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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

CENTRE CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

 

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 ENTRE: MONSIEUR SÉBASTIEN GARNEAU

 

  MADAME MARIE-PIER ROY

 

 (ci-après désignés les « Bénéficiaires »)

 

 

 CSTL CONSTRUCTION INC.

 

 (ci-après désigné l’ « Entrepreneur »)

 

 

 LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)

 

 (ci-après désignée « l'Administrateur »)

 

 

 

 No dossier CCAC:  S-20-101501-NP

 

 

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DÉCISION ARBITRALE

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 Arbitre: Me Reynald Poulin

 

 Pour le Bénéficiaire: M. Sébastien Garneau et Mme Marie-Pier                              Roy

 

 Pour l'Entrepreneur: Me Alexandre Manègre

 

 Pour l'Administrateur: Me Éric Provençal

 Date de l'audition : le 21 octobre 2021

 

 

 Date de la décision: le 3  novembre 2021

 

 

 

Identification complète des parties

 

 

Arbitre: Me Reynald Poulin

Beauvais Truchon s.e.n.c.r.l.

 79, boul. René-Lévesque Est

 Bureau 200

 Québec (Québec) G1R 5N5

 

 

Bénéficiaires: Monsieur Sébastien Garneau et Mme Marie-Pier Roy

[...]

Québec (Québec), [...]

 

 

Entrepreneur: CSTL Construction inc.

2600, avenue Du-Bourg-Royal, bur. 230

Québec (Québec) G1C 5S7

 

Et son procureur:

Me Alexandre Manègre

Stein Monast s.e.n.c.r.l.

70, rue Dalhousie, bur. 300

Québec (Québec) G1K 4B2

 

 

Administrateur: La Garantie de construction résidentielle (GCR)

4101, rue Molson, bur. 300

Montréal (Québec) H1Y 3L1

 

Et son procureur:

Me Éric Provençal

4101, rue Molson, bur. 300

Montréal (Québec) H1Y 3L1

 

 

 

 

 

 

LISTE DES PIÈCES PRODUITES PAR L’ADMINISTRATEUR

Pièce A-1 :  Contrat préliminaire signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 9 juillet 2019;

 

Pièce A-2 : Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 9 juillet 2019;

 

Pièce A-3 :  Attestation d’acompte signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 16 juillet 2019;

 

Pièce A-4 :  Acte de vente signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 29 novembre 2019;

 

Pièce A-5 :  En liasse, courriel transmis par les Bénéficiaires à l’Administrateur le 15 avril 2020, auquel sont joints le formulaire de dénonciation daté du 14 avril 2020 et des photos;

 

Pièce A-6 :  Formulaire de réclamation signé par les Bénéficiaires le 10 mai 2020;

 

Pièce A-7 : En liasse, le courriel de l’avis de 15 jours transmis par l’Administrateur à l’Entrepreneur le 10 juin 2020 auquel sont joints le formulaire de dénonciation A-5 et le formulaire vierge des mesures à prendre par l’Entrepreneur;

 

Pièce A-9 :  En liasse, courriel des Bénéficiaires à l’Administrateur daté du 22 avril 2020 auquel sont joints un extrait du rapport d’inspection daté du 17 avril 2020, une facture et un rapport de technicien;

 

Pièce A-10 :  Courriel des Bénéficiaires à l’Administrateur daté du 6 août 2020 auquel sont jointes des photos;

 

Pièce A-11 :  Formulaire d’inspection préréception signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 29 novembre 2019;

 

Pièce A-12 :  Facture pour un appel d’urgence de réparation de toiture datée du 20 février 2020;

 

Pièce A-13 : En liasse, la décision de l’Administrateur datée du 17 septembre 2020 et l’accusé de réception de Postes Canada des Bénéficiaires daté du 21 septembre 2020;

 

Pièce A-14 :  En liasse, le courriel de notification de l’organisme d’arbitrage daté du 19 octobre 2020 auquel sont jointes la demande d’arbitrage des Bénéficiaires du 15 octobre 2020, la lettre de notification de l’organisme d’arbitrage datée du 19 octobre 2020 et la décision de l’Administrateur déjà soumise en A-13;

 

Pièce A-15 :  Curriculum vitae de Yvan Gadbois;

 

 

LISTE DES PIÈCES PRODUITES PAR LES BÉNÉFICIAIRES

 

Annexe 1 :  Capture d’écran du formulaire de demande d’arbitrage en ligne soumis le 15 octobre 2020 et preuve de réception;

 

Annexe 2 :  Motifs au soutien de la contestation des bénéficiaires;

 

Annexe 3 : Rapport d’expertise du drain de fondation par la firme GARCO daté du 7 octobre 2020;

 

Annexe 4 :  Rapport d’inspection de la toiture par Groupe DBL daté du 7 octobre 2020;

 

Annexe 5 : Rapport d’expertise de la firme EMS concernant la fondation du garage et la dalle du garage plus haute que les murs de fondation;

 

Annexe 6 : Liste de pièces et pièces des bénéficiaires;

 

Annexe 7 :  Vidéo annexé au courriel du 12 février 2021 (vidéo d’inspection du drain);

 

Pièce B-1 :  Contrat de garantie du 9 juillet 2019;

 

Pièce B-2 : Rapport d’inspection de GCR du 19 novembre 2019;

 

Pièce B-3 : Avis de remise de propriété à la suite de l’intervention du Service incendie du 13 avril 2020;

 

Pièce B-4 :  Facture JDHM pour les travaux d’urgence entrepris le 13 avril 2020;

 

Pièce B-5 : Rapport sommaire du Groupe DBL daté du 17 avril 2020;

 

Pièce B-6 :  Courriel de transmission du rapport sommaire DBL à l’Administrateur en date du 22 avril 2020;

 

 

LISTE DES PIÈCES PRODUITES PAR L’ENTREPRENEUR

 

Pièce D-1 :  Soumission et devis signés le 9 juillet 2019;

 

Pièce D-2 :  Plans de construction de la maison en litige ([...]);

 

Pièce D-3 :   Courriel de Me Alexandre Manègre du 3 septembre 2021, plan identifiant les travaux correctifs au drain de fondation et photos en liasse;

 

Pièce D-4 :  Rapport d’expertise de M. Jean-Philippe Dubé du 8 juin 2021;

 

Pièce D-5 : Rapport d’expertise de M. Marc-Antoine Méthot, ing., du 7 juillet 2021;

 

ARBITRAGE

 

MANDAT

L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 26 octobre 2020.

