Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc

Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Décarie

2006 QCCS 907

JF 0515

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-026985-054

 

DATE :

21 février 2006

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

 GILLES HÉBERT, j.c.s.

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LA GARANTIE DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ

 

Demanderesse

 

c.

GUY DÉCARIE, ès-qualités d'arbitre au sein du Centre canadien d'arbitrage commercial

Défenderesse

et

HABITATIONS BEAUX LIEUX INC.

LOUIS-JACQUES CHARLES

ROSE-DANIE ÉTIENNE

 

Mis en cause

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JUGEMENT SUR LA REQUETE AMENDÉE EN RÉVISION JUDICIAIRE

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1.                  LES FAITS

[1]                La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc. (la Garantie) est une personne morale autorisée par la régie du bâtiment du Québec à administrer un plan de garantie en vertu de l'article 81 de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. D-1.1).

[2]                Les modalités de ce plan de garantie sont prévues au règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[3]                La garantie est offerte à tout acquéreur d'un bâtiment résidentiel neuf qui contracte avec un entrepreneur dûment accrédité par l'APCHQ.

[4]                Le 8 février 2004, un contrat préliminaire de vente et contrat de garantie intervient entre l'entrepreneur Habitations Beaux Lieux Inc. et les acheteurs Louis-Jacques Charles (Charles) et son épouse, Rose-Danie Étienne (Étienne).

[5]                L'acte d'achat est signé devant notaire le 15 juin 2004 (R-3) et le même jour, Habitations Beaux Lieux Inc., Charles et Étienne signent un déclaration de réception du bâtiment sur un formulaire fourni par la Garantie et appelé "liste pré-établie d'éléments à vérifier".

[6]                Après avoir consulté à quelques reprises un représentant de l'APCHQ et s'étant conformé à ses directives, Charles fait parvenir à son entrepreneur, le 29 novembre 2004, une lettre dans laquelle il dresse une liste de déficiences affectant sa maison et les correctifs requis.

[7]                N'obtenant pas satisfaction, Charles et Étienne s'adressent à la Garantie dont ils demandent l'intervention en vertu du contrat de garantie (R-5).

[8]                Le 22 mars 2005, un inspecteur en bâtiment mandaté par l'APCHQ au nom de la Garantie procède à une inspection de la maison et dépose un rapport daté du 5 avril 2005.

[9]                Ce rapport d'inspection couvre dix-huit points différents.  Par exemple, le point numéro 1 vise l'ajustement de la grande porte de garage, le point numéro 8, le plancher de parqueterie endommagé devant la porte patio, etc…

[10]            L'inspecteur note qu'un règlement est intervenu entre les parties, soit entre Charles, M. Jean-Marc Beaulieu et M. Marcel Simoneau pour Habitations Beaux Lieux et enfin, les administrateurs Jocelyn Dubuc et Diane Côté pour la Garantie.

[11]            Il est convenu qu'avant le 31 mai 2005, l'entrepreneur effectuera les travaux mentionnés aux points 1 à 7.

[12]            Par ailleurs, l'inspecteur Jocelyn Dubuc, également administrateur de la Garantie, conclut qu'il ne peut considérer les points 8 à 18 pour différents motifs qui apparaissent à son rapport (R-6).

[13]            Insatisfait, Charles s'adresse au Centre canadien d'arbitrage commercial, un organisme d'arbitrage dûment autorisé par la Régie du bâtiment du Québec (R-7), Monsieur Guy Décarie (Décarie) est désigné comme arbitre et il rend sa décision le 6 juillet 2005;  il conclut comme suit (R-8, p. 7):

"POUR CES MOTIFS,

Le tribunal rend la défenderesse responsable de s'assurer de l'exécution de l'entente entre les parties aux points 1, 2, 3, 5, 6 et 7.

Le plancher de parqueterie devra être réparé aux endroits indiqués dans la réclamation.

Le crépi devra être corrigé à l'escalier et les fissures réparées sur les fondations.

Le tribunal rejette les prétentions de la demanderesse sur les points 11 et 12 de la DÉCISION;

Le tribunal rejette les prétentions de la demanderesse sur le point 17 de la DÉCISION qui font partie d'une exclusion selon l'article 4.9 du contrat de garantie."

2.                  LA REQUÊTE EN REVISION JUDICIAIRE

[14]            La Garantie invoque deux motifs de révision judiciaire.

[15]            Le premier a trait à un excès de juridiction de la part de l'arbitre sur les points 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7, puisqu'il y avait eu règlement entre l'entrepreneur et le client, l'arbitre n'ayant pas alors juridiction.  La norme applicable serait l'erreur simpliciter.

[16]            Le second motif invoqué vise les points 8, 9 et 10;   les points 11 à 18 inclusivement ne sont pas en débat.  La Garantie estime que l'arbitre a commis une erreur manifestement déraisonnable.

3.                  LE PREMIER MOTIF:  LES POINTS 1 à 7 DU RAPPORT D'INSPECTION DU 5 AVRIL 2005

[17]            Lors de l'inspection, tenue le 22 mars 2005 par Dubuc, Charles a choisi de renoncer aux travaux prévus au point 4, soit l'absence de trappe d'accès au bain podium;   restent les points 1, 2, 3, 5, 6 et 7.  Sur ces derniers points et grâce à l'intervention de Dubuc, un règlement intervient entre Habitations Beaux Lieux et Charles pour que les travaux mentionnés soient effectués par l'entrepreneur avant le 31 mai 2005.

