoquée. La plainte doit être rejetée.

Dans ces circonstances, le bénéficiaire, devra examiner ou faire examiner par un conseiller apte à le renseigner adéquatement si ses droits ne peuvent pas être invoqués dans le cadre de ses droits réguliers qui sont prévus au Code civil étant entendu que le contrat de construction tient l’entrepreneur à une obligation de résultat.

 

[57]           La présence de délais impératifs en matière de protection de ce genre est commune et motivée. La raison d’être de dispositions comme celles du Plan exigeant que suivant sa nature une réclamation soit faite dans un délai précis vise en vérité à permettre, notamment à l’administrateur de la protection, lequel s’est engagé à cautionner certaines obligations des entrepreneurs, à prévenir une dégradation plus grande du bien, en lui fournissant l’occasion d’agir rapidement s’il le désire et ainsi diminuer les inconvénients et coûts pour tout le monde. Je ne peux donc pas au nom de l’équité faire droit aux demandes du bénéficiaire.

[58]            Pour toutes les raisons qui précèdent, le recours du bénéficiaire est rejeté.

[59]           Qu’en est-il des frais d’arbitrage ? Il m’apparait justifié dans les circonstances que les frais des présentes soient à la charge de l’administrateur vu notamment le fait que le bénéficiaire a spontanément en cours et après l’audience, révisé sa position pour ne laisser en litige que trois points, évitant du coup de prolonger indument ces procédures. Je déclare donc, conformément aux dispositions de l'article 37 du Plan que les coûts des présentes seront à la charge de l'administrateur.

Montréal, ce 28 décembre 2010

 

 

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Johanne Despatis, avocate

Arbitre

                       

Adjudex inc.

0903-8324-GAMM

SA 8071