Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment:

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment:

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

 

 

ENTRE:                                                          M. KONSTANTINOS TSAKIRIS

 

(ci-après «le Bénéficiaire»)

 

ET:                                                                  MADECO ROYAL INC.

 

(ci-après «l'Entrepreneur»)

 

ET:                                                                  LA GARANTIE QUALITÉ HABITATION INC.

 

(ci-après «l’Administrateur»)

 

No dossier CCAC S13-050601-NP

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre:                                                                       Me Lydia Milazzo

 

Pour le Bénéficiaire:                                                 M. Konstantinos Tsakiris

                                                                                   

           

Pour l'Entrepreneur:                                                  M. Jean Picard

                                                                                               

Pour l’Administrateur:                                               Me François-Olivier Godin

Madame Karine Pépin

Conciliatrice

 

Date de l’audition:                                                     15 août 2013

 

 

Identification complète des parties

 

 

Bénéficiaire:                                                  M. Konstantinos Tsakiris

[…] Laval (Québec) […]

 

Entrepreneur:                                                Royal Madeco Inc.

                                                                        M. Jean Picard

1940, 100e avenue

Laval (Québec) H7W 5N5

 

 

Administrateur:                                              La Garantie Qualité Habitation Inc.

9200,boul. Métropolitain Est

Montréal (Québec)  H1K 4L2

Mme. Karine Pépin,

Conciliatrice

 

Procureur: Me François-Olivier Godin

 

 

MANDAT

 

L’arbitre a reçu son mandat du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial le 13 mai 2013. 

 

 

HISTORIQUE DU DOSSIER

 

 

1er septembre 2010:            Déclaration de Copropriété : Pièce A-7 en liasse;

 

17 septembre 2010:             Avis de Fin Des Travaux des Parties Communes signé par la représentante du Syndicat : Pièce A-4;

 

5 octobre 2010 :                    Achat de l’unité portant l’adresse civique […], Laval, par le Bénéficiaire : Index aux Immeubles, Pièce A-7, en liasse;

 

30 mars 2011 :                      Demande envoyée à la Garantie par l’Entrepreneur : Courriel annexé à la Pièce A-3

 

27 mai 2011 :                        Rapport d’Inspection et Décision de l’Administrateur: Pièce A-3;

 

26 novembre 2012 :             Dénonciation du Syndicat de Copropriété, tel que représenté par M. Hany Bariche, reçue par l’Administrateur le 26 novembre 2012 : courriel, Note B de la Pièce A-2;

 

5 avril 2013:                           Rapport D’Inspection Complémentaire de l’Administrateur et Décision: Pièce A-2;

 

6 mai 2013:                           Réception par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial d’une Demande d’Arbitrage de la part du Bénéficiaire, M. Tsakiris;

 

13 mai 2013 :                        Nomination de l’arbitre;

 

24 mai 2013 :                        Réception du cahier de pièces de l’Administrateur;

 

4 juillet 2013:                         Audience préliminaire par conférence téléphonique;

 

15 août 2013 :                       Enquête et Audition.

 

 

JURIDICTION

 

1.    Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties. Le tribunal déclare que juridiction lui est acquise.

 

 

LITIGE

 

2.    Il s’agit d’un bâtiment en copropriété divise faisant partie de la Phase 8 du projet nommé Royal St. Martin, construit à Laval (« l’Immeuble »), dont le Syndicat a été constitué le 2 septembre 2010 (le « Syndicat »). Le Bénéficiaire est propriétaire de l’unité portant l’adresse civique […], Laval, Québec.  Celui-cia interjeté appel de la décision de l’Administrateur du 5 avril 2013, Pièce A-2, (ci-après la « Décision »), par voie de demande d’arbitrage au Centre Canadien d’Arbitrage Commercial, dans le cadre de la garantie prévue au Règlementsur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q . . B-1.1, r. 02) (le « Règlement »).

