ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs1

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

Province du Québec

District : Terrebonne

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 No dossier Garantie : 190444-8316

 No dossier GAMM : 2023-04-19

 

Entre

9339-5283 Québec inc.

Entrepreneur

Et

Lise Séguin

Marcel Séguin Bénéficiaires

Et

Garantie de Construction Résidentielle (GCR) Administrateur

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Clément Lucas

 

 

Pour l’entrepreneur :

Cédric Leclair et Maureen Humphrey

 

 

Pour les bénéficiaires :

Lise Séguin et Marcel Séguin

 

 

Pour l’administrateur :

 

Me Nancy Nantel

Date d’audience :

22 août 2023

 

 

Lieu d’audience :

À distance (conférence Teams)

 

 

   1   RLRQ c B-1.1, r 8, ci-après appelé « Règlement ».

 

 Date de la décision :  28 août 2023

______________________________________________________________________

 

Identification complète des parties

 

 

 Entrepreneur :                9339-5283 Québec inc.[2]

24-574C, boul. des Laurentides

Piedmont (Québec) J0R1K0

 

 

 Bénéficiaires :               Lise Séguin

                   Marcel Séguin

[...]

Mont-Tremblant (Québec) [...]

 

 

 Administrateur :               Garantie de Construction Résidentielle (GCR)

300-4101, rue Molson

Montréal (Québec) H1Y 3L1

  

et sa procureur :

 

Me Nancy Nantel

Même adresse que ci-dessus

 

 

DÉCISION

 

[1]          Le Tribunal d’arbitrage a été saisi à la suite d’une demande d’arbitrage, datée du 19 avril 2023, de la part de l’Entrepreneur[3] à l’égard d’une décision de l’Administrateur, datée du 23 septembre 2022 (ci-après la « Décision »)[4]. La Décision a été rendue par le conciliateur, Benoît Pelletier[5].

 

[2]          L’Arbitre a reçu son mandat du GAMM le 24 avril 2023[6]. La compétence de l’Arbitre n’a été contestée par aucune des Parties. Elle est en conséquence reconnue.

 

Différend à trancher

 

[3]          Le différend soumis à l’arbitrage a trait au point à l’intitulé suivant de la Décision : « 3. Emplacement de la prise électrique de l'ilot de cuisine ».

 

[4]          La Décision comporte un total de 24 points, dont : 

 

-          les points 1 à 8 (incluant le point en arbitrage) qui ont été « reconnu(s) » et déclarés « garanti(s) » par l’Administrateur, avec une date limite de réalisation des travaux requis initialement fixée au 25 novembre 2022;

 

-          les points 9 à 13, qui n’ont pas été « reconnu(s) »;

 

-          les points 14 à 24, qui ont été déclarés « résolu(s) sans ordonnance ».

 

[5]          C’est donc une partie limitée de la Décision qui est soumise à l’arbitrage.

 

Question préliminaire

 

[6]          Se pose, de manière préliminaire, la question du délai qui s’est écoulé entre la Décision et la demande d’arbitrage quant au point 3. Les articles 19 et 107 du Règlement se lisent comme suit : 

 

« 19. Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de

30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation. » 

 

« 107. La demande d’arbitrage doit être adressée à un organisme d’arbitrage autorisé par la Régie dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur ou, le cas échéant, de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation. L’organisme voit à la désignation de l’arbitre à partir d’une liste des personnes préalablement dressée par lui et transmise à la Régie. » (Nos soulignés)

 

[7]          La Décision elle-même indique, en page 30, ce qui suit : 

 

« ARBITRAGE :

 

Dans le cas de l'arbitrage, la demande doit être soumise par la partie requérante, dans les trente (30) jours suivant la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur ou, s'il y a médiation, dans les trente (30) jours suivant la réception de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

 

Dans tous les cas d'arbitrage, la demande doit être soumise directement à l'un des organismes mentionnés sur la page suivante. » (Nos soulignés)

 

[8]          Sur la page suivante figure une liste de tous les organismes. Cette liste inclut le GAMM, auprès duquel fut ultimement déposée la demande d’arbitrage.

 

[9]          Quant au contrat de garantie paraphé et signé le 30 mars 2021 (ci-après appelé le

« Contrat »), par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur, il reproduit substantiellement les dispositions précitées du Règlement[7]. 

