ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
ENTRE : Hélène St-Hilaire
-et-
Francis Gagnon
(ci-après désignés « les Bénéficiaires »)
ET : 9205-9559 Québec inc.
(Martel Construction)
(ci-après désignée « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après désignée « l’Administrateur »)
No dossier CCAC : S11-050501-NP
No dossier arbitre : 9964-21296
Arbitre : Me Jean Dallaire
Pour les Bénéficiaires : Hélène St-Hilaire et Francis Gagnon
Pour l’Entrepreneur : Me Jacques Ferron
Pour l’Administrateur : Me Élie Sawaya
Identification complètes des parties
Arbitre : Me Jean Dallaire
3340, rue de la Pérade, bur. 300
Québec (Québec) G1R 4T4
Bénéficiaires : Hélène St-Hilaire
Francis Gagnon
23, chemin du Grand-Duc
Lac-Beauport (Quéec) G3B 0M6
Leur procureur :
Me Jean-Patrick Bédard
Bédard Poulin Avocats
47, rue Dalhousie
Québec (Québec) G1K 8S3
(absent au moment de l’audition)
Entrepreneur : 9205-9559 Québec inc.
(Martel Construction)
980, avenue du Lac
Preissac (Québec) J0Y 2E0
Son procureur :
Me Jacques Ferron
1070, rue Monfet
Québec (Québec) G2K 1Z1
Administrateur : La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
Son procureur :
Me Élie Sawaya
Savoie Fournier
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
Remarque préliminaire
Lors de l’audition, madame Hélène St-Hilaire, l’un des deux Bénéficiaires, était absente. Me Jean-Patrick Bédard, avocat des Bénéficiaires, était également absent. Monsieur Francis Gagnon, l’autre bénéficiaire, a déclaré qu’il était dûment autorisé à représenter sa conjointe, madame Hélène St-Hilaire, et il fut confirmé à l’arbitre soussigné par la suite, par Me Jean-Patrick Bédard, que les Bénéficiaires désiraient se représenter seuls lors de l’audition.
Bien que monsieur Francis Gagnon était seul lors de l’audition, il sera toujours fait référence « aux Bénéficiaires » dans le cadre de la sentence.
Les faits
[1] Le ou vers le 7 juin 2007, l’Entrepreneur a signé avec les Bénéficiaires un contrat pour la construction d’une résidence qui devait être livrée le 30 octobre 2007 ;
[2] La preuve a montré que l’occupation avait débuté en janvier 2008 et que les Bénéficiaires ont constaté des fissures au gypse dès juin et juillet 2008 ;
[3] Lors de la construction, les Bénéficiaires auraient requis que 9114-3099 Québec inc. (ci-après « 9114 »), représentée par monsieur Mario Poulin, exécute les travaux de pose de gypse, de tirage des joints et de peinture ;
[4] Il fut alors entendu que 9114 transmette une soumission à l’Entrepreneur, laquelle soumission fut acceptée par ce dernier le 15 novembre 2007 ;
[5] La preuve a démontré que l’Entrepreneur a été facturé par 9114 d’un montant de 26 208,50 $, montant qui correspondait exactement au prix de la soumission de cette dernière ;
[6] L’Entrepreneur reconnaît effectivement avoir accepté la soumission de 9114. Toutefois, il soumet qu’au cours de l’exécution des travaux, les Bénéficiaires lui ont retiré le contrat de 9114 ;
[7] Les Bénéficiaires, quant à eux, nient avoir assumé les obligations d’un donneur d’ouvrage vis-à-vis 9114 et ils prétendent que les travaux sont toujours demeurés sous la responsabilité de l’Entrepreneur ;
[8] Le 15 janvier 2008, 9114 a publié une hypothèque légale sur l’immeuble des Bénéficiaires ;
[9] Il est utile de noter que l’hypothèque légale fait état d’un contrat qui aurait été passé entre 9114 et l’Entrepreneur et ensuite, que le montant de la créance s’élève à 31 564,15 $, soit 5 355,65 $ de plus que ce qui a été facturé à l’Entrepreneur. Les Bénéficiaires ont par ailleurs témoigné qu’ils avaient réglé directement leur dossier avec 9114 et payé pour obtenir la radiation de l’hypothèque légale en raison des pressions de leur créancier hypothécaire ;
