TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide du
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(CCAC)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
______________________________________________________________________
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Dossier CCAC no: S16-091301-NP
CLAUDE DION ENTREPRISE INC.
Entrepreneur
c.
LA GARANTIE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
Administrateur
_______________________________________________
DÉCISION ARBITRALE EN COURS D’INSTANCE
Requête en suspension d’annulation d’adhésion
_______________________________________________
Arbitre : Me Jean Philippe Ewart
Pour l’Entrepreneur : Me Jean-Christophe Canuel
Carter Gourdeau Avocats
Pour l’Administrateur : Me Pierre-Marc Boyer
Me Isabelle Dubuc
Contentieux de l’Administrateur
Dates de l’Instruction : 14 et 21 octobre 2016
Date de la Décision : 25 octobre 2016
Identification des Parties
ENTREPRENEUR : CLAUDE DION ENTREPRISE INC.
A/S : Me Jean Christophe Canuel
CARTER GOURDEAU Avocats
5600 boul. des Galeries, bur. 205
Québec (Québec)
G2K 2H6
(« Entrepreneur »)
ADMINISTRATEUR: LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
7171, rue Jean-Talon Est
Montréal (Québec)
H1M 3N2
(« Administrateur »)
Table des Matières
Introduction
Mandat et Juridiction
Litige
Requête de suspension d’exécution
Pièces
Le Règlement
Chronologie
Faits Pertinents
Questions sous étude - Critères applicables à une Suspension
Introduction
Apparence de droit et Question sérieuse à juger
Ne pas procéder à un examen approfondi du litige
Préjudice sérieux et irréparable
Prépondérance des inconvénients
Analyse et Motifs
Fonctions et Décisions de l’Administrateur - Processus et Acte quasi judiciaires.
Liminaire - Le Tribunal
L’Administrateur
Obligations continues de l’Entrepreneur pour maintien de son adhésion au Plan.
Contenu de la Décision Adm.
Règles de justice naturelle - Équité procédurale et Nécessité de décisions motivées.
Sommaire - Équité procédurale.
Constat - Question sérieuse
Constat - Préjudice sérieux et irréparable
Prétention des Parties
Préjudice dans les circonstances
Considérations autres - le public
Constat - Prépondérance des inconvénients
Considérations autres - Loi et Règlement ~ mesures d’intérêt public
Conclusions
Coûts
_________________________________________
Introduction
[1] Dans le cadre d’une demande d’arbitrage par l’Entrepreneur de la décision de l’Administrateur d’annuler l’adhésion de l’Entrepreneur au Plan (tel que défini ci-dessous), la présente décision arbitrale en cours d’instance (interlocutoire) s’adresse uniquement à la requête de l’Entrepreneur de suspension d’exécution de cette décision.
Mandat et Juridiction
[2] Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné en date du 22 septembre 2016. Aucune objection quant à la compétence du Tribunal ou autre objection déclinatoire n’a été soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal a été confirmée.
Litige
Requête de suspension d’exécution
[3] Le litige visé par la présente décision arbitrale en cours d’instance découle d’une décision de l’Administrateur d’annuler l’adhésion de l’Entrepreneur au Plan datée
du 7 septembre 2016 («Décision Adm») émise en application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.8) (le « Règlement ») adopté en conformité de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) (la « Loi ») et de la demande d’arbitrage de la Décision Adm par l’Entrepreneur datée du 13 septembre 2016 (la «Demande»).
[4] Dans le cadre de la Demande, le procureur de l’Entrepreneur pourvoit à une requête de suspension d’exécution de la Décision Adm. en conformité de l’article 106 du Règlement, plus particulièrement au dernier alinéa qui se lit :
« La demande d'arbitrage concernant l'annulation d'une adhésion d'un entrepreneur ne suspend pas l'exécution de la décision de l'administrateur sauf si l'arbitre en décide autrement. »
Pièces
[5] Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier ou en continu suite à dépôt subséquent en cours d’enquête, alors que les Pièces présentées par l’Entrepreneur sont identifiées comme E-. Aucune objection quant à véracité ou exactitude de la preuve documentaire n’a été soulevée.
Le Règlement
[6] Le Tribunal s’appuie que le Règlement est d’ordre public et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie (« Garantie » ou « Plan ») qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[1].
[7] La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[2]. Le Tribunal peut faire appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient en conformité de l’art. 116 du Règlement.
Chronologie
[8] Quelques-unes des dates d’importance dans le dossier en rubrique :
2014.10.16 Convention d’adhésion (Entrepreneur) (Pièce E-1).
2014.12.15 Cautionnement individuel par C. Dion à titre de caution (de l’Entrepreneur) en faveur et sur formulaire de l’Administrateur pour un montant de $70 000 (Pièce A-23).
2015.01.01 L’Entrepreneur est accrédité par l’Administrateur en conformité de la nouvelle règlementation au Règlement.
2016.02.09 Cautionnement individuel supplémentaire par C. Dion à titre de caution (de l’Entrepreneur) en faveur et sur formulaire de l’Administrateur pour un montant jusqu’à concurrence de $105 000 (mais en supplément de tout autre cautionnement fourni ou ultérieur en conformité d’une clause ‘absence de novation’). (Pièce A-24).
2016.04.26 Garantie hypothécaire Immobilière par l’Entrepreneur en faveur de l’Administrateur pour une somme de $175 000 (notaire C. Lavoie, minutes 33 083). (Pièce E-2).
2016.06.16 Cautionnement individuel supplémentaire par C. Dion à titre de caution (de l’Entrepreneur) en faveur et sur formulaire de l’Administrateur pour un montant de $105 000, avec indication d’un montant total de caution solidaire de $175 000 (Pièce E-3).
2016.08.03/09 Correspondances de l’Administrateur (Me Dubuc) à l’Entrepreneur - re : cote qualité GCR (Pièce E-6 et E-7).
2016.09.07 Décision de l’Administrateur (Pièces A-14) (Décision Adm).
2016.09.13 Demande d’arbitrage de l’Entrepreneur.
2016.09.21 Cahier de l’Administrateur.
2016.09.22 Nomination de Me Jean Philippe Ewart à titre d’arbitre.
2016.09.27 Décision de la Régie du Bâtiment du Québec de retirer les catégories 1.1.1 et 1.1.2 à la licence d’entrepreneur en construction de l’Entrepreneur (« Décision RBQ retrait licence »).
2016.09.30 Conférence préparatoire.
2016.10.07 Décision du Tribunal Administratif du Travail (Hon. K. Legault, j.a.) suspension et sursis de la Décision RBQ retrait licence (jusqu’à l’émission de la présente décision arbitrale) (« Décision TAT »).
2016.10.13 Réception du Cahier de l’Administrateur - supplément.
2016.10.14 Instruction - Enquête et audition sur la demande de suspension de la décision d’annulation d’adhésion.
2016.10.20/21 Réception de documents des Parties.
2016.10.21 Suite de l’enquête et audition - conférence téléphonique.
2016.10.21 Prise en délibéré.
Faits Pertinents
[9] M. Claude Dion, président et fondateur de l’Entrepreneur (« Dion »), témoigne, soulignant que l‘Entrepreneur est actif dans le domaine de la construction depuis mars 2008 et œuvre principalement dans le domaine de la construction d’unités résidentielles pour premier acheteur, soit unités unifamiliales, jumelées en copropriété ou de condominium.
[10] L’Entrepreneur avise qu’en 2016 il a célébré la vente notariée de la millième (1000e) unité construite par celui-ci. Ces unités ont un prix moyen d’environ 190 000$, donc des revenus bruts dans les derniers huit ans d’environ $190 millions.
[11] L’Entrepreneur a aussi témoigné sur ses revenus des deux derniers exercices financiers terminés et de l’an courant.
[12] Des états financiers de l’Entrepreneur pour l’exercice financier terminé en 2015 et un bilan personnel de Dion sont au dossier de même que la documentation nécessaire afin de colliger la valeur des éléments d’actifs (immobilier) au bilan personnel de Dion et les sûretés accordées à des tiers sur ces actifs, et d’identifier la valeur nette (nette des actifs entre personnes et entreprises liées) à celui-ci, sujet à certaines distinctions pouvant être conséquentes des dates respectives de certaines informations.
[13] Préalablement à son accréditation auprès de l’Administrateur, l’Entrepreneur témoigne avoir été accrédité sous Garantie Abritat et Garantie des maisons neuves de l’APCHQ. Au meilleur de son souvenir, l’Entrepreneur avait une classification ‘Or’ auprès du dernier plan antérieur à son adhésion au Plan de l’Administrateur.
[14] L’Entrepreneur indique employer environs 25 employés à temps plein, et estime qu’il y a un nombre total d’environ 100 personnes, soit employés de l’Entrepreneur ou œuvrant pour les sous-traitants retenus qui sont actifs à un moment ou l’autre sur ces chantiers.
[15] L’Entrepreneur indique transiger avec une quarantaine (40) de fournisseurs qui représentent selon celui-ci environ un million et demi de dollars ($1,5 millions) en comptes payables par l’Entrepreneur, en moyenne, mensuellement.
[16] L’Entrepreneur a produit diverses versions et compléments à la Pièce E-11, soit une identification des projets en cour, de l’avancement des ventes d’unités privatives, dates estimées de livraison des parties communes et un état des acomptes versés par des promettants-acheteurs (« Tableau Projets »).
[17] L’information identifiée au Tableau Projets indique entre autre une liste de 22 projets, dont 19 promettants-acheteurs cumulent des acomptes pour un montant de 223 481$. Selon le Tableau Projets, l’ensemble des dates de livraison des unités privatives s’échelonne jusqu’à la fin de l’année 2016 sauf pour certaines unités résidentielles unifamiliales, deux projets dont les dates de permis sont en cours et un projet prévu en janvier 2017 alors que la livraison respective des parties communes des différents projets est prévue avant la fin de l’année 2016.
[18] De même l’Entrepreneur témoigne qu’environ 50 ‘clients’ sont sous ‘démarrage’ avec l’Entrepreneur, que je comprends être en voie de signature d’un contrat préliminaire et qu’environ 50 personnes sont additionnellement en discussion ou démarchage auprès de l’Entrepreneur pour fins d’achat futur d’une unité résidentielle.
[19] À diverses reprises dans le cours de l’Instruction, l’Entrepreneur conclut que si son adhésion n’est pas rétablie, il ne pourra pas continuer ses ventes, se devra de rembourser les acomptes reçus des promettants-acheteurs et sera dans l’impossibilité de compléter la construction de plusieurs bâtiments qui demeureraient « …à moitié construits ».