 

[10]      Dans sa demande d’arbitrage du 19 avril 2023, l’Entrepreneur explique que : 

 

« La Décision est du 23 septembre 2022 et nous avons appelé l’administrateur afin de contester ce point aussitôt que nous l’avons reçu. Les bénéficiaires ont quitté le pays du 19 octobre et nous ont avisé de leurs retours le 17 avril. » (Nos soulignés)

 

[11]      Le délai de 30 jours prévu aux articles 19 et 107 du Règlement n’est pas un délai de rigueur ni de déchéance. Il peut être prorogé[8]. 

 

[12]      Pour ce faire, il est requis que la « partie en défaut de l’avoir respecté démontre que les circonstances de son défaut ne tiennent pas à un manque de diligence de sa part et que la partie poursuivie ne serait pas significativement préjudiciée s’il y avait prorogation, chaque cas étant ultimement un cas d’espèce »[9]. 

 

[13]      À cet égard, « le seul fait par les bénéficiaires (ici l’Entrepreneur) de signifier leur désaccord à l'administrateur dans les 30 jours ne rencontre pas les dispositions de l'article 107 du Règlement ». « Cette seule explication n'est pas suffisante pour permettre à l'arbitre de proroger le délai au-delà de 30 jours »[10]. 

 

[14]      Il faut également considérer l’ampleur du dépassement. Par exemple, un dépassement de trois jours a été considéré comme mineur[11]. À l’inverse, un excédent de 17 jours a été considéré excessif[12], tout comme un délai de près quatre mois[13]. Que dire d’un délai de près de sept mois? Poser la question est, selon le Tribunal, y répondre. 

 

[15]      Par ailleurs, le représentant de l’Entrepreneur n’a offert aucune explication satisfaisante permettant de justifier le non-respect du délai de 30 jours et de le relever de son défaut d’avoir formulé sa demande d’arbitrage dans le délai requis.

 

[16]      Cédric Leclair est le président de l’Entrepreneur[14]. 

 

[17]      Lors de l’audition, il a témoigné. Il a précisé avoir signé environ une dizaine de contrats de garantie comme celui en l’espèce. Le Tribunal en infère que l’Entrepreneur dispose d’une certaine expérience en la matière. Il a reconnu que le Contrat comporte l’indication du délai d’arbitrage. 

 

[18]      Il a également reconnu avoir reçu, par courriel, la Décision à son adresse courriel personnelle (également consultée par d’autres employés), le 23 septembre 2023. Plus précisément, il appert d’un historique informatique à cet égard qu’il en a pris connaissance à plusieurs reprises le 26 septembre 2023 et encore, le 9 mars 2023[15]. 

 

[19]      Il déclare avoir « faire part de son désaccord » avec le point 3 de la Décision dès le départ et avoir communiqué avec le Conciliateur quelques jours après la réception de la Décision. Pourtant, il n’a effectué aucune démarche afin d’en demander l’arbitrage auprès d’un organisme d’arbitrage avant le mois d’avril 2023. 

 

[20]      Le fait que les Bénéficiaires ont quitté leur résidence pour se rendre à l’extérieur de la province pendant quelques mois l’aurait placé sous l’impression que « tout le dossier était suspendu ». À l’appui de cette affirmation, il produit des échanges courriels dans le courant du mois d’octobre 2022[16]. 

 

[21]      Pourtant, dans tous ces courriels et notamment dans le dernier daté du 26 octobre 2022, de l’Administrateur à l’Entrepreneur, il est indiqué : « nous comprenons que vous êtes d’accord à un report de délai jusqu’au 17 mai 2023 en lien avec les travaux correctifs concernant les points 2 à 8 de la décision ». À aucun moment l’Entrepreneur ne répond, alors qu’il est question de réalisation des travaux correctifs, incluant ceux à l’égard du point 3. 

 

[22]      Le prochain courriel mis en preuve est constitué de la demande d’arbitrage datée du 19 avril 2023. Entretemps, l’Entrepreneur a, de nouveau, pris connaissance de la Décision le 9 mars 2023[17], sans entreprendre aucune démarche auprès du GAMM ou d’un autre organisme d’arbitrage pendant plus d’un mois additionnel, et sans que l’Entrepreneur ne soit en mesure d’expliquer cette absence de diligence quelconque pour porter la décision en arbitrage pendant cette période. 