 

HISTORIQUE DU DOSSIER

9 juillet 2019 Contrat préliminaire de construction entre CSTL Construction inc., M. Sébastien Garneau et Mme Marie-Pier Roy

9 juillet 2019 Contrat de garantie entre CSTL Construction inc., M. Sébastien Garneau et Mme Marie-Pier Roy

29 novembre 2019 Acte de vente de la résidence entre CSTL Construction inc., M. Sébastien Garneau et Mme Marie-Pier Roy

29 novembre 2019 Prise de possession de la résidence par M. Sébastien Garneau et Mme Marie-Pier Roy

15 avril 2020  Réclamation écrite de M. Sébastien Garneau et Mme Marie-Pier Roy

24 août 2020    Visite des lieux et inspection par l’Administrateur

17 septembre 2020   Décision de l’Administrateur

7 octobre 2020  Rapport d’expertise de la toiture de la résidence par Groupe DBL inc.

9 février 2021  Rapport d’expertise de la fondation du garage de la                             résidence par la firme EMS

8 juin 2021  Rapport d’expertise de la toiture de la résidence par Sélect toiture inc.

7 juillet 2021  Rapport d’expertise de la fondation du garage de la résidence par CIME Consultants inc.

21 octobre 2021  Audition devant le tribunal d’arbitrage

13 janvier 2022   Décision

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

CONTEXTE

 

[1]                Les Bénéficiaires, M. Sébastien Garneau et Mme Marie-Pier Roy, transmettent une demande d’arbitrage contestant les points 6 à 12 de la décision rendue par l’Administrateur le 17 septembre 2020, laquelle rejette leur réclamation à l’égard de ces points dénoncés. Les points en arbitrage ont trait :

        À des déficiences liées à la toiture;

        À l’occlusion du drain de fondation;

        À des frais encourus par les Bénéficiaires pour réparer la toiture d’urgence;

        À des bombements survenus aux plafonds de l’étage;

        À une fissuration à la fondation du garage;

        À la prolongation de la dalle de fondation du garage;

        À la hauteur de la dalle de fondation du garage.

[2]                L’Entrepreneur requiert le maintien des points 6 à 12 de la décision de l’Administrateur. Selon lui, la résidence des Bénéficiaires ne comporte ni déficiences, ni vices de construction et les dommages allégués par ces derniers ne sont qu’hypothétiques.  

[3]                De son côté, l’Administrateur défend la décision rédigée par son conciliateur le 17 septembre 2020 et en requiert également le maintien.

[4]                Le tribunal doit juger si les Bénéficiaires ont fait la preuve de malfaçons couvertes par le plan de garantie et du préjudice en découlant, lesquelles justifient de renverser les points 6 à 12 de la décision de l’Administrateur.  

LES TÉMOINS

[5]                À l’audition, le Bénéficiaire Garneau témoigne quant à l’achat de sa résidence, aux éléments visibles ou non au moment de la prise de possession ainsi qu’aux éléments dénoncés au conciliateur qui sont, selon lui, entièrement couverts par le contrat de garantie.

[6]                M. Jessy Langlois est président et représentant de l’Entrepreneur. Il témoigne à l’audition sur la résidence vendue aux Bénéficiaires et les circonstances ayant mené à l’agrandissement de la dalle de fondation du garage.

[7]                L’Entrepreneur fait entendre les deux experts ayant respectivement rédigé les rapports d’expertise au soutien de sa preuve. M. Jean-Philippe Dubé de la firme Sélect Toiture inc. témoigne quant aux déficiences alléguées à la toiture et M. Marc-Antoine Méthot, ingénieur, de la firme CIME Consultants inc. témoigne quant à la méthode de prolongation de la dalle de fondation du garage et des effets de cette prolongation.

[8]                Finalement, le conciliateur, auteur de la décision rendue par l’Administrateur à l’égard de la réclamation des Bénéficiaires, M. Yvan Gadbois, témoigne quant au fondement de sa décision.

LE DROIT APPLICABLE

[9]                Le 15 avril 2020, les Bénéficiaires dénoncent par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur du plan de garantie les déficiences alléguées à leur résidence[1]. Cette dénonciation écrite survient moins de 6 mois suivant la prise de possession de la résidence par les Bénéficiaires.

[10]            Vu la date de dénonciation survenue dans l’année suivant la réception de la résidence, les articles 9.1 et 9.3 du contrat de garantie[2] signés par l’Entrepreneur et les Bénéficiaires trouvent application :

Article 9. Garantie contre les malfaçons

 

9.1 Sous réserve des limites et exclusions contenues aux présentes, l’Administrateur s’engage en faveur des Bénéficiaires, en cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations contractuelles et légales à réparer les malfaçons apparentes dénoncées par le Bénéficiaire à la Déclaration de préréception lors de la Réception du bâtiment ou, tant que le Bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les trois (3) jours de celle-ci.

 

[…]

 

9.3 Sous réserve des limites contenues aux présentes, l’Administrateur s’engage en faveur du Bénéficiaire en cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations contractuelles et légales à réparer les malfaçons existantes et non apparentes qui affectent le Bâtiment au moment de la Réception du bâtiment et découvertes dans la première année suivant la Réception du bâtiment à la condition que telles malfaçons soient dénoncées par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable de leur découverte.

 

[Nos soulignements]

 

[11]            L’article 2.18 du contrat de garantie définit la « malfaçon » comme suit :

2.18 « Malfaçon » : travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables.

Ces normes se trouvent dans les conditions contractuelles et les règles de l’art. Il s’agit de défauts mineurs qui n’ont pas d’incidence sur la solidité du bâtiment et qui selon le cas :

2.18.1 sont existants et apparents au moment de la Réception du bâtiment; ou

2.18.2 sont existants et non apparents au moment de la Réception du bâtiment;

[12]            Afin d’être couvertes par le contrat de garantie, les malfaçons apparentes doivent être dénoncées par les Bénéficiaires à la déclaration de préréception de leur résidence. À l’inverse, les malfaçons existantes et non apparentes qui affectent la résidence au moment de la réception sont couvertes par le contrat de garantie lorsqu’elles sont découvertes dans la première année suivant la réception de la résidence, et dénoncées dans un délai raisonnable.

