TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide de

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

   Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment.

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

CCAC : S20-052701-NP

CCAC : S20-060901-NP

GCR - 1720-286                                    ENTRE :

 

ALEXANDRE CARRIER

ET

NATHALIE VERRET,

 

Bénéficiaires

 

C.

 

CONSTRUCTION S.M.B. INC.,

 

Entrepreneur

 

ET

 

LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR),

 

                                                                       Administrateur

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE

GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(RLRQ Chapitre B-1.1, r.8)

 

 

DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 19 NOVEMBRE 2020

 

YVES FOURNIER ARBITRE

 

                                                           DÉCISION

 

 

MANDAT

 

[1] Le Tribunal fut saisi de deux dossiers impliquant les parties en cause par suite de deux demandes d’arbitrage formulées, l’une par les bénéficiaires et la seconde par l’entrepreneur. Dans le dossier S20-052701-NP, le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) nommait le 30 juin 2020 le soussigné à titre d’arbitre afin de disposer du litige.

 

[2] Quant à l’appel formulé par l’entrepreneur (S20-060901-NP), la nomination de l’arbitre par le CCAC fut confirmée le 6 juillet 2020.

 

 

CHRONOLOGIE DES PRINCIPAUX FAITS ET PROCÉDURES

 

[3] Le 15 juillet 2018, les bénéficiaires et l’entrepreneur signaient un contrat d’entreprise pour la construction d’une maison située au [...], à Québec.  La réception du bâtiment remonte au 21 décembre 2018.

 

[4] Le 12 novembre 2019, les bénéficiaires dénonçaient à l’administrateur (GCR) et à l’entrepreneur 3 points, lesquels furent scindés subséquemment par le conciliateur pour aboutir à 6 points qui sont ainsi formulés :

 

1.    Réparation de l’ouverture au plancher à l’étage.

2.    Joints au carrelage céramique de la cuisine.

3.    Joints de céramique à la salle de bain.

4.    Plancher de l’étage devant l’escalier.

5.    Carrelage céramique devant la douche de l’étage

6.    Porte escamotable à l’étage.

 

[5] La réception de la réclamation des bénéficiaires par la Garantie de la Construction Résidentielle (GCR) prit place le 12 janvier 2020. La visite des lieux par le conciliateur s’est pratiquée le 25 février 2020 et sa décision fut signée le 11 mai 2020.

 

[6] Le conciliateur, monsieur Yvan Gadbois, constata dans sa décision l’entente intervenue entre les parties relativement au premier point. Il donna raison aux bénéficiaires quant aux points 2 et 3. Pour les autres points, la demande de ces derniers fut rejetée en considération de l’historique du dossier qui selon le conciliateur permettait de comprendre que les malfaçons dénoncées étaient connues de la part des bénéficiaires depuis le 5 janvier 2019 et qu’elles furent dénoncées par écrit uniquement le 12 novembre 2019, soit dix (10) mois suivants leur découverte.  Pour le décideur, il s’agissait d’un délai de dénonciation déraisonnable.

 

 

ADMINISTATION DE LA PREUVE

 

 

[7] Considérant qu’il s’agit d’un dossier mettant en cause les mêmes parties, il fut décidé qu’une preuve commune serait présentée.

 

[8] Certains témoignages ou certaines parties de témoignages ne seront pas rapportés dans la présente décision tenant compte de leur répétition ou de leur peu d’importance.

 

 

PREUVE QUANT AUX POINTS 4, 5 ET 6 (S20-052701-NP)

 

ALEXANDRE CARRIER

 

[9] Les bénéficiaires attaquent le considérant du délai excessif à dénoncer les points 4, 5 et 6 de la décision.

 

[10] Monsieur Carrier propose au Tribunal de tenir compte, dans un premier temps, de son courriel du 5 mars 2019 (B-2, p.6) adressé à l’entrepreneur avec copie à Mario Doré, le gérant du chantier.  Le courrier électronique traite des déficiences et du suivi qui devaient prendre place ultérieurement par des échanges de courriels.

 

[11] Lors d’une conversation ayant pris place en avril 2019 sur les lieux du bâtiment avec l’entrepreneur et des gens spécialisés dans les poutres (sous-traitants), monsieur Carrier reçut l’assurance que les correctifs des points en litige seraient apportés à la mi-septembre.

 

[12] Son courriel du 5 mars 2019 mentionne relativement à l’escalier :

 

Plusieurs point à corriger + installation du verre (en attente de   rendez-vous avec Gilles Grenier). La marche à l’entrée craque depuis qu’elle a été ajustée.

              Plancher croche haut des marches. Le plancher sera corrigé en  

             septembre.                           (sic)

 

[13] En septembre 2019, le bénéficiaire contacte à nouveau l’entrepreneur pour savoir s’il s’exécutera tel que promis.  L’entrepreneur et le sous-traitant l’informent qu’il serait trop tôt pour corriger la situation de la céramique en septembre et qu’il y aura un report à octobre.

 

[14] Le 10 octobre 2019, Caroline Bouchard, au nom de l’entrepreneur, transmet le courriel (B-4) suivant à monsieur Carrier :

 

Bonjour M. Carrier,

 

Nous allons procéder au remplacement du plancher de bois franc en haut des marches au 2ième étage.  Nous devions attendre que le taux d’humidité soit adéquat pour faire le travail.

 

L’automne étant un bon moment, le rendez-vous est pris avec Plancher Bois franc Gagné pour le 29 octobre prochain. Nous aurons aussi besoin de votre disponibilité le 28 octobre la veille afin d’aller enlever l’ancien et préparer la surface pour que le poseur puisse travailler le lendemain.

 

Nous vous confirmerons les heures de rendez-vous au courant de la semaine du 20 octobre 2019. 

                                             (Je souligne)

 

[15] Le 21 octobre 2019, par courriel (B-4), madame Caroline Bouchard confirme au bénéficiaire que le plancher sera retiré le 29 octobre, que le bois sera livré le même jour et que l’installation du nouveau plancher prendra place le 30 octobre.

 

[16] Le 29 octobre 2019, l’entrepreneur ne semble plus enclin à corriger le plancher et son chargé de projet, Frédérick Langlois, sollicite une rencontre pour le   1er novembre « pour aller voir le plancher de la cuisine et salle de bain à l’étage » (B-3).

 

[17] Le 1er novembre, l’entrepreneur procède à l’enlèvement de la céramique.  Le correctif de l’escalier est de nouveau mis de côté.  Ayant remarqué certaines particularités, l’entrepreneur invoque la nécessité de faire des ouvertures au plafond.  Malgré ces ouvertures, à nouveau l’entrepreneur ne semble pas pouvoir identifier la problématique.

 

[18] À la suite de ces délais et/ou refus et/ou négligence de l’entrepreneur à s’exécuter, les bénéficiaires dénoncent la situation à la Garantie (GCR) et à l’entrepreneur le 12 novembre 2019 concernant les éléments insatisfaisants en lien avec le bâtiment. Trois points sont signalés au formulaire de dénonciation (A-4) :

 

          ‘’1. Le plancher de bois franc et le nez à l’étage sont croches…

            2. Céramique croche dans la salle de bain en avant de la douche…

            3. Joints de céramique craqués et céramiques bougent… ‘’

                                                         

[19] Le bénéficiaire, Alexandre Carrier, reviendra sur les points 2 et 3 plus loin dans son témoignage.  Il signale qu’il a cru en la bonne foi de l’entrepreneur tout en respectant les échéances qu’il lui imposait.  Les bénéficiaires transmettent le formulaire de réclamation le 12 janvier 2020 (A-5). L’entrepreneur n’a jamais répliqué aux démarches de dénonciation et de réclamation des bénéficiaires.

 

[20] Le point 5, identifié ainsi dans la décision du conciliateur : « carrelage, céramique devant la douche de l’étage », est abordé par le bénéficiaire sous le mot « céramique » dans son courriel du 5 mars 2019 (B-2).  Il écrit :

 

Forte pente plancher salle de bain face à la douche.

Le plancher cogne lorsque marche et certain joint ont commencés à craquer.

Plancher de bois flottant.

2 planches avec beaucoup d’espace à l’entrée.  Cet espace est présent depuis le début et les planches ne sont pas replacées avec le taux d’humidité qui a augmenté.

Flottant brisé en bas des marches sous-sol. Aucun suivi. »

                                                                        (Je souligne) (SIC)

 

[21] La situation avait été constatée par l’entrepreneur (Mario Doré) antérieurement à l’envoi du courriel du 5 mars 2019 et de nouveau en avril 2019.  Monsieur Doré émit alors l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’un ‘’ajustement de poutrelles.’’  Par la suite, l’entrepreneur l’informe qu’il verra à faire vérifier cette problématique par le fabricant de poutrelles.  On représente au bénéficiaire qu’il y a peut-être un mouvement au niveau du bâtiment et qu’il faudrait possiblement s’attaquer aux colonnes de celui-ci. L’entrepreneur et le sous-traitant en plancher l’informent que les correctifs prendront place à l’automne.

 

 

[22] Le courriel du 21 octobre 2019 (B-2) transmis par le bénéficiaire à l’entrepreneur et à Mario Doré confirme la mise à jour des points qui sont toujours à corriger, notamment la pente du plancher de la salle de bain face à la douche et le plancher à niveler en haut des marches.

 

[23] Traitant du point 6 de la décision qui cible la porte escamotable au sous-sol, monsieur Carrier admettra qu’il n’a pas apporté de suivi auprès l’entrepreneur quant à cette problématique si ce n’est que dans le courriel du 5 mars 2019 (B-2).

 

 

CONTRE PREUVE DE L’ENTREPRENEUR

 

 

[24] L’entrepreneur a fait entendre son chargé de projet, Mario Doré, le directeur administratif de l’entreprise, Jérémie Tremblay et l’ingénieur, Alexandre Badeau.