[20] L’Entrepreneur témoigne que depuis le début de son entreprise, il y a moins de 50 000$ (environ) en réclamations monétaires adjugées à des bénéficiaires et qu’une de ces réclamations était pour 25 000$, laissant le reliquat entre diverses réclamations de peu d’importance monétaire.
[21] Le coordinateur à l’accréditation de l’Administrateur et auteur de la Décision Adm témoigne sur divers aspects des paramètres sous-jacents à certaines déterminations de la cote qualité GCR, à divers ratios appliqués et à une évaluation de risque par l’Administrateur.
[22] La preuve démontre un laxisme certain de l’Entrepreneur des modalités d’inscription requises par le Plan préalablement à l’Instruction, tel, à titre d’exemples, sur 32 entrées de retard entre avril et septembre 2016, des retards en majorité de 40 à 73 jours (sur une base de début des travaux de construction) et de 7 circonstances de délais d’enregistrement de plus de 90 jours de la signature du contrat préliminaire.
[23] L’Administrateur a initialement déposé quatre (4) effets de commerce payables à son ordre, retournés pour fonds insuffisants pour des montants de moins de 5 000$ chacun (Pièces A-5 et A-7) et un état de facturation de l’Entrepreneur envers l’Administration pour un période de 6 mois avec solde au 12 octobre 2016 (Pièce A-20). Lors de la reprise de l’enquête et audition du 21 octobre courant, l’Administrateur témoigne que deux (2) chèques additionnels de moins de 1 600$ chacun sont aussi retournés pour fonds insuffisants. L’Entrepreneur est rejoint par voie téléphonique et témoigne alors que son prêteur principal vient de l’aviser qu’il lui retire son support tenant compte de la décision d’annulation d’adhésion à la Décision Adm.
[24] Il a été fait grand cas lors de l’Instruction de la cote de qualité GCR, tant celle maintenant attribuée à l’Entrepreneur que les paramètres généraux de celle-ci décrite à des documents d’accès public de l’Administrateur quant à la méthodologie de l’attribution d’une cote financière et d’une cote - que je qualifie aux présentes de cote technique pour la différencier de l’expression cote qualité GCR identifiée par l’Administrateur dans ses documents et correspondances.
[25] De même, des correspondances entre l’Entrepreneur et l’Administrateur subséquentes à la modification de la cote de qualité GCR de l’Entrepreneur et précédentes à la Décision Adm sont au dossier (Pièces A-9 à A-13).
[26] L’Entrepreneur nous avise qu’il a l’intention de déposer un rapport d’expertise juricomptable quant à inter alia la détermination de la cote de qualité GCR et que la date initialement prévue pour dépôt est le ou vers le 18 novembre 2016.
Questions sous étude - Critères applicables à une Suspension
Introduction
[27] Les cas plutôt classiques de suspension d’instance, soit par exemple lors de procédures intentées devant deux instances judiciaires (tel art. 212 C.p.c.) ou lorsqu’un arbitrage est saisi et des procédures connexes sont intentées devant un tribunal de droit commun, vont relever des questions de litispendance, de jugements contradictoires ou de prépondérance d’une clause compromissoire alors que la demande de suspension de l’article 106 du Règlement, seule suspension spécifiquement prévue au Règlement, est d’un autre ordre.
[28] Dans le cadre de la Demande, le procureur de l’Entrepreneur pourvoit à une requête de suspension d’exécution de la Décision Adm en conformité de l’article 106 du Règlement, plus particulièrement au dernier alinéa qui se lit :
« La demande d'arbitrage concernant l'annulation d'une adhésion d'un entrepreneur ne suspend pas l'exécution de la décision de l'administrateur sauf si l'arbitre en décide autrement. »
[29] Dans ces circonstances, la suspension est une mesure conservatoire qui permet de supporter le statu quo pour une période intérimaire jusqu’à la décision sur la demande principale.
[30] La Cour suprême dans l’affaire Metropolitan Stores[3] nous enseigne :
« La suspension d'instance et l'injonction interlocutoire sont des redressements de même nature. À moins qu'un texte législatif ne prescrive un critère différent, elles ont suffisamment de traits en commun pour qu'elles soient assujetties aux mêmes règles».
et sous la plume du Juge Beetz établit les éléments d’analyse principaux sur une demande de suspension d’instance, soit
(i) l’existence d’une question sérieuse à juger,
(ii) si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée, c’est-à-dire un préjudice qui n’est pas susceptible d’être compensé par des dommages-intérêts ou qui peut difficilement l’être; et
(iii) la prépondérance des inconvénients (entre le requérant et l’intimé);
Apparence de droit et Question sérieuse à juger
[31] Le juge Beetz considère que ces éléments d’analyse s’apparentent aux critères bien connus sur l’obtention d’une injonction interlocutoire. La Cour souligne que le premier critère, de manière traditionnelle (d’accorder une injonction interlocutoire) :
« …consiste à se demander si la partie qui demande l'injonction est en mesure d'établir une apparence de droit suffisante »
mais poursuit en indiquant que le critère a été assoupli sous l’arrêt American Cyanamid[4], et qu’il suffit:
« … de convaincre la cour de l'existence d'une question sérieuse à juger, par opposition à une réclamation futile ou vexatoire. »
[32] Il faut toutefois saisir que la question devant la Cour dans l’affaire Metropolitan Stores était de nature constitutionnelle et que juge Beetz souligne qu’il ne retient le critère de la ‘question sérieuse’ que dans ce contexte. Toutefois nos tribunaux québécois ont repris et adopté à de nombreuses reprises ce critère de la ‘question sérieuse’ dans des cadres autres que constitutionnel[5].
[33] La Cour suprême a d’ailleurs identifié par la suite dans une cause subséquente, l’affaire R.J. Mac Donald [6], que de s’arrêter au concept plus restreint de question sérieuse (versus l’apparence de droit) s’applique aussi en droit privé (et non seulement lors d’une question constitutionnelle) :
« Dans le contexte du droit privé, on a soutenu qu'il faudrait reconnaître une troisième exception au critère de «la question sérieuse à juger», formulé dans l'affaire American Cyanamid, lorsque le dossier factuel est en grande partie réglé avant le dépôt de la demande. » (p. 340)
[34] Cette approche, soulevée dans l’affaire Dialadex [7] (une cause de la High Court of Ontario de 1987) réfère à une situation où les faits ne sont clairement pas contestés, ce qui n’est pas le cas aux présentes.
[35] La Cour suprême avait alors déjà confirmé dans son analyse des étapes du critère applicable que la première étape est effectivement d’un niveau de question sérieuse à juger :
« L'arrêt Metropolitan Stores établit une analyse en trois étapes que les tribunaux doivent appliquer quand ils examinent une demande de suspension d'instance ou
d'injonction interlocutoire. Premièrement, une étude préliminaire du fond du litige doit établir qu'il y a une question sérieuse à juger. » [8]
Ne pas procéder à un examen approfondi du litige
[36] Dans le cadre de l’Instruction, le Tribunal a souligné à diverses reprises, à chacun des procureurs respectivement, qu’il ne désirait pas examiner le fonds de l’affaire à ce stade, quoiqu’il laissait une certaine liberté aux procureurs d’en extraire les éléments les plus significatifs pour nos fins.
[37] Certains éléments d’analyse et leur traitement par la Cour suprême se retrouvent d’autre part dans l’affaire R.J. Mac Donald [précitée] où la Cour sous la plume des juges Sopinka et Cory reprend souligne d’autre part l’interdiction de procéder à un examen approfondi du litige :
« L'arrêt Metropolitan Stores établit une analyse en trois étapes que les tribunaux doivent appliquer quand ils examinent une demande de suspension d'instance ou d'injonction interlocutoire. Premièrement, une étude préliminaire du fond du litige doit établir qu'il y a une question sérieuse à juger. Deuxièmement, il faut déterminer si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée. Enfin, il faut déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse le redressement en attendant une décision sur le fond. »
(page 334)
insistant à diverses reprises :
« Il existe deux exceptions à la règle générale selon laquelle un juge ne devrait pas procéder à un examen approfondi sur le fond. La première est le cas où le résultat de la demande interlocutoire équivaudra en fait au règlement final de l'action. »
(page 338) […]
« La deuxième exception à l'interdiction, formulée dans l'arrêt American Cyanamid, de procéder à un examen approfondi du fond d'une affaire … » (page 339)
Préjudice sérieux et irréparable
[38] Reprenant les propos du Juge Beetz (Cour suprême) il s’agit d’un « …préjudice qui n’est pas susceptible d’être compensé par des dommages-intérêts ou qui peut difficilement l’être » [précité] et qui se doit d’être analysé tenant compte de l’ensemble des
éléments factuels et critères en découlant, alors que la Cour d’appel sous la plume du juge Bernier (Hon. Kaufman, Bernier et L'Heureux-Dubé, J.C.A) :
« …les critères énoncés à l'article 752 C.P. [ndlr maintenant art. 511 C.p.c.] ne doivent pas être considérés séparément, in abstracto, mais en regard les uns des autres. Plus le préjudice et les inconvénients sont sérieux pour le requérant, moins exigeant doit-on être quant à l'apparence de droit » [9]
et vice versa [10]
Prépondérance des inconvénients
[39] La prépondérance ou balance des inconvénients n’est pas un critère législatif à l’injonction interlocutoire (qui n’est pas identifié à l’art. 511 C.p.c.) mais plutôt d’origine jurisprudentielle.
[40] Reprenant les propos des Juges Sopinka et Cory (Cour suprême), il s’agira de déterminer « …laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse le redressement ».
[41] Toutefois, il est important de souligner que de nombreuses jurisprudences québécoises, incluant l’arrêt phare de notre Cour d’appel sur la question, l’affaire Kanatewat [11], ont stipulé que si le droit à l’injonction (donc dans nos circonstances, à la suspension) est clair, il n’est pas nécessaire d'analyser la prépondérance des inconvénients :
« [35] En somme, si le droit de la demanderesse est clair, le Tribunal doit alors décider si l'injonction interlocutoire est nécessaire pour empêcher qu'un préjudice sérieux ou irréparable ne soit causé ou que soit créé un état de fait ou de droit de nature à rendre le jugement final inefficace Si oui, il y a alors lieu d'accorder la demande d'injonction interlocutoire, sans nécessité d'analyser la balance des inconvénients. » [12]
Citations omises
Analyse et Motifs
[42] Le Tribunal considère devoir se pencher en premier lieu avec force détails sur la Décision Adm, son contenu et les motifs en support, s’il en est, ou une absence de motifs. Afin de se faire, il est nécessaire de cerner si l’Administrateur exerce en certaines circonstances des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, donc des actes judiciaires ou quasi judiciaires, que l’on peut distinguer d’actes administratifs.