 

3.    Une première décision fut rendue par l’Administrateur le 27 mai 2011, soit la Pièce A-3, suite à une demande initiée par l’Entrepreneur, lequel avait reçu plusieurs plaintes de la part de copropriétaires relativement à la qualité de l’insonorisation entre les unités (le Rapport 2011 »). Cette  décision est favorable à l’Entrepreneur. Dans ladite décision, l’Administrateur mentionne que celle-ci vise les unités […]. Par contre, selon le Bénéficiaire, l’unité lui appartenant, soit […], n’a pas fait l’objet de tests acoustiques de la part de l’Administrateur dans le cadre de ce rapport.  L’Administrateur indique dans le Rapport 2011 qu’il n’a pu procéder à des tests acoustiques entre les unités (le plancher/plafond) et ce, pour des raisons de problèmes techniques reliés à l’équipement utilisé, soit le bris d’une pièce de l’appareil amplificateur. À la demande du Bénéficiaire, le Syndicata fait parvenir une réclamation à la Garantie, ce qui a donné lieu à la Décision, laquelle vise l’insonorisation entre l’unité du Bénéficiaire ([…]) et l’unité […].  Cette dernière décision fait l’objet du présent appel, initié par le Bénéficiaire personnellement.

 

4.    Dans le cadre de la Décision, l’Administrateur a procédé à des tests acoustiques entre les unités […] et […], lesquelles ont donné les résultats suivants :

 

 

Résultats

Chambre Principale

50 its

Chambre Avant

56 its

Salon

58 its

Cage d’escalier

54 its

 

 

5.    L’Administrateur a conclu que ces résultats respectent les exigences de l’Article 9.11.2.1 du Code National du Bâtiment (1995) du Canada (ci-après « le CNB ») par rapport aux bruits aériens.  L’Administrateur ajoute que les bruits d’impact ne sont pas régis par le CNB.

 

6.    L’Administrateur n’a donc pas reconnu la demande du Syndicat à cet égard et ce dernier a choisi de ne pas interjeter appel de la Décision.  C’est plutôt le Bénéficiaire qui a initié la demande d’Arbitrage.

 

 

Le Déroulement de l’Audience

 

 

7.    À l’audience, le Bénéficiaire a témoigné et a fait entendre deux autres témoins, soit Mme. Kristel Cheung Youne, propriétaire de l’unité 3912, ainsi que M. Constantino Andanopoulos, propriétaire de l’unité 3902; les deux unités sont situées dans la même bâtisse que celle du Bénéficiaire sur la rue Antoine-Bedwani.

 

 

8.    Le Bénéficiaire a produit les documents suivants :

 

a)    Pièce B-1 : une fiche technique émanant de l’Entrepreneur faisant référence a « Walls and ceiling superior soundproofing » (sous objection);

b)    Pièce B-2, en liasse : des photos de l’unité 3902, prises par M. Andanopoulos;

 

9.    L’Administrateur a fait entendre Mme. Karine Pépin, conciliatrice, et a produit les Pièces A-1 à A-7, soit les documents suivants :

 

a)    Pièce A-1 : Demande d’Arbitrage  du 13 mai 2013;

b)    Pièce A-2 : Rapport d’inspection complémentaire de l’Administrateur du 5 avril 2013, soit la Décision;

c)    Pièce A-3 : Rapport d’inspection de l’Administrateur daté du 27 mai 2011;

d)    Pièce A-4 Avis de fin des travaux des parties communes;

e)    Pièce A-5 : Procès-verbal d’une assemblée extraordinaire des copropriétaires pour l’élection d’un nouveau conseil d’administration du Syndicat ;

f)     Pièce A-6 : Plan;

g)    Pièce A-7, en liasse : Index des Immeubles, Rôle d’évaluation foncière, extrait du Registre des entreprises par rapport au Syndicat, ainsi que la Déclaration de Copropriété datée le 1er septembre 2010.