[13]            Selon l’auteur Vincent Karim[3], le fardeau de la preuve revient au propriétaire, donc en loccurence aux Bénéficiaires, de prouver l’existence de malfaçons et du préjudice qui en résulte pour avoir droit à une indemnisation par l’Entrepreneur :

1889. Ainsi, sur le plan de la preuve, il suffit que le propriétaire démontre l'absence du résultat, soit l'existence des malfaçons et le préjudice qui en résulte, pour que ces intervenants soient tenus à son indemnisation. […]

[Nos soulignements]

[14]            Afin de remplir leur fardeau[4], les Bénéficiaires doivent dans un premier temps faire la preuve que les points qu’ils contestent dans la décision de l’Administrateur sont couverts par le contrat de garantie puisqu’ils constituent des malfaçons non apparentes découvertes dans la première année suivant la réception de leur résidence. Dans un deuxième temps, les Bénéficiaires doivent faire la preuve du préjudice qui découle de ces malfaçons. Voyons ce qu’il en est.  

 

 

 

LES POINTS EN LITIGE

  1. La fixation déficiente des bardeaux à la toiture (point 6)

[15]            Le premier point en arbitrage concerne l’installation des bardeaux à la toiture de la résidence. Selon les Bénéficiaires, la toiture comprend des défauts d’installation en ce qu’il y a notamment présence de clous apparents et absence de scellant sur le pignon et le chapeau de la pointe.

[16]            Dans sa décision, l’Administrateur spécifie qu’il n’a pu procéder à aucune vérification quant à l’état de la toiture et donc, rejette la réclamation des Bénéficiaires pour ce motif. Lors de sa visite des lieux, l’Administrateur s’est contenté d’effectuer une inspection à partir du sol et n’est pas monté sur la toiture, ce qui laisse pour le moins perplexe. Le tribunal considère que l’Administrateur ne peut refuser de faire droit à la réclamation des Bénéficiaires pour le motif qu’il n’a pu constater les déficiences, alors que sa visite a spécifiquement pour objectif d’observer une situation dénoncée afin d’évaluer s’il y a présence d’une malfaçon ou non. Le motif de rejet de l’Administrateur n’étant pas fondé, le tribunal doit maintenant déterminer si les Bénéficiaires ont fait la preuve d’une malfaçon.

[17]            Les Bénéficiaires soumettent en preuve devant le tribunal d’arbitrage le rapport d’inspection[5] de l’inspecteur Jean-François Poitras du Groupe DBL, lequel fait état des déficiences observées sur la toiture. Le rapport d’inspection n’est pas signé et M. Poitras n’est pas présent à l’audition afin de témoigner quant à son contenu.

[18]            Considérant cette absence, l’Entrepreneur et l’Administrateur s’objectent à ce que le rapport soit mis en preuve par les Bénéficiaires puisqu’ils ne peuvent exercer leur droit de contre-interroger l’inspecteur Poitras.

[19]            L’article 294 du Code de procédure civile[6] dispose du droit d’une partie de pouvoir contre-interroger l’expert nommé par une partie dont les intérêts sont opposés :

294. Chacune des parties peut interroger l’expert qu’elle a nommé, celui qui leur est commun ou celui commis par le tribunal pour obtenir des précisions sur des points qui font l’objet du rapport ou son avis sur des éléments de preuve nouveaux présentés au moment de l’instruction; elles le peuvent également, pour d’autres fins, avec l’autorisation du tribunal. Une partie ayant des intérêts opposés peut, pour sa part, contre-interroger l’expert nommé par une autre partie.

[…]

[Nos soulignements]

[20]            En principe, la partie qui produit un rapport d’expertise en preuve doit s’assurer de la présence de son expert à l’audience ou à tout le moins, que ce dernier est disponible sur demande afin de répondre aux questions du tribunal et de permettre aux parties opposées d’exercer leur droit au contre-interrogatoire[7].

[21]            Qu’une partie désire exercer son droit de contre-interroger l’expert d’une partie opposée ou non, il demeure que la mission première du rapport d’expertise est d’éclairer le tribunal. Cette mission ne peut être dûment remplie que si l’expert est présent à l’audience afin de répondre aux questions du tribunal. 

[22]            Il est vrai que la procédure d’arbitrage se veut plus souple et moins rigoriste que les règles de la procédure civile qui doivent être suivies devant les tribunaux civils. Néanmoins, l’absence de M. Poitras laisse plusieurs questions du tribunal d’arbitrage en suspens dans la mesure où le contenu du rapport d’inspection entre en contradiction avec le témoignage de l’expert assigné par l’Entrepreneur qui lui, a témoigné lors de l’audition d’arbitrage.

[23]            Notamment, le rapport d’inspection mentionne que « le bardeau du pan avant et arrière de la maison est monté en échelle au lieu d’en escalier »[8]. À l’audition, l’expert en pose de toiture assigné par l’Entrepreneur témoigne que la méthode de pose en échelle est une méthode approuvée par le fabricant, au même titre que la méthode de pose en escalier. Cette affirmation qui n’a pas été démentie lors de l’audition entre en contradiction avec le contenu du rapport de l’inspecteur Poitras. Cet élément sur lequel il a été impossible de faire lumière anéantit la force probante du rapport d’inspection.  

[24]            Pour les raisons qui précèdent et puisqu’aux yeux du tribunal, le rapport d’expertise de M. Poitras n’a pas de force probante, le tribunal doit l’écarter de la preuve soumise par les Bénéficiaires.

[25]            De son côté, l’Entrepreneur dépose un rapport d’expertise[9] rédigé par M. Jean-Philippe Dubé de l’entreprise Sélect toiture inc., lequel dispose de 13 ans d’expérience diversifiée dans le domaine de la pose de toiture. M. Dubé témoigne devant le tribunal quant au contenu de son rapport.