[43] Dans un cadre d’exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, on se doit de saisir les obligations qui en découlent pour l’organisme émetteur d’une décision et, dans nos circonstances, par la suite, réciproquement, les obligations de l’Entrepreneur relatives à son adhésion.
Fonctions et Décisions de l’Administrateur - Processus et Acte quasi judiciaires
Liminaire - Le Tribunal
[44] Notons brièvement que le terme 'tribunal' au Code de procédure civile ne vise pas le Tribunal, comme nous le rappelle notre Cour d'appel (en 2006) [13]:
«… le terme « tribunal », défini à l'article 4 j) C.p.c., réfère aux tribunaux relevant de l'autorité législative du Québec, énumérés à l'article 22 C.p.c. Il ne vise pas les tribunaux administratifs exerçant des fonctions quasi-judiciaires».
[ndlr : les références à l’art. 22 sous l’art. 4.1 j) précédemment à l’adoption du Code de procédure civile actuel, se retrouvent à ce dernier sous les articles 68 et 8 C.p.c.].
et plus récemment inter alia en 2012[14] et se doit d'être compris comme pourvoyant qu'un tribunal administratif n'étant pas un tribunal de l’ordre judiciaire au sens de l’art. 8 C.p.c, conséquemment le Code de procédure civile ne s'applique pas à un tel tribunal administratif[15] et donc au Tribunal (sauf dispositions spécifiques, tel qu'il peut être spécifiquement prévu au Règlement par exemple pour fins d'homologation (article 121 du Règlement; voir aussi l'article 119 (4)), et donc, quoique non lié par le Code de procédure civile, le Tribunal s’en inspire, si d’à propos. (nos soulignés)
[45] Le Tribunal est un tribunal statutaire[16] et occupe des fonctions quasi judiciaires ou judiciaires.
L’Administrateur
[46] Les décisions de l’Administrateur émises dans le cadre du Règlement sont-elles, et plus particulièrement dans le cas sous étude, un « acte administratif » ou un « acte judiciaire» ou « quasi judiciaire ».
[47] Patrice Garant dans son ouvrage Droit Administratif souligne :
« L’acte quasi judiciaire est celui qui apparaît au terme du processus quasi judiciaire. Cette notion est l’une des plus difficiles à définir de notre droit administratif. »[17]
[48] Le Pr Garant, de plus, dans son ouvrage Précis de droit des administrations publiques, nous indique que « Dans notre tradition constitutionnelle, l'acte quasi judiciaire est assimilé à l'acte judiciaire…»[18].
[49] Que ce soit des organismes dont la fonction unique est d’entendre des litiges (tel le Tribunal), de même qu’à des organismes qui ont une fonction de régulation économique et technique (que remplit à certains égards l’Administrateur), ce qui les caractérise:
« …, c’est l’attribution d’un pouvoir de décision affectant les droits ou intérêts des administrés suivant un processus quasi judiciaire, soit à titre principal, soit à titre accessoire. » [19]
[50] Et donc on se doit de retenir que lorsqu’est attribué à l’Administrateur un pouvoir de décision affectant les droits ou intérêts des administrés, il se doit d’agir à tout le moins suivant un processus quasi judiciaire. La jurisprudence s’est penchée sur ces déterminations de processus judiciaire ou quasi judiciaire en grands détails.
[51] La Cour suprême, à diverses reprises[20], appuie les critères énoncés dans l’arrêt phare en 1979 de M.R.N. c. Coopers and Lybrand[21] et la portée de ceux-ci soulignés dans l’arrêt subséquent en 1996 de la Régie des alcools[22], le tout permettant de bien cerner l’état du droit sur lequel nous devons nous appuyer, soit cet extrait sous la plume de Dickson, J. :
« J’estime qu’il est possible de formuler plusieurs critères pour déterminer si une décision ou ordonnance est légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive.
(1) Les termes utilisés pour conférer la fonction ou le contexte général dans lequel cette fonction est exercée donnent-ils à entendre que l’on envisage la tenue d’une audience avant qu’une décision soit prise?
(2) La décision ou l’ordonnance porte-t-elle directement ou indirectement atteinte aux droits et obligations de quelqu’un?
(3) S’agit-il d’une procédure contradictoire?
(4) S’agit-il d’une obligation d’appliquer les règles de fond à plusieurs cas individuels plutôt que, par exemple, de l’obligation d’appliquer une politique sociale et économique au sens large?
Tous ces facteurs doivent être soupesés et évalués et aucun d’entre eux n’est nécessairement déterminant. Ainsi, au paragr. (1), l’absence de termes exprès prescrivant la tenue d’une audience n’exclut pas nécessairement l’obligation en common law d’en tenir une. Quant au paragr. (2), la nature et la gravité, le cas échéant, de l’atteinte aux droits individuels, et la question de savoir si la décision ou ordonnance est finale sont importantes, mais le fait que des droits soient touchés n’entraîne pas nécessairement l’obligation d’agir judiciairement.
En termes plus généraux, il faut tenir compte de l’objet du pouvoir, de la nature de la question à trancher et de l’importance de la décision sur ceux qui sont directement ou indirectement touchés par elle …. Plus la question est importante et les sanctions sérieuses, plus on est justifié de demander que l’exercice du pouvoir soit soumis au processus judiciaire ou quasi judiciaire.
L’existence d’un élément assimilable à un lis inter partes et la présence de procédures, fonctions et actes équivalents à ceux d’un tribunal, ajoutent du poids au par. (3). Mais encore une fois, l’absence de règles de procédure analogues à celles des tribunaux ne sera pas fatale à l’existence d’une obligation d’agir judiciairement.
La décision de nature administrative ne se prête pas à une classification rigide de fonctions. Au contraire, on découvre en réalité un continuum….
Il faut soupeser ce qui prêche pour ou contre la conclusion que la décision doit être soumise à un processus judiciaire.»[23]
(nos soulignés).
[52] L’Administrateur est un organisme de l’ordre administratif qui exerce des fonctions de régulation économique (l’administration d’un plan de garantie permettant une couverture financière en faveur de bénéficiaires acquéreurs (et subséquents selon les délais) de certaines obligations de tout entrepreneur en construction autorisé au Québec à offrir des bâtiments résidentiels neufs) mais aussi exerçant, en certaines circonstances, des fonctions quasi judiciaires lorsque l’Administrateur statue par décision affectant, sous les critères élaborés par nos tribunaux, les droits ou intérêts des administrés.
[53] L’attribution de ce pouvoir de décision, et l’obligation de l’Administrateur d’exercer ce pouvoir dans le cadre du Règlement, oblige l’Administrateur à agir suivant un processus quasi judiciaire lorsqu’il accomplit des actes quasi judiciaires.
[54] Entre autres, la détermination d’une couverture pour vices ou malfaçons, les remboursements d’acomptes et plus encore une annulation de l’adhésion de l’Entrepreneur au Plan sont, selon le Tribunal, des actes qui portent atteinte à des droits individuels (soit au bénéficiaire pour remboursement ou couverture dans le cadre de l’achat d’une résidence) et quant à l’entrepreneur :
□ relativement aux conséquences financières potentielles de ses manquements ou non-respect subséquent des décisions émises par l’Administrateur,
□ et plus encore lorsque son adhésion au Plan est annulée, et que la Régie peut suspendre ou annuler une licence[24] lorsque le titulaire ne remplit plus l'une des conditions requises par la Loi pour obtenir une licence, soit d’avoir adhéré à un plan de garantie (art. 60 (4) de la Loi),
sont des décisions de l’Administrateur d’une nature et gravité appropriées à être des actes quasi judiciaires et à requérir que l’Administrateur agisse alors sous, et soit soumis à, un processus quasi judiciaire.
[55] La jurisprudence nous enseigne que l’Administrateur (tenant compte de l’ensemble des paramètres du Règlement) se doit, selon le Tribunal, d’assurer un processus quasi judiciaire à ses décisions qui emportent acte quasi judiciaire, soit le respect des règles de justice naturelle ou fondamentale (ce qui toutefois ne requiert pas en toutes circonstances une procédure contradictoire telle une audience[25] formelle au cadre strict mais à tout le moins l’opportunité aux parties d’être présentes aux inspections de l’Administrateur et de pouvoir alors présenter les faits pertinents et leur position en découlant) et la nécessité, afin d’assurer ces règles, que ses décisions soient motivées de façon appropriée.
[56] En effet, depuis l’arrêt Nicholson[26], l’équité procédurale est une composante fondamentale du droit administratif canadien, principe qui sera repris et élargi de nouveau par la Cour suprême dans les arrêts Cardinal[27] et Baker[28], dont certains des principes directeurs sont analysés ci-dessous à la rubrique ‘Règles de justice naturelle’; quoique non essentiel aux présentes, car il n’est pas inféré que les décisions de l’Administrateur sous étude sont d’une nature autre que quasi judiciaire, notons que la Cour suprême confirme de plus, en 2011 dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Mavi[29], que même un acte ‘administratif’ ou décision administrative est sujet à une obligation d’équité procédurale, dont toutefois l’acuité d’application varie selon la nature de la décision administrative en cause.
