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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Développement immobilier Titan inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

Alexandra Killingbeck et Domenic Terrigno

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

La Garantie Habitation du Québec inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier QH : 26529-1

No dossier GAMM : 2006-09-020

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour l'entrepreneur :

M. Georges Ning

 

Pour les bénéficiaires :

M. Domenic Terrigno

 

Pour l'administrateur :

M. Normand Pitre

 

Date d’audience :

8 mai 2007

 

Lieu d'audience :

La Prairie

 

Date de la sentence :

31 mai 2007

 

I : INTRODUCTION

[1]                La visite des lieux à la résidence des bénéficiaires a précédé l'audience qui s'est tenue à La Prairie.

[2]                À la suite d'une réclamation des bénéficiaires, l'administrateur, en date du 4 mai 2006, a rendu une décision relativement au Plancher de lattes de bois.

[3]                Cette décision se présente comme suit :

DÉCISION DE L'ADMINISTRATEUR :

En vertu du texte de garantie, l'entrepreneur "Développement Immobilier Titan inc." devra compléter les travaux ci-dessous mentionnés au point 1 dans un délai de quarante cinq (45) jours consécutifs suivant la réception du présent rapport. Le délai précité exclu s'il y a lieu, les congés fériés chômés.

1.          PLANCHER DE LATTES DE BOIS

            Les propriétaires nous mentionnent que des espacements anormales sont présentes entre chaque lattes du plancher de bois, et ce, sur les 2 niveaux de la propriété.

            Lors de notre inspection, nous avons constaté la situation. Lors de prise de lecture du taux d'humidité dans les lattes de bois, celles-ci se sont avérées très normales, les résultats indiquant des taux variant entre 7 et 8 %. Cependant, la largeur des espacements entre les lattes se sont avérées anormales et ce même en tenant compte qu'il est normal que des espacements légers se forment en période de chauffe. Hors, il est évident que les propriétaires ne peuvent être tenus responsable des espacements puisque le plancher n'a pas été asséché par un mauvais contrôle de l'humidité dans la propriété, puisque le taux d'humidité contenu dans les lattes s'est avéré normal.

            Par conséquent, l'entrepreneur devra remplacer tout le plancher de bois contenu sur les 2 niveaux dans la propriété.

            [sic]

[4]                Insatisfait de cette décision, l'entrepreneur, dans une lettre datée du 12 septembre 2006, adressait au Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) une demande d'arbitrage.

Visite des lieux

[5]                Cette visite a démontré que les espacements (interstices) entre les lattes des parquets de bois sur les trois niveaux de plancher sont généralisés et très répandus; les espacements varient entre 2,0 mm et 4,0 mm de largeur.

[6]                D'ailleurs, il a été généralement admis par les trois parties que la largeur de ces interstices était anormale.

II : POSITION DE L'ADMINISTRATEUR

[7]                M. Normand Pitre, inspecteur-conciliateur pour La garantie Qualité-Habitation, a inspecté les planchers en date du 31 mars 2006.

[8]                À cette date, le taux d'humidité à l'intérieur du bâtiment était de 31%, la température extérieure était de 18° C, la journée était ensoleillée, l'air extérieur était sec, et certaines fenêtres de la résidence étaient ouvertes; M. Pitre a relevé des taux d'humidité variant entre 7% et 8% dans les lames de plancher.

[9]                Selon l'inspecteur-conciliateur, un taux d'humidité variant entre 7% et 8% dans les lames signifie que l'humidité de l'air ambiant a été bien contrôlée; à un tel taux, il ne devrait y avoir aucun espacement entre les lattes.

[10]            Pour que des fissures permanentes apparaissent entre des lattes dont le taux d'humidité a été stabilisé à 7% ou 8%, il faut que la teneur en humidité de celles-ci lors de l'installation ait été supérieure à 7% ou 8%.

[11]            M. Pitre est d'avis que ces espacements observés à la fin de mars seraient encore plus importants en janvier.

[12]            Se basant sur son expérience, il avance que tous les planchers de bois, quelle qu'en soit l'essence, ont le même comportement; sinon, l'entrepreneur doit en aviser les bénéficiaires.

[13]            Selon le témoin, la raison pour laquelle les interstices persistent encore aujourd'hui, c'est que le taux d'humidité au moment de la pose n'était pas conforme.

[14]            Par contre, si maintenant le taux d'humidité dans les lattes était inférieur à 7%, cela signifierait qu'il y a eu assèchement et un mauvais contrôle de l'humidité de la part des bénéficiaires.

[15]            En corollaire, si lors de la pose le taux d'humidité dans les lames était de 7% à 8% et qu'il est demeuré le même deux ans plus tard, cela démontre que l'humidité ambiante a été bien contrôlée.