 

10.   L’Entrepreneur a fait entendre M. Jean Picard et a produit les documents suivants :

 

a)     Pièce M-1, en liasse : rapports d’expertise d’Acousti Lab datés le 22 février 2011 et le 16 novembre 2010, respectivement (sous objection);

b)     Pièce M-2 : Photo et plan d’implantation relativement à la Phase 8A  du Royal St. Martin.

 

 

11. Au début de l’audience, le procureur de l’Administrateur a présenté comme moyen préliminaire, une Requête verbale en rejet de la demande d’Arbitrage du Bénéficiaire, basée sur sa prétention que celui-ci ne possède pas l’intérêt légal requis pour porter en appel la Décision. Il invoque l’Article 165(3) du Code de Procédure Civil.

 

12. Lors de l’audience, l’Entrepreneur s’est objecté à la production de la Pièce  B-1 sur la base que ledit plan ne correspond pas à la Phase 8A.  Cette objection a été prise sous réserve par la soussignée.

 

13. Le Bénéficiaire s’est objecté à la production du rapport d’expertise, Pièce M-2, sur la base que les tests acoustiques faisant l’objet de ce rapport ont été effectuées sur des unités situées sur la rue Guertin et non pas sur la rue Antoine-Bedwani, où se trouve l’unité du Bénéficiaire. Cette objection aussi a été prise sous réserve par la soussignée.

 

 

 

 

 

La preuve et la position des parties

 

 

14. Lors de son témoignage, le Bénéficiaire insiste sur le fait que la représentante des ventes de l’Entrepreneur, Mme Olga Kieljan, lui a vanté l’insonorisation supérieure entre les unités et qu’il s’est fié sur ces représentations lors de l’achat de son unité.  Il fait référence à la Pièce B-1, laquelle lui a été remise par Mme. Kieljan et sur laquelle il a apposé ses initiales. Selon lui, Mme. Kieljan a souligné les mots « Walls and ceiling superior soundproofing » sur ladite fiche technique. L’Entrepreneur s’est objecté à la production de ce document.  Le représentant de l’Entrepreneur, M. Jean Picard, a cependant reconnu que ce document faisait partie des « documents de vente » préparés par ledit Entrepreneur.

 

15. Le Bénéficiaire a pris possession de son unité en octobre 2010, mais ce n’est que par la suite, soit lorsque des individus ont emménagées dans les unités situées en haut et en bas de celle du Bénéficiaire, que ce dernier a réalisé qu’il pouvait entendre leurs voix, leur musique, ainsi que leurs marches « normales » sur le plancher.

 

16. Il indique qu’il entend bien les conversations de ces voisins lorsqu’il est dans la salle de bain et  près de l’escalier menant à son unité.   Il dit même entendre la douche des ses voisins.

 

17. Il dit avoir envoyé plusieurs courriels à l’Entrepreneur à ce sujet et d’avoir remarqué que plusieurs unités ont été mises en ventes durant cette période.

 

18. L’Entrepreneur a fait faire des test acoustiques par Acousti Lab lesquelles ont donné lieu à un premier rapport daté le 16 novembre 2010, ainsi qu’un rapport complémentaire daté le 22 février 2011. Ces rapports font l’objet d’une objection de la part du Bénéficiaire sur la base que les tests, sur lesquelles lesdits rapports sont basés,ont été effectués sur un autre édifice faisant partie du même projet de condominiums mais situé sur la rue Bertin, ainsi que sur le fait que l’auteur du rapport n’était pas présent à l’audience.  L’Entrepreneur insiste qu’il s’agit de la même construction que celle de la rue Antoine-Bedwani et que les composants des murs sont identiques.  Pour ce qui est de l’absence de M. Ducharme, le représentant d’Acousti Lab et l’auteur desdits rapports, M. Picard, dit avoir appris par courriel quelques jours avant l’audition que celui-ci serait absent pour cause de maladie.