Obligations continues de l’Entrepreneur pour maintien de son adhésion au Plan
[57] Un certificat d’accréditation et adhésion au Plan est partie intégrante de la structure de la législation et réglementation mise de l’avant pour régir les activités d’entrepreneur en construction au Québec; ces mesures sont d’intérêt public, alors que l’octroi d’une licence d’entrepreneur, et plus particulièrement son maintien, suspension ou annulation subséquente, est lié entre autres au maintien des conditions initiales d’adhésion (voir l’article 78 du Règlement et l’analyse de la preuve à cet égard, ci-dessous) de même qu’à l’observance par l’entrepreneur de ses obligations de réparation des défauts de construction couverts par un Plan (art. 79.1 de la Loi[30] et art. 93 (5) ci-dessous) et aux dispositions inter alia de l’article 93 du Règlement :
« 93. L'administrateur peut annuler une adhésion lorsque l'entrepreneur se trouve dans l'une des situations suivantes:
1° il ne remplit plus l'une des conditions requises par le présent règlement pour obtenir un certificat d'accréditation;
2° en cas de réticence ou de fausse déclaration de sa part;
3° il est en défaut de paiement des frais d'adhésion, de renouvellement de l'adhésion ou d'enregistrement;
4° ses constructions ne répondent pas aux critères de qualité requis par l'administrateur;
5° il omet de parachever les travaux relatifs au bâtiment ou n'effectue pas les réparations requises selon les exigences de l'administrateur;
6° l'administrateur a été appelé à effectuer un déboursé à la suite du défaut de l'entrepreneur d'exécuter ses obligations relatives au remboursement des acomptes, au relogement, au déménagement, à l'entreposage des biens du bénéficiaire, au parachèvement des travaux et à la garantie contre les vices et malfaçons, les vices de conception, de construction ou de réalisation ou des vices du sol;
7° il utilise, pour l'exécution de travaux de construction, les services d'un autre entrepreneur qui n'est pas titulaire d'une licence de la Régie à cette fin;
8° dans le cas où l'entrepreneur est une personne morale, l'un ou plusieurs de ses actionnaires ou dirigeants a ou ont été, à quelque moment que ce soit, actionnaires ou dirigeants d'une autre personne morale accréditée ou ayant été accréditée et ayant fait défaut d'honorer les obligations lui incombant en vertu d'une convention d'adhésion;
9° il ne transmet pas les documents requis par l'administrateur ou ne fournit pas les garanties ou les sûretés exigées par l'administrateur conformément au présent règlement. »
D. 841-98, a. 93; D. 39-2006, a. 26
[58] Entre autres, l’article 93 (1) qui permet annulation alors que les conditions requises pour obtenir un certificat d'accréditation ne sont plus remplies, réfère à l’article 78 du Règlement, soit :
« 78. Pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d'accréditation, une personne doit:
1° remplir une demande d'adhésion sur la formule fournie par l'administrateur et la remettre à l'administrateur;
2° satisfaire aux conditions et aux critères financiers prescrits par la présente section;
3° signer la convention d'adhésion fournie par l'administrateur et comportant les engagements énumérés à l'annexe II;
4° détenir un cautionnement de 20 000 $ contre la fraude, la malversation et le détournement de fonds;
5° soumettre des états financiers complets vérifiés ou accompagnés d'un rapport de mission d'examen, rédigés par un comptable. Ces états devront être datés et signés par une personne en autorité. De plus, les états financiers ne doivent pas être datés de plus de 4 mois suivant la fin de l'année financière de l'entreprise;
6° produire un attestation suivant laquelle les actionnaires détenant 20% ou plus des actions avec droit de vote, dirigeants et répondants ont été libérés de toute faillite personnelle ou qu'ils n'ont pas été impliqués dans une faillite d'entreprise de construction depuis au moins 3 ans et indiquer si l'un de ses autres actionnaires a été impliqué dans une telle faillite depuis moins de 3 ans;
7° produire le bilan personnel dûment rempli, daté et signé de chacun des dirigeants, actionnaires, répondants et associés;
8° déclarer l'ensemble de ses engagements envers des tiers et des compagnies affiliées ou autres tels l'hypothèque légale et le cautionnement envers des tiers;
9° produire une copie certifiée conforme de l'acte constitutif de son entreprise;
10° verser les frais d'adhésion exigés par l'administrateur;
11° produire une attestation suivant laquelle elle a demandé une licence d'entrepreneur auprès de la Régie;
12° si cette personne, l'un de ses actionnaires détenant 20% ou plus des actions avec droit de vote ou l'un de ses dirigeants a été accrédité au cours des 3 dernières années par un autre administrateur, produire une déclaration de cet administrateur indiquant si des sommes lui sont dues par l'entreprise requérante, l'un de ses actionnaires détenant 20% ou plus des actions avec droit de vote ou l'un de ses dirigeant. »
D. 841-98, a. 78; D. 39-2006, a. 23.
[59] La référence aux critères financiers prescrits sous l’article 78 (2) précité vise les dispositions du Règlement[31] qui prévoient des conditions générales d'adhésion pour tous les bâtiments, applicables aux entreprises (dans notre cas, dans le domaine de la construction de bâtiments résidentiels depuis au moins 4 ans (type B) (art.85)) qui se doivent entre autres (i) de détenir un cautionnement d'une valeur minimum de 55 à 70 000 $ selon le cas, et (ii) de respecter différents critères financiers (ratios du fonds de roulement et d'endettement, une valeur nette, bénéfice brut et net (en pourcentages (%) du chiffre d'affaires)), calculés selon une moyenne des 3 dernières années.
[60] De plus, ces critères financiers prescrits emportent que l'Administrateur, en conformité des modalités de l’article 88 du Règlement, peut exiger un cautionnement d'une valeur supérieure (lorsqu’il a des raisons de croire que la solvabilité de l’Entrepreneur le requiert), et d’autre part peut exiger toute autre condition ayant pour effet d'atteindre les mêmes fins en prenant en compte la compétence technique de l'entreprise.[32]
[61] Le Tribunal a souligné qu’une licence d’entrepreneur, et plus particulièrement son maintien, suspension ou annulation subséquente, est liée entre autres au maintien des conditions initiales d’adhésion; en effet :
« Nul ne peut exercer les fonctions d'entrepreneur de construction, […] s'il n'est titulaire d'une licence en vigueur à cette fin.» (art. 46 de la Loi),
licence émise par la Régie qui requiert que le détenteur ait adhéré à un Plan
(car la délivrance d’une licence requiert l’adhésion à un Plan en vertu de l’art.60 (4) de la Loi ~ référant d’autre part à l’article 77 de la Loi qui identifie l’obligation d’adhésion sous règlement pour la vente ou la construction d'un bâtiment visé)
et dont la validité est sujette
(en conformité de l’article 70 (2) de la Loi : ‘ne remplit plus l'une des conditions requises par la présente loi pour obtenir une licence’ et de l’article 70 (7) de la Loi ‘voit, le cas échéant, son adhésion à un plan visé à l'article 80 prendre fin’),
à cette adhésion
(et vice-versa, car l’adhésion au Plan est sujette à la détention de la licence par son titulaire, art. 94 du Règlement), adhésion qui cesse alors d’avoir effet, alors que conséquemment la Régie peut suspendre ou annuler la licence de l’entrepreneur.
Contenu de la Décision Adm
[62] La Décision Adm ne contient que des énoncés généraux et il convient de la reproduire (excluant les textes d’articles du Règlement) :
« Monsieur,
La présente vise à vous informer que nous refusons l’adhésion de votre entreprise (« entreprise » ou « entrepreneur ») auprès du plan de garantie de La Garantie de construction résidentielle (GCR) (« GCR » ou « administrateur »).
En effet, votre entreprise se trouve dans la ou les situation(s) suivante(s) qui peuvent être en lien avec certains articles du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs RLRQ c. B-1.1, r.8 (« Règlement ») : »
et sont insérés les articles 78.2, 85, 88, 93.1, 93.3 et 93.9 du Règlement ainsi que les paragraphes 1 et 6 de l’Annexe 2, du Règlement, et sans plus, sauf un avis identifiant les organismes d’arbitrage et leurs coordonnées.
(nos soulignés)
Règles de justice naturelle - Équité procédurale et Nécessité de décisions motivées
[63] Nous avons souligné que l’Administrateur (tenant compte de l’ensemble des paramètres du Règlement) se doit, selon le Tribunal, d’assurer un processus quasi judiciaire à ses décisions qui emportent acte quasi judiciaire, soit entre autres :
[63.1] lorsque l’Administrateur statue par décision affectant, sous les critères élaborés par nos tribunaux, les droits ou intérêts des administrés, donc porte atteinte à des droits individuels, et
[63.2] tenant compte de la nature et gravité de la décision et de son importance (impact) sur ceux qui sont directement ou indirectement touchés par celle-ci, incluant les conséquences financières potentielles,
plus la question est importante et les sanctions sérieuses, tel une annulation de l’adhésion de l’Entrepreneur, plus l’acte et fonction sont caractérisés chacun de quasi judiciaire et le respect des règles de justice naturelle est alors clairement requis et essentiel.
[64] Notre Cour supérieure adresse les notions de règles de justice naturelle et d’équité procédurale et la question conséquente de la nécessité de motiver une décision d’un organisme administratif, dans le cadre d’une révision judiciaire dans l’affaire CCQ c. Larivière[33], sous requête déposée par la Commission de la construction du Québec (« CCQ ») de deux décisions du Commissaire de l’industrie de la construction (« CIC ») (respectivement les Commissaires Larivière et Béliveau) qui ont invalidé des ordonnances de suspension de travaux prononcées par la CCQ au motif que cette dernière n’aurait pas agi équitablement incluant de respecter les règles de justice naturelle lors de l’émission de ces ordonnances.
[65] La Cour, dans une décision détaillée qui d’une part analyse les motifs avancés par les commissaires et qui souligne sa propre analyse des critères applicables, considère que les décisions des commissaires sont bien fondées et que la CCQ n’a pas respecté les règles d’équité procédurale.
[66] Les éléments mixtes de faits et de droit de ces deux décisions du CIC et leur analyse subséquente par la Cour supérieure sont d’un éclairage particulier aux circonstances des présentes.
[67] Le débat vise l’assujettissement à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de main-d’œuvre dans l'industrie de la construction (« Loi R-20 ») de travaux effectués à des usines de Domtar inc. et Noranda inc. respectivement, soit en sommaire des travaux devant être effectués ou non par des salariés du milieu de la construction (sujet à décret ou convention collective).
[68] La CCQ a le pouvoir « […] d’ordonner la suspension des travaux dans la mesure qu'elle indique » (art.7.4 de la Loi R-20) soit entre autres de déterminer si ce sont des travaux d’entretien (non assujettis) ou de réparations qui nécessitent recours à expertise professionnelle de l’industrie de la construction (assujettis), ou encore où le donneur d’ordre peut bénéficier d’une exception prévue au règlement d’application de la Loi R-20.
[69] Les décisions CIC et la Cour supérieure (paragr. 186 à 188 et 197) qui invalident les ordonnances de la CCQ s’appuient entre autres à ce que la CCQ sous ses décisions :
□ n’a pas précisé le fondement de sa position, n’a pas indiqué quels travaux elle considérait assujettis à la Loi R-20, et
□ n’a pas accordé un délai raisonnable permettant aux personnes visées de communiquer leur point de vue (le Tribunal notant que cet élément est une exigence statutaire prévue à l’art. 7.4) - alors que la CCQ plaide urgence puisque les travaux étaient sur le point d’être entrepris - ce que la Cour supérieure considère ne pas constituer un motif suffisant pour écarter les règles d’équité procédurale.