[26]            M. Dubé mentionne avoir fait une inspection de la toiture des Bénéficiaires et observé quelques déficiences mineures « qui auraient pu être calfeutrées ou scellées ». Selon lui, la toiture ne comporte aucune déficience au niveau de l’installation. Ce constat n’est pas démenti par les Bénéficiaires, puisque rappelons-le, leur expert n’est pas présent à l’audition. Le témoignage de M. Dubé est à l’effet qu’il y a effectivement présence de quelques clous apparents qui devraient être recouverts par un ciment plastique. Les joints sont également à refaire au pourtour des ventilateurs d’entretoit ainsi que de l’évent de plomberie.

[27]            À la lumière du témoignage de M. Dubé, le tribunal considère que les déficiences mentionnées ci-haut constituent des malfaçons au sens du règlement. Il s’agit de défauts mineurs qui n’ont pas d’incidence sur la solidité de la résidence, mais qui doivent être corrigés, et ce, par les travaux qui sont proposés par l’Entrepreneur lui-même.

[28]            Le tribunal d’arbitrage fait donc droit à la réclamation des Bénéficiaires quant au point 6 de la décision de l’Administrateur. L’Entrepreneur devra compléter les travaux correctifs tel que décrits par l’expert Dubé dans son rapport D-4. 

  1. Le drain de fondation (point 7)

[29]            Le deuxième point en arbitrage concerne la continuité du drain de fondation de la résidence. Selon les Bénéficiaires, le drain de fondation est bloqué et rempli de sable sur le coin avant-gauche du garage et donc ne peut remplir adéquatement ses fonctions.

[30]            Encore une fois, cette partie de la réclamation des Bénéficiaires est rejetée par l’Administrateur dans sa décision, faute d’avoir constaté les dommages au drain.

[31]            Au soutien de leurs prétentions, les Bénéficiaires déposent en preuve un vidéo[10] daté du 7 octobre 2020 de l’intérieur du drain réalisé par la firme Garco spécialisée en expertise de drain. Il est clair selon le vidéo B-7 que le drain est effectivement bouché, ce qui constitue une malfaçon.

[32]            L’Entrepreneur soumet que depuis l’expertise du drain réalisée par Garco, les travaux correctifs au drain ont été complétés afin de régler le problème. L’Entrepreneur fournit une description écrite détaillée des travaux qu’il a effectués[11], ce qui est confirmé par le témoignage non contredit de M. Jessy Langlois. Selon l’Entrepreneur, ce point est réglé puisqu’il a complété les travaux correctifs requis.

[33]            À l’audition, les Bénéficiaires désirent tout de même soumettre ce point à l’arbitrage puisqu’ils allèguent que l’Entrepreneur a procédé aux travaux sans leur consentement et leur présence. Ils affirment ne pas faire confiance à l’Entrepreneur et ne pas avoir la certitude que ces travaux ont effectivement été complétés conformément aux règles de l’art.

[34]            Selon le tribunal, il est clair que l’état du drain de fondation en date du 7 octobre 2020 constituait une malfaçon couverte par le contrat de garantie. Aux termes de la preuve soumise, il appert que l’Entrepreneur est également venu à ce constat en prenant connaissance du vidéo B-7 et a choisi de prendre les moyens nécessaires pour régler le problème, en dépit de l’existence du présent dossier d’arbitrage. M. Langlois a admis lors de son témoignage que lors de la construction de la résidence, le drain de fondation a dû être coupé puis reconnecté au niveau du coin avant-gauche du garage. L’Entrepreneur a omis de vérifier la présence de sable avant de reconnecter le drain.

[35]            Dès qu’il a eu connaissance de cette erreur, l’Entrepreneur a procédé à la réparation appropriée. Ce témoignage de M. Langlois n’est pas contredit et surtout, aucun élément ne permet d’en douter la sincérité. Le tribunal d’arbitrage retient ce témoignage et considère que la malfaçon dénoncée au point 7 est désormais corrigée.

[36]            Aucune preuve n’a été soumise par les Bénéficiaires à l’effet que le drain de fondation dans son état actuel ne remplit pas ses fonctions ou est affecté d’une malfaçon. Qui plus est, le tribunal considère que les Bénéficiaires ne sont pas dépourvus de tout recours en vertu du contrat de garantie ou devant les tribunaux de droit civil, dans l’éventualité où une problématique quant au drain de fondation se concrétise dans le futur. La présente décision n’a pas pour effet d’anéantir la couverture de la garantie pour les problèmes futurs. Voilà qui devrait suffire à rassurer les Bénéficiaires dans les circonstances.

[37]            À l’heure actuelle, puisque la malfaçon alléguée par les Bénéficiaires n’est qu’hypothétique, le tribunal d’arbitrage maintient la décision de l’Administrateur quant au point 7.

  1. Les frais de réparation de la toiture (point 8)

[38]            Le troisième point en arbitrage concerne le remboursement des frais de réparation d’urgence de la toiture. Les Bénéficiaires allèguent avoir dû retenir les services d’un réparateur d’urgence afin de colmater une infiltration d’eau à la toiture.

[39]            Selon la preuve soumise devant le tribunal, le 13 avril 2020, soit le jour du congé férié du lundi de Pâques, les Bénéficiaires sont surpris par le déclenchement de l’alarme d’un détecteur de fumée. Dans l’urgence, ils contactent le service incendie qui se déplace sur les lieux[12]. Après vérifications, le service incendie informe les Bénéficiaires que l’alarme du détecteur a été déclenchée à la suite non pas d’un incendie, mais d’une infiltration d’eau survenue à la toiture.

[40]            Rapidement, les Bénéficiaires contactent leurs assureurs dommages, lesquels dépêchent le jour même sur les lieux la firme JDHM spécialisée en nettoyage après sinistre. La facture[13] de JDHM du montant de 976,55 $ fait état de
« travaux d’urgence » pour assurer la protection du plancher, faire une ouverture dans le plafond de la chambre, enlever l’isolant mouillé et refermer l’ouverture avec du polythène.