 

19. Suite à ses plaintes,  le Bénéficiaire dit avoir reçu un courriel de la part de l’Entrepreneur l’avisant que tout était correct, sans recevoir copie de rapport à cet égard.

 

20. L’Entrepreneur, par l’entremise de son représentant, témoigne que malgré le rapport favorable, ce dernier a continué de recevoir un nombre anormal de plaintes de la part de propriétaires de diverses unités et a donc décidé de demander de l’assistance de la part de l’Administrateur à cet égard.

 

21. La preuve démontre que l’Entrepreneur a envoyé un courriel à l’Administrateur (lequel courriel est annexé aux deux rapports émis par ce dernier, soit les Pièces A-2 et A-3), dont l’objet est « 12005 Madeco service après vente acoustique »et dans lequel il demande de l’aide par rapport à neuf (9) unités, dont 8 sont situées sur la rue Antoine Bedwani (incluant celle appartenant au Bénéficiaire) et une sur la rue Bertin.

 

22. Il en résulte le premier rapport de l’Administrateur datéle 27 mai 2011, Pièce A-3, soit la Décision 2011.

 

23. La Décision 2011 adresse 2 points :

 

a)    test acoustique relativement aux sons aériens : ce test n’a pu se faire entre les unités […], […] et […] (plancher/plafond) dû à un bris d’équipement, mais selon l’Administrateur les tests acoustiques effectués sur les autres unités « qui ont été construites de la même façon » donnent des « résultats qui respectent les exigences de l’article 9.11.2.1 du Code National du Bâtiment-Canada 1995 qui intègrent les modifications du Québec)  en vigueur ».  De plus, l’Administrateur détermine que « le type de composition identifié aux plans de construction correspond au type de compositiondu Code National du bâtiment… » .  L’Administrateur conclu qu’il ne peut reconnaitre ce point;

 

b)    bruits d’impacts : ceux-ci sont définis par l’Administrateur comme étant « des nuisances sonores générés habituellement par le martèlement des pas et les vibrations des appareils électroménagers et autres ».  Ce dernier dit ne pas pouvoir reconnaitre ce point car le Code National du Bâtiment, et plus particulièrement l’article 9.11, ne contient aucune exigence limitant la transmission des bruits d’impact.

 

24. Lorsque le Bénéficiaire a appris qu’une décision avait été renduepar l’Administrateur sans que des test acoustiques soient faites dans son unité, il a demandé au Syndicat d’agir, ce qui a donné lieu au rapport complémentaire daté le 5 avril 2013, soit la Décision faisant l’objet du présent appel de la part du Bénéficiaire, dont les résultats sont résumés au paragraphes 4,5 et 6 de la présente décision.  L’Administrateur a conclu que selon les résultats des tests acoustiques, les bruits aériens étaient dans les normes du CNB et que les bruits d’impacts n’étaient sujets à aucunes  normes.

 