[70] La Cour supérieure souligne que la notion d’équité procédurale est variable et tributaire du contexte particulier de chaque cas reprenant la liste non exhaustive de critères énoncés par la juge L’Heureux-Dubé dans l’affaire Baker[34] de notre Cour suprême, soit :
§ la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir;
§ la nature du régime législatif et les termes de la loi en vertu de laquelle agit l’organisme en question;
§ l’importance de la décision pour les personnes visées;
§ les choix de procédure que l’organisme fait lui-même.
[71] D’autre part, la Cour considère que la CCQ en précisant le fondement de sa position aurait donné aux personnes visées l’opportunité de fournir de l’information additionnelle, le cas échéant, et de préciser leur position en toute connaissance de cause.
[72] De plus, dans son analyse de la norme de contrôle applicable aux questions de la procédure suivie par la CCQ, la Cour supérieure, sur la question de l’équité procédurale, réfère (en supplément de l’affaire Baker précitée) aux décisions de notre Cour suprême dans, d’une part, l’affaire Cardinal[35] qui souligne l’obligation de respecter l’équité dans une procédure de décisions d’organisme public qui ne sont pas de nature législative et qui touchent les droits, privilèges ou biens d’une personne, de même que dans l’affaire Dunsmuir[36] traitant des limites imposées à l’attribution du pouvoir décisionnel par la règle de droit, où la Cour suprême souligne de nouveau l’obligation d’équité procédurale. La Cour supérieure conclut que la CCQ devait dans ces deux dossiers « … appliquer, à un niveau élevé, les règles d’équité procédurale. » (paragr. 172).
[73] L’affaire récente Artcad c. Régie du bâtiment du Québec[37] est aussi d’intérêt pour nos fins, non particulièrement parce qu’elle traite de dispositions de la Loi sur le Bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1), mais parce qu’elle vise des circonstances où la Régie du Bâtiment (« Régie ») est investie d’un pouvoir discrétionnaire (soit ici d’approuver l’emploi de solutions de rechange [i.e. les mesures différentes] des dispositions du Code National du Bâtiment - Canada 2005 (mod.) sous référence du Code de construction (L.R.Q. c. B-1.1, r.0.01.01) (le « CNB ou Code »)).
(nos soulignés)
[74] Ce pouvoir discrétionnaire se retrouve à l’article 127 de la Loi qui stipule que « la Régie approuve, aux conditions qu’elle détermine, [des mesures différentes] … lorsqu’elle estime que leur qualité est équivalente et … de même lorsqu’elle estime que la sécurité du public est également assurée ». (nos soulignés)
[75] Le CNB prévoit entre autre conformité « par l’emploi de solutions de rechange permettant d’atteindre au moins le niveau minimal de performance exigé … dans les domaines définis par les objectifs et les énoncés fonctionnels attribués aux solutions acceptables » (CNB, division A, art. 1.2.1.1.) et dans son ensemble établit les normes applicables aux divers bâtiments visés par la Loi et identifie les ‘objectifs et énoncés fonctionnels’.
(nos soulignés)
[76] Notons pour nos fins le sommaire du plaidoyer de la Régie à la décision:
« [28] Elle [Régie] plaide qu’en regard des objectifs de qualité des travaux et de sécurité du public de la Loi sur le bâtiment et de son pouvoir discrétionnaire prévu à son article 127, la décision rendue est raisonnable. Cette décision relève d’une fonction administrative de la Régie et elle a été rendue conformément à son devoir d’agir équitablement. En effet, le Comité a eu des rencontres avec la requérante, des échanges de courriels, l’envoi d’un préavis de décision défavorable et la décision elle-même. »
(nos soulignés)
[77] Un certain parallèle peut se retrouver aux circonstances applicables à la Décision Adm, aux correspondances préalables à celle-ci, au délai additionnel accordé avant que celle-ci soit rendue, et l’existence d’une opportunité pour l‘Entrepreneur de pourvoir à cautionnement additionnel, s’il le désirait (mais il n’est pas inféré aux présentes que l’Entrepreneur se devait d’y pourvoir), toutefois prenant d’autre part en considération l’ensemble des faits et omissions au dossier.
[78] La décision en contestation par la Commission des relations de travail (« CRT ») (en conformité de l’article 164.1 de la Loi sur le Bâtiment), sous la plume de la commissaire juge Béliveau, indique que :
« [44] La démonstration [d’équivalence] d’Artcad, le requérant, devait se faire en fonction de ces objectifs et énoncés fonctionnels et, pareillement pour l’analyse de la Régie. »
et poursuit en questionnant si le ‘niveau minimal de performance’ est atteint (paragr. 47), en avisant que « C’est à ces questions que les motifs de la décision de la Régie devaient répondre. » (paragr. 48).
[79] La commissaire juge de la CRT considère que :
§ diverses affirmations de la Régie ne sont pas motivées,
§ que la source de certaines affirmations ne sont pas même mentionnées,
§ que l’incidence d’affirmation dans l’analyse par la Régie de la demande du requérant n’est pas motivée,
et, soulevant de plus d’autres constats de manquements similaires, la Commission CRT conclut que la motivation de la Régie est insuffisante, voire, parfois inintelligible et par conséquent déraisonnable (paragr. 54).
[80] Cette décision, et le soussigné aux présentes, s’appuient sur des principes établis précédemment par nos Cour supérieure et Cour d’appel, tel dans l’affaire Ozanam c. Commission municipale du Québec[38] (dans un cadre législatif [exemption de taxe d'affaires sous la Loi sur la fiscalité municipale (L.R.Q., c. F-2.1)] dans lequel la Commission municipale évoluait qui ne l’oblige pas à motiver ses décisions dans ce champ de compétence et ne prévoit aucun droit d'appel en pareille matière - et alors que les décisions de la Commission sont protégées par une clause privative), où la Cour supérieure nous souligne :
« L'absence ou l'insuffisance de motivation engendrent l'arbitraire. Sans exiger du décideur qu'il livre tous les méandres de sa réflexion, on s'attend à ce qu'il s'exprime intelligiblement, de façon à permettre aux justiciables et aux plaideurs de comprendre le processus décisionnel et aux tribunaux supérieurs d'exercer adéquatement leur pouvoir de contrôle et de surveillance.
[…]
Un organisme administratif ne peut, sans trahir la loi qu'il est chargé d'appliquer ou d'interpréter, se contenter de conclure sans expliquer. » (page 12).
(nos soulignés)
[81] Précédemment, la Cour supérieure et la Cour d'appel avaient jugé que l'insuffisance de motivation donnait ouverture à la révision judiciaire; dans Roy c. Commission municipale du Québec[39], le juge Viau associe l'absence de motivation à un défaut d'exercer sa compétence de façon correcte, défaut qui selon lui et compte tenu des circonstances s'apparente à un acte arbitraire contraire aux principes de justice naturelle. La Cour d'appel[40] confirme ce jugement alors que le juge Brossard écrit :
« Je partage l'opinion de l'intimé lorsqu'il plaide que l'insuffisance de motivation peut, en certains cas, porter atteinte à la juridiction mente du tribunal administratif, lorsqu'elle est « tellement importante qu'elle équivaut à une violation des règles de justice naturelle » (Blanchard e. Control Data Canada Ltd). »
[82] La juge Grenier dans Ozanam (p.13) cite d’à propos la Cour suprême dans l’affaire Paccar lorsqu’elle écrit :
« […] l'approche préconisée par le juge LaForest dans l'arrêt Paccar lorsqu'il écrit que pour déterminer si une décision d'un tribunal administratif est déraisonnable,
" l'accent devrait être mis non pas sur le résultat auquel est arrivé le tribunal, mais plutôt sur la façon dont le tribunal est arrivé à ce résultat[41] "».
Sommaire - Équité procédurale
[83] En sommaire, l’Administrateur dans le cadre de décisions qui touchent les droits, privilèges ou biens d’une personne et tenant compte de l’importance de la décision pour les personnes visées, se doit d’agir dans un cadre quasi judiciaire et de respecter les règles de justice naturelle, d’obligation d’équité procédurale, qui regroupent la règle audi alteram partem, soit le droit d‘être entendu, dans un cadre de procédure quasi judiciaire, et la nécessité d’assurer que la décision comprenne les éléments qui supportent, ou précisent si requis, le fondement de la position adoptée par le décideur. Ceci requiert entre autres :
□ l’opportunité, pour la personne visée par une décision, de fournir préalablement dans un délai raisonnable de l’information, et de préciser sa position en toute connaissance de cause, et
□ que toute telle décision se doit d’être motivée, ce qui signifie entre autre :
§ non seulement de faire référence à une norme, niveau de performance minimal ou objectifs et énoncés fonctionnels, mais que les affirmations qui en découlent soit énoncées,
§ et que l’incidence d’une affirmation conséquente dans l’analyse du décideur soit clairement indiquée,
§ et donc que les faits et les questions mixtes de faits et de droit soient adressés.
se rappelant des commentaires précités de la Cour supérieure:
‘l’insuffisance de motivation engendre l’arbitraire’ et
‘le décideur ne peut se contenter de conclure sans s’expliquer’.
[84] En dernier lieu, mais non le moindre sur ce sujet, tel que précité l’article 23 de la Charte[42] garantit à toute personne le droit à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant qui s’applique en vertu de l’article 56 (1) à « une personne ou organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires ».
Constat - Question sérieuse
[85] Reprenant la plume des juges Sopinka et Cory dans l’affaire MacDonald (page 337) :
« Quels sont les indicateurs d'une « question sérieuse à juger » ? Il n'existe pas d'exigences particulières à remplir pour satisfaire à ce critère. Les exigences minimales ne sont pas élevées. Le juge saisi de la requête doit faire un examen préliminaire du fond de l'affaire. »
[…]
« Une fois convaincu qu'une réclamation n'est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères … »
[86] Le Tribunal est d’avis qu’il y a question sérieuse à juger. L’Entrepreneur a plaidé que la détermination de la cote de qualité GCR et le manque d’information sur certains critères ou conditions d’adhésion (tel alors qu’il soulève n’avoir appris que lors de l’enquête et audition sur la présente demande de suspension que le cautionnement total de Dion est évalué pour valeur zéro par l’Administrateur). Il ne m’est pas nécessaire d’analyser plus avant les détails de ces éléments avancés par l’Entrepreneur dans les circonstances présentes, car le Tribunal est d’avis que le contenu sans motifs de la Décision Adm est un élément clair que la présente requête n’est pas futile ou vexatoire, au contraire, et requiert l’attention du Tribunal.