[16]            Il est reconnu que le manufacturier livre le bois avec un taux d'humidité de 7% à 8% dans les lattes; ainsi, dans le présent dossier, il est permis de croire que le bois n'a pas été correctement entreposé, soit par le distributeur, soit par le sous-traitant en pose de plancher, soit par l'entrepreneur.

[17]            M. Pitre argumente à l'effet que les relevés effectués le 31 mars 2006, soit à la fin de la période de chauffage, lui permettent d'affirmer que le contrôle de l'humidité par les bénéficiaires a été fait adéquatement, sans conséquence directe sur le taux d'humidité des lames du plancher.

[18]            Le taux d'humidité de l'air ambiant de 31% observé lors de l'inspection est dû à l'ouverture de certaines fenêtres de la résidence cette journée-là et n'a aucune conséquence; car si le taux avait toujours été de 31% dans l'air ambiant, il n'aurait pas relevé un taux d'humidité variant entre 7% et 8% dans les lames.

III : POSITION DE L'ENTREPRENEUR

[19]            M. Ning nous informe que son client retient une somme de 6 000 $ relativement à la finition du sous-sol et que ce dernier l'aurait informé que l'entrepreneur ne sera pas payé tant que les planchers n'auront pas été réparés.

[20]            L'entrepreneur affirme avoir construit environ 15 à 20 résidences dotées de planchers faits à partir de ce même type de bois, soit du bois exotique, sans rencontrer un seul problème; les planchers de sa propre résidence sont fabriqués avec ce même type de bois, et il n'y a aucun interstice entre les lames.

[21]            M. Ning se réfère au Guide d'entretien de Qualité-Habitation, où il est indiqué que dans l'hypothèse où les planchers d'une résidence sont constitués de lattes de bois franc, il est impératif de maintenir le taux d'humidité intérieur au dessus de 40%.

[22]            Dans ces circonstances, l'entrepreneur affirme que la résidence doit être dotée non seulement d'un humidificateur, mais aussi d'un déshumidificateur.

[23]            Il soumet qu'un contrôle rigoureux est essentiel, autant l'hiver que l'été, afin de maintenir le degré d'humidité entre 40% et 50%; il avance qu'un échangeur d'air est aussi requis.

[24]            M. Ning, document à l'appui, affirme que le bois a été livré à la résidence des bénéficiaires avec un taux d'humidité de 6,8%.

[25]            Il est d'avis que M. Pitre, lors de son témoignage, a contredit les conseils inscrits dans le Guide d'entretien préparé par Qualité-Habitation relativement au degré d'humidité de l'air intérieur; en effet, selon le guide, pour une température extérieure de 18° C, le taux d'humidité à l'intérieur doit se situer à 45%.

[26]            En ce qui concerne le dégât d'eau invoqué par le bénéficiaire, M. Ning est d'avis que cet événement n'a pas fait gonfler le bois, car la résidence a été asséchée immédiatement.

[27]            L'entrepreneur prétend que les planchers ne nécessitent pas d'être remplacés.

IV : POSITION DES BÉNÉFICIAIRES

[28]            M. Terrigno témoigne à l'effet que durant la construction, il y a eu refoulement d'eau au sous-sol, et il s'interroge à savoir si cet événement aurait pu causer des problèmes aux planchers de bois franc.

[29]            Il affirme qu'un humidificateur et un déshumidificateur ont été installés dans sa résidence, et ce, dès la prise de possession, et qu'il a toujours maintenu le taux d'humidité intérieur entre 40% et 50%.

[30]            Il affirme de plus que le sous-traitant en pose de plancher a déclaré faillite.

[31]            Selon le témoin, les fissures au plancher ont commencé à apparaître en décembre 2005.

V : DÉCISION ET MOTIFS

[32]            La visite des lieux a démontré, et il a été généralement admis, que les conditions actuelles des planchers à la résidence des bénéficiaires ne rencontrent pas les normes habituellement reconnues ou ne sont pas conformes aux règles de l'art.

[33]            Ces normes ou ces règles sont contenues dans la littérature spécialisée relative aux planchers de bois franc, soit les différents guides d'utilisation publiés par les associations en construction ou par les manufacturiers.

[34]            La norme reconnue pour les planchers de bois franc est un espacement maximum de 1,1 mm (l'épaisseur d'une pièce de monnaie de 0,10 $) entre les lames.

[35]            Or, dans le présent dossier, les fissures ont une largeur variant entre 2 mm et 4 mm, et sont abondamment répandues à la grandeur des trois niveaux de plancher.