[41]            Afin de mettre fin rapidement à l’infiltration d’eau et de limiter les dommages, les Bénéficiaires font ensuite appel à la firme DBL, laquelle est qualifiée pour procéder aux réparations urgentes sur la toiture. La facture de la firme DBL[14] du montant de 574,88 $ fait état d’un « appel d’urgence pour la réparation de la toiture ». 

[42]            L’Administrateur rejette la demande de remboursement de ces deux factures pour le motif que les Bénéficiaires n’ont pas avisé l’Entrepreneur avant de procéder à ces travaux qui ne sont pas conservatoires, mais bien complets et finaux.

[43]            Avec égard, le tribunal d’arbitrage est en désaccord avec la position de l’Administrateur. Les travaux effectués par les Bénéficiaires ont tout de travaux conservatoires effectués dans l’urgence alors que leur résidence faisait l’objet d’une importante infiltration d’eau.   

[44]            D’ailleurs, dans le point 3 de la décision, l’Administrateur accueille la partie de la réclamation des Bénéficiaires pour l’infiltration d’eau à la toiture et les dommages causés au plafond de la chambre. Il écrit :

« Bien que la source de l’infiltration d’eau ait été corrigée et que les dommages aient été circonscrits par l’intervention des bénéficiaires, la situation constitue un défaut de construction que l’entrepreneur est tenu de corriger ».

[Nos soulignements]

[45]            Selon l’Administrateur, les Bénéficiaires ont à juste titre circonscrit les dommages. Par contre, il ne serait pas justifié de les rembourser pour ces travaux d’urgence puisqu’ils ont aussi apporté une solution définitive au problème d’infiltration d’eau.

[46]            Le tribunal d’arbitrage est plutôt d’avis que les travaux effectués à la demande des Bénéficiaires étaient conservatoires dans la mesure où ils devaient être faits pour faire cesser rapidement l’infiltration d’eau. Ils ont par le fait même permis de régler la problématique. Selon la position de l’Administrateur, les Bénéficiaires auraient dû requérir spécifiquement de DBL qu’elle procède à des travaux moindres qui n’auraient que partiellement réglé le problème, sans avoir l’assurance que cela permette de faire cesser l’infiltration d’eau. Autrement dit, les Bénéficiaires auraient dû s’assurer et requérir auprès du couvreur dépêché sur les lieux que les mesures d’urgence prises ne permettent pas de régler le problème à long terme. Cette position est à l’encontre du bon jugement dont doit faire preuve le propriétaire d’une résidence en cas de sinistre.

[47]            Il ne peut être reproché aux Bénéficiaires d’avoir agi avec diligence dans les circonstances. Au contraire, le tribunal est d’avis que l’aggravation des dommages découlant d’une inaction aurait pu être reprochée aux Bénéficiaires s’ils avaient fait défaut d’agir. Au final, les travaux entrepris par les Bénéficiaires ont bénéficié à l’ensemble des parties.

[48]            Les frais liés à ces travaux entrepris d’urgence font l’objet d’une couverture spécifique par la clause 22.4 du contrat de garantie :

22.4 L’Entrepreneur s’engage à :

22.4.1 Mettre en place, s’il y a lieu, toutes les mesures nécessaires pour assurer la conservation du Bâtiment ou à rembourser le Bénéficiaire lorsque de telles mesures ont dû être mises en place de façon urgente par ce dernier;

[Nos soulignements]

[49]            Il est donc justifié de renverser la décision de l’Administrateur quant au point 8. Les Bénéficiaires ont droit au remboursement des frais liés aux travaux d’urgence effectués à la toiture du montant de 1 551,43 $.  

  1. Les dommages au plafond de l’étage (point 9)

[50]            Le quatrième point en arbitrage concerne les dommages visibles au plafond du corridor et de la salle de bain à l’étage. Selon les Bénéficiaires, le plafond à ces endroits s’est légèrement bombé et un plissement s’est créé près des joints.

[51]            Les Bénéficiaires allèguent que ces dommages sont apparus suite à l’infiltration d’eau survenue au toit le 13 avril 2020. Ils auraient donc été causés par cette infiltration. Selon le témoignage de M. Garneau, l’endroit des déficiences observées se trouve à 6 pouces près de l’endroit où la firme JDHM a du procéder à l’ouverture du plafond afin de nettoyer les dégâts liés à l’infiltration d’eau.

[52]            Dans sa décision, l’Administrateur rejette cette partie de la réclamation des Bénéficiaires pour motifs que les bombements sont attribuables au comportement normal des matériaux lors du séchage, ce qui est exclu de la garantie aux termes de l’article 16.1 du contrat de garantie :

16.1 Sont exclus des garanties :

 

[…]

 

16.1.2 les réparations rendues nécessaires par le comportement normal des matériaux tels que les fissures et les rétrécissements, sauf si l’Entrepreneur a fait défaut de se conformer aux règles de l’art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment.

 

[53]            Le tribunal d’arbitrage partage cet avis. Les photos des dommages au plafond allégués par les Bénéficiaires se limitent aux photos disponibles dans la décision de l’Administrateur. Or, ces photos ne permettent pas d’observer les dommages dénoncés par les Bénéficiaires, puisque l’état du plafond y a l’air tout à fait normal. Si tant est qu’il y a effectivement présence d’un léger bombement, ce qui n'a pas été mis en preuve devant le tribunal d’arbitrage, il demeure que ces bombements sont forts probablement dus au comportement normal des matériaux.

[54]            De surcroit, les Bénéficiaires n’ont pas mis en preuve la cause des dommages allégués. Aucun expert ne témoigne à l’audition sur le fait que les bombements découlent de l’infiltration d’eau survenue au plafond. Le Bénéficiaire Garneau témoigne quant à la proximité des endroits où on observe les bombements et l’endroit où est survenue l’infiltration d’eau. Il en conclu ainsi que les deux événements sont la cause et l’effet.

[55]            Cette affirmation n’est pas appuyée par la preuve au dossier, laquelle ne permet pas au tribunal d’arbitrage d’inférer les conclusions tirées par les Bénéficiaires. Il est justifié de maintenir la décision de l’Administrateur quant au point 9.