Constat - Préjudice sérieux et irréparable
[87] De nouveau, les juges Sopinka et Cory dans l’affaire MacDonald quant au préjudice :
« À la présente étape, la seule question est de savoir si le refus du redressement pourrait être si défavorable à l'intérêt du requérant que le préjudice ne pourrait pas faire l'objet d'une réparation, en cas de divergence entre la décision sur le fond et l'issue de la demande interlocutoire » (p. 341).
Prétentions des Parties
[88] L’Administrateur plaide que de considérer ou caractériser que le critère du préjudice sérieux et irréparable dans un cadre de suspension d’un refus ou annulation d’adhésion est rencontré sous une atteinte à la réputation de l’Entrepreneur serait équivalent à un automatisme de consentement à une demande de suspension, puisque tout entrepreneur dont l’adhésion est refusée ou annulée ne peut poursuivre ses activités, incluant qu’une conséquence en parallèle à l’annulation est le retrait de sa licence d’entrepreneur de la Régie du Bâtiment pour les catégories visées.
[89] Le Tribunal est de principe en accord avec cet énoncé, encore plus dans un cadre d’existence d’un seul plan de garantie dans la juridiction territoriale, dont adhésion obligatoire.
[90] Toutefois, sauf dans des cas rares où un seul élément isolé est concluant, il y a généralement plusieurs critères alternatifs ou cumulatifs qui peuvent militer dans une évaluation du critère du préjudice sérieux et irréparable, et dont une détermination se doit d’être en fait des circonstances particulières de chaque cas.
[91] L’Administrateur plaide que l’Entrepreneur ne subit pas de préjudice sérieux et irréparable alors qu’il peut revendre les bâtiments et l’achalandage relié à un intervenant dûment accrédité et détenteur des licences requises et que les promettants-acheteurs ayant déposé acompte seront remboursés par l’Administrateur.
[92] L’argument de remboursement d’acompte ‘automatique’ que le savant procureur avance n’est pas selon le Tribunal aussi assuré, tant par la limite réglementaire du montant sujet à remboursement, et alors qu’une demande de remboursement auprès de l’Administrateur peut être refusée par celui-ci, à tort ou à raison, tel que diverses jurisprudences arbitrales sous le Règlement nous enseignent.
[93] L’Entrepreneur plaide en essence qu’il ne pourra compléter les bâtiments en construction, qu’il devra rembourser les acomptes reçus, que ceci place son entreprise dans une situation précaire alors qu’il ne peut plus poursuivre aucune affaire dans son domaine principal d’activités, ayant d’autre part souligné lors de la reprise d’Instruction du 21 octobre 2016 que son prêteur principal lui a maintenant donné avis qu’il retire son support financier sur certains prêts et que cela affecte négativement entre autre ses flux de trésorerie, incluant résulter en des effets de commerce retournés sans provisions, et plaide en argumentaire avec force sur le
sens que l’on doit donner à la qualification d’irréparable, citant entre autre l’affaire R.J.R. MacDonald (précitée) en page 341 :
Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu'à son étendue. C'est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu'une partie ne peut être dédommagée par l'autre. Des exemples : … le cas où la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son entreprise ; le cas où une partie peut subir une perte commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à sa réputation commerciale ; […]. Le fait qu'une partie soit impécunieuse n'entraîne pas automatiquement l'acceptation de la requête de l'autre partie qui ne sera pas en mesure de percevoir ultérieurement des dommages-intérêts, mais ce peut être une considération pertinente. » Nos soulignés - Citations omises
[94] Notre Cour d’appel a aussi reconnu à plusieurs reprises que la perte de clientèle tel dans l’arrêt Givesco[43] (Hon. Rousseau-Houle, Thibault et Dutil, J.C.A.) (dans une affaire de concurrence déloyale):
« [2] … De plus, il est de jurisprudence constante que la perte de clientèle est difficile à évaluer et que cela constitue un préjudice sérieux et irréparable. »
[95] De même, la Cour d’appel, l’année précédente (2004) citant d’autres causes de la Cour d’appel, considère qu’une perte de clientèle fidélisée à l’appelante (franchiseur) - qui obtient l’injonction - dans un cadre de résiliation extrajudiciaire par l’intimée (franchisé) d’un contrat de franchise suite à une condamnation de l’appelante à une règlementation ministérielle, l’intimée alléguant perte de l’Image de l’appelante :
« Règle générale, la Cour a reconnu que la perte d'achalandage constitue un préjudice difficilement quantifiable. » [44]
[96] La perte de support financier du prêteur principal de l’Entrepreneur est une arme à deux tranchants; l’Entrepreneur plaidera que cela constitue un préjudice sérieux de par ses conséquences, alors que l’Entrepreneur plaidera que cette perte de support s’ajoute à la situation financière de l’Entrepreneur que l’Administrateur a caractérisé en témoignage de ‘catastrophique’ (position de l’Administrateur qui se doit d’être
tempérée par une confirmation de celui-ci lors de l’Instruction - et cette position n’est pas fixée, elle peut évoluer, selon les faits, dans le cadre de l’instance - que s’il reçoit un cautionnement satisfaisant de 175 000$ additionnel de l’Entrepreneur, il rétablira son adhésion).
Préjudice dans les circonstances
[97] Toutefois, tel que mentionné précédemment, ce n’est pas une perte de clientèle ou d’achalandage qui peut résulter, seule et prise isolément, à une caractérisation de préjudice sérieux et irréparable dans le cadre du Règlement, car tel que souligné par l’Administrateur, cette perte est automatique dans un cadre d’annulation ou refus d’adhésion d’un entrepreneur par l’Administrateur. En effet, le Tribunal considère que cet énoncé se doit d’être compris dans l’approche du législateur d’instaurer un plan de garantie unique (sans les alternatives de plans en vigueur précédent les modifications du Règlement au 1er janvier 2015), cristallisant les conséquences envers un entrepreneur sans possibilité alternative d’une telle décision de l’Administrateur. Le législateur a dû prévoir cette conséquence et en accepter le constat dans sa politique réformatrice du Plan.
[98] Mais le résultat plus conséquent pour l’Entrepreneur est la mesure du péril de la perte de son entreprise dans les circonstances. Ce péril est suffisamment caractérisé, tenant compte des autre faits porteurs de préjudice envers l’Entrepreneur (incluant l’état et la protection des constructions de bâtiments non terminés - situation préjudicielle qui n’est pas sérieusement repoussée par une vente de ceux-ci à un tiers autorisé ~ vente de feu au meilleur, vente dérisoire au pire) pour que soit rencontré le critère du préjudice sérieux et irréparable.
Considérations autres - le public
[99] Un aparté sur la question de considérer l’intérêt public dans une analyse du préjudice sérieux et irréparable. Le procureur de l’Administrateur semble considérer que cette considération n’est pas appropriée dans le cadre du Règlement. Il est vrai que les décisions souvent citées de Metropolitan et de MacDonald de la Cour suprême [précitées] n’approchent la question d’intérêt public qu’alors, semble-t-il, il y a une question constitutionnelle en jeu (ou selon le Tribunal dans des affaires relevant de la Charte).
[100] Toutefois, l’évolution de notre jurisprudence élargit, si cela était requis, cet aspect de l’analyse.
[101] C’est donc à tout le moins dans le cadre de l’étude du préjudice irréparable au requérant (soit ici l’Entrepreneur) que le Tribunal se doit d’examiner un préjudice à l’intérêt public, s’il en est.
[102] Notre Cour d’appel récemment (2012) (Hon. Hilton, Kasirer et Wagner [maintenant de notre Cour Suprême]) dans l’arrêt Voysis c Sigmasanté [45], une affaire d’appel d'offres visant à déployer un réseau de téléphonie dans six établissements de santé, où le demandeur Voysis allègue que « …des inconvénients subis par des tierces parties au litige ne doivent pas influencer l'évaluation par le juge du critère de la prépondérance des inconvénients » se voit répondre par la Cour :
« Cette position est erronée. Le juge se doit au contraire de prendre en considération l'intérêt public dans sa décision d'accorder ou non une injonction, particulièrement lorsque la santé du public est en jeu. »
[103] On retrouve cette même approche dans l’affaire Consortium M.R. c. Office municipal d’habitation[46] où la Cour d’appel, sur une décision arbitrale du soussigné dans le cadre du Règlement refusant une suspension d’instance, donne raison au soussigné [comme ce fut le cas en Cour Supérieure (sous la plume de Hon. C. Roy)] soulignant la décision ‘éclairante’ de l’arbitre (paragr. 27) qui prend en considération (paragr. 28) les quelques 80 résidents du bâtiment alors sous étude.
[104] Il y a donc certaines circonstances où cet intérêt se doit d’être pris en considération, tel les promettants-acheteurs, incluant ceux ayant versé acompte, mais aussi la considération d’un tout autre ordre, la protection du public, un des piliers de la mise en œuvre d’un plan de garantie sous le Règlement.
Constat - Prépondérance des inconvénients
[105] Le Tribunal a souligné plus haut que l’étape d’analyse de la prépondérance ou balance des inconvénients n’est pas nécessaire dans un cas de droit clair.
[106] Notons simplement, et pour répondre à la plaidoirie du procureur de l’Administrateur qui avance inter alia (i) un préjudice sérieux et irréparable illimité, (ii) un risque auquel l’Administrateur s’expose réel et illimité, et (iii) conséquemment des inconvénients irréparables, le Tribunal est d’avis que la balance des inconvénients, s’il fallait s’y adresser, ce qui n’est pas inféré aux présentes, serait en faveur de l’Entrepreneur tenant compte des conditions et limites imposées à l’Entrepreneur par le Tribunal sous la présente décision, tenant compte des délais applicables aux présentes ordonnances, et tenant compte du droit des Parties, advenant que des faits nouveaux le justifient, de demander la révocation ou la modification de la présente décision et ordonnance en suspension tel que prévu ci-dessous.
[107] La discrétion de l’Administrateur de fixer un montant supérieur de cautionnement à celui identifié à l’article 85 du Règlement (prenant pour acquis que l’Entrepreneur se qualifie à titre d’entreprise B [donc une entreprise travaillant, partiellement ou exclusivement, dans le domaine de la construction de bâtiments résidentiels depuis au moins 4 ans]) ne devrait pas porter à contestation, tant par le libellé même de l’article 88 du Règlement :
« 88. Lorsqu'une entreprise ne remplit pas les exigences visées aux articles 84 à 87 ou dans le cas où il est impossible de calculer les critères financiers visés au paragraphe 2 de l'article 84, l'administrateur peut exiger toute autre condition ayant pour effet d'atteindre les mêmes fins en prenant en compte la compétence technique de l'entreprise.