25. La position du Bénéficiaire est à l’effet que les tests acoustiques effectués par l’Administrateur ne sont pas fiables et que Mme. Pépin n’a ni l’expertise, ni la formation nécessaire à cet égard.  Il insiste sur le fait qu’on lui a représenté qu’il achetait une unité avec un niveau d’insonorisation supérieur et qu’en réalité il entend des bruits aériens et d’impacts excessifs, lesquelles reflètent une insonorisation plutôt inférieure, surtout et principalement entre son unité et celles d’en haut et du bas.  Il cite le témoignagede ses voisins, Mme. Youne et M. Andanopoulos.  Mme Youne a témoigné à l’effet qu’elle entend la musique, les pas et le rire de ses voisins, ainsi que le glissement de leurs tiroirs. Elle confirme qu’on lui a fait les mêmes représentations qu’à M.Tsakiris relativement à l’insonorisation supérieure de l’immeuble en question. Par contre, elle admet ne jamais avoir porté plainte. M. Andanopoulos a témoigné à l’effet qu’il entend les conversations de ses voisins et que lorsque que ces derniers se trouvent près des escaliers intérieurs, il peut décortiquer toute la conversation, et ce même lorsque la porte de son unité est fermée.  Il dit ne pouvoir passé sa balayeuse entre 2hrs et 5hrs de l’après-midi, car sa voisine s’est plaint que le bruit réveille son enfant qui dort l’après-midi. Lui aussi confirme qu’on lui a fait des représentations par rapport à l’insonorisation supérieure de l’immeuble en question, ce qui est d’une importance particulière pour lui car il joue la guitare électrique.  Il dit avoir payé en sus pour un bain tourbillon, mais il ne peut l’utilisé lorsqu’il voudra car le bruit du moteur dérange ses voisins. Il prétend que lorsqu’un représentant de l’Entrepreneur est venu lors de l’installation de filage dans les murs, celui ci a constaté, par l’entremise d’ouvertures dans le plafond, l’absence totale d’isolation ou de membrane acoustique sur le ciment.  Par la suite, il a présenté au Tribunal des photos prises par lui dans son unité.  Selon ses dires, les photos montrent une ouverture qui s’est développée avec le temps, entre le plancher et le mur (à la jonction de ceux-ci) situé entre la salle de bain et le salon.  Sur les photos on voit une surface de couleur verte dans la séparation entre le bas des moulures du mur latéral et le plancher, que le témoin identifie comme étant du ciment.  Il admet ne jamais avoir porté ceci à l’attention de l’Administrateur.La production desdites photos par le Bénéficiaire comme pièce B-2 fait l’objet d’une objection de la part de l’Entrepreneur basée sur la tardivité de ladite production.

 

26. La position de l’Entrepreneur est à l’effet qu’il s’agit d’un projet intègre, dont la structure de base de tous les bâtiments a été construite de la même manière.  Selon M. Picard, lequel est ingénieur de formation, ces bâtiments ont tous été sujets aux mêmes contrôles de qualité. La composition des murs est conforme aux exigences du CNB et consiste de laine et gypse entre le ciment et le bois, et ce des deux côtés du ciment. Il soumet que tous les tests acoustiques effectués sont favorables.  Lorsque le tribunal lui a demandé d’expliquer la raison pour laquelle la majorité des plaintes proviennent des propriétaires des unités situées sur la rue Antoine-Bedwani, celui ci a donné comme explication le fait qu’il y a beaucoup de locataires dans cette bâtisse.  En réponse à une question de la part du Bénéficiaire quant au matériaux existants entre le ciment et le plancher flottant, M. Picard a expliqué qu’il ya deux types de plancher flottants : un dont la membrane acoustique est incorporée dans le plancher et l’autre dont la membrane est installée en dessous du plancher.  Le choix est laissé aux acheteurs des unités et lorsque la membrane n’est pas incorporé dans le plancher, l’Entrepreneur en fourni une selon les recommandations du fabricant.  Il n’était pas en mesure d’informer le Tribunal sur quels types de planchers avaient été installé sur la rue Antoine-Bedwani.

 

27.  La position de l’Administrateur, tel que mentionnée au paragraphe 11 ci-haut, est à l ‘effet que le Bénéficiaire ne possède pas l’intérêt légal nécessaire pour porter la Décision en appel et celui-ci invoque l’Article 165 (3) du Code de Procédure Civil.Il réfère le Tribunal à la Pièce A-7, soit la Déclaration de Copropriété, et plus particulièrement aux Sections 2.1 (Parties Privatives) et 2.2 (Parties Communes) dudit document, lesquelles contiennent la définition de ce qui constitue une partie privative et de ce qui est considéré comme partie commune de la copropriété en question. L’Administrateur soumet que l’insonorisation est relié aux parties communes, soit la composition des murs et planchers/plafonds, et que donc seul le Syndicat peut entamer un recours en arbitrage à cet égard.  Il invoque l’affaire Sylvie Pruneau et Thiérry De Gagné c. Association Porvinciales des Constructeurs d’Habitations du Québec Inc., 2005, CanLII 8828 (QCCQ).