 

[25] Pour l’un, Mario Doré fait valoir que lorsqu’ils ont procédé aux ouvertures dans les murs et les plafonds, ils ont constaté le phénomène du fluage du bois, notamment au niveau de la cage d’escalier.  Ce constat se confirmait par l’amincissement des pièces de bois, des ‘’vis de départ au sol et sur les murs’’.  Ces constatations laissaient croire qu’il y avait une « flexion dans le bois » i.e. une flexion au niveau des poutrelles. Pour ce témoin le séchage du bois en serait la cause.

 

[26] Pour le second, Jérémie Tremblay indique que lors des ouvertures, ils ont observé que la problématique était causée par le fluage de sorte que la poursuite des travaux fut mise de côté. Pour celui-ci, le séchage de bois se veut une situation normale.

 

[27] Pour l’ingénieur, Alexandre Badeau, il y a une nette distinction à faire entre le séchage du bois et le fluage. Qui plus est, ces deux phénomènes ne se corrigent pas.

 

[28] Me Pierre-Marc Boyer s’est objecté à ces témoignages, soulignant que ces témoins ne discutaient d’aucune façon démarches invoquées par le bénéficiaire.  Le Tribunal doit forcément lui donner raison tout en étant d’avis qu’il fallait les rapporter pour avoir un éclairage possible sur les versions ultérieures.

 

CONTRE-PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR

 

YVAN GADBOIS

 

[29] Monsieur Yvan Gadbois renseigne le Tribunal quant à ses compétences et son expérience.  Il est notamment technologue en architecture, membre de l’ordre des technologues en architecture du Québec, conciliateur depuis 1990. Un curriculum vitae (CV) de deux (2) pages fut produit avec la décision (A-15).

 

[30] Il explique que le délai de plus de dix (10) mois pour transmettre la dénonciation des malfaçons par écrit constituait un délai déraisonnable au sens du paragraphe 3 de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (1), (ci-après appelé « Règlement »).  Habituellement, dit-il, un délai raisonnable est de six (6) mois, maximum dix (10) mois.  Cela résulte toujours de la gravité de la malfaçon.

 

[31] Monsieur Gadbois expose que l’explication des délais livrée par le bénéficiaire à l’audience ne lui avait pas été représentée ou circonstanciée lors de sa visite des lieux (25 février 2020).

 

[32] Compte tenu de la preuve soumise par monsieur Carrier à l’audience, il évoque que sa décision initiale:

 

« … pourrait être modifiée parce que la seule intervention de l’entrepreneur fut de faire des ouvertures. On (l’entrepreneur) n’a pas apporté de correctifs ou d’interventions sur le bâtiment. »

 

[33] Aucune question ne fut formulée par l’entrepreneur en regard du témoignage du conciliateur.

 

 

PREUVE QUANT AUX POINTS 2 ET 3 -- CCAC (S20-060901-NP)

 

PREUVE DE L’ENTREPRENEUR

 

JÉRÉMIE TREMBLAY

 

[34] Monsieur Jérémie Tremblay raconte qu’il a été mis au fait de la situation des « joints au carrelage céramique de la cuisine » (point 2) et « des joints de céramique à la salle de bain » (point 3) lors de la réception de la dénonciation formulée par les bénéficiaires (12 novembre 2019).

 

[35] Après la réception de la décision du conciliateur le 12 mai 20, il fait ainsi connaître sa compréhension initiale des points soulevés à savoir que l’entrepreneur devait remplir les joints de coulis évidés et fissurés aux 4 endroits dans la cuisine et aux 3 endroits dans la salle de bain à l’étage.

 

[36] Il a par la suite échangé des courriels avec monsieur Yvan Gadbois, car en l’espèce, l’auto-nivelant qui fut appliqué sous le plancher chauffant était un extra qui fut contracté directement par les bénéficiaires avec les sous-traitants.  L’entrepreneur n’est pas intervenu à nouveau. Il expose au Tribunal que les exclusions au Plan de garantie rapportées aux paragraphes 1 et 6 de l’article 12 du Règlement devaient s’appliquer puisque la problématique émanait des matériaux et de l’équipement fournis et installés par le bénéficiaire.

 

[37] De fait, le bénéficiaire a fait installer une membrane de désolidarisation en dessous de la céramique ainsi que la céramique, l’élément chauffant et l’installation d’un béton autonivelant.

 

[38] Monsieur Tremblay rapporte avoir demandé au sous-traitant, Plancher Bois-Franc Gagnon, d’aller réparer les fissures de joints et le coulis évidé. Ce dernier s’est présenté chez les bénéficiaires le 8 juin 2020.  Le directeur ignore quel en fut le résultat. Le même jour, il a reçu un courriel du conciliateur lui mentionnant que sa décision établissait qu’il n’y avait pas de sous-couche tel que demandé au Code du Bâtiment pour la céramique et que la structure n’était pas assez solide pour recevoir les carreaux de céramique de grande dimension.  Ce qu’il comprenait c’est que l’entrepreneur devait « tout arracher et recommencer pour quelque chose qu’on n’avait pas transiger ». De là, l’appel de l’entrepreneur quant aux points 2 et 3 de la décision.

 

 

CONTRE-INTERROGATOIRE PAR L’ADMINISTRATEUR

 

 

[39] L’entrepreneur indique qu’il y a eu une rencontre avec monsieur Carrier à leur bureau en septembre 2018 lors de laquelle ce dernier a reçu un bon de commande pour acheter la céramique, à son choix, lequel aurait pris place à la fin novembre. C’est également vers cette date que ‘’le plancher chauffant a dû être installé puisque la livraison du bâtiment s’est faite le 21 décembre 2018’’.  Il reconnait qu’il y a toujours un chargé de projet qui se rend sur les lieux durant la construction, mais il ne demeure pas sur les lieux en permanence.

 

[40] Le Tribunal questionne ainsi monsieur Tremblay :

 

Q. Est-ce que la personne (gérant de projet) vérifie comment se font les travaux du sous-traitant ou le laisse-t-on s’exécuter sans plus?

R. Honnêtement, je ne voudrais pas répondre pour Mario, mais normalement on s’assure que les délais sont respectés et que le sous-traitant soit là à la bonne date.

 

[41] Questionné par le procureur de l’administrateur, Me Pierre-Marc Boyer, monsieur Tremblay concède que les deux sous-traitants ont été référés par l’entrepreneur.  De plus, il ne peut, tout comme monsieur Mario Doré, dire si le matériel et/ou les matériaux posés par les sous-traitants étaient adéquats pour la structure en place.

 

[42] Finalement, monsieur Tremblay fait savoir au Tribunal qu’il « a fait appel à Alexandre comme ingénieur indépendant » pour faire des vérifications quant à certaines conclusions de la décision du conciliateur.

 

 

ALEXANDRE BADEAU - INGÉNIEUR

 

 

[43] Monsieur Alexandre Badeau est un ingénieur qui fut initié très jeune au domaine de la construction résidentielle ayant une famille qui opérait dans ce domaine.  Il s’est spécialisé, comme ingénieur, en structure de bâtiment, domaine qu’il a développé par la suite autant dans le petit bâtiment que dans des projets d’envergure. Il a déposé un rapport concernant les points 2 et 3 de la décision. Le Tribunal a requis un voir-dire pour déterminer de sa qualité d’expert au sens de la doctrine et la jurisprudence.

 

[44] Le Tribunal le questionne ainsi :

 

Q. Est-ce que vous connaissez le directeur de l’entrepreneur (Jérémie Tremblay) personnellement?

R. C’est un entrepreneur avec qui j’ai fait des projets dans le passé.

 

[45] Me Boyer poursuit :

 

Q. Est-ce que cela veut dire qu’il vous a engagé sur des projets?

R. Il m’a engagé sur d’autres projets, oui.

Q. Est-ce qu’il vous engage actuellement sur d’autres projets?

R. Non, mais il m’a engagé pour d’autres expertises de même. D’autres expertises où il y avait un litige, où j’ai remis un rapport, c’était similaire.

Q. Combien de fois vous l’avez faite?

R. Une fois

Q. À la Cour?

R. Non, pas à la Cour. Moi, j’ai émis le rapport et j’ai jamais été consulté sur ce rapport.

 

[46] Le Tribunal :

 

Q. Dans le cadre de quoi?

R. C’était un bâtiment multi-étage où il y avait plusieurs points mélangeant la mécanique du bâtiment et autres.

Q. Est-ce que c’était en rapport avec la GCR?

 

[47] Monsieur Tremblay intervient pour répondre aussitôt à la question :

 

R. C’était, c’est un dossier qui était en cour civile.

Q. Quelle cour?

R. Je pense pas que ça (le rapport) a été déposé parce que c’était en   arbitrage.

 

[48] Monsieur Badeau confirme qu’il n’a jamais témoigné devant une cour pour soutenir une expertise qu’il aurait signée. Par la suite, monsieur Tremblay s’adressant à l’ingénieur lui fait remarquer : « Mais ton back ground tu peux en parler ».  Le Tribunal reviendra ultérieurement sur ce voir-dire.

 

[49] Monsieur Badeau livre un sommaire de son CV lequel fut déposé avec son expertise (E-1).

 

[50] Traitant des points 2 et 3 de la décision, il affirme que techniquement il y a deux (2) aspects à considérer: les flèches et la sous-couche.

 

[51] Pour le critère de flèche, le Code National du Bâtiment exige généralement une flèche L/360, la longueur entre les appuis d’un système porteur, divisée par 360. On retrouve la même chose au Code de construction du Québec et c’est également recommandé par Cecobois.

 

[52] Les flèches peuvent être calculées instantanément, celles-ci étant alors sous une charge vive, c’est-à-dire lorsqu’il y a des personnes dans la résidence. Au Code National du Bâtiment on exige de mettre 1,9 kPa (Kilopascal), ce qui représente environ 195 kg/m2.

 

[53] Le témoin vulgarise la notion en disant qu’une flèche est une déformation qui n’est pas permanente. Qui plus est, on doit vérifier une seconde flèche qui est une flèche totale laquelle inclut la charge morte.

