TRIBUNAL D’ARBITRAGE
(constitué en vertu du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sous l’égide du CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC), organisme d’arbitrage agréé par la RÉGIE DU BÂTIMENT DU QUÉBEC chargée d’administrer la Loi sur le bâtiment (l.r.q. c. b-1.1))
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
DOSSIER N°: 03-0302
MONTRÉAL, le 9 septembre 2004
ARBITRE : Me ROBERT MASSON, ing., arb.
Huguette Poulin
Bénéficiaire - Demanderesse
c.
Société immobilière Campiz Ltée
Entrepreneur
et
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.
Administrateur de la garantie
SENTENCE ARBITRALE
[1] Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une requête de la demanderesse pour amender la demande d’arbitrage. Alors que la cause a été prise en délibéré, la demanderesse a notifié aux parties et produit au Tribunal d’arbitrage une demande d’arbitrage réamendée pour y inclure une réclamation pour dommages exemplaires au montant de 15,000.00 $ contre la mise en cause.
[2] La mise en cause s’est objecté à cette façon de faire, alléguant que la procédure eut dû être précédée d’une requête pour permission d’amender et que le Tribunal d’arbitrage devrait rejeter cette requête au stade même de la réception.
[3] S’appuyant sur l’article 199 C. p. c., la demanderesse allègue que depuis les amendements apportés aux articles 199 à 207 du Code de procédure civile, en vigueur depuis de 1ier janvier 2003, il n’est plus nécessaire de procéder par requête pour amender un acte de procédure.
[4] Se ravisant, la mise en cause répond qu’en cas d’opposition, ce qu’elle a indiqué dès l’annonce de l’intention d’amender, la partie qui entend amender un acte doit présenter sa demande au tribunal ; d’où la présente requête.
[5] Les motifs de l’opposition de la mise en cause à l’amendement sont qu’il en résulte une demande complètement nouvelle qui nécessite une réouverture d’enquête en ce qu’elle introduit des éléments nouveaux qui changent la nature du litige, que l’amendement proposé est sans fondement juridique et qu’il s’agit d’un abus de procédure.
[6] L’article 45 du règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs du Centre canadien d’arbitrage commercial stipule que “le Tribunal arbitral détermine la procédure qui régit l’arbitrage”, et l’article 48, paragraphe b), indique qu’au début de l’audience l’arbitre aborde avec les parties les sujets suivants : les règles de procédure à suivre.
[7] Pour des raisons qu’il n’est pas utile d’évoquer, la question n’a pas été abordée avec les parties ; cependant, d’un entendement général, toute l’administration de la preuve s’est faite sous l’égide du Code de procédure civile.
[8] En l’absence de toute décision ou convention pouvant avoir un effet différent, le présente procédure d’arbitrage continue d’être régie par le Code de procédure civile.
[9] L’article 199 C.p.c. édicte que les parties peuvent, en tout temps avant jugement, amender leurs actes de procédure sans autorisation et aussi souvent que nécessaire.
[10] Mais cet amendement en doit pas être inutile, ou contraire aux intérêts de la justice, ou encore ne doit pas résulter en une demande complètement nouvelle sans rapport avec la demande originale.
[11] Et, en cas d’opposition, la demande pour amender doit être présentée au tribunal pour qu’il en décide.
[12] Par ailleurs, le tribunal peut, en cours d’instruction et en présence de la partie adverse, autoriser un amendement sur demande verbale.
[13] C’est dans ces circonstances que le Tribunal d’arbitrage a décidé de rompre le délibéré et de rouvrir l’enquête pour entendre les parties sur cette seule question de l’autorisation d’amender la déclaration.
[14] La défenderesse a choisi de ne pas être présente pour débattre de cette question.
[15] La demande d’arbitrage réamendée présente des amendements à plusieurs paragraphes pour en compléter les énonciations et les aligner sur la preuve présentée lors de l’audition.
[16] Elle présente aussi deux paragraphes nouveaux pour réclamer le remboursement des frais et honoraires extrajudiciaires et les frais d’expert.
[17] Ces amendements avaient fait l’objet de l’assentiment de tous lors de l’audition, à la fin de la présentation de la preuve. La contestation à ces égards à eu lieu lors de l’administration de la preuve. Ils ne causent pas problème ; ils ont été autorisés.
[18] Les articles 22.1 à 22.4 de la demande d’arbitrage réamendée traitent de la réclamation pour dommages exemplaires.
[19] Les amendements apportés aux articles 199 à 207 du Code de procédure civile n’ont rien modifié au fond de ce qu’étaient auparavant les articles 199 à 207 si ce n’est qu’ils ont fait disparaître la nécessité de requérir l’autorisation du tribunal, à moins, comme en l’instance, d’opposition à ces amendements.