L'administrateur peut exiger un cautionnement d'une valeur supérieure à celle mentionnée au paragraphe 1 de l'article 84 et au paragraphe 1 de l'article 85 lorsqu'il a des raisons de croire que la solvabilité de l'entreprise le requiert. »
et confirmé à diverses reprises par des décisions arbitrales, telles citées par le procureur de l’Administrateur à ses notes et autorités[47], à condition toutefois selon le Tribunal que cette exigence soit fixée de bonne foi, sans élément arbitraire ou conséquence discriminatoire.
[108] Notons finalement à titre de jurisprudence sur suspension qui souscrit une étude jurisprudentielle plutôt exhaustive, l’affaire Pomerleau[48] (où la suspension a été accordée), qui retient divers facteurs dont ceux de la balance des inconvénients et de considérer si la suspension causera un préjudice sérieux au requérant.
[109] Il est requis de retenir que l’Entrepreneur afin de pouvoir agir comme entrepreneur n’a d’autre moyen que de recourir au Règlement, suite à une décision défavorable de l’Administrateur, et que par le biais du Tribunal :
« 106. Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l'annulation de l'adhésion d'un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section. »
[…]
[110] Le Tribunal a souligné précédemment l’articulé législatif et réglementaire qui impose que la licence émise par la Régie requiert que le détenteur ait adhéré à un Plan et dont la validité est sujette à cette adhésion qui, si elle cesse d’avoir effet, a comme conséquence que la Régie peut suspendre ou annuler la licence de l’entrepreneur.
Considérations autres - Loi et Règlement ~ mesures d’intérêt public
[111] Il est requis de retenir que l’Entrepreneur afin de pouvoir agir comme entrepreneur n’a d’autre moyen que de recourir au Règlement, suite à une décision défavorable de l’Administrateur, et que par le biais du Tribunal :
« 106. Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l'annulation de l'adhésion d'un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section. »
[112] Un élément qui milite en faveur de ne pas suspendre une instance d’arbitrage pour une période significative sans raison prévalente se retrouve à la structure même de la législation et réglementation mise de l’avant pour régir les activités d’entrepreneur en construction au Québec, mesures d’intérêt public, alors que l’octroi d’une licence d’entrepreneur, et plus particulièrement son maintien, suspension ou annulation subséquente est lié entre autre à l’observance par l’entrepreneur de ses obligations en conformité du Règlement.
[113] C’est un ensemble important de la régie des activités des entrepreneurs en construction au Québec qui est visé par cette corrélation des paramètres de validité d’une licence d’entrepreneur, entre le rôle et les dispositions applicables à la Régie du Bâtiment sous la Loi et ceux applicables à l’Administrateur sous le Règlement. Une suspension sine die qui peut emporter des délais significatifs limite sinon immobilise cet aspect du monitorat prévu par le législateur, et tenant compte entre autres du caractère d’ordre public du Règlement, le Tribunal se doit d’être prudent sur un tel type de suspension demandé. Le Tribunal considère dans les circonstances particulières de la présente requête que de limiter les activités de l’Entrepreneur à des bâtiments ou projets spécifiques permet de cerner un délai de temps, celui de pourvoir à fin des travaux et réception, tant sous les délais fixés à la suspension d’annulation que les délais estimés de l’Instruction au fonds.
[114] Le Tribunal prend entre autre en considération, pour sa détermination d’une suspension d’annulation, tenant compte d’une part des critères requis pour le maintien d’adhésion et des causes d’annulation, et que l’adhésion est généralement pour un maximum d’un an et donc sujette à renouvellement périodique (art. 89 et 91 du Règlement), mais d’autre part :
[114.1] du poids important dans une telle détermination, du respect ou non des règles de justice naturelle, d’équité procédurale, dans le processus décisionnel et au contenu de la décision visée,
[114.2] de l’équité procédurale qui requiert que soit respecté le droit d‘être entendu, dans un cadre de procédure quasi judiciaire, donc l’opportunité, pour la personne visée par une décision de recevoir et inversement de fournir au décideur préalablement, dans un délai raisonnable, l’information pertinente à celle-ci, et de préciser sa position en toute connaissance de cause,
[114.3] de la nécessité de décisions motivées, qui identifient clairement les motifs et le ou les fondement(s) sous-jacents, non seulement un énoncé de normes ou de causes réglementaires mais une corrélation aux faits de la situation sous étude et que l’incidence des affirmations du décideur sur son analyse et décision soit clairement indiquée, et
[114.4] que les éléments reprochés à l’Entrepreneur et cause(s) de l’annulation ne sont pas uniquement factuels mais tel dans les circonstances sous étude, doivent aussi découler d’une analyse qualitative par l’Administrateur, de nouveau soulignant le respect des règles de justice naturelle, d’équité procédurale, et le rôle quasi judiciaire de l’Administrateur dans un cadre de refus ou d’annulation d’adhésion;
[115] Sous une approche restrictive de ne permettre que certaines activités principalement reliées au Tableau Projets, le Tribunal prend entre autres en considération :
[115.1] que des bénéficiaires ont pourvu à des acomptes encaissés par l’Entrepreneur, et
[115.2] que de ne pas permettre à l’Entrepreneur de compléter les bâtiments identifiés au Tableau Projets (sujet aux exclusions ci-dessous) aura des conséquences négatives importantes sur la viabilité de son entreprise, mais encore plus, sur l’exercice de droits de tiers suite à une déconfiture possible conséquente de l’Entrepreneur (selon la preuve à l’enquête) qui peuvent emporter des délais subséquents qui ne sont pas à l’avantage des bénéficiaires.
[116] Le Tribunal est conscient que la décision aux présentes pourrait avoir un impact et un effet d'entraînement pour toute autre demande de même titre, mais il doit être compris qu’une suspension d’exécution est tributaire de faits spécifiques qui se doivent d’être analysés et dont la prépondérance et le poids relatif demeurent uniques à la situation sous étude, et plus encore leur interrelation et effet; chaque cas est un cas d’espèce.
CONCLUSIONS
[117] L’Administrateur se doit d’agir dans un cadre quasi judiciaire lorsqu’il rend une décision qui affecte les droits d’un administré.
[118] L’absence ou une insuffisance caractérisée de motifs d’une décision de l’Administrateur requis d’agir sous un processus quasi judiciaire, et encore plus dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par l’Administrateur (tel alors qu’il peut requérir un cautionnement plus élevé que les montants indiqués au Règlement), est une déficience sérieuse et irréparable à une telle décision, ce qui en affecte les conclusions de manière irréparable.
[119] Plus les sanctions sont sérieuses, ce qui est certes le cas lors d’une annulation ou refus d’adhésion d’un entrepreneur par l’Administrateur, plus on est justifié de demander que l’exercice du pouvoir soit soumis au processus judiciaire ou quasi judiciaire.
[120] La Décision Adm n’est absolument pas motivée, ne respecte pas les règles de justice naturelle et d’obligation d’équité procédurale et ne peut être bonifiée par une soumission de preuve ou plaidoiries suite à son émission ou lors d’une Instruction en arbitrage subséquente et conséquente.
[121] Une suspension d’exécution de la Décision Adm de l’annulation d’adhésion de l’Entrepreneur au Plan est justifiée dans les circonstances et donc accordée, et conséquemment rétablit l’adhésion et le certificat d’accréditation de l’Entrepreneur selon les considérations, ordonnances, conditions et paramètres et sujet aux délais suivants :
[121.1] Cette suspension sera suivie d’une décision sur la demande d’arbitrage au fonds;
[121.2] Les présentes constituent une décision et sentence en cours d’instance (interlocutoire) qui peut être modifiée ou révoquée si la modification ou la révocation est justifiée. La suspension accordée est temporaire, et conséquemment de même effet l’adhésion conséquente de l’Entrepreneur au Plan, et le Tribunal conserve juridiction sur cette suspension, incluant toute représentation subséquente que pourront déposer les Parties dans le cadre et en conformité des présentes;
[121.3] L’Entrepreneur ne pourra agir sous licence d’entrepreneur et sous adhésion au Plan que :
(i) relativement aux bâtiments identifiés au Tableau Projets, sauf
a) quant au bâtiment sous la rubrique #2 (Projet #FB2) où aucune activité sous licence ou adhésion n’est permise par les présentes, et
b) les projets #17 (Projet #DE7) et #20 (Projet #DE10) où l’activité permise est restreinte à la livraison des parties communes et de la documentation alors requise),
et
(ii) afin de conclure les contrats préliminaires et ventes d’unités des bâtiments et projets identifiés au Tableau Projets de l’Entrepreneur (en format reçu à la date de la prise en délibéré aux présentes [soit le 21 octobre 2016]),
mais sans plus;
[121.4] Prenant en considération la Décision TAT, la présente Ordonnance permet et confirme que l’Entrepreneur peut poursuivre la construction et achèvement des bâtiments identifiés au Tableau Projets en conformité des licences détenues par l’Entrepreneur mais aucun nouveau projet ou nouvelle construction ou autre activité connexe, incluant d’intervenir à un contrat préliminaire ou vente dans le cadre d’application du Règlement, n’est permis dans le cadre des présentes;
[121.6] Toute facturation émise par l’Administrateur pour paiement par l’Entrepreneur qui demeure impayée en date des présentes soit entièrement payée dans les dix (10) jours ouvrables des présentes et que tout autre montant pouvant devenir dû et alors facturé dû par l’Administrateur soit payé dans les quinze (15) jours de la réception d’une telle facturation, par l’Entrepreneur ou pour son compte;
[121.7] La mise en œuvre de suspension d’exécution de la Décision Adm de l’annulation d’adhésion de l’Entrepreneur au Plan est conditionnelle à l’obtention d’une confirmation et attestation des prêteurs institutionnels ayant avancés des facilités de crédit ou autre financement applicables aux projets sous le Tableau Projets, incluant le prêteur Centria, identifié par l’Entrepreneur à titre de prêteur principal, du maintien ou remise en force, selon le cas, à tout le moins pour un délai identique au délai se terminant à la date du jour juridique suivant l’expiration du délai de toute demande de révision (ou procédure au même effet) de la décision arbitrale au fonds du Tribunal conséquente de la Demande;
[121.8] L’Entrepreneur devra déposer au dossier du Tribunal, le ou avant le 8 novembre 2016, à 15h00, copie de ses états financiers pour l’exercice terminé le 31 mars 2016, avec rapport de mission d’examen, ce délai étant de rigueur, avec correspondance de l’auteur, comptable professionnel agréé, retenu pour examen, indiquant les raisons du défaut d’une date du rapport d’examen de ces états financiers postérieure de 4 mois de la fin de l’année financière de l’Entrepreneur - ou en l’absence de dépôt dans le délai, transmission au Tribunal et Administrateur le ou avant le 8 novembre 2016, à 15h00, d’une correspondance de l’auteur, comptable professionnel agréé, retenu pour examen, avec confirmation de son mandat et une explication détaillée des causes du retard de dépôt et de tout élément manquant pour émission du rapport de mission;
[121.9] L’Entrepreneur devra déposer au dossier du Tribunal, le ou avant le 8 novembre 2016, à 15h00, copie du bilan personnel de Dion, en date du dépôt, en forme et contenu requis pour les fins du Règlement, incluant d’identifier tous détails relatifs à des transactions entre personnes liées [tel que défini à l’art. 251 de la Loi sur l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.))].