[36]            Cet état de choses découle des conditions d'humidité dans le bois lui-même ainsi que dans l'air ambiant au cours d'une période remontant à la fabrication du plancher, en passant par l'entreposage et la pose des lattes, et comprenant l'utilisation par les propriétaires de l'unité d'habitation.

[37]            Comme c'est le cas dans le présent dossier, au cours d'un processus aussi long, il est difficile de cerner où se situe la faute.

[38]            Aucun des intervenants actuels n'était présent lors de ce processus; même le poseur de plancher, présentement en faillite, qui certifie par écrit avoir installé le plancher suivant les règles de l'art, n'est pas venu témoigner.

[39]            En l'absence d'une preuve hors de tout doute, la prépondérance de preuve, qui provient à la fois du bénéficiaire et de l'administrateur, va suffire.

[40]            M. Ning, représentant de l'entrepreneur, affirme que dans une résidence dotée d'un plancher de bois franc, l'utilisation d'un humidificateur, d'un déshumidificateur et d'un échangeur d'air est nécessaire.

[41]            Or, il n'a pas été contredit que le bénéficiaire possède dans sa résidence ces trois équipements, et ce, depuis la prise de possession.

[42]            Le bénéficiaire affirme avoir maintenu l'humidité intérieure à un taux variant entre 40% et 50%, soit le degré recommandé par les différents guides d'instructions.

[43]            La preuve de l'administrateur est encore plus convaincante. Ses relevés lors de son inspection révèlent un taux d'humidité dans les lattes variant entre 7% et 8% (soit le taux reconnu par les guides et la pratique courante); pour obtenir un tel taux de stabilisation tout en étant en présence de fissures de largeurs anormales, il faut que le plancher ait été installé avec des lames dont le taux d'humidité était de l'ordre de 12%, soit un taux largement supérieur à la norme.

[44]            L'affirmation de M. Pitre selon laquelle les fissures existent encore aujourd'hui (malgré le fait que le taux d'humidité dans les lames varie entre 7% et 8%) parce que le taux d'humidité au moment de la pose n'était pas conforme, n'a pas été contredite.

[45]            Le soussigné n'a obtenu le témoignage d'aucun des intervenants présents lors de la pose à l'effet que les lames ont été installées selon les conditions reconnues; la certification écrite du sous-traitant à cet égard ressemble plutôt à un formulaire standard de livraison, et l'auteur de ce document, absent lors de l'audience, n'a donc pu être interrogé.

[46]            L'argument de l'entrepreneur à l'effet que ses autres installations de planchers de bois franc n'ont pas fait l'objet de plainte ne nous apporte aucun éclairage sur les conditions d'installation du présent plancher.

[47]            Certes, les conditions actuelles du plancher ne portent pas atteinte à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment; toutefois, lors d'une revente, ce défaut de ne point se conformer à une norme en vigueur causera un préjudice au vendeur relativement au prix exigé.

[48]            Pour ces motifs, la présente réclamation de l'entrepreneur est rejetée.

[49]            Conséquemment, le tribunal

MAINTIENT          la décision de l'administrateur contenue dans son rapport daté du 4 mai 2006 relativement à l'élément Plancher de lattes de bois; et

ORDONNE          à l'entrepreneur de se conformer à ladite décision dans un délai de quarante-cinq (45) jours de la présente, ou tout autre délai convenu avec les bénéficiaires.

[50]            Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur.

 

BELOEIL, le 31 mai 2007.

 

 

 

 

__________________________________

Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]


 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Développement immobilier Titan inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

Alexandra Killingbeck et Domenic Terrigno

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

La Garantie Habitation du Québec inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier QH : 26529-1

No dossier GAMM : 2006-09-020

 

 

ADDENDA

à la sentence arbitrale du 31 mai 2007

 

 

 

 

[1]        Pour éviter toute confusion concernant la sentence rendue par le soussigné le 31 mai 2007 dans le dossier mentionné ci-dessus, la précision suivante s'impose :

CONSIDÉRANT que le soussigné, au paragraphe 35 de ladite sentence, avait constaté que les fissures étaient présentes sur les trois niveaux de plancher (répartis sur deux étages);

CONSIDÉRANT que dans cette sentence, le soussigné maintenait la décision de l'administrateur contenue dans son rapport du 4 mai 2006;

CONSIDÉRANT que dans son rapport, l'administrateur a confondu le terme « niveau » avec le terme « étage »;

EN CONSÉQUENCE, la sentence du soussigné, datée du 31 mai 2007, s'applique aux trois niveaux de plancher, soit au niveau situé au rez-de-chaussée, de même qu'aux deux niveaux situés à l'étage.

 

BELOEIL, le 22 juin 2007.

 

 

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]