 

[54] Il est habituellement utilisé L/480 pour les flèches instantanées dans l’industrie, tel que le recommande Cecobois dans leur guide sur la conception de bâtiment en ossature légère.

 

[55] L-720 mentionné dans le rapport du conciliateur, que l’ingénieur Badeau conteste, est un critère que l’on voit apparaître au Code à un seul endroit : les surfaces verticales en mur de blocs de verre. Cela ne s’applique jamais pour un plancher ou à une surface horizontale.  Le critère L/720, ce n’est pas un critère qui est recommandé dans quelque code que ce soit ou dans des documents d’ingénierie pour l’installation de céramique au plancher.

 

[56] Pour les sous-couches, le CNB ou le Code de la Construction du Québec demandent l’installation d’une sous-couche de bois. Depuis des dizaines d’années on utilise des membranes de désolidarisation pour installer du carreau.  Ces membranes sont considérées comme l’équivalent des sous-couches.  L’industrie de la construction s’est orientée vers une règle de l’art, soutient-il. La membrane installée dans le présent cas est une mesure équivalente à une sous-couche.

 

 

CONTRE-INTERROGATOIRE PAR ALEXANDRE CARRIER

 

 

[57] Le témoin soutient que le produit utilisé ou la membrane qui fut posée est un produit équivalent et acceptable pour le remplacement des couches de pose de panneaux avec un espacement des poutrelles aux 16 pouces.

 

 

CONTRE-INTERROGATOIRE PAR ME PIERRE-MARC BOYER

 

 

[58] Monsieur Badeau explique la désolidarisation comme étant des membranes qui visent à minimiser le mouvement des substrats lesquelles préviennent le craquelage de la céramique, notamment.

 

[59] Il reconnaît qu’il y a un problème:

 

« Il y a une désolidarisation et il y a fissuration et évidement dans les joints et on voit que des tuiles qui bougent. Pour le reste la sous-couche (membrane) utilisée est un produit équivalent à la sous-couche et les flèches en place sont des flèches adéquates. »

 

[60] Il poursuit : « La cause du problème ne m’a pas été demandée mais la cause du problème peut être multiple : utilisation, installation ou cure ».

 

[61] Interrogé par le Tribunal sur une situation de fissuration et d’évidement des joints de la céramique qu’il a remarquée à l’étage, près de l’appui du mur, à droite du bain avec un plancher radiant et une membrane, monsieur Badeau soutient que ce problème ne peut être attribuable à un problème de flèche, parce qu’un point d’appui est un point d’inflexion et il y a peu ou pas de mouvement à cet endroit.

 

[62] le Tribunal discutant de la superficie de la cuisine et de son incidence l’ingénieur assure que l’air de pose (superficie ou le diaphragme horizontal) n’a pas d’impact sur la fissuration.

 

[63] Le fait qu’on peut entendre un bruit en marchant (critère de vibration) c’est un peu standard, prétend-il, compte tenu qu’il s’agit d’une structure en bois. C’est un système de bois qui vibre « et ce sont des critères de service ».

 

[64] Questionné quant à savoir si la situation actuelle pouvait se corriger, monsieur Badeau répond positivement et ce en fonction des besoins finaux. Un carreleur pourrait corriger la situation existante. Il s’agit d’une question de céramique, de pose et d’utilisation des produits, malgré qu’il se soit lui-même qualifié comme non expert (Je ne suis pas un expert en céramique) en pose de céramique.

 

CONTRE-INTERROGATOIRE DU BÉNÉFICIAIRE

 

[65] Monsieur Alexandre Carrier fait davantage le récit de sa position, sans vraiment contre-interroger le témoin.

 

[66] Il explique qu’il avait initialement consulté un poseur de céramique et en avait instruit l’entrepreneur.  Celui-ci s’est objecté quant à ce choix et il lui imposa son sous-traitant. Le bénéficiaire allègue qu’il n’avait pas le choix de retenir les services du sous-traitant de l’entrepreneur.

 

[67] Il en fut avisé également pour la sous-traitance de plancher chauffant. L’entrepreneur a prévenu le bénéficiaire qu’il devait choisir parmi ses sous-traitants. S’étant adressé dans un premier temps au sous-traitant pour la céramique et par la suite à l’électricien (Compagnie E.D.L.), il lui est conseillé par le sous-traitant de la céramique qu’il serait plus économique qu’il transige avec le sous-traitant en électricité de l’entrepreneur. Il s’est donc exécuté en fonction de cet encadrement.

 

[68] Ce témoignage du bénéficiaire ne fut jamais contredit.

 

 

CONTRE PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR

 

YVAN GADBOIS

 

[69] Les points 2 et 3 furent traités de façon commune au niveau de la décision du 11 mai 2020 (A-12).

 

[70] Ayant fait le constat des dommages survenus aux planchers de céramique il avait obtenu l’information que l’entrepreneur avait appliqué l’auto-nivelant et que le bénéficiaire avait mandaté ses sous-traitants pour la réalisation de l’installation du plancher chauffant ainsi que pour le système de chauffage radiant installé sous la céramique.

 

[71] Les carreaux de céramique sont de grande dimension (24" X 24"). Mais ce qu’il a pu constater lors de la visite préliminaire était une présence importante de fissurations et d’évidements des joints de coulis dans la cuisine.  Il avait lors de sa visite en février 2020, constaté l’absence de mouvement des carreaux de céramique, et de bruit en marchant.  Toutefois, lors de la visite préalable, au matin de l’audience, ces situations étaient perceptibles.

 

[72] Au niveau de la salle de bain il constata un problème : il y avait des joints de coulis fissurés et évidés, mais de façon ponctuelle. Subséquemment à la visite de février 2020, il a requis de l’entrepreneur qu’il lui transmettre les dessins d’atelier ainsi que le plan d’assemblage de la structure du plancher. Une fois en possession des documents, il procéda à l’analyse de la situation et s’informa auprès du service technique de la GCR. Dans l’analyse des plans il est constaté l’utilisation de L/480, ce qui normalement est au-delà de ce que le CNB exige.  Ce dernier dicte des normes minimales, selon monsieur Gadbois. Quant à lui, L/360 est très peu utilisé par les entrepreneurs. La norme habituelle est L/480 laquelle conduit à plus de rigidité et de confort.

 

[73] Le conciliateur rappelle que l’on utilise de nos jours des poutrelles et non des solives et ce pour augmenter la portée, pour diminuer le nombre d’éléments de transfert de charge comme des poutres ou des colonnes. Il enrichit :

 

Mais une poutrelle de plancher, plus elle est longue plus elle sera flexible de sorte qu’elle va vibrer. La vibration est provoquée par le mouvement sur le plancher. Chaque longueur de poutrelle a une fréquence particulière. On doit savoir que la poutrelle va vibrer lorsqu’on se déplace.

 

[74] Toutefois, précise-t-il, la vibration de la poutrelle provoque une incidence et une conséquence sur le fini qu’on appose. Un plancher de bois franc va épouser les vibrations. Le plancher de céramique a besoin de plus de rigidité et plus les tuiles sont grandes, plus la surface doit être rigide pour empêcher des relâchements lorsque le plancher subit des vibrations. Les joints vont alors fissurer ou les tuiles vont décoller. Plus la tuile est grande, plus la rigidité est décisive.  Plus une surface a tendance à se déformer au mouvement par la flexion des poutrelles, plus il y aura des déficiences.  Une tuile de deux pieds carrés n’accepte pas un manque de rigidité, elle n’accepte aucun mouvement.

 

[75] En l’espèce, le conciliateur fait valoir qu’il y a en place un système de chauffage radiant, et qu’aucune couche de pose ne fut installée conformément au Code (art. 932.1). Il est exact que les membranes de désolidarisation ont un avantage en éliminant la couche de pose sur les planchers. Néanmoins, au niveau du Code ce n’est pas permis actuellement.

 

[76] Il a constaté au fil des années, lorsqu’il n’y a pas de couche de pose qu’il est plus que probable qu’il y aura des dommages, à moins d’avoir un support de plancher (3/4″ épaisseur). Les dommages seront pratiquement inexistants.

 

[77] Le joint lorsqu’il s’évide, « c’est qu’il y a quelque chose qui bouge ». De concert avec le service technique de la GCR, il a procédé à une recherche pour recommander aux entrepreneurs de se servir du L/720, ce qui amène un plancher très rigide et plus performant.

 

[78] L’Association Canadienne de Terrazo, Tuile et Marbre (ACTTM) a produit le Guide 093000 des devis, installation de tuiles et carreaux, de 330 pages duquel le conciliateur cible, à la page 19 dudit Guide, le titre « Déflexion », où il est écrit :

 

Le critère de déflexion est de L/360 pour le carrelage et de L/720 pour la pierre.

 

[79] Plus une tuile est grande, plus son épaisseur est importante, avance le conciliateur. Devant les informations obtenues et vérifiées il faut conclure, soutient-il, qu’une tuile de 2″ X 2″ doit être considérée comme de la pierre et ce, à cause de son poids et sa superficie et c’est pourquoi le Guide fait référence au L/720.

 

[80] Ce Guide sert tant aux architectes qu’aux professionnels pour préparer les devis et les projets d’envergure. Il doit être considéré comme le manuel de référence quant aux devis d’installation des tuiles et des carreaux. Si l’appui pour une tuile de 2″ X 2″ n’est pas adéquat celle-ci peut se fracturer. Ce n’est plus du 12″ X 12″ de nos jours que les nouveaux acheteurs achètent. Il poursuit :

 

Nous, on s’est basés là-dessus.  Le fait que l’on n’ait pas de couche de pose, parce que la couche de pose on la cloue, on la visse et la bonne pratique veut qu’elle soit collée. Si on met un 3/8 ″par-dessus un 5/8″, on se ramasse avec un contreplaqué d’un pouce (1″) d’épais.  La rigidité vient de là aussi.  C’est certain que si on ne met pas ça et que l’on met une membrane de désolidarisation on n’obtient pas la rigidité suffisante de pose.