  1. La situation relative à la prolongation de la dalle de fondation du garage (points 10 et 11)

Les circonstances ayant mené à la prolongation de la dalle

[56]            Les points 10 et 11 soumis en arbitrage découlent tous deux du fait que la dalle de fondation du garage a dû être prolongée au cours de la construction de la résidence des Bénéficiaires. Ils seront donc traités conjointement dans la présente section. Afin d’évaluer la couverture du contrat de garantie quant à ces points dénoncés, il est nécessaire de revenir sur les événements qui ont amené l’Entrepreneur à devoir prolonger la dalle de fondation du garage.

[57]            Le 9 juillet 2019, les Bénéficiaires signent un contrat préliminaire[15] pour l’achat et la construction de la résidence. La soumission et devis en annexe au contrat préliminaire[16], également signée par les Bénéficiaires, y est jointe. Cette soumission prévoit la construction d’une résidence de 28 pieds par 28 pieds avec garage de 16 pieds par 24 pieds. Aux termes du contrat préliminaire, les Bénéficiaires choisissent de ne pas inclure la finition du garage. 

[58]            M. Jessy Langlois, président et représentant de l’Entrepreneur, témoigne à l’audition qu’au moment de la construction, une dalle de béton de 16 pieds par 24 pieds est coulée pour le garage conformément au contrat préliminaire. Au moment d’installer les fermes de toit préfabriquées sur la structure de la résidence, l’Entrepreneur s’aperçoit rapidement que ces dernières sont trop grandes pour la structure. M. Langlois admet à l’audition que l’Entrepreneur a commis une erreur de bonne foi dans la commande des fermes de toit auprès du fabricant.

[59]            Trois options s’offrent alors à l’Entrepreneur afin de régler le problème. Il peut d’abord installer les fermes de toit au-dessus de la dalle de béton 16 pieds par 24 pieds et les laisser excéder la superficie du garage en porte-à-faux, ce qui entacherait l’esthétisme de la résidence. Il peut également commander de nouvelles fermes de toit auprès du fabricant, ce qui engendrerait un délai de plusieurs semaines et retarderait la date de livraison de la résidence. Soucieux de respecter les délais de livraison, l’Entrepreneur propose aux Bénéficiaires une troisième option, soit celle de prolonger la dalle de fondation du garage de 2 pieds afin qu’elle puisse coïncider avec les fermes de toit telles que reçues.

[60]            Il sort de la preuve présentée au tribunal d’arbitrage que les Bénéficiaires ont été avisés par l’Entrepreneur du problème survenu sur le chantier. La solution relative à la prolongation de la dalle du garage leur a été offerte au moment opportun, sans coûts additionnels. Cette solution a été acceptée par les Bénéficiaires. Le témoignage de M. Langlois concorde avec la version des plans[17] de construction de la résidence qui ont été remis aux Bénéficiaires au moment ou vers le moment de la signature de l’acte de vente notarié. Ces plans font mention de la construction d’un garage de 16 pieds par 26 pieds.

[61]            Le témoignage du Bénéficiaire Garneau est à l’effet qu’il n’a jamais été avisé de cette situation lors de la construction, ou à tout le moins, qu’il ne possédait pas l’expertise nécessaire pour comprendre les conséquences de ce changement. Or, le 6 août 2020, il a lui-même transmis un courriel[18] contenant les photos de la prolongation à Jamilie Provencher, un représentant de l’Administrateur. On y voit très clairement les étapes du processus de prolongation du mur de fondation à partir des armatures, jusqu’à l’érection du mur final. Le tribunal d’arbitrage en conclut que les Bénéficiaires ont été avisés par l’Entrepreneur de cette situation.

[62]            Les Bénéficiaires n’ont pas émis de réserve dans le formulaire d’inspection préréception[19] de la résidence quant à la prolongation de la dalle de fondation du garage. Il y est d’ailleurs coché que les fondations et le revêtement du sol du garage, soit le béton, ont été vérifiés lors de l’inspection[20].

L’absence de dommages

[63]            Les Bénéficiaires ont dénoncé à l’Administrateur deux éléments qui, selon eux, constituent des malfaçons et découlent de la décision de l’Entrepreneur de prolonger la dalle de fondation du garage :

[64]            Dans sa décision, l’Administrateur rejette ces points de réclamation. Il considère que la fissure relève du comportement normal des matériaux et que la prolongation de la dalle était une situation connue des Bénéficiaires au moment de la prise de possession de la résidence, et qu’elle n’a pas été dénoncée dans le formulaire d’inspection préréception[21] à la prise de possession.

[65]            Les Bénéficiaires soumettent au tribunal d’arbitrage un rapport[22] d’expertise de la firme EMS rendu par M. Samuel-Alexandre Gendron et M. Keven Roseberry portant sur la conformité de la méthode de prolongation de la résidence. Les deux experts sont absents à l’audition. Pour les mêmes raisons que celles étayées à la section A des présentes, le tribunal d’arbitrage doit écarter ce rapport de la preuve soumise par les Bénéficiaires. Bien que le tribunal ne prenne pas en compte cette expertise, il souligne toutefois que les conclusions du rapport sont à l’effet que « la dalle telle que construite respecte les exigences du code » et qu’il est « possible que [la fissuration de la dalle] ne se produise jamais ».

[66]            De son côté, l’Entrepreneur dépose un rapport d’expertise de la firme CIME Consultants inc. rendu par M. Marc-Antoine Méthot, ingénieur, lequel témoigne lors de l’audition. M. Méthot témoigne à l’effet que la méthode utilisée par l’Entrepreneur pour prolonger la fondation n’est pas contraire aux règles de l’art et que cette façon de faire n’est pas susceptible d’atteindre la stabilité de la structure. Néanmoins, puisque le sable n’a pas été compacté sous la partie prolongée, il est susceptible de se créer un vide à cet endroit ce qui pourrait provoquer une fissure de flexion avec les années. M. Méthot confirme qu’une telle fissure pourrait aussi ne jamais se créer. Le cas échéant, il s’agirait d’une simple contrainte visuelle ne comportant aucun risque pour les occupants et l’intégrité structurale de la résidence.

[67]            M. Méthot se prononce aussi quant à la nature de la fissure observée. Selon lui, la prolongation de la fondation a nécessité une seconde coulée de béton et ainsi crée un joint froid dans le crépi à l’endroit de la jonction entre les deux coulées. La fissure observée à cet endroit ne constitue pas un problème structurel, mais bien une simple réaction normale du béton au joint froid ainsi créé. 