[10] En octobre 2008, les Bénéficiaires auraient signé le formulaire d’inspection pré-réception sur le formulaire du plan de garantie de l’APCHQ. Il appert explicitement de ce formulaire que tous les revêtements muraux de gypse des murs et plafonds sont exclus du contrat ;
[11] Selon le témoignage de Monsieur Martel, représentant de l’Entrepreneur, il aurait inscrit les mentions à la première page du certificat de réception mais à la seconde page, les mentions « exclu », celles qui concernent la finition intérieure, ont été inscrites par les Bénéficiaires eux-mêmes. Ce témoignage n’a pas été contredit par les bénéficiaires ;
[12] Pour expliquer la mention « exclu », les Bénéficiaires prétendent que cette mention voulait dire que tout était réglé quant au gypse, mais ne signifie pas exclu du contrat ;
[13] Madame Angèle Brassard, employée de l’Entrepreneur, a témoigné que le certificat de réception des travaux a été remis aux Bénéficiaires le 1er octobre 2008, en même temps que la facture E-1. Elle aurait reçu le formulaire signé par les Bénéficiaires en mai 2009. Les Bénéficiaires déclarent accepter l’immeuble sans réserve ;
[14] L’Administrateur a reçu la demande de réclamation des Bénéficiaires le 20 octobre 2010 ;
[15] Pour expliquer le délai entre l’apparition des fissures et la demande d’intervention à l’Administrateur, les Bénéficiaires expliquent que l’Entrepreneur leur aurait expliqué qu’il fallait attendre avant de réparer car il était normal que des fissures apparaissent et qu’ils devaient attendre que la maison « se place » ;
[16] L’Entrepreneur nie avoir fait de telles représentations aux Bénéficiaires ;
[17] L’Administrateur a rejeté la demande des Bénéficiaires quant aux fissures puisqu’il s’agit d’une dispute contractuelle et, considérant l’article 2 du Règlement sur la garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement »), il plaide que l’arbitre n’a pas à trancher un litige contractuel qui survient entre un bénéficiaire et un entrepreneur. Il retient de plus qu’il ne s’agit pas d’un vice caché, vu l’absence de gravité du vice ;
Questions en litige
[18] Pour les fins de la présente décision, le soussigné devra trancher ce qui suit :
a) Les malfaçons relativement aux fissures sont-elles couvertes par le contrat intervenu entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires ?
b) La dénonciation et l’avis de réclamation à l’Administrateur ont-ils été donnés dans les délais requis ?
Discussions
Le contenu du contrat
[19] Lors de l’audition, les Bénéficiaires ont fourni au Tribunal d’arbitrage une preuve documentaire constituée d’une soumission dûment acceptée par l’Entrepreneur, ainsi qu’une facture qui lui a été soumise pour le même montant. Le Tribunal d’arbitrage est donc satisfait de la preuve que les travaux de gypse, de plâtrage et de peinture étaient inclus dans leur contrat avec l’Entrepreneur ;
[20] Cette preuve étant faite, le Tribunal d’arbitrage est d’avis que l’Entrepreneur et l’Administrateur ont le droit de lui soumettre une preuve contraire qui aurait pour objectif de lui démontrer qu’une modification du contrat serait intervenue au cours de l’exécution des travaux. Le fardeau de l’Entrepreneur sur la modification du contrat lui appartient et il a l’obligation par preuve prépondérante et convaincante de satisfaire le Tribunal d’arbitrage du bien-fondé de ses prétentions ;
[21] Ainsi, si le Tribunal d’arbitrage en vient à la conclusion que les Bénéficiaires ont retiré à l’Entrepreneur le contrat de 9114 pour l’assumer eux-mêmes, les Bénéficiaires devront intenter un recours directement contre 9114 ;
[22] L’Entrepreneur a réussi a rencontrer son fardeau de preuve puisque le certificat de réception des travaux indique clairement et sans aucune ambiguïté que tous les travaux de finition intérieure sont exclus du contrat. La mention « exclu » provient de la main des Bénéficiaires ;