 

Lorsque l’on va permettre l’utilisation de la membrane on va s’assurer de renforcir autrement, de mettre autre chose. Nous on vit avec le Code qui est en force actuel.

 

[81] Monsieur Gadbois expose que l’entrepreneur doit s’assurer de connaître quels matériaux utilisera comme recouvrement pour déterminer quel type de flèche doit être utilisé. Ce qui ne semble pas avoir été fait de toute évidence.

 

CONTRE-PREUVE DE L’ENTREPRENEUR

 

JÉRÉMIE TREMBLAY

 

[82] Monsieur Jérémie Tremblay réplique en affirmant que nonobstant tout ce que le conciliateur avance le Code demande du L/360 pour du carrelage de céramique et si on se réfère à la Fiche Technique pour carrelage de grande dimension (E-2). Au Guide pratique de l’APCHQ, la flèche est L/480. La Fiche Technique ne fait pas référence au Guide des devis, installation de tuiles et carreaux.  Il fait remarquer :

 

« Nous on est membre de l’APCHQ et nous suivons leurs consignes   pour suivre les bonnes pratiques. »

 

[83] Monsieur Gadbois rétorque que le Guide de bonne pratique de l’APCHQ remonte à 2015, lequel montrait une couche de pose sur du L/480 et dans le présent cas il n’y a pas de couche de pose qui va donner suffisamment de la rigidité au plancher. Chez les bénéficiaires la fissuration est généralisée.  Il fait valoir que la GCR possède une équipe technique avec des personnes qui sont considérées comme des sommités, lesquelles se sont concertées pour analyser le présent dossier.

 

[84] Il ne faut peut-être pas refaire le plancher au complet, mais il faut considérer certains aspects comme l’ilot au centre de la cuisine, notamment. La problématique se corrige. Selon monsieur Gadbois, de concert avec le fabricant de poutrelles l’entrepreneur peut arriver avec une solution efficace et durable.

 

[85] Pour le conciliateur, parler ou prétendre d’une mesure équivalente est une chose, mais encore faut-il faire la preuve de cette équivalence.  Il remarque qu’il y a des espaces assez restreints (vestibule de l’entrée, la salle d’eau au rez-de-chaussée avec les grandes tuiles) où l’on retrouve une couche de pose en dessous.

 

 

FARDEAU DE PREUVE

 

 

[86] Considérant que les bénéficiaires et l’entrepreneur contestent le bien-fondé de certains points de la décision du conciliateur le fardeau de preuve repose sur leurs épaules respectives.  Quel niveau de preuve doivent-ils présenter? À l’article 2803 du Code civil du Québec le législateur indique :

 

2803- Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

[87] Le niveau de preuve en matière civile et règlementaire qui se veut la preuve prépondérante est ainsi encadrée par l’article 2804 C.c.Q. :

 

 

La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

 

[88] Le juge Rinfret de la Cour Suprême écrivait dans l’arrêt Montréal Tramways Co. c. Léveillé (2) :

 

This does not mean that he must demonstrate his case. The more probable conclusion is that for which he contends, and there is anything pointing to it, then there is evidence for a court to act upon.

 

[89] Plus récemment, cette même Cour traitait ainsi de cette norme applicable en matière civile (laquelle se veut similaire à celle en matière règlementaire (3) :

 

En conséquence, je suis d’avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s’applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu (…).

 

[90] Les tribunaux doivent souvent agir en pesant les probabilités. Rien ne peut être mathématiquement prouvé. (4) La décision doit être rendue judiciairement et par conséquent en conformité aux règles de preuve généralement admises. Le Règlement étant d’ordre public, l’arbitre ne peut décider par complaisance ou par le fait que la preuve présentée par l’une des parties se veut sympathique.

 

[91] Ainsi les règles concernant le fardeau de preuve permettront à l’arbitre d’apprécier dans un cadre précis la preuve présentée par les parties (5).

 

[92] Quant à la preuve d’un acte juridique le législateur l’a ainsi codifié à l’article 2811 C.c.Q. :

 

La preuve d’un acte juridique ou d’un fait peut être établie par écrit, par témoignage, par présomption, par aveu ou par la présentation d’un élément matériel, conformément aux règles énoncées dans le présent livre et de la manière indiquée par le Code de procédure civil (chapitre c-25) ou par quelque autre loi.

 

 

 

ANALYSE ET MOTIFS :  CCAC S20-052701-NP

 

POINT 4 : PLANCHER DE L’ÉTAGE DEVANT L’ESCALIER

POINT 5 : CARRELAGE CÉRAMIQUE DEVANT LA DOUCHE À L’ÉTAGE

 

[93] Le conciliateur rapporte ainsi l’historique et ses observations lors de la visite des lieux.

 

[94] Les bénéficiaires dénoncent avoir constaté en janvier 2019, une pente d’un demi-pouce sur 46 pouces au plancher de bois franc ainsi qu’au nez du palier de l’étage, de même qu’une pente d’un demi-pouce sur 48 pouces au plancher de carrelage céramique devant la douche à la salle de bain de l’étage.

 

[95] L’entrepreneur indique avoir pratiqué une ouverture au coin de l’escalier où s’appuie le plancher de l’étage et avoir demandé au manufacturier de revoir ses calculs et ses plans d’assemblage.  Il a de plus obtenu l’opinion verbale d’un ingénieur indépendant à l’effet que l’assemblage était adéquat.

 

[96] Sa visite lui a permis d’observer un dénivelé au plancher de l’étage d’environ un demi-pouce de largeur du palier devant l’escalier. Elle lui a également permis d’observer une variation du niveau du plancher devant la douche par rapport au reste du plancher de la salle de bain de l’étage d’environ 3/8 pouce sur une longueur 900 mm en partant du seuil de la porte vers la façade principale de la résidence.

 

[97] Par l’ouverture pratiquée au plancher de l’étage, le conciliateur a observé l’assemblage d’un chevêtre composé de deux pièces de 2 pouces par 10 pouces sur lequel s’attachent les poutrelles du plancher du corridor et d’une partie de la salle de bain à l’étage, lequel est fixé par étrier sur la double poutrelle d’enchevêtrure.

 

[98] Il mentionne qu’à l’exclusion des dommages aux finis de gypse occasionnés par les ouvertures exploratoires réalisées par l’entrepreneur, aucun dommage n’est présent aux finis à ces endroits pouvant indiquer une quelconque déficience de la structure.

 

[99] Monsieur Yvan Gadbois reconnaît dans sa décision que les points 4 à 6 rencontrent les critères de malfaçon non apparente au sens du paragraphe 3 de l’article 10 du Règlement, lequel est ainsi libellé :

 

10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

3o la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons :

 

[100] Toutefois, considérant qu’un délai de dix (10) mois s’est écoulé entre la découverte des malfaçons et la dénonciation par les bénéficiaires à l’entrepreneur et l’administrateur, ce dernier considère qu’il s’agit d’un délai de dénonciation déraisonnable.

 

[101] Lors de la séance d’arbitrage, le bénéficiaire, Alexandre Carrier fit référence à son courriel du 5 mars 2019 (B-2, p.6) adressé à l’entrepreneur, traitant des déficiences et des mises à jour des points ciblés (dont les points 4 et 5) ainsi que les communications écrites et verbales postérieures.

 

[102] En avril 2019, monsieur Carrier obtient l’assurance que les points en litige seraient redressés pour la mi-septembre. À cette dernière époque, il rejoint à nouveau l’entrepreneur lequel l’informe qu’il est trop tôt pour défausser les malfaçons. D’autres reports prennent place le 10 octobre et le 29 octobre 2019.

 

[103] Le 1er novembre 2019, l’entrepreneur procède à l’enlèvement de la céramique et le correctif de l’escalier est écarté.  De plus, ayant constaté certaines particularités, l’entrepreneur réclame la nécessité de faire des ouvertures au plafond. Malgré cet exercice, l’entrepreneur ne peut circonscrire la problématique. Devant ces reports et l’absence de résultat, les bénéficiaires dénoncent, le 12 novembre 2019, à l’administrateur et à l’entrepreneur les points 4 et 5.

 

[104] Monsieur Alexandre Carrier assure qu’il a toujours cru en la bonne foi de l’entrepreneur considérant qu’il le présumait compétent à résoudre les problématiques allégués.

 

[105] Quant au point 5, monsieur Mario Doré fait savoir en avril 2019 au bénéficiaire qu’il pourrait s’agir d’un ajustement des poutrelles. Il lui précise qu’il fera vérifier la problématique par le fabricant des poutrelles. L’entrepreneur lui représente que la correction sera faite à l’automne.

 

[106] Le 21 octobre 2019, monsieur Carrier transmet un courriel (B-2) à l’entrepreneur confirmant une mise à jour des points à finaliser, notamment la pente du plancher de la salle de bain, face à la douche et le plancher à niveler en haut des marches. L’entrepreneur ne donnera pas suite.

 

[107] L’entrepreneur n’a fourni aucune preuve expliquant ou justifiant l’inexécution des points 4 et 5 en novembre 2019.

 

[108] Le Tribunal rapporte à nouveau la déclaration du conciliateur à la suite de la preuve expliquant les délais par le bénéficiaire.

 

Il aurait pu modifier sa décision parce que la seule intervention de l’entrepreneur fut de faire des ouvertures. On n’a pas apporté de correctifs ou d’interventions sur le bâtiment. »

 

[109] Bref, monsieur Gadbois ne considère plus que le délai de dénonciation de 10 mois, dans les circonstances, comme exagéré. Faut-il ajouter que même le procureur de l’administrateur n’a pas contesté la position des bénéficiaires.