[68]            Le tribunal d’arbitrage retient l’opinion non contredite de l’expert Méthot selon laquelle la fissure capillaire ne présente pas de problème structural. Il s’agit plutôt d’une réaction normale du béton lors du séchage, vu la présence de deux coulées distinctes. Tel que jugé par l’Administrateur dans sa décision, il s’agit d’une situation attribuable au comportement normal des matériaux lors du séchage, ce qui est expressément exclu de la garantie à l’article 16.1 du contrat de garantie (reproduit au paragraphe 56 de la présente décision).

[69]            Le tribunal d’arbitrage considère que les Bénéficiaires n’ont pas fait la preuve que le fait d’avoir laissé le mur existant sous la prolongation de la fondation du garage constitue une malfaçon ou un vice de construction au sens du contrat de garantie. Il a plutôt été mis en preuve par l’Entrepreneur que cette façon de faire est conforme aux règles de l’art et ne comporte aucun risque pour l’intégrité structurale de la résidence. Les dommages allégués par les Bénéficiaires sont pour le moment inexistants et sont susceptibles de ne jamais se concrétiser. La couverture du contrat de garantie ne s’étend pas aux dommages hypothétiques en cas d’absence de preuve d’une quelconque malfaçon.

[70]            Les Bénéficiaires se sont également plaints lors de l’audition du fait que l’Entrepreneur leur a livré une résidence non conforme aux plans initiaux et donc a fait défaut à ses obligations contractuelles de livrer ce à quoi les parties avaient convenu. Si tant est que cette modification a causé un préjudice aux Bénéficiaires, ce qui est contestable vu l’agrandissement sans frais de la surface de leur garage, il demeure qu’elle n’est pas couverte par le contrat de garantie. Les Bénéficiaires soulèvent en plaidoirie l’application de l’article 4.4 du contrat préliminaire conclu avec l’Entrepreneur :

4.4 Contenance de l’immeuble

L’immeuble livré par le vendeur devra être conforme aux stipulations et plans mentionnés à l’article 1, notamment quant aux dimensions et superficies.

[71]            Le tribunal juge que la résidence est conforme aux plans de construction[23] qui ont été remis aux Bénéficiaires au moment ou vers le moment de la signature de l’acte de vente. Ces plans coïncident avec l’augmentation de la superficie du garage approuvée par les Bénéficiaires. La clause 4.4 n’a pas application dans les circonstances, vu l’approbation des Bénéficiaires à la décision de modifier la superficie du garage.

[72]            Considérant ce qui précède, le tribunal d’arbitrage maintient la décision de l’Administrateur quant aux points 10 et 11 et considère qu’il n’y a pas lieu d’intervenir à cet égard.  

  1. La dalle du garage plus haute que les murs de fondation (point 12)

[73]            Le dernier point soumis à l’arbitrage par les Bénéficiaires est aussi en lien avec la dalle de béton du garage. Selon ces derniers, la dalle est légèrement surélevée par rapport aux murs de fondation, ce qui est susceptible de garder emprisonnées les eaux en provenance de l’utilisation du garage et d’entrainer la dégradation des composantes de la lisse basse des murs porteurs extérieurs.

[74]            Dans sa décision, l’Administrateur rejette cette partie de la réclamation des Bénéficiaires sous prétexte que cette malfaçon apparente n’a pas été dénoncée par les Bénéficiaires à la signature du formulaire d’inspection préréception.

[75]            Le rapport de la firme EMS soumis par les Bénéficiaires et mentionné ci-haut traite de la question relative à la hauteur de la dalle. Néanmoins, vu l’absence des experts à l’audition, le rapport doit être encore une fois exclu par tribunal d’arbitrage.

[76]            M. Méthot de la firme CIME Consultants inc. se prononce également sur cette question dans le rapport d’expertise[24] déposé par l’Entrepreneur. Son rapport est à l’effet que l’eau provenant de l’utilisation d’arrosoir dans le garage ou de l’écoulement des voitures peut actuellement demeurer emprisonnée entre la fin de la dalle et la lisse en bois, provoquant ainsi la dégradation du bas des murs. Cette dégradation est susceptible de provoquer à son tour des problèmes structuraux.

[77]            Questionné quant à la méthode corrective appropriée lors de l’audition, M. Méthot témoigne que la pose d’un revêtement de sol tel qu’un enduit à l’époxy assurant l’étanchéité du sol du garage permettrait de régler la situation. M. Méthot admet également que cette situation est anormale. Cette preuve est non contredite. La problématique décrite par l’expert Méthot correspond à une malfaçon couverte par le contrat de garantie.

[78]            Lors des plaidoiries, l’Entrepreneur soumet que ce point n’est pas couvert par le contrat de garantie puisque la pose d’un revêtement de finition permettrait de régler le problème, alors que la finition du garage a été spécifiquement exclue du contrat de construction de la résidence par les Bénéficiaires. L’Entrepreneur invoque que si les Bénéficiaires désiraient pouvoir faire l’usage d’eau à l’intérieur du garage, ils auraient dû inclure la finition du garage au contrat de construction.

[79]            Il ressort de la preuve que si le garage des Bénéficiaires n’était pas affecté de cette malfaçon, ces derniers pourraient faire usage d’eau à l’intérieur du garage sans qu’un revêtement de finition n’ait à être installé sur le sol ou les murs intérieurs. Bien que la malfaçon puisse être corrigée par la pose d’un matériel de finition, il demeure que les Bénéficiaires sont maintenant obligés de faire cette finition afin d’éviter des dommages par l’eau, alors qu’ils ne l’auraient pas été si la dalle n’avait pas été plus haute que les fondations des murs. Le tribunal d’arbitrage ne peut pas faire droit à cet argument soulevé par l’Entrepreneur.

[80]            À l’audition, le Bénéficiaire Garneau témoigne qu’une moulure de bois installée par le constructeur avant la prise de possession de la résidence a dissimulé l’élévation de la dalle de fondation du garage par rapport à la fondation des murs. Selon lui, ce n’est que le 24 août 2020, soit lors de la visite du conciliateur, qu’il a appris l’existence de cette malfaçon.