 

[23]      Au contraire, il semble que l’Entrepreneur a mandaté un électricien qui a visité la résidence des Bénéficiaires. Au cours de cette visite et qu’il en ait eu ou pas le mandat initial, cet électricien a examiné les travaux à faire, notamment à l’égard du point 3 de la Décision, ainsi qu’en a témoigné Cédric Leclair mais également Marcel Séguin qui a aussi témoigné lors de l’audition. 

 

[24]      En clôture de ses représentations, l’Entrepreneur a indiqué que l’arbitrage était sa « dernière porte de sortie ». Le Tribunal ne peut que la refermer, car l’Entrepreneur n’a pas démontré d’impossibilité d’agir ni n’a offert de preuve satisfaisante à l’effet qu’il n’avait pas été simplement négligent dans la formulation de sa demande d’arbitrage.

 

[25]      Le Tribunal ne peut pas recourir à la notion d’équité pour déroger à des dispositions claires du Règlement et à la jurisprudence arbitrale constante dans ce domaine. Il n’y pas ici « formalisme indu »[18]. 

 

[26]      Aux yeux du Tribunal, les circonstances ne justifient tout simplement pas un relevé de défaut.

 

 

 

 

Frais de l’arbitrage

 

[27]      En application de l’article 123 du Règlement, les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur lorsque ce dernier est le Demandeur.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :  

 

[28]      ACCUEILLE le moyen préliminaire présenté par l’Administrateur, soutenu par les Bénéficiaires;

 

[29]      REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur comme tardive à l’égard du point 3 de de la Décision du 23 septembre 2022, dans le dossier 190444-8316; 

 

[30]      ORDONNE à l’Entrepreneur de voir aux travaux correctifs requis à l’égard de ce point d’ici au 30 septembre 2023; 

 

[31]      ORDONNE à l’Administrateur d’y voir en cas de défaut de l’Entrepreneur passé cette date du 30 septembre 2023; 

 

[32]      RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur et/ou sa caution pour tous travaux, toutes actions et toutes sommes versées, incluant les coûts exigibles pour les frais d’expertise et d’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement; 

 

[33]      LE TOUT avec les frais de l’arbitrage à la charge de l’Entrepreneur et de l’Administrateur, en parts égales, conformément au Règlement, avec les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

 

Montréal, le 28 août 2023

 

 

_______________________

Me Clément Lucas, Arbitre

 

 


2 Pièce A-12.

[3] Pièce A-14.

[4] Pièce A-13. 

[5] Pièce A-15.

[6] Pièce A-14.

 [7] Pièce A-2, art. 21. « ARBITRAGE ».

[8] Takhmizdjian c. Soreconi (Société Pour la Résolution des conflits inc.), 2003 CanLII 18819 (QC CS); Pitre (Re), 2005 CanLII 59072 (QC OAGBRN); Ward et Nolet c. 9205-4717 Québec inc. et La Garantie Abritat, 2016-06-16 O.A.GB.R.N., par. 47 et ss.; 9285-4777 Québec inc. et Garantie de construction résidentielle (« GCR »), 2020 CanLII 111364 (QC OAGBRN), par. 24-26; SDC Le 801 Rockland Outremont et 9211-5401 Québec inc., 2022 CanLII 54058 (QC OAGBRN), par. 9.

 [9] Rae c. Construction Réal Landry inc., 2007 CanLII 72758 (QC OAGBRN), par. 33.  

[10] Bernier c. Rénovation Larocque et Fils inc., 2006 CanLII 60457 (QC OAGBRN), par. 13.

[11] SDC Le 801 Rockland Outremont et 9211-5401 Québec inc., précitée note 8, par. 9.

[12] Blanchette et Habitations Chouinard inc., 2018 CanLII 128199 (QC OAGBRN), par. 49.

[13] Décisions produites par la procureure de l’Administrateur : Victor Simon et Florence Hoang c. Gestion René Rousseau inc., dossier GAMM : 2018-07-10 (décision non publiée); Syndicat des copropriétaires B Loft phase 1 et 9247-7363 Québec inc., 2018-09-24, O.A.G.B.R.N. 

[14] Pièce A-12. 

[15] Pièce A-13, dernière page. 

[16] Pièce E-1 et E-2.

[17] Pièce A-13, dernière page. 

[18] Barcelo et Développement Domont inc., 2021 CanLII 140473 (QC OAGBRN), par. 20.