 

[110] Pour le Tribunal, le délai de dix (10) mois de dénonciation, compte tenu des circonstances particulières du dossier et de l’inexécution par l’entrepreneur, malgré un suivi assidu par le bénéficiaire au moment des différentes échéances reportées systématiquement par l’entrepreneur n’est pas déraisonnable, bien au contraire.  Le Tribunal ne peut rien reprocher ou épiloguer aux bénéficiaires. L’entrepreneur est l’artisan de sa négligence et son incurie. Qui plus est, aucun préjudice réel ne fut subi par l’entrepreneur.

 

[111] Le bénéficiaire a soumis la décision de Ulric Brosseau c. 9253-5400 Québec Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc. (6)

 

[112] Le Tribunal en rapporte le passage suivant :

 

Application des principes jurisprudentiels à la malfaçon.

 

(73) Une évaluation générique du délai raisonnable dans un cadre jurisprudentiel principalement de vices cachés permet de conclure qu’une période de six mois constitue certes un délai raisonnable qui peut être prolongé selon les circonstances jusqu’à un an (7) et plus (tel l’affaire Benoit précitée) alors qu’un délai de deux ans a été jugé déraisonnable (8).

 

(74) On peut certes tirer des critères applicables à la garantie des vices cachés certains principes relatifs à la détermination de la raisonnabilité du délai de dénonciation, mais pas nécessairement au même titre.

 

(75) En effet, le Tribunal est d’avis que son analyse doit prendre en considération si l’entrepreneur subit un préjudice ou non d’une dénonciation qui pourrait sembler tardive, et dans les circonstances présentes, l’entrepreneur (et conséquemment sa caution, l’administrateur) ne subit aucun préjudice notable; au contraire, ce serait plutôt le bénéficiaire qui peut se plaindre du délai à jouir paisiblement de son Unité.

 

(76) De même, un délai défini non seulement par la connaissance du bénéficiaire mais tempéré par des discussions de trouver une solution négociée se doit d’être selon les circonstances pris en considération.

 

(77) De plus, dans un cadre de malfaçon, le Tribunal considère que selon les circonstances (et c’est le cas aux présentes), la sévérité moindre des conséquences d’une malfaçon (par exemple comparativement à un vice caché) permet une raisonnabilité élargie du délai.

 

[113] Les juges Pierre-J. Dalphond, Julie Dutil et Marie-France Bitch de la Cour d’Appel enseignent dans l’arrêt Claude Joyal Inc. c. CNH Canada Ltd, (9) :

 

… les conséquences du défaut de dénonciation dans un délai raisonnable doivent correspondre à un préjudice réel pour le vendeur, et non à un simple préjudice de droit.

 

[114] Faut-il ajouter la position des auteurs Jean-Louis Baudouin et Yvon Renaud (10) qui écrivaient en 2016 :

 

Un délai plus long que la normale peut se justifier s’il y a des circonstances particulières, telles des tentatives de remédier aux problèmes, des pourparlers de règlement, des essais de réparation.

 

[115] Considérant la preuve, l’état du droit, de la jurisprudence et de la doctrine, le Tribunal doit accueillir l’appel des bénéficiaires quant aux points 4 et 5.

 

 

POINT 6 : PORTE ESCAMOTABLE AU SOUS-SOL

 

[116] Le bénéficiaire a reconnu lors de son témoignage qu’il n’a pas apporté de suivi quant au point 6 face à l’entrepreneur, si ce n’est que dans le courriel du 5 mars 2019 (B-2). Aucune preuve ne fut présentée pour justifier le délai de 10 mois.

 

[117] Pour ce motif, l’appel des bénéficiaires doit être rejeté quant à la porte escamotable.

 

 

ANALYSE ET MOTIFS : CCAC S20-060901-NP

 

POINT 2 : JOINTS AU CARRELAGE CÉRAMIQUE DE LA CUISINE

POINT 3 : JOINTS DE CÉRAMIQUE À LA SALLE DE BAIN

 

[118] Le Tribunal entend traiter :

 

A-   La décision de l’administrateur

B-   La conséquence de la sous-traitance par les bénéficiaires

C-  L’obligation de résultat

D-  L’expert

E-   L’analyse des positions respectives

 

 

A- LA DÉCISION DE L’ADMINISTRATEUR

 

[119] La décision (A-14) quant aux points 2 et 3 applique le même constat, le même raisonnement et la même conclusion.

 

[120] Au moins d’août 2019, les bénéficiaires dénoncent avoir constaté la fissuration et l’évidement des joints de coulis, tout comme avoir ressenti des carreaux bouger et des bruits en marchant sur certaines céramiques principalement dans la cuisine.

 

[121] Pour la salle de bain, le même constat est noté. Ils soulignent du mouvement de carrelage de céramique provoquant des bruits de craquement. À noter que le plancher est muni d’un système radiant.

 

[122] Monsieur Yvan Gadbois rapporte ainsi les commentaires de l’entrepreneur et ses observations quant au point 2 (carrelage cuisine) :

 

L’entrepreneur mentionne quant à lui que le système de chauffage radiant n’a pas été installé par lui. Toutefois, il a appliqué le produit autonivelant sur le système radiant ainsi que la pose des carreaux de céramique.

 

Selon l’entrepreneur, il n’y avait qu’un carreau instable, dont celui qu’il a retiré au plancher de la cuisine en octobre 2919 pour constater que la colle a bien adhéré au carreau et que la membrane était mal fixée au support du plancher.

 

Lors de notre visite, nous avons observé ce qui suit au plancher de céramique de la cuisine :

 

·                                                                                                                                                                                                                         La présence de carreaux de grande dimension, soit d’environ 600 mm par 600 mm;

·                                                                                                                                                                                                                         Un carreau pleine grandeur désolidarisé entre l’îlot de cuisine et la porte fenêtre et contigu avec le plancher de bois de la salle à manger;

·                                                                                                                                                                                                                         La présence de joints de coulis entre les carreaux fissurés et évidés en partie, à environ quatre endroits à la cuisine;

·                                                                                                                                                                                                                         L’absence de mouvement des carreaux de céramique.

 

[123] Relativement à ce dernier point, il faut rappeler que le conciliateur a reconnu que lors de la visite au matin de l’audience il avait constaté un mouvement des carreaux de céramique.  De plus, il s’est corrigé sur l’application du produit autonivelant qui fut exécuté par le sous-traitant des bénéficiaires lequel fut prescrit par l’entrepreneur.

 

[124] Par suite de la communication des plans de l’entrepreneur à l’administrateur, le conciliateur a formulé la conclusion suivante :

 

Ainsi, le dimensionnement des poutrelles de plancher en place a été réalisé avec une flèche de L/480 et que l’installation de carreaux de céramique de grande dimension requiert une flèche minimale de L/720.

 

[125] La garantie pour malfaçon visée par l’article 2120 C.c.Q. assure au propriétaire que le travail effectué est conforme tant au contrat, qu’aux règles de l’art.

 

[126] À cet effet, l’auteur Jacques Deslauriers s’exprime en ces termes (11) :

 

« 2057. Le respect des règles de l’art est de l’essence même du contrat d’entreprise, même si le contrat n’y réfère pas expressément.  Cette obligation est imposée par la loi et revêt un caractère d’ordre public.  L’entrepreneur doit donc s’y conformer et utiliser les méthodes reconnues dans son domaine d’expertise et les procédés prévalant à l’époque où les travaux sont exécutés. En matière de construction, les règles de l’art touchent la méthode de travail, l’emploi judicieux des matériaux approuvés par l’autorité compétente et leur assemblage, permettant d’obtenir un ouvrage qui une fois terminé, remplit les fins pour lesquelles il a été conçu. »                (Références omises)

 

           (Je souligne)

 

[127] Les auteurs Baudouin et Deslauriers, dans l’ouvrage La Responsabilité Civile : Principes généraux, écrivent (12) :

 

«2-309 - Généralités - La responsabilité des constructeurs n’est pas limitée seulement aux défauts qui compromettent gravement la solidité, l’utilisation normale ou la destination de l’immeuble.  Elle s’étend aussi aux imperfections qui rendent celui-ci non conforme au modèle originellement prévu et qui diminuent ainsi la jouissance du propriétaire.

 

2-310 - Droit nouveau - L’article 2120 C.c.Q. est nouveau et instaure un régime de responsabilité légale pour les malfaçons, qui sont spécifiquement exclues de l’application de l’article 2128 C.c.Q. Auparavant, le recours pour malfaçons ne s’exerçait que sur la base de la responsabilité contractuelle de l’article 1065 C.c.B.C. L’article 2120 C.c.Q. qui impose une obligation de garantie, sauf stipulations contractuelles à l’effet contraire, édicte finalement une présomption de responsabilité qui est mise en œuvre dès que les conditions d’application de la garantie sont démontrées, de sorte que le client n’a pas dans le cadre de ce recours à prouver la faute de l’intervenant en construction.   

                                               (Je souligne)

 

[128] Pour les joints de céramique de la salle de bain, il est allégué par l’entrepreneur que la conception du plancher se veut identique à celle de la cuisine.  Le constat fait par le conciliateur est sensiblement identique au point 2.

 

[129] Le raisonnement et la conclusion formulés par l’administrateur sont identiques à ceux émis pour les joints au carrelage céramique de la cuisine (point 2).

 

B- CONSÉQUENCE DE LA SOUS-TRAITANCE PAR LES BÉNÉFICIAIRES

 

[130] Pour monsieur Jérémie Tremblay, directeur chez l’entrepreneur, les bénéficiaires sont responsables pour la pose de la céramique et du système de chauffage radiant puisque les sous-contractants relevaient directement des bénéficiaires.  Ceux-ci devenaient les maîtres d’œuvre de ces travaux.  Ils sont uniquement responsables des travaux décrits aux points 2 et 3 de la décision.