[81]            Ce témoignage est confirmé par la photo prise par l’Administrateur et reproduite dans sa décision au point 12. On y constate notamment la présence d’une moulure de bois, laquelle a été retirée du mur à l’endroit où aperçoit la différence entre les deux élévations. Ainsi, la malfaçon était non apparente pour les Bénéficiaires au moment de la prise de possession et de la signature du formulaire d’inspection préréception. L’argument relatif à l’absence de dénonciation des Bénéficiaires doit être rejeté.

[82]            Vu les raisons étayées ci-haut, le tribunal d’arbitrage accueille cette partie de la réclamation des Bénéficiaires et renverse la décision de l’Administrateur quant au point 12.

  1. Frais d’arbitrage et d’expertise

[83]            L’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[25] (le « Règlement ») traite de la dispense des frais d’arbitrage de la manière suivante :

123. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.

 

Seul l’organisme d’arbitrage est habilité à dresser le compte des coûts de l’arbitrage en vue de leur paiement.

 

[Nos soulignements]

 

[84]            Comme les Bénéficiaires sont demandeurs en l’instance et qu’ils obtiennent gain de cause sur trois des aspects de leur réclamation, les coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

[85]            L’article 124 du Règlement, quant à lui, dispose du paiement des frais d’expertise relatifs à la tenue de l’arbitrage :

124. L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

 

Il doit aussi statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur et l’entrepreneur solidairement doivent rembourser au bénéficiaire même lorsque ce dernier n’est pas le demandeur.

 

[…]

  [Nos soulignements]

 

[86]            Lorsque les Bénéficiaires ont gain de cause, il appartient au tribunal d’arbitrage de statuer quant au remboursement de leurs frais d’expertise.

[87]            En l’occurrence, les Bénéficiaires ont fait appel à deux firmes d’expertise différentes, soit Groupe DBL et EMS. Les deux rapports produits par ces firmes n’ont pu être considérés en preuve par le tribunal d’arbitrage puisque leurs auteurs n’ont pas témoigné au cours de l’audition. Tout au plus, les Bénéficiaires n'ont pas réclamé le remboursement de ces frais d’expertise auprès du tribunal ou produit les factures à ce sujet. Le tribunal d’arbitrage ignore les coûts associés à la production de ces rapports.  

[88]            Qui plus est, en prévision de l’audition d’arbitrage, l’Entrepreneur s’est montré de bonne foi et a tenté de réduire le temps d’audition en offrant aux Bénéficiaires d’effectuer les travaux nécessaires à la correction des points 6 et 8 de la décision de l’Administrateur. Cette offre a malheureusement été refusée par les Bénéficiaires. Le tribunal d’arbitrage tient à souligner cette attitude conciliatrice dont l’Entrepreneur a fait preuve dans les circonstances. Soulignons d’ailleurs que pour ces points, le tribunal d’arbitrage ordonne à l’Entrepreneur d’effectuer les mêmes travaux qu’il a offert de réaliser préalablement à l’audition. Les Bénéficiaires seront donc placés dans le même état que s’ils avaient accepté l’offre de règlement formulée par l’Entrepreneur.

[89]            Puisqu’à l’avis du tribunal d’arbitrage, il aurait été possible d’éviter la tenue de l’audition sur ces deux questions, le tribunal n’aurait pas fait droit au remboursement des frais d’expertise encourus par les Bénéficiaires, même si la demande lui avait été formulée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

[90]            ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires quant aux points 6, 8 et 12 de la décision de l’Administrateur;

[91]            REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires quant aux points 7, 9, 10 et 11 de la décision de l’Administrateur;

[92]            ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à l’Administrateur de procéder aux travaux correctifs tels que décrits par l’expert Dubé dans le Rapport D-4, dans les trente (30) jours suivant la présente décision ou dans tout autre délai convenu entre les parties;

[93]            ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à l’Administrateur de rembourser aux Bénéficiaires la somme de 1 551,43 $, ce qui correspond aux frais relatifs aux travaux d’urgence réalisés à la résidence, et ce, dans les trente (30) jours suivant la présente décision;

[94]            ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à l’Administrateur de requérir l’avis d’un architecte afin qu’il détermine les travaux permettant de corriger la malfaçon dénoncée au point 9 de la décision de l’Administrateur, et ce, dans les trente (30) jours suivant la présente décision ou dans tout autre délai convenu entre les parties; 

[95]            ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à l’Administrateur de procéder aux travaux détaillés dans l’avis de l’architecte visé au paragraphe 94 de la présente décision, et ce, dans les trente (30) jours suivant la réception de cet avis ou dans tout autre délai convenu entre les parties; 

[96]            CONDAMNE l’Administrateur au paiement des frais d’arbitrage encourus jusqu’à la date de la présente décision;

 

 

Québec, le 3 novembre 2021

 

 

 ____________________________________

 Me Reynald Poulin

 Arbitre / Centre canadien d'arbitrage  commercial (CCAC)

 

 

 

 

 

 


[1] Pièce A-5.

[2] Pièce A-2.

[3] Vincent KARIM, Contrats d’entreprise (Ouvrages mobiliers et immobilier : construction et rénovation), contrat de prestation de services et l’hypothèque légale, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2020, p.717.

[4] Art. 2803 C.c.Q.

[5] Annexe 4.

[6]  RLRQ, c C-25.01.

[7] Dufour c. Roy, 2019 QCCS 770; Plomberie Bissonnette inc. c. Poulin, 2018 QCCS 548.

[8] Annexe 4.

[9] Pièce D-4.

[10] Pièce B-7; Annexe 3.

[11] Pièce D-3.

[12] Pièce B-3.

[13] Pièce B-4.

[14] Pièce A-12, p.25.

[15] Pièce A-1.

[16] Pièce D-1.

[17] Pièce D-2.

[18] Pièce A-10.

[19] Pièce A-11.

[20] Pièce A-11, p. 3 et 4.

[21] Pièce A-11.

[22] Annexe 5.

[23] Pièce D-2.

[24] Pièce D-5.

[25] RLRQ, c B-1.1.