Gabarit EDJ

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Marie Bouthillier et Denis Munro

No dossier QH : 79626/7905

No dossier GAMM : 2015-16-001

-et-

Caroline Munro

No dossier QH : 79631/8069

No dossier GAMM : 2015-06-002

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

Habitations Majo inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie Habitation du Québec inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis

 

Pour les bénéficiaires :

Me Ludovic Le Draoullec

 

Pour l'entrepreneur :

M. Jean-Guy Dubois

 

Pour l'administrateur :

Me François-Olivier Godin

 

Dates d’audience :

24 avril 2015 (Bromont)

17 juin 2015 (Montréal)

 

 

Date de la sentence :

30 juin 2015

I : INTRODUCTION

[1]           La présente sentence dispose de deux demandes d’arbitrage, soit celle de Mme Marie Bouthillier et de M. Denis Munro, datée du 9 janvier 2015, de même que celle de Mme Caroline Munro, datée du 20 février 2015.

[2]           Il s’agit de deux unités d’habitation situées à Bromont, dans la même copropriété.

[3]           Les deux demandes d’arbitrage ont pour objet les mêmes points de dénonciation, soit la conformité et l’étanchéité de la douche localisée dans la chambre principale.

[4]           En cours d’enquête, la preuve ainsi que les plaidoiries furent communes aux deux dossiers; il a donc été convenu de n’émettre qu’une seule sentence arbitrale.

[5]           À la base, les demandes d’arbitrage portent sur la conformité et l’étanchéité des deux douches.

[6]           Les bénéficiaires prétendent que lesdites douches ne sont pas conformes aux normes CSA et ils demandent que l’entrepreneur ou l’administrateur procède à leur remplacement intégral.

[7]           Relativement à l’étanchéité, les bénéficiaires soutiennent que le plancher a gonflé, signe évident d’une infiltration d’eau.

[8]           Cependant, vers la fin de la première journée d’audience, le procureur de l’administrateur a tardivement soulevé une objection préliminaire ayant trait à l’admissibilité de ces deux unités d’habitation au plan de garantie.

[9]           En cours d’enquête, les personnes suivantes ont témoigné :

        Mme Marie Bouthillier, bénéficiaire

        M. Tommy Duval, plombier

        M. Jean-Guy Dubois, entrepreneur

        M. Patrick Simard, T.P., conciliateur pour l’administrateur

        M. Denis Munro, bénéficiaire

[10]        À l’appui de son argumentation, le procureur des bénéficiaires a déposé les sentences suivantes :

        Gilbert Champagne et Le Groupe Lagacé Habitations inc. et La Garantie Qualité Habitation inc., sentence arbitrale rendue le 23 juillet 2007 par M. Alcide Fournier (SORECONI).

        Lorraine Provost et Luc Dumontet et Les Habitations Châtelain inc. et La Garantie Habitation du Québec inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., sentence arbitrale rendue le 2 mars 2012 par Me Philippe Patry (CCAC).

        Domaine Mon Voisin Le Castor Inc. et 9027-8525 Québec Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc. (GMN), sentence arbitrale rendue le 25 janvier 2010 par Me Jeffrey Edwards (GAMM).

[11]        Au soutien de ses prétentions, le procureur de l’administrateur a soumis ce qui suit :

        Code civil du Québec annoté Baudouin Renaud, art. 2847 (SOQUIJ).

        Jean-Claude ROYER, La preuve civile, 3e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2003, p. 559.

        Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Edwards, 2010 QCCS 6578.

        Domaine Mon Voisin Le Castor Inc. et 9027-8525 Québec Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc. (GMN), sentence arbitrale rendue le 25 janvier 2010 par Me Jeffrey Edwards (GAMM).

        Syndicat de la copropriété 8980 à 8994 Croissant du Louvre et Le Village Parisien inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., sentence arbitrale rendue le 19 mars 2015 par Me Albert Zoltowski (SORECONI).

        Syndicat de copropriété « SDC Les Habitations Mélatti, 7014 Marie-Rollet et 7011 Louis-Hébert à LaSalle » c. Les Constructions G. Mélatti inc. -et- La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., sentence arbitrale rendue le 11 août 2006 par Me Jeffrey Edwards         (SORECONI).

II : ADMISSIBILITÉ AU PLAN DE GARANTIE

[12]        Comme fondement de ses prétentions, le procureur de l’administrateur cite les articles suivants de la Déclaration de copropriété qui régit les deux unités d’habitation concernées :

ARTICLE 15.   L’immeuble est destiné principalement à un usage locatif commercial, de villégiature à court terme. Toutefois, les fractions pourront également être occupées de façon résidentielle, par les copropriétaires, leur famille ou leurs invités.

ARTICLE 16.   Les parties privatives sont destinées à la location commerciale de villégiature à court terme. Chaque copropriétaire ainsi que chaque occupant doivent se conformer aux conditions relatives à la jouissance, à l’usage et à l’entretien des parties privatives ci-après édictées au Règlement de l’immeuble.