[18]            Dans sa décision arbitrale du 6 juillet 2005, voici ce que dit l'arbitre Décarie à ce sujet:

"Les points suivants ont été discutés et référence est faite à la DÉCISION de l'administrateur en date du 5 avril 2005 ainsi que la lettre de M. Louis-Jacques Charles en date du 18 avril 2005.

Il a été convenu entre les parties que l'entrepreneur s'engageait à effectuer les travaux mentionnés aux points 1 à 7 pour le 31 mai 2005.  Les travaux ne sont pas encore exécutés sous prétexte que la demanderesse n'a pas avisé l'entrepreneur et l'administrateur de sa décision quant au point 4 (ABSENCE DE TRAPPE D'ACCÈS AU BAIN PODIUM).  La demanderesse déclare qu'il ne désire plus avoir de trappe d'accès et il est convenu que les autres travaux allaient être complétés pour le 15 juillet 2005 pour les points 1, 5, 6 et 7 et le 31 août 2005 pour les points 2 et 3."

[19]            Dans ses conclusions, l'arbitre Décarie emploie les termes suivants: "Le tribunal rend la défenderesse responsable de s'assurer de l'exécution de l'entente entre les parties aux points 1, 2, 3, 5 6 et 7".

[20]            La Garantie estime que l'arbitre excède sa juridiction car le règlement, en vertu duquel il agit, ne lui permet pas en quelque sorte d'entériner un règlement.

[21]            L'article 106 du règlement stipule ce qui suit:

"106:   Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l'annulation de l'adhésion d'un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section.

            Peut demander l'arbitrage, toute partie intéressée.

1.       pour une réclamation, la bénéficiaire ou l'entrepreneur;

2.       pour une adhésion, l'entrepreneur.

La demande d'arbitrage concernant l'annulation d'une adhésion d'un entrepreneur ne suspend pas l'exécution de la décision de l'administrateur sauf si l'arbitre en décide autrement."

[22]            L'article 116 du règlement prévoit ce qui suit:

"116.    Un arbitre statue conformément aux règles de droit;  il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient."

[23]            La Garantie prétend que suite au règlement intervenu, l'arbitre ne pouvait statuer sur les points 1 à 7 inclusivement puisqu'il n'y avait plus de différend au sens du règlement.

[24]            Compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, c'est là une interprétation très restrictive et exagérément légaliste.

[25]            Il faut noter qu'entre la date du présumé règlement, soit le 22 mars 2005, et l'audition par l'arbitre, le 20 juin 2005, le règlement ne tenait plus puisque les travaux correctifs n'étaient toujours pas effectués en date du 31 mai 2005.  Il y a donc, au début de l'audition devant l'arbitre, un différend qui subsiste, à tout le moins sur la date d'exécution des travaux correctifs.

[26]            En équité et à l'égard de Charles qui s'est toujours conformé aux directives de l'APCHQ, l'arbitre juge bon de rappeler à la Garantie que l'entrepreneur a souscrit un engagement qui a causé problème et qui peut encore causer problème et il rappelle à la Garantie son devoir moral d'intervenir.

[27]            Le but de la Loi sur le bâtiment et du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est d'assurer que l'acquéreur d'une maison neuve auprès d'un entrepreneur faisant partie de l'APCHQ a une assurance que la maison neuve sera en bon état.  Il serait naïf de croire que le prix de vente établi par un entrepreneur ne tient pas compte des coûts reliés au contrat de Garantie.

[28]            Le tribunal conclut que l'arbitre a exercé une certaine discrétion en faisant appel à l'équité comme la loi le lui permet et il n'a pas excédé sa juridiction.

[29]            Ce motif n'est donc pas retenu.

4.     SECOND MOTIF:  LES POINTS 8, 9 et 10

[30]            Les travaux à effectuer aux points 8, 9 et 10 visent les planchers de parqueterie.  La Garantie prétend que l'arbitre a erré dans son interprétation de certains articles du Règlement et de l'article 3.2 du contrat de garantie.

[31]            Plus particulièrement, elle lui reproche d'avoir écarté l'obligation de Charles de dénoncer par écrit au moment de la réception les vices et malfaçons apparents.

[32]            L'arbitre traite la question en termes suivants dans sa décision:

"Le tribunal considère que dans les circonstances l'entrepreneur connaissait l'état des manques et des malfaçons au moment de la réception du bâtiment le 15 juin 2004.  La demanderesse ne connaissait pas les normes locales et n'avait pas eu l'opportunité de se prévaloir des services d'un expert.  Aussitôt que la défenderesse a pu constater les vices, il les a dénoncés à l'entrepreneur.  Toute référence à l'article 3.2 du contrat de garantie est inéquitable et devient nulle et sans effet."

[33]            Il s'agit d'abord de questions factuelles tranchées par l'arbitre et aussi d'interprétations de l'article 3.2.

[34]            La décision n'est pas manifestement déraisonnable, ni absurde, ni irrationnelle et vu les clauses privatives se trouvant au Règlement, il n'appartient pas à la Cour supérieure d'intervenir.

[35]            PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL

[36]            REJETTE la requête amendée en révision judiciaire;

[37]            LE TOUT, sans frais.

 

 

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GILLES HÉBERT, j.c.s.

 

Me Luc Séguin

Procureur de la partie demanderesse

 

M. Louis-Jacques Charles (pour lui-même)

 

Date d’audience :

 6 février 2006