 

28. Subsidiairement, à titre de défense, l’Administrateur, soulève les points suivants :

 

a)     La Garantie couvre seulement certaines normes de construction préétablies.  Se basant sur les résultats de tests effectués avec unsonomètre, l’Administrateur a pu déterminer que l’indice minimal de transmission de sons aériens établie dans le CNB avait été respecté.  De plus, le type de composition de murs décrit dans les plans correspondant à l’immeuble en question respecte les exigences dudit Code;

b)     le Bénéficiaire n’a pas payé de montant supplémentaire pour une insonorisation supérieure à celle prévue auxdits plans;

c)     l’Article 29 (10) du Règlement prévoit que les promesses d’un vendeur à l’égard de certains couts sont exclus de la Garantie. L’insonorisation n’est pas visée par cet article, mais les promesses du vendeur devraient être également exclues;

d)     le Bénéficiaire n’as pas rencontré son fardeau de la preuve par rapport à l’insonorisation, ce dernier n’ayant produit aucun test/expertise technique à l’encontre des tests effectués par l’Administrateur;

e)     la preuve présentée par le Bénéficiaire est faible : Mme Youne a admis ne jamais avoir porté plainte par rapport à l’insonorisation et ni Mme Youne, ni M. Andanopoulos, ont pris la peine de participer aux rencontres du Syndicat à cet égard, ce qui démontre que le problème ne peut être si grave que ça.

 

 

Analyse et décision

 

 

29. Le Tribunal doit d’abord rendre une décision sur l’objection préliminaire soulevée par l’Administrateur.Ce dernier allègue un manque d’intérêt légal de la part du Bénéficiaire pour intenter le présent recours. Ainsi, le procureur de l’Administrateur invoque l’Article 165 (3) du Code de Procédure Civil pour demanderle rejet de l’appel interjeté par le Bénéficiaire. L’Administrateur allègue, essentiellement, que seul le Syndicat peut faire la réclamation faisant l’objet de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire présentement sous étude, puisqu’il s’agit des parties communes de l’Immeuble. La décision rendue par la soussignée sur cette question préliminaire déterminera la nécessité d’aller plus loin dans le débat sur la qualité de l’insonorisation.

 

30. L’Article 106 du Règlement prévoit que toute partie intéresséepeut demander l’arbitrage d’un différend portant sur une décision de l’administrateur d’un plan de garantie, ce qui inclut, en principe, le Bénéficiaire.

 

31.  L’Article 165 (3) du Code de Procédure Civil se lit comme suit :

 

Le défendeur peut opposer l’irrecevabilité de la demande et conclure à son rejet :

3. Si le demandeur n’a manifestement pas d’intérêt.

 

32. Est-ce que le Bénéficiaire possède l’intérêt pour entreprendre la procédure d’arbitrage en question? La réponse nécessite une révision des principes reliés à la notion d’intérêt juridique, ce qui, dans le présent cas, nécessite la détermination de ce qui constitue une partie commune d’un immeuble détenu en copropriété divise.

 

33. L’Article 9 de la Section 2.2 de la Déclaration de Copropriété (Pièce A-7) stipule que sont communes toutes les parties qui ne sont pas parties privatives, ainsi que toutes les parties construites ne se trouvant pas à l’intérieur des bornes des parties privatives.

 

34. L’Article 1044 du Code Civil du Québec indique que « les gros œuvres des bâtiments » sont présumés parties communes.

 

35. Dans le présent dossier et selon le témoignage du Bénéficiaire, le problème d’insonorisation dont il se plaint se situe entre son unité et celle d’en haut et du bas.

 

36. La soussignée partage l’avis de l’Honorable Denis Charrette, J.C.Q., dans l’affaire Pruneau, supra, par. 27, à l’effet que les planchers/plafonds entre les unités de haut et de bas font partie de ce que l’on nomme le ‘gros œuvre des bâtiments’ au sens de l’Article 1044 du Code Civil du Québec et qu’il s’agit de parties communes.