[121.10] L’Entrepreneur devra déposer au dossier du Tribunal et transmission à l’Administrateur, le rapport juricomptable que l’Entrepreneur a avisé de son intention de déposer, soit le ou vers le 18 novembre 2016 tel qu’indiqué, mais sans faute le ou avant le mercredi 30 novembre 2016 à 15h00, date de rigueur de dépôt de ce rapport.
Coûts
[122] En conformité de l’article 123 du Règlement, les coûts du présent arbitrage en l’instance sont à la charge pour moitié à l’Entrepreneur et pour moitié à l’Administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la requête de suspension de la décision d’annulation de l’adhésion de l’Entrepreneur émise par l’Administrateur en date du 7 septembre 2016 sujette aux considérations et conclusions, conditions, paramètres et délais indiqués aux présentes;
ORDONNE que soit pourvu à Instruction au fonds de la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur, suite au dépôt auprès du Tribunal et communication à l’Administrateur du rapport juricomptable que l’Entrepreneur a avisé de son intention de déposer au dossier du Tribunal, soit le ou vers le 18 novembre 2016, mais sans faute le ou avant le mercredi 30 novembre 2016 à 15h00, date de rigueur de dépôt de ce rapport, le Tribunal ayant fixé, suite à représentations des Parties, un délai pour que l’Administrateur puisse prendre connaissance de celui-ci (et de pourvoir à contre-expertise, à sa discrétion).
ORDONNE à l’Administrateur et l’Entrepreneur de pourvoir et payer facturation à moitié pour chacun les coûts d’arbitrage, sur réception;
RÉSERVE le droit des parties, advenant que des faits nouveaux le justifient, de demander au Tribunal la révocation ou la modification de la présente décision et ordonnance en suspension; et
MAINTIENT juridiction.
DATE: 25 octobre 2016
____________________
Me Jean Philippe Ewart
Arbitre
[1] Idem, D.841-98, a.5, art. 5 du Règlement.
[2] Idem, art. 20 et 120 du Règlement.
[4] American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] 1 All E.R. 504.
[5] VOIR entre autre Autorité des marchés financiers c. Lacroix, 2007 QCCS 1300, R. Mongeon, j.c.s., plus particulièrement aux para. 227 à 230 et 232.
[6] R.J.R. MacDonald Inc. c. Procureur Général du Canada et Procureur Général du Québec & als. (1994) 1 R.C.S. 311.
[7] Dialadex Communications Inc. c. Crammond (1987) 34 D.L.R. (4th) 392 (H.C. Ont.), à la p. 396.
[9] Favre c Hôpital Notre-Dame [1984] CA 548, para 16
[10] Lawrence Home Fashion inc. c Sewell et Sheftex inc. 2003 Canlii 43377, QC C.S. (Hon Wery) para 34, citant de plus les causes de notre Cour d’appel Brassard c. Société zoologique de Québec Inc., [1995] R.D.J. 573 (C.A.); Coutu c. Ordre des pharmaciens du Québec, [1984] R.D.J. 298 (C.A.)].
[11] Kanatewat et al. v. James Bay Development Corp. et al., [1975] C.A. 167, permission à la Cour suprême rejetée [1975] S.C.R. 48, citée entre autres par la Cour Suprême en 2004 le Juge Gonthier dans A.I.E.S.T., local de scène no 56 c. Société de la Place des Arts de Montréal, [2004] 1 RCS 43.
[13] Skelling c. Québec (Procureur général) 2006 QCCA 148, par.10.
[14] Pickard c Olivier 2012 QCCA 28, Dalphond J.A. référant à 9103-0049 Québec inc. c. Cour du Québec, [2009] R.D.I. 803, 2009 QCCS 3984 (visant la Régie du logement et notant que le législateur a rapidement réagi à ce jugement de la Cour supérieure en adoptant le 10 décembre 2010 une loi modificatrice - mais qui ne contredit pas le principe retenu aux présentes).
[15] Voir par exemple Mitchell c. Sandvest-Bruvest Reg'd [1992] R.J.Q. 193; voir aussi Chrysler c. Fattal, [1992] R.D.J. 409 (C.A.).
[16] Pour les fins des jurisprudences et doctrine sur le sujet, prenons également note du terme « tribunal statutaire » utilisés entre autre à la cause souvent citée de la Cour d'appel Laurentienne-vie (La), compagnie d'assurances inc. c. Empire (L'), compagnie d'assurance-vie[16] qui différencie l'arbitrage consensuel de celui où l'arbitre tire ses pouvoirs de la loi et du terme « tribunal d'origine législative » utilisé par la juge Langlois en référence au Règlement dans l'arrêt Habitations Sylvain Ménard inc. c. Labelle[16], :
« … un tribunal inférieur dont l'existence dépend et est rendue obligatoire par la loi ou un tribunal que la loi investit de pouvoirs importants, dont elle définit les droits et devoirs, qui rend une décision à caractère définitif. »[16]
[17] GARANT, Patrice, Droit Administratif, 5e édition, Éd. Yvon Blais, 2004, p.179.
[18] GARANT, Patrice, Précis de droit des administrations publiques, 3e édition, Éd. Yvon Blais, 1995, p.55.
[19] Idem, Précis de droit des administrations publiques, p.51.
[20] Tels, par exemple, en plus de Coopers and Lybrand et Régie des alcools discutés spécifiquement par le soussigné, les arrêts Martineau et Butters c. Comité de discipline des détenus de l’Institution de Matsqui [1978] 1 R.C.S. 118 (cité par le Juge Dickson dans Coopers and Lybrand, p. 504), et Renvoi relatif à la Loi de 1979 sur la location résidentielle [1981] 1 R.C.S. 714.
[21] Minister of National Revenue v. Coopers and Lybrand [1979] 1 R.C.S. 495.
[22] 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool), [1996] 3 R.C.S. 919.
[23] Op. cit. M.N.R. v Coopers and Lybrand, p. 504.
[24] Art. 70 (2) de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1).
[25] Au Québec, s’appliquant qu’aux tribunaux relevant de la compétence de la législature québécoise, on note l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q. c. C-12) qui énonce que « toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu’il s’agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle »; au même effet, quant aux tribunaux fédéraux, l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, c. 44, confère à toute personne le « droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations ».
[26] Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police [1979] 1 R.C.S. 311.
[27] Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent [1985] 2 R.C.S. 643.
[28] Baker c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1999] 2 R.C.S. 817.
[29] Canada (Procureur général) c. Mavi, [2011] 2 RCS 504, voir entre autres les para. 39 à 42.
[30] Art. 79.1 de la Loi sur le Bâtiment: “79.1. L'entrepreneur obligé d'adhérer à un plan de garantie prévu à l'article 77 ou 78 est tenu de réparer tous les défauts de construction résultant de l'inexécution ou de l'exécution de travaux de construction couverts par ce plan. Il doit aussi, le cas échéant, compléter l'exécution des travaux ou acquitter les indemnités prévus par règlement de la Régie. […]
[31] Art. 84: D. 841-98, a. 84; D. 39-2006, a. 24, et art. 85: D. 841-98, a. 85.
[32] « 88. Lorsqu'une entreprise ne remplit pas les exigences visées aux articles 84 à 87 ou dans le cas où il est impossible de calculer les critères financiers visés au paragraphe 2 de l'article 84, l'administrateur peut exiger toute autre condition ayant pour effet d'atteindre les mêmes fins en prenant en compte la compétence technique de l'entreprise.
L'administrateur peut exiger un cautionnement d'une valeur supérieure à celle mentionnée au paragraphe 1 de l'article 84 et au paragraphe 1 de l'article 85 lorsqu'il a des raisons de croire que la solvabilité de l'entreprise le requiert. »
[33] Commission de la construction du Québec c. Larivière 2009 QCCS 2653.
[34] Baker c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1999] 2 R.C.S. 817.
[35] Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643. Voir p. 653 et ss.
[38] Société des services Ozanam inc. c. Québec (Commission municipale), 1994 CanLII 6507 (QC CS).
[39] C.S.M., no. 500-05-011647-904, 5 décembre 1990 (C.S., juge Pierre Viau).
[40] C.A.M., no. 500-09-001881-903, 16 septembre 1991.
[41] Paccar of Canada Ltd c. C.A.I.M.A.W., [1979] 2 R.C.S. 983, p.1008.
[42] Voir aussi note 15 ci-dessus. - Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12; article 23 :
Audition impartiale par tribunal indépendant.
« 23. Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle. »
[44] 9045-6740 Québec Inc. c. 9049-6902 Québec Inc., 2004 CanLII 31403 (QC CA), para. 16, citant H. & R. Block Canada inc. c. Truchon, J.E. 2000-1608, par. 12 (C.A.). Gestion R. & R. Gauthier Ltée c. Vidéoflex, 1993 CanLII 3826 (QC CA).
[45] 4077334 Canada inc. (Solutions Voysis IP) c. Sigmasanté 2012 QCCA 1101, para 27.
[47] 8254389 Canada Inc. et Garantie Abritat Inc., Me Jeffrey Edwards, arbitre, Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) no GAMM 2013-15-002 en date du 26 septembre 2013 et 9182-6818 Québec Inc. et Garantie des maîtres bâtisseurs, Me Johanne Despatis, arbitre, Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) no GAMM 2008-09-025 en date du 11 février 2009.
[48] Pomerleau c Flamidor inc. 2008 QCCQ 2484, para. 56 pour les facteurs d’importance et para. 64 pour une analyse du préjudice sérieux.