ARTICLE 17.   Les parties communes sont destinées à l’usage commun de tous les copropriétaires dans le cadre d’une utilisation commerciale de villégiature à court terme. Chacune des parties communes doit être utilisée selon sa vocation par les copropriétaires et les occupants dans la mesure où l’usage n’en est pas réservé à un ou plusieurs autres copropriétaires. Chaque copropriétaire ainsi que chaque occupant doivent se conformer aux conditions relatives à la jouissance, à l’usage et à l’entretien des parties communes ci-après édictées au Règlement de l’immeuble.

[13]        Le procureur juxtapose ensuite l’article 2.2° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs à ces extraits :

2. Le présent règlement s'applique aux plans de garantie qui garantissent l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d'un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction:

[…]

2° des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:

a) une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée;

b) un bâtiment multifamilial de construction combustible ;

c) un bâtiment multifamilial de construction incombustible comprenant au plus 4 parties privatives superposées ;

[…]

[14]        La preuve a démontré que la location des unités était variable d’un propriétaire à l’autre; M. Duval, plombier, loue la sienne sans l’habiter, tandis que les bénéficiaires ont loué la leur 100 jours en 2013 et 150 jours en 2014 et 2015, tout en l’occupant pour une certaine période; d’autre part, quatre copropriétaires ne louent presque jamais.

[15]        Quoi qu’il en soit, le procureur de l’administrateur soutient que le législateur a exclu de la garantie les bâtiments non principalement destinés à des usages résidentiels.

[16]        Il prétend donc qu’en vertu de l’article 15 de la Déclaration de copropriété et qu’en vertu de l’usage existant, les unités d’habitation concernées possèdent une destination commerciale.

[17]        En tout respect pour l’opinion contraire, le soussigné est d’avis que le fait que la Déclaration de copropriété permette aux copropriétaires d’habiter ou de louer leur unité n’en fait pas une destination commerciale; dans les deux cas, la destination demeure résidentielle et est conforme à l’article 2.2° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[18]        Que les unités soient habitées par leurs propriétaires ou qu’elles soient louées, elles demeurent des unités d’habitation et non des commerces permettant la vente au détail ou la transformation de produits; la destination est toujours résidentielle.

[19]        À cet égard, je cite quelques énoncés de la Plaidoirie partielle des bénéficiaires, auxquels je souscris :

5.          Louer son unité résidentielle à court terme peut constituer une activité commerciale, mais cela ne fait pas de l’unité résidentielle une unité commerciale;

6.          La copropriété en cause est une copropriété résidentielle, pas une copropriété commerciale; les unités sont des appartements dans lesquels on mange, on se lave et on dort;

7.          Les unités de la copropriété en cause peuvent accueillir les copropriétaires, leur famille et leurs invités quand, ou si, les copropriétaires ne la louent pas;

8.          L’Unité des Bénéficiaires n’est ni un bureau, ni un local industriel;

9.          L’Unité des Bénéficiaires est un appartement avec cuisine, salle de bains, chambre : tout ce qu’il faut pour résider, habiter, demeurer, se loger;

[20]        L’enregistrement au plan de garantie de ces deux unités n’aura donc pas été une erreur, alors que dans la présente, le recours à l’équité n’aura pas été nécessaire.

[21]        Le procureur de l’administrateur a déposé une sentence[1] de l’arbitre Me Jeffrey Edwards (maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec à Montréal), dont voici un extrait :

[20]       Il est clair que le législateur n’a pas édicté que seul un bâtiment utilisé exclusivement à des fins résidentielles est visé par le Règlement. Au contraire, il est seulement requis que l’utilité principale du bâtiment soit résidentielle. Ainsi, en autant que la destination ou l’utilité principale du bâtiment soit résidentielle, il est permis que celui-ci soit également destiné et utilisé à d’autres fins, soit commerciale, artisanale, institutionnelle, industrielle ou récréo-touristique, et ce, sans pour autant perdre son admissibilité en vertu du Règlement. […]

[22]        Or, dans le présent dossier, il a été prouvé que les deux unités concernées sont utilisées exclusivement à des fins résidentielles.

[23]        Il est évident que lorsqu’il parle de destination autre que résidentielle dans son énumération, l’arbitre Edwards spécifie artisanale, institutionnelle, industrielle ou récréo-touristique; jamais il ne laisse entrevoir qu’une location à des fins résidentielles constitue une destination commerciale.

[24]        Pour ces motifs, le moyen préliminaire soulevé par l’administrateur est REJETÉ.

III : SUR LE FOND

[25]        Comme déjà mentionné, la réclamation des bénéficiaires porte sur la conformité et l’étanchéité des deux douches respectives, contestant ainsi la décision de l’administrateur et réclamant le remplacement intégral desdites douches.