[20] La jurisprudence établie sur la question de l’amendement trouve encore toute son application.
[21] Ainsi, en matière d’amendement, cette jurisprudence enseigne :
- que l’article 203 C.p.c. doit être interprété de façon large et libérale. Le droit à la modification est la règle et non l’exception ;
- que la permission est la règle dès que la pertinence est vraisemblable ;
- que tout doute quant à la pertinence ou à la légalité doit être interprétée en faveur de l’amendement ;
- que lorsque le tribunal est saisi d’une requête pour amender un acte de procédure, il doit s’abstenir d’exprimer un avis sur le fond du litige et se prononcer exclusivement sur le droit d’amender ;
- que sur une demande d’amendement, le juge n’a pas à se préoccuper des difficultés qui pourront surgir dans la preuve des allégations que l’on désire ajouter aux pièces de la contestation ; c’est le domaine du juge du fond ;
- que lorsqu’il n’est pas certain qu’un amendement puisse avoir pour conséquence de changer la nature du recours, il doit être autorisé et la responsabilité incombera alors au juge du procès de trancher la question, en fonction de la preuve présentée devant lui ;
- que le seul fait d’invoquer, à partir d’un même droit d’action, des conséquences différentes, par voie de modification à l’action originale, n’équivaut pas, en droit, à rechercher par la modification un objet différent de celui poursuivi dans l’action originale ;
- que dans le cadre d’une demande visant à obtenir l’indemnité prévue à un contrat d’assurance, le demandeur peut amender sa déclaration afin de réclamer des dommages exemplaires pour le motif que la compagnie d’assurances aurait violé de façon intentionnelle ses droits fondamentaux lors du traitement de sa réclamation. [1]
[22] La demanderesse a insisté sur le fait que les amendements désirés ne nécessitent pas la réouverture des débats, s’en remettant à la preuve testimoniale et documentaire présentée à l’audience.
[23] À l’audience sur cette question, la demanderesse a réitéré que la réclamation pour dommages exemplaires est appuyée sur les faits reprochés à la mise en cause à l’audience ; que les reproches ont été faits à l’audience et donc que la demande n’est pas entièrement nouvelle.
[24] La mise en cause allègue que l’amendement recherché n’a rien à voir avec l’administration d’un plan de garantie ; qu’un droit prétendu en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne doit être invoqué à prime abord ; que rien dans la preuve ne démontre un comportement malicieux de la mise en cause ; que l’intention prêtée à la mise en cause est une interprétation de procureurs de la demanderesse ; que l’amendement recherché crée une toute autre catégorie de procédure qui va bien au delà de l’intention du législateur et donc que la réclamation déborde le cadre du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[25] La demanderesse reproche aux arguments de la mise en cause d’en être des arguments de fond qui doivent être laissés au tribunal statuant sur le fond.
[26] Le Tribunal d’arbitrage suivant l’enseignement de la jurisprudence, partage aussi l’opinion de la demanderesse à tous ces égards.
[27] En conséquence, la demande d’arbitrage réamendée est autorisée.
[28] En plus, lors de l’audition en reprise d’instance, le Tribunal d’arbitrage a autorisé la demanderesse, sur demande verbale, à corriger la demande d’arbitrage réamendée à la seule fin de compléter le paragraphe 22.3 de celle-ci en rajoutant : “, la privant ainsi de manière intentionnelle et illicite de la jouissance et de la libre disposition de ses biens, le tout en contravention des dispositions des articles 6 et 49 de la Charte des droits et libertés de la personne.”
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[29] ACCUEILLE la demande de la demanderesse.
[30] AUTORISE la demande d’amendement de la demanderesse telle que présentée par la demande d’arbitrage réamendée et la demande d’arbitrage réamendée rectifiée à être présentée suivant les termes exposés plus haut.
[31] LE TOUT frais à suivre suivant le sort de l’action.
(S) Robert Masson
Me ROBERT MASSON, ing., arb.
[1]Aéroterm de Montréal Inc. c. Banque Royale du Canada, (1998) R.J.Q. 990 (C.A.) ; Forage Mercier Inc. c. Société de construction maritime Voyageurs Ltée, REJB 98-07195 (C.A.) ; Tolhurst Oil Ltd c. Vincent, (1962) B.R. 948 ; Meyer c. National Drug Ltd, J. E. 86-36 (C.A.) ; Construction Sitag c. Vitrerie Vertech Inc., J.E. 95-903 (C.A.) ; Direct Motor Express Ltd c. Sinkovitch, (1969) B.R. 695 ; Shama Textiles Inc. c. Certain Undewriters at Lloyd’s, REJB 2000-20964 (C.A.).