 

[131] L’entrepreneur a soutenu que le paragraphe 1 de l’article 12 du Règlement devaient s’appliquer dans les circonstances, lequel énonce :

 

12. Sont exclus de la garantie :

 

1o la réparation des défauts dans les matériaux et l’équipement fournis   et installés par le bénéficiaire :

 

[132] Le procureur de l’administrateur a insisté dans son argumentation sur le fait que l’entrepreneur n’a effectué aucun contrôle, ni aucune surveillance quant aux travaux exécutés par les sous-traitants et que ces derniers étaient ceux de l’entrepreneur et « référés » par l’entrepreneur.

 

[133] Au surplus, Me Jean-Pierre Boyer a déposé la décision Les Habitations Mont-Carleton Inc. c. Marguerite Dunn et François Gosselin et GCR (13) rendue par mon collègue, Me Roland-Yves Boyer, lequel s’exprime ainsi quant au devoir de vérification, ce que le Tribunal qualifie de réelle gouvernance.

 

(256) Le Tribunal d’arbitrage ajoute que l’Entrepreneur n’a pas transmis à son sous-traitant en fondation l’étude de caractérisation en sa possession depuis le 14 juillet 2016, alors même qu’il y a la stipulation suivante sur le Plan de fondation (Pièce E-1, 5 de 8) :

 

L’entrepreneur en fondation devra s’assurer que les conditions de sol sont acceptables avant de construire les fondations et devra s’assurer que le niveau top fondation est approuvé par le (blanc) […] les travaux devront être réalisés selon les règles de l’art et devront respecter les normes du C.N.B. en vigueur.

 

(257) La Cour supérieure, dans l’affaire Bernard Longpré Inc. c. Langlais (14) écrit :

 

(25) De l’avis du soussigné, l’entrepreneur qui effectue de la rénovation résidentielle, à plus forte raison celui qui prétend être un spécialiste en la matière, ne doit rien prendre pour acquis sur ce que son client […], sait ou ne sait pas.  Il doit lui donner du temps et lui expliquer […].

 

(258) La simple inspection visuelle ne suffit pas pour se décharger de cette obligation de « devoir s’assurer », l’Entrepreneur ou son sous-traitant doit aussi poser des questions aux bénéficiaires car il « ne doit rien prendre pour acquis sur ce que son client […], sait ou ne sait pas », a fait ou n’a pas fait.

 

(259) Vu les dispositions de l’article 2100 C.c.Q.., l’Entrepreneur et son sous-traitant se doivent au minimum, si le bénéficiaire est un néophyte comme ici, lui demander car néophyte, s’il a déterminé et si oui, comment il a déterminé le niveau de la fondation et non agir les yeux fermés et alléguer que ce n’est pas sa responsabilité, puisque l’Entrepreneur a l’obligation de livrer une maison qui serve à l’usage pour laquelle est destinée.

                                             (Je souligne)

 

[134] Le témoignage du bénéficiaire lequel n’a d’aucune façon été contredit, a établi que l’entrepreneur n’a pas donné le choix aux bénéficiaires quant aux sous-contractants qu’ils pouvaient retenir, à savoir, le poseur de céramique et l’électricien.  Pour le premier, l’entrepreneur s’est objecté à ce que le bénéficiaire puisse prendre le sous-contractant de son choix.  Quant au second, les deux choix possibles se voulaient les sous-traitants assidus de l’entrepreneur dans leur domaine respectif.

 

[135] L’entrepreneur n’était pas en droit d’exiger et d’imposer que les sous-contractants soient uniquement ceux qu’il engage pour ses projets de construction.  L’entrepreneur vicie le libre choix du bénéficiaire et doit supporter les conséquences de ses décisions Il ne peut prétendre qu’il n’est pas responsable des travaux exécutés par lesdits sous-traitants.  Il imposerait son choix et pourrait du même coup se disculper de toute responsabilité quant à une (potentielle) mauvaise exécution par ses sous-contractants qu’il a imposés aux bénéficiaires.

 

[136] L’article 2115 du Code civil du Québec édicte :

 

2115. L’entrepreneur est tenu de la perte de l’ouvrage qui survient avant sa délivrance, à moins qu’elle ne soit due à la faute du client ou que celui-ci ne soit en demeure de recevoir l’ouvrage.

 

Toutefois, si les biens sont fournis par le client, l’entrepreneur n’est pas tenu de la perte de l’ouvrage, à moins qu’elle ne soit due à sa faute ou à un autre manquement de sa part. Il ne peut réclamer le prix de son travail que si la perte de l’ouvrage résulte du vice propre des biens fournis ou d’un vice du bien qu’il ne pouvait déceler, ou encore si la perte est due à la faute du client.

 

[137] Les sous-traitants étant ceux de l’entrepreneur, choisis et imposés par l’entrepreneur, ils devenaient de toute évidence assujettis à la responsabilité de l’entrepreneur.  L’entrepreneur en imposant ses sous-contractants a manqué à son obligation de traiter équitablement.  Cette situation constitue un manquement si on peut tracer un parallèle avec l’article 2115 C.c.Q.

 

[138] Encore faut-il reconnaître, comme la jurisprudence l’a souvent confirmé, que les bénéficiaires doivent être considérés comme des consommateurs au sens de la Loi sur la Protection du consommateur (15).

 

[139] Les bénéficiaires étaient alors dans une situation de déséquilibre quant au pouvoir de contester une telle décision.  Les bénéficiaires étant dans une situation vulnérable (en cours d’exécution de contrat), ils se devaient d’accepter la décision de l’entrepreneur.

 

[140] Il est particulièrement paradoxal que l’entrepreneur soutienne que les travaux de pose de céramique puissent imputer une responsabilité aux bénéficiaires et disculper l’entrepreneur alors que monsieur Jérémie Tremblay a fait valoir à l’audience qu’il avait demandé à son sous-traitant, Plancher Bois-Franc Gagnon, de réparer les fissures de joints et le coulis évidé.

 

[141] Le Tribunal considère que le paragraphe 1 de l’article 12 du Règlement n’est pas applicable en l’espèce et que les travaux exécutés par les sous-contractants demeurent de la seule responsabilité de l’entrepreneur.

 

C- OBLIGATION DE RÉSULTAT

 

[142] Dans le contrat de construction, l’entrepreneur doit s’exécuter conformément aux règles de l’art., « au mieux des intérêts de son client, avec prudence et diligence » (art. 2100 C.c.Q.) :

 

2100 - L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence.  Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

 

Lorsqu’ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure.

 

[143] L’obligation de résultat emporte pour l’entrepreneur l’obligation de procurer à son client le résultat attendu.  Il est tenu à cette obligation puisqu’il est un expert dans un domaine particulier : la construction.

 

[144] L’auteur Vincent Karim dans son ouvrage intitulé Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), contrat de prestation de services et l’hypothèque légale (16) écrit :

 

1250.  Par ailleurs, tous les intervenants en construction sont tenus à une obligation de résultat quant à la qualité de l’ouvrage et à sa conformité aux règles de l’art.  Cette obligation de résultat constitue la raison d’être de la garantie pour les malfaçons, puisque si l’ouvrage a été construit conformément aux règles de l’art, il ne doit être affecté d’aucune malfaçon […]. 

 

[145] L’auteur Jacques Deslauriers, dans son volume intitulé Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service (17) écrit :

 

2071. L’entrepreneur doit s’assurer que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat (art. 2100 C.c.Q.). Cette règle codifie la jurisprudence en matière de responsabilité d’un entrepreneur ou d’un prestataire de services.  S’ils sont tenus à une obligation de résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant force majeure (art. 1470 C.c.Q.), un manquement du client à ses propres obligations ou la faute d’un tiers.  S’ils sont tenus à une obligation de moyens, ils devront prouver qu’ils ont pris les moyens voulus pour atteindre les objectifs du contrat.  L’objet du contrat et son caractère aléatoire déterminent si l’entrepreneur ou le prestataire de services est tenu à une obligation de moyens ou de résultat.  Toutefois, pour qu’un intervenant soit assujetti à une obligation de résultat, un contrat d’entreprise ou de service doit être intervenu entre les parties.

                                                         (Références omises)

 

[…]

 

2-324 - Preuve - Sous le régime de l’article 2120 C.c.Q., le propriétaire, pour engager la responsabilité du constructeur, doit simplement démontrer les conditions d’application de cette disposition et principalement l’existence de la malfaçon pour faire jouer l’obligation de garantie auquel cas le législateur n’a prévu aucun moyen d’exonération pour le constructeur.

                                                         (Je souligne)

 

E- L’EXPERT

 

[146] Dans le présent dossier, les points 2 et 3 ont été abordés et discutés principalement par l’ingénieur Alexandre Badeau, pour l’entrepreneur, et Yvan Gadbois, conciliateur, pour l’administrateur.

 

[147] Monsieur Jérémie Tremblay, directeur pour l’entrepreneur a décidé de retenir les services d’Alexandre Badeau après avoir obtenu des informations explicatives quant à la décision de l’administrateur.  De là, il dira : « J’ai fait appel à Alexandre comme ingénieur indépendant ». Plus tard, s’adressant à son témoin, il lui proposa : « Mais ton back ground, tu peux en parler ». Il ressort de ces propos un langage qui reflète une certaine familiarité.

 

[148] Le Tribunal a procédé à un voir-dire pour déterminer ou pas si Alexandre Badeau pouvait être déclaré comme un témoin expert. Certes, il m’apparaît que l’ingénieur peut l’être, compte-tenu de ses qualifications, ses connaissances et son expérience comme un expert en structure de bâtiment. Mais a-t-il agi, en l’espèce comme un témoin expert auquel on est en droit de s’attendre? Le Tribunal ne croit pas.

 

[149] Le voir-dire a révélé que l’ingénieur Badeau n’offrait pas l’indépendance requise qu’un expert doit démontrer.  Celle-ci s’apprécie notamment dans les rapports qu’il entretient avec l’entrepreneur concerné par l’expertise, puisque la situation en cause affecte ce dernier. Le Tribunal peut difficilement souscrire à l’affirmation de monsieur Tremblay, lequel considère « Alexandre comme un ingénieur indépendant ».  L’expert doit éclairer le juge et non, simplement se faire le défenseur de la cause de son client.