[26]        Relativement à la conformité, la décision de l’administrateur (dossier Marie Bouthillier et Denis Munro) est la suivante :

·         Décision

Considérant que la non-conformité de la douche a l’aspect d’une malfaçon non apparente garantie la première année;

Considérant une prise de possession le 13 décembre 2011 et une dénonciation le 7 août 2014, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice-caché [sic]. Or selon ce qu’il nous a été possible de constater lors de notre inspection, le point constaté n’atteint pas le degré de gravité du vice caché qui serait de nature à nuire de manière importante à l’utilité du bien concerné.

Par conséquent, La garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat.

[27]        Relativement à l’étanchéité, la décision de l’administrateur (dossier Marie Bouthillier et Denis Munro) se présente ainsi :

·         Décision

Considérant que le gonflement du plancher s’est produit une seule fois;

Considérant que la décoloration de boiserie à proximité de la porte de douche semble être due à de l’eau qui proviendrait de la porte lors de son ouverture ou du tapis de bain;

Considérant que nous n’avons pas observé des signes, sous la douche et dans le mur de placoplâtre, d’un manque d’étanchéité;

Considérant que l’unité est régulièrement en location et que la situation pourrait être due à un évènement isolé;

Par conséquent, La garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat.

[28]        Il s’agit ici de douches localisées dans les chambres principales.

[29]        En plus d’entendre les divers témoignages, le tribunal a soigneusement procédé à la visite des lieux.

[30]        Il a été prouvé et même admis que ces douches comportent des non-conformités; tout d’abord, elles ne sont pas approuvées CSA, tandis que l’installation d’un tuyau flexible pour le drain en dessous de la douche n’est pas permise; de plus, les douches ont été installées par du personnel ne possédant pas de carte de compétence en plomberie.

[31]        Lors de la visite des lieux, le soussigné n’a remarqué aucune manifestation importante pouvant résulter des non-conformités.

[32]        J’ai demandé de faire fonctionner chacune des douches durant une bonne période de temps et j’ai noté que l’écoulement s’est très bien effectué.

[33]        Dans son rapport, le conciliateur pour l’administrateur indique qu’il a pris des photos en dessous des douches et conclut comme suit : « Aucun signe d’un manque d’étanchéité sous la douche ».

[34]        Ainsi, lorsqu’il y aurait eu écoulement, selon le conciliateur, cela aurait été par le dessus et non par le dessous, suite à une mauvaise utilisation.

[35]        Dans un mur près de la douche ainsi que dans une boiserie à proximité, le conciliateur n’a détecté aucune humidité excessive.

[36]        Il a également fait fonctionner les douches et il n’a observé aucun manque d’étanchéité.

[37]        Le tribunal rappelle que depuis la réception des unités jusqu’au moment de la réclamation écrite, il s’est écoulé plus de deux ans et demi, soit pour location, soit pour habitation par les bénéficiaires.

[38]        Le soussigné n’a pas observé non plus de manifestation sur les joints ni sur les planchers adjacents.

[39]        Dans leur argumentation, les bénéficiaires soulignent : « Même sans dégât, les douches sont non conformes ».

[40]        Le soussigné a visité un logement à un étage inférieur en ligne avec une des habitations concernées où il y aurait eu une fois un écoulement; je n’ai perçu aucune manifestation.

[41]        M. Tommy Duval, plombier, propriétaire depuis un an d’une unité située dans la même copropriété, témoigne que ces douches sont non conformes, ce qui ne l’empêche pas, dit-il, de « prendre sa douche ».

[42]        En accord avec l’administrateur, le tribunal est d’avis que la problématique n’a pas la gravité requise pour nécessiter un remplacement intégral de ces deux douches.

[43]        Il n’existe aucune preuve à l’effet que ces douches coulent réellement.

[44]        En d’autres termes, il s’agit d’un travail non conforme de l’entrepreneur, sans préjudice pour les bénéficiaires.

[45]        Toutefois, les tuyaux flexibles non réglementaires sous les douches devront être remplacés par l’entrepreneur.

[46]        Le tribunal ORDONNE donc à l’entrepreneur de remplacer, dans les trente (30) jours de la présente, les tuyaux flexibles sous les douches par des tuyaux conformes aux divers règlements en vigueur.

[47]         À défaut par l’entrepreneur de remplir ses obligations, le tribunal ORDONNE à l’administrateur d’y suppléer, et ce, dans le même délai.

IV : RÉSUMÉ

[48]        Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal :

REJETTE                   le moyen préliminaire soulevé par l’administrateur; et

ACCUEILLE               partiellement les réclamations des bénéficiaires.

Coûts de l’arbitrage

[49]        Conformément à l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont totalement à la charge de l’administrateur.

 

BOUCHERVILLE, le 30 juin 2015.

 

 

 

                                                                                                                                              

 

 

 

__________________________________

Claude Dupuis, arbitre

 



[1]     Domaine Mon Voisin Le Castor Inc. et 9027-8525 Québec Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc. (GMN), sentence arbitrale rendue le 25 janvier 2010 par Me Jeffrey Edwards (GAMM).