[23] La réception des travaux est un acte juridique important qui donne une indication de l’état des lieux à la réception ainsi que des obligations contractuelles qui ont été assumées par chacune des parties et qui peuvent, de toute évidence, être différentes du contrat original. Cela est d’autant plus vrai que le formulaire utilisé est très détaillé ;
[24] Le Tribunal d’arbitrage retient donc que les Bénéficiaires ont admis qu’ils avaient modifié leur contrat avec l’Entrepreneur et assumé ces travaux, ce qui se trouve en quelque sorte confirmé par le montant réclamé par 9114 dans son hypothèque légale qui est supérieur au montant de la facture qui a été produite à l’Entrepreneur ;
[25] Au surplus, l’explication des Bénéficiaires relativement à la mention « exclu » que l’on retrouve au formulaire d’inspection pré-réception voulant que cette mention signifie plutôt « réglée » n’est pas crédible et les explications de monsieur Gagnon se sont avérées floues sur le sujet ;
Le délai de réclamation
[26] L’Administrateur soulève également que l’avis de réclamation des Bénéficiaires était tardif. Il soutient qu’il s’agit de malfaçons et que l’avis aurait dû être donné dans les six mois de leur découverte suivant l’article 10 du Règlement ;
[27] Les Bénéficiaires plaident qu’ils ont trois ans pour produire leur réclamation en invoquant le vice caché ;
[28] L’Administrateur plaide qu’il s’agirait de malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception (article 10 (3) du Règlement) plutôt que de vices cachés (article 10 (4) du Règlement). Il a soumis la décision de Me Jean-Philippe Ewart, dans un arbitrage opposant François Ouellet & al c. Habitation Théberge inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[1], où l’arbitre écrit ce qui suit au paragraphe 50 de sa sentence :
« En effet, dans le cadre d’un vice de 1726 C.c.Q., en plus de son caractère occulte, le texte requiert une condition de gravité pour donner ouverture à l’application de la garantie, soit un vice qui entraîne un déficit d’usage au point que l’acheteur ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas donné si haut prix et les Points 4 et 7 ne rencontrent pas les paramètres applicables par la doctrine et la jurisprudence19 à cette détermination. »
[29] L’Administrateur, dans sa décision rendue dans le présent dossier, a conclu sur ce point que la situation observée ne rencontrait pas les critères du vice caché puisqu’elle n’était pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il était destiné ;
[30] Sur ce point, le Tribunal d’arbitrage ne peut que constater l’absence totale de preuve quant à la gravité du vice et, il n’a d’autre choix que de maintenir la décision de l’Administrateur sur ce point ;
[31] Conséquemment, les Bénéficiaires avaient l’obligation de dénoncer les malfaçons à l’Administrateur par écrit dans les six mois de leur découverte, conformément à l’article 10 (3) du Règlement. L’avis écrit donné plus de deux ans après la découverte des fissures est tardif et leur réclamation devrait également être rejetée sur ce point. Les Bénéficiaires n’ont par ailleurs apporté aucune preuve qui aurait pu laisser croire une progression dans la gravité du vice ;
[32] Il n’y a finalement pas eu de preuve présentée ni demande faite au Tribunal d’arbitrage à propos des autres points soumis à l’Administrateur relativement à une infiltration d’eau sous le balcon arrière et à l’étanchéité de la toiture de sorte que la décision de l’administrateur sera également maintenue sur ces points.
Pour ces motifs, le Tribunal d’arbitrage ;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 5 avril 2011 et REJETTE la demande des Bénéficiaires.
LE TOUT avec frais à être départagés entre les Bénéficiaires (50,00$) et l’Administrateur pour la balance des coûts du présent arbitrage.
Québec, le 23 juillet 2012
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Me Jean Dallaire
Arbitre / Centre Canadien d’Arbitrage
Commercial