 

[150] Le juge Mongeau, de la Cour Supérieure, écrivait dans l’affaire The Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Manac Inc. Nortex (18) :

 

« Aider le tribunal, l’assister dans son analyse et son évaluation d’une preuve technique ou scientifique doit être le seul objectif, l’unique devoir de l’expert. »25

                                         (Je souligne)

 

[151] L’ingénieur Badeau admet avoir fait des projets avec l’entrepreneur dans le passé. Ajoutons que lors du voir-dire monsieur Badeau s’est contredit quant au fait d’avoir déclaré dans un premier temps avoir été engagé à plusieurs reprises par l’entrepreneur pour rédiger des expertises pour finalement aboutir à une seule expertise.

 

[152] Quant à savoir devant quel Tribunal l’expertise devait servir, il n’a pu le dire tout comme monsieur Tremblay qui s’est empressé de répondre au lieu et place de son expert.  Les réponses de monsieur Badeau à ce stade se voulaient des valses hésitantes laissant place à un manque de transparence et de vérité. Le verbatim rapporté plus haut en témoigne.

 

[153] Les points ici soulignés, s’ils ne rendent pas l’expert inapte à témoigner, sont toutefois susceptibles d’affecter sa crédibilité.

 

[154] La Cour d’Appel dans l’arrêt Hôtel-Dieu de Québec c. Boies (19), a statué que le juge n’est pas obligé d’accepter l’opinion d’un expert et il pourra l’écarter pour les mêmes motifs qu’il le ferait pour un témoin ordinaire, soit pour une question de crédibilité, de partialité.  L’exagération ou l’exigüité peut également avoir une incidence sur l’analyse d’un témoignage. Le témoignage de l’expert se doit d’être infusé d’une objectivité indiscutable. Il faut souligner l’article 2845 C.c.Q., lequel prescrit que :

 

La force probante du témoignage est laissée à l’application du Tribunal.

 

[155] Finalement, il faut noter la décision de la Cour Suprême dans l’arrêt Shawinigan Engineering Co. C. Naud (20) qui statua clairement que le témoignage de l’expert est apprécié de la même façon que celui du témoin ordinaire quant à force probante :

 

[…] la loi ne fait aucune distinction entre les professionnels et les autres témoins.  Leurs témoignages doivent être appréciés comme les autres, et le tribunal est tenu de les examiner et de les peser comme toute autre preuve faite dans la cause […].

 

 

E- ANALYSE DES POSITIONS RESPECTIVES

 

[156] Monsieur Alexandre Badeau expose qu’il y a deux aspects à considérer dans le présent dossier (points 2 et 3): les flèches et la sous couche.  Le Code National du Bâtiment propose usuellement L/360. Cette norme, dit-il, est reprise par le Code de construction du Québec et par Cecobois.

 

[157] L’ingénieur rapporte la charge qui doit être retenue (1,9 kPa) pour les flèches calculées instantanément lorsqu’elles se retrouvent sous une charge vive.  La flèche totale, laquelle inclut la charge morte doit être également vérifiée.

 

[158] Dans l’industrie, fait-il valoir, où utilise L/480 pour les flèches instantanées tel que le recommande Cecobois.

 

[159] Quant à L/720, on la retrouve qu’à un seul endroit, soit sur les surfaces verticales en mur de blocs de verre.  Il soutient que jamais L/760 peut s’appliquer pour un plancher ou une surface horizontale. Mais pourquoi? Ni dans les codifications ou les guides il n’est proposée une telle assertion.

 

[160] Le critère L/720 n’est pas recommandé dans quelque code ou document d’ingénieur que ce soit, pour l’installation de céramique au plancher. Pourtant le conciliateur a fait part d’une référence.

 

[161] Pour ces sous-couches, le CNB et le Code de la construction demandent l’installation d’une sous-couche de bois.  Toutefois, il souligne que depuis les 10 dernières années des membranes de désolidarisation sont utilisées pour les carreaux de céramique. Le témoin ajoute que l’industrie de la construction s’est orientée vers une règle de l’art et la membrane posée est une mesure équivalente à une sous-couche.

 

[162] Le juge Guy Rinfret, dans le dossier Gisèle Montplaisir c. Ariane Bonenfant, en sa qualité de liquidatrice de la succession René Bonenfant, écrivait au sujet des règles de l’art (21) :

 

[161] La partie qui allègue les règles de l’art doit en établir l’existence et le contenu.  De plus, il faut apprécier l’exécution des obligations sous l’angle du respect des règles de l’art et en fonction de l’état de cette exigence à l’époque de la prestation.

 

                                          (Je souligne)

 

[163] L’auteur, Me Bernard P. Quinn, souligne dans son écrit (22) La Construction au Québec : perspectives juridiques. Les règles de l’art :

 

 La partie qui souhaite établir l’existence et le contenu de règles de l’art en vue de la solution d’un litige fera bien, dans la mesure où les règles à établir le permettent, de fonder cette démonstration sur une preuve soigneusement préparée.  La preuve doit avoir une qualité suffisante pour démontrer à la fois l’existence de telles règles et la façon dont elles ont été transgressées dans le cas à l’étude.

 

                                          (Je souligne)

 

[164] Ces exigences rappelées par la jurisprudence et la doctrine n’ont pas reçu application au niveau de la preuve de l’entrepreneur.

 

[165] Mon collègue, Me Robert Masson, apporta la définition suivante de la notion de « malfaçon » tout en soulignant « la perfection de l’ouvrage » dans l’affaire Cordeiro et Construction Simon Cousineau Inc. et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.  (23) :

 

« MALFAÇON » : défectuosité ou défaut dans un ouvrage de construction imputable à l’ignorance, à la négligence ou à la malveillance, occasionné par un manquement à l’ensemble des renseignements qui régissent un métier ou aux normes applicables à un ouvrage auxquelles l’entrepreneur est tenu, et qui assurent la perfection de l’ouvrage et une exécution complète et total de l’ouvrage pour qu’il convienne à l’usage auquel il est destiné.

                                                            (Je souligne)

 

[166] De même dans l’affaire Jean-Louis Robitaille c. 97944357 Canada et al (24) l’arbitre apporte la définition suivante de la malfaçon :

 

Une malfaçon est un défaut dans un ouvrage qui porte atteinte à la qualité du bâtiment : un manquement aux normes qui assurent que les ouvrages de construction seront faits avec soin; un manquement aux règles qui régissent un métier et qui assurent la perfection de l’ouvrage, et dont l’inobservance conduit à un manquement à une obligation essentielle de livrer un ouvrage de bonne qualité.

                                           (Je souligne)

 

[167] La problématique en cause n’assure indéniablement pas la perfection de l’ouvrage ou même s’y rapproche. La preuve a révélé que l’entrepreneur a envisagé de procéder à un ajustement de poutrelles et qu’une flexion de celles-ci pouvait être la cause du problème. Aussi, il n’a pu confirmer que les matériaux étaient adéquats pour la structure. Qui plus est, l’’ingénieur Badeau concède qu’il existe un problème. Il reconnaît:

 

Il y a une désolidarisation et il y a une fissuration dans les joints et on voit que des tuiles qui bougent.

 

[168] Malgré ce constat, il soutient le bien fondé du matériau équivalent (membranes de désolidarisation) à la sous-couche et des flèches en place.  Questionné sur la cause de la problématique, il répondra étonnamment:

 

On ne l’a pas demandé mais la cause du problème peut être multiple.

 

[169] Pour monsieur Badeau l’air de pose n’a pas d’importance ou d’impact sur une possible fissuration.  Il assure que le bruit que l’on peut entendre en marchant, qui pour lui est un critère de vibration, est « un peu standard » puisqu’il s’agit d’une structure de bois. Le Tribunal doit-il conclure que les vibrations, le bruit et le mouvement de plancher que le soussigné à lui-même constatés doivent être considérés comme normaux et acceptables et qu’ils sont dus uniquement à une mauvaise pose de la céramique? Pour corriger la problématique, il suffirait de faire appel à un carreleur, soit le même qui s’est exécuté et qui de fait est le sous-traitant de l’entrepreneur.

 

[170] Le directeur de l’entrepreneur a insisté pour faire valoir que ce dernier respectait les consignes de l’APCHQ.  Il faut être prudent dans l’application des barèmes de cet organisme.  Ainsi le rappelle le juge Jeffrey Edwards (alors arbitre) dans l’affaire Les Habitations Signatures Inc. c. Folco et Garantie des Bâtiments Résidentiels neufs de l’APCHQ (25).

 

[37] Ces deux (2) experts s’entendent sur le fait que le Guide de performance de l’APCHQ mentionne certains barèmes quant à ce qui peut, selon les circonstances, être acceptables dans l’industrie relativement à la dénivellation d’un plancher.  Selon ces règles, le plancher serait à priori acceptable.  Mais à leur avis, en appliquant ces mêmes barèmes, il y a également un aspect subjectif prenant en compte l’aspect esthétique du plancher pour chaque cas d’espèce.  Soulignons qu’à tout évènement, ces barèmes peuvent guider le Tribunal d’arbitrage lors de son appréciation du caractère acceptable des normes mais ne lient pas le Tribunal d’arbitrage saisi d’une question du caractère acceptable des travaux ou des normes déterminantes de l’industrie.

 

[171] Deux choses l’une : ou bien une flèche L/480 est adéquate ou bien elle ne répond pas aux normes en l’espèce.

 

[172] L’approche et la position de l’administrateur se démarquent de celles de l’ingénieur Alexandre Badeau et elle est endossée par le Tribunal.

 

[173] Il faut reconnaître les connaissances, l’expérience et une expertise évidente du conciliateur dans le domaine de la construction. Au surplus, faut-il le noter, ce dernier n’a aucun intérêt dans le dossier.