 

37. Il reste à savoir si le Bénéficiaire possède l’intérêt légal requis pour présenter une demande reliée à une partie commune de l’Immeuble.

 

38. L’Article 1077 du Code Civil du Québec trouve application et se lit comme suit :

 

« le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d’entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire. »

 

39. Cette Article est la suite logique de l’Article 1039 du Code Civil du Québec, lequel se lit comme suit :

 

« La collectivité des copropriétaires constitue, dès la publication de la déclaration de copropriété, une personne morale qui a pour objet la conservation de l'immeuble, l'entretien et l'administration des parties communes, la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble ou à la copropriété, ainsi que toutes les opérations d'intérêt commun.

Elle prend le nom de syndicat.”

40. Dans l’affaire Caron c. Farina, 2009, CanLII 3487 (QCCQ), le Juge Archambault, J.C.Q., devait déterminer si l’insonorisation dans l’espace entre le plancher de l’appartement du défendeur et le plafond de l’appartement des demandeurs était adéquate ou déficiente.  Dans ce cas, les demandeurs, propriétaires d’un condominium, ont poursuivies le défendeur, propriétaire de l’unité située au dessus de celle des demandeurs, pour dommages et inconvénients découlant du bruit excessif émanant de l’unité du défendeur. Le juge s’exprime ainsi à la page 21 de son jugement, par. 188:

 

« Si l’insonorisation était inadéquate, le Tribunal est d’opinion que la responsabilité n’incombe pas au défendeur, mais à l’entrepreneur qui a construit la bâtisse et que le Syndicat aurait, alors, dû agir et prendre action contre ce dernier, pour tenter de faire corriger la situation ou faire respecter les Règlements.»

 

41. Le premier paragraphe de l’article 1081 du Code Civil du Québec édicte que « le syndicat peut intenter toute action fondée sur un vice caché, un vice de conception ou un vice du sol.  Dans le cas où les vices concernent les parties privatives, le syndicat ne peut agir sans avoir obtenu l’autorisation des copropriétaires de ces parties. »

 

42. Outre les dispositions légales précitées, les copropriétaires sont régis par leur déclaration de copropriétéà compter de son inscription (Article 1062 du Code Civil du Québec).  L’Article 35(10) de la Declaration de copropriété, Pièce A-7, reprend les mots de l’Article 1081, précité, et prévoit que la decision d’intenter toute action fondée sur un vice cache, un vice de conception ou de construction de l’immeuble ou un vice du sol, relève de la competence du conseil d’administration du Syndicat.

 

43. Dans l’affaire Brunet c. 9139-0674 Québec inc., 2012, (QCCQ) 122278 (CanLII), le juge Patrick Théroux, J.C.Q., s’exprime ainsi sur la question:

 

“[48]        Ainsi, le syndicat a la responsabilité exclusive de l'entretien et de l'administration des parties communes, de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble ou à la copropriété.  Seul le syndicat est admis à intenter une action fondée sur un vice caché ou une malfaçon des parties communes.

[49]        Ici, les demandeurs ont pris l'initiative unilatérale de faire effectuer des réparations aux parties communes.  Ils ne représentent pas le syndicat et n'ont apparemment conclu aucune entente particulière avec lui à ce sujet.  Ils ne sont pas subrogés aux droits du syndicat.

[50]        La défenderesse a raison de soutenir que leur recours pour les réparations aux parties communes n'est pas fondé légalement. 

[51]        En réalité, les demandeurs n'ont pas l'intérêt juridique suffisant pour justifier l'existence d'un droit d'action contre la défenderesse à ce niveau.  Ils ne peuvent tout simplement pas se substituer au syndicat et exercer, à titre personnel, des droits à caractère collectif qui appartiennent à ce dernier.  Leur seul titre de propriétaires indivis dans les parties communes ne les autorise pas à agir ainsi.  Il ne leur en donne pas le droit.