 

[174] Monsieur Yvan Gadbois fait état de la grandeur des carreaux de céramique et de leur poids qui se démarquent de ceux qui étaient proposés par l’entrepreneur.  Il a fait remarquer que les fissurations et les évidements au niveau de la cuisine et de la salle de bain étaient davantage présents lors de la visite préliminaire à l’audience.  Lors de ce dernier examen, il a noté qu’il y avait du mouvement au niveau du plancher de la cuisine particulièrement. Le tribunal rappelle que le bénéficiaire a constaté ces anomalies à répétition, ses écrits et son témoignage corroborent le témoignage du conciliateur.

 

[175] Son analyse des dessins d’atelier et des plans d’assemblage de la structure du plancher s’est faite en collégialité avec des experts du service technique de la GCR.

 

[176] Il fait remarquer que plus une poutrelle de plancher est étendue plus elle sera flexible et plus elle vibrera et d’ajouter :

 

« On doit savoir que la poutrelle va vibrer lorsqu’on se déplace »

 

[177] Il note que la vibration qui est ainsi provoquée a une incidence sur le fini qui sera apposé.  En l’espèce, un plancher recouvert de céramique a besoin d’un niveau de rigidité supérieur.

 

[178] La rigidité du plancher doit augmenter notamment en fonction de la grandeur de la céramique pour éviter des fléchissements en présence de vibrations. Le conciliateur soutient qu’une tuile de 2`` carrés n’acceptera pas une insuffisance de rigidité.

 

[179] Un autre argument soulevé par le témoin quant à la nécessité d’utiliser une flèche L/720 prend assise du fait qu’aucune couche de pose ne fut installée conformément à l’article 932.1 du C.N B. On ne pourrait autoriser l’utilisation d’une membrane de remplacement dans l’état actuel des codifications.

 

[180] Par expérience, monsieur Gadbois a constaté au fil des années, que s’il n’y a pas de couche de pose « c’est quasi-automatique qu’il y aura des dommages », à moins d’avoir un support de plancher (3/4’’).

 

[181] Le conciliateur ajoute que le joint lorsqu’il s’évide « c’est qu’il y a quelque chose qui bouge ». Le service de recherche de la GCR recommande aux entrepreneurs, en pareille situation, l’utilisation d’une flèche L/720.

 

[182] Monsieur Gadbois a fait référence au Guide 093000 des devis, installations de tuiles et carreaux qui suggère un critère de déflexion de L/720 pour la pierre.  Une céramique de 2``X 2`` doit être assimilée à la pierre selon lui. Ceci n’a pas été contredit.

 

[183] Initialement l’entrepreneur devait installer du carrelage.  Pour le conciliateur il appartenait à l’entrepreneur de connaître quel type de céramique les bénéficiaires allaient poser pour s’assurer que la flèche qui serait utilisée serait appropriée et efficace.

 

[184] Pour le soussigné la proposition fournie par l’ingénieur Alexandre Badeau montre un parti prit, une opinion déviée en certains points, notamment :

 

-       L/720 ne s’applique pas pour un plancher

-       L/720 n’est pas recommandé dans quelque code ou documents d’ingénierie (se faisant ainsi limitatif)

-       L’industrie de la construction et les règles de l’art

-       Il reconnaît qu’il existe un problème, soit une mauvaise pose de céramique. Alors qu’il y a un mouvement de plancher en marchant.

-       Et j’en passe.

 

[185] L’arbitre Me France Desjardins, dans la décision Nancy Audette et Daniel Savignac et Construction Louis-Seize et Associés et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc., (26) écrit :

 

[44] Pour bien cerner ces notions, le Tribunal réfère aux définitions fournies, à titre de guide, dans une brochure publiée par la Régie du bâtiment du Québec. Cet organisme est chargé, en vertu de la Loi sur le bâtiment, de l’application du Règlement :

 

 

Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées.  Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.

 

Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :

 

les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles :

les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation;

les lois ou règlements contenant des prescriptions obligatoires relativement à l’ouvrage à construire;

les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins d’enseignements des professions ou des métiers, ou servant à la diffusion du savoir le plus récent. »

 

[45] De plus, pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d’accréditation, l’entrepreneur doit d’ailleurs, conformément à l’article 78 du Règlement, signer la convention d’adhésion fournie par l’administrateur, comportant les engagements énumérés à l’annexe II du Règlement.  L’entrepreneur accrédité s’y engage, entre autres :

                                                                                                           … « 3e à respecter les règles de l’art et les normes en

       vigueur applicables au bâtiment.

 

[186] Aussi Tribunal a été à même de constater lors de la visite préalable des lieux qu’il y avait du bruit émanant du plancher lorsque les personnes se déplaçaient, et que le plancher laissait voir une certaine flexion en appuyant à certains endroits.

 

[187] Les explications et la conclusion de l’administrateur furent émises avec neutralité et elles furent soutenues par un raisonnement qui tient la route et livrées avec des constatations cohérentes.

 

[188] L’entrepreneur n’a pas réussi à présenter une preuve prépondérance quant aux points 2 et 3 du rapport de l’administrateur.

 

 

MÉTHODE CORRECTIVE

 

[189] Une forte tendance jurisprudentielle quant au droit de la méthode corrective indique que c’est l’entrepreneur qui dispose du choix de la méthode corrective. (27) L’article 2099 C.c.Q. donne à l’entrepreneur le libre choix des moyens d’exécution. Encore faut-il que le résultat soit adéquat et qu’il réponde à l’obligation de résultat.

 

 

LES FRAIS

 

[190] L’article 21 du Règlement stipule :

 

21. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

 

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.

 

[191] Considérant que les bénéficiaires ont eu gain de cause dans le dossier S20-052701-NP, les frais d’arbitrage seront assumés par l’administrateur en vertu de l’article 21.

 

[192] Tenant compte que l’appel de l’entrepreneur est rejeté, les frais d’arbitrages dans le dossier S20-060901-NP seront assumés en parts égales par l’administrateur et l’entrepreneur en vertu du second paragraphe de l’article 21.

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

 

ACCUEILLE            l’appel des bénéficiaires dans le dossier S20-052701-NP à l’exception du point 6 de la décision de l’administrateur;

 

 

REJETTE                 l’appel de l’entrepreneur dans le dossier S20-060901-NP;

 

 

            MAINTIENT              la décision de l’administrateur quant au point 6;

 

 

ORDONNE               à l’entrepreneur d’apporter les travaux correctifs quant aux points 2, 3, 4 et 5 de la décision de l’administrateur en respectant les lois et les Codes en vigueur et ce, d’ici le 22 janvier 2021, ce délai étant péremptoire, à défaut de quoi, l’administrateur devra effectuer tous les travaux dans le même délai;

 

 

ORDONNE               à l’entrepreneur de remettre en état les lieux visés aux présentes et ce, selon les règles de l’art;

 

 

ORDONNE               à l’entrepreneur de fournir à l’administrateur et aux bénéficiaires un échéancier des travaux à entreprendre d’ici le 30 novembre 2020, tout en tenant compte des besoins et obligations de ces derniers;

 

 

CONDAMNE            l’administrateur à payer les frais d’arbitrage dans le dossier S20-052701-NP avec intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de facturation émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de carence de trente (30) jours;

 

 

CONDAMNE            l’administrateur et l’entrepreneur à payer en parts égales les frais d’arbitrage dans le dossier S20-060901-NP avec intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de facturation émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de carence de trente (30) jours;

 

 

RÉSERVE                à l’administrateur ses droits à être indemnisé par l’entrepreneur et/ou caution(s), pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place et ce, conformément à la convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.  

 

 

RÉSERVE                aux bénéficiaires tous leurs recours en cas de mauvaise exécution par l’entrepreneur.

 

 

 

LAVAL, CE 19 NOVEMBRE 2020

 

 

Yves Fournier

___________________________

YVES FOURNIER

Arbitre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   RLRQ, Chapitre B-1,1, r.8

(2)   [1993] R.C.S. 456

(3)   F.H. c. McDougall, [2008] CSC 53 (Can II)

(4)   Rousseau c. Bennett, [1956] R.C.S. 89

(5)   Caisse populaire de Maniwaki c. Giroux, [1993] 1 R.C.S. 282

(6)   CCAC S16-112001-NP, 8 juin 2017, Me Jean-Philippe Ewart, arbitre

(7)   Côté c. Boyer, 2015 QCCS 4817 (CanLII)

(8)   Ortu c. Roussel, 2015 QCCQ 11329 (CanLII)

(9)   2014 QCCA 588

(10) Baudoin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 20e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2016, note sous l’article 1739. Benoit c. Sanctuaire du Mont-Royal ltée, (C.S. 1992-09-08), SOQUIJ AZ-92021504, J.E. 92-1431, [1992] R.J.Q.  2858

(11)  Jacques Deslauriers, Vente louage, contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur Ltée 2013, page 671

(12)  J.-L. BAUDOUIN, P. DESLAURIERS, La responsabilité civile. Principes généraux. Vol. 1, 7e Éditions Yvon Blais, Cowansville, Note 7, page 275

(13)  SORECONI : 171109001, 7 décembre 2017

(14)  [2000] R.L. 55 (Louis Rochette, Juge Cour supérieure., tel qu’il l’était alors).

(15)  Chapitre P-40.1

(16)  Vincent KARIM, Contrats d’entreprises (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), contrat de prestation de services et l’hypothèque légale, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 2011, p. 527.

(17)  Jacques DESLAURIERS, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 2013, page 674

(18)  C.S. Montréal, 500-05-012751-903, 26 septembre 2003

(19)  (1977) C.A. 563

(20)  1929 R.C.S. 341, p. 343

(21)  2008 QCCQ 9318

(22)  Wilson et Lafleur, à la page 590

(23)  060305001, GAMM 090474, 29-06-2006

(24)  CCAC : S05-000401-NP, para 54

(25) GAMM 2007-09-007, 10 janvier 2008

(26) CCAC S12-103002-NP, 5 avril 2013