44. Il est important, comme le dit la Cour Supérieure dans Dussault c. Comact, 2005 CanLII 37189 (QCCS) par. 32 : « …de ne pas confondre l’intérêt que peuvent avoir les demandeurs dans le dénouement et le résultat de la poursuite et l’intérêt juridique d’intenter le recours dont on demande le rejet. »

 

45. Vu que les problèmes reliés à l’insonorisation allégués par le Bénéficiaire relèvent des parties communes, selon l’Article 1077 du Code Civil du Québec, c’est le Syndicat qui a intérêt à poursuivre le constructeur ou son garant (Pruneau, supra, par 27 à la page 3, par. 12).

 

46. Le Bénéficiaire a certainement un intérêt dans le dénouement et le résultat de la poursuite entreprise, mais n’a pas l’intérêt juridique pour l’entreprendre; d’autant plus que la Décision de l’Administrateur faisant l’objet du présent appel résulte d’une demande de la part du Syndicat et non pas du Bénéficiaire, lequel n’était pas partie à cette demande.

 

47. Dans la présente cause, le Syndicat a pris la décision de ne pas interjeter appel de la Décision de l’Administrateur.  L’obligation d’agir du Syndicat, si elle existe dans les faits, est exclusive à celui-ci (à moins d’entente entre ce dernier et le Bénéficiaire, ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier) et « découle de l’Article 1077 du Code civil du Québec, qui le tient responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d'entretien des parties communes”, Mercier c. Floralies du Parc- Le 1140, 2006 CanLII 16816 (QCCQ), par.14.

 

 

Conclusion

 

48. Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à l’audition, des témoignages entendus et du droit applicable, je suis d’avis que le Bénéficiaire ne possède pas l’intérêt juridique nécessaire à la présentation de sa demande. L’Objection préliminaire présentée par le procureur de l’Administrateur en vertu de l’Article 165(3) du C.p.c. est donc maintenue.   En consequence, l’appel du Bénéficiaire est rejeté et la décision de l’Administrateur,datée le 5 avril 2013,maintenue.

 

49. Je tiens à préciser que ma décision se situe à l’intérieur des paramètres dictés par le législateur dans le cadre du Règlement sur le Plan de Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs et est donc sans préjudice et sous toutesréserves du droit du Bénéficiaire de porter devant les tribunaux civils sa prétention ainsi que de rechercher les correctifs qu’il réclame, sujet, bien entendu, aux règles de droit commun et à la prescription civile.

 

50. Vu la conclusion du Tribunal sur l’objection préliminaire, il n’est pas nécessaire d’aborder le mérite des représentations respectives des parties, ni les objections à la preuve, soulevées par celles-ci.

 


 

Les frais d’arbitrage

 

 

   45.    En vertu de l’article 123 du Règlement sur le Plan de Garantie des Bâtiments  Résidentiels Neufs, et vu que le Bénéficiaire appelant n’a eu gain de cause, je me dois de départager les coûts d’arbitrage entre l’Administrateur du Plan et le Bénéficiaire.

 

   46.    En conséquence, les frais d’arbitrage, aussi bien en droit qu’en équité, selon l’article 116 et 123 du Plan de Garantie, seront partagés entre le Bénéficiaire pour la somme de cinquante dollars (50.00$) et l’Administrateur du Plan de Garantie de la Garantie Qualité Habitation Inc.  pour la balance du coût du présent arbitrage.

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:

 

           

REJETTE l’appel du Bénéficiaire;

 

            CONDAMNE le Bénéficiaire au paiement des frais du présent arbitrage, limités au montant de 50.00$ et l’Administrateur au paiement de la balance de ces frais.

 

 

Montréal, le 25 septembre 2013

 

Copie conforme : L. Milazzo

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ME LYDIA MILAZZO