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ARBITRAGE En vertu du Règlement
sur le plan de garantie |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) |
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Dossier no : |
073518 |
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2006-19-001 |
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Date : |
6 novembre 2006 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
JEAN MORISSETTE |
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LES HABITATIONS MEAUJÉ |
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Entrepreneur |
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Et |
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LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ |
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Administrateur de la Garantie |
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Et |
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LE SYNDICAT CONDOMINIUMS CHÂTELETS PHASE II |
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Bénéficiaire |
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SENTENCE ARBITRALE |
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[1] Il s’agit d’une demande d’arbitrage du 7 février 2006 concernant la décision rendue par l’administrateur du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (APCHQ)
[2] L’audience s’est tenue à l’adresse du bénéficiaire.
[3] Toutes les parties étaient présentes. Rudy Neobal, président du Syndicat de copropriété et propriétaire de l’unité # 302, monsieur Viken Bastekian, propriétaire de l’unité # 301, madame Diane Imbeault pour l’entrepreneur, monsieur Raynald Cyr, conciliateur pour l’administrateur.
[4] Les parties ont convenu de ma compétence pour entendre et décider du litige.
[5] Les témoins, avant de rendre témoignage, ont été assermentés.
[6] Le cahier de pièces de l’administrateur a été déposé de consentement en preuve et les cotes A-1 à A-11 seront utilisées pour y référer.
[7] Suivant la décision de l’administrateur du 19 janvier 2006, l’entrepreneur a effectué les travaux correctifs précisés dans les conclusions du rapport en avril 2006.
[8] L’audition ne portera que sur le point 19 du rapport qui se lit ainsi :
« 19. BARDEAUX D’ASPHALTE ARRACHÉS AUX VERSANTS ARRIÈRE ET AVANT DU 4382
Travaux :
Considérant que des infiltrations d’eau se sont déjà produites relativement à cette situation, l’entrepreneur devra apporter les correctifs requis aux bardeaux d’asphalte et voir à ragréer les finis endommagés là où requis. »
[9] L’entrepreneur porte cette décision en arbitrage car il considère qu’il ne s’agit pas d’un vice caché au sens du contrat de garantie.
[10] Selon l’entrepreneur, ce problème n’est pas visé par les dispositions de l’article 27 (4e) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. L’entrepreneur conteste qu’il s’agit d’un vice caché tout en acceptant qu’il s’agisse d’un problème sujet à la garantie.
[11] Effectivement, le signataire du rapport catégorise le point 19 comme « …un vice caché qui, conformément à l’article 3.3 du contrat de garantie, a été dénoncé par écrit dans les trois (3) années suivant la réception. » ( Pièce A-7)
LA PREUVE DE L’ENTREPRENEUR
[12] Diane Imbeault, représentante autorisée de l’entrepreneur, Les Habitations Meaujé, est responsable des plaintes après vente pour ce projet. Elle confirme avoir rencontré monsieur Rénald Cyr de l’APCHQ en novembre et avoir reçu le rapport de janvier 2006.
[13] Plusieurs problèmes soulevés dans le rapport avaient déjà été réparés avant la réception du rapport.
[14] En ce qui concerne le point 19, elle dit que les réparations de bardeaux se situaient principalement à la toiture au-dessus de l’unité 302. Elle confirme que lors de vents violents, il y avait des problèmes avec le bardeau.
[15] Elle a obtenu des relevés provenant de l’aéroport Montréal Trudeau. Ces listes de données révèlent la vélocité du vent à des dates données, de janvier à novembre 2005. Ces divers rapports sont admis en preuve, de consentement, sous la cote E-1.
[16] Les bardeaux proviennent du fabricant EMCO et sont de qualité d’une durée de 25 ans. Selon elle, l’installation a été faite selon les règles de l’art, c’est-à-dire 4 clous dans le haut de chaque bardeau et 2 plus bas.
[17] Mme Imbeault déposera en preuve, de consentement, sous la cote E-2, une lettre signée de Mme Farhana Mia du Service de garantie de EMCO, fabricant des bardeaux d’asphalte. Ce document a été préparé à sa demande après la visite d’un des représentants du fabricant. Cette pièce mentionne inter alia :
« La présente est en référence à vos préoccupations relativement à l’apparence du bardeau installé sur la toiture mentionnée en référence. L’analyse en laboratoire de l’échantillon que nous avons obtenu a démontré un bardeau qui rencontre toutes les normes de fabrication requises.
Cependant, les informations disponibles à votre dossier démontrent que certains bardeaux n’ont pas collés (sic) de façon adéquate. »
Je souligne ce dernier passage pour en relever la teneur plus loin dans ma décision.
[18] Selon les diverses informations reçues des divers témoins présents, je conclus que la toiture a été construite entre février et mai 2004 alors que les dernières réparations ont été faites en avril 2006.
[19] Mme Imbeault nous explique que l’entrepreneur conteste qu’il s’agisse d’un vice caché car :
Ø Le ou les bardeaux manquants sont visibles;
Ø Les vents qui causent l’arrachement d’une partie du revêtement de la toiture sont tellement forts qu’il s’agit d’une force majeure.
[20] Le contre-interrogatoire fera ressortir que les bardeaux utilisés sont les mêmes sur les 3 bâtisses et qu’il est possible que plus d’un sous-contracteur ait posé le revêtement de la toiture.
[21] À la demande du procureur de l’entrepreneur, l’inspecteur signataire de la décision du 19 janvier 2006, expliquera ce qui est un vice caché et l’interprétation de ce terme par l’Administrateur. M. Rénald Cyr dira qu’un vice caché est une situation qui se révèle ultérieurement à la prise de possession du bâtiment, qui est importante et apporte des conséquences graves. Selon lui, des matériaux de toiture qui s’envolent aux vents et qui causent des infiltrations d’eau sont un vice caché.
PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR
[22] M. Rénald Cyr détient un diplôme d’études collégiales et est technologue en architecture. Il exerce la profession de technologue professionnel depuis 1988. Il a exercé son métier dans des bureaux d’architectes et y a fait des devis, de la mise en plan et de la surveillance de chantier. Par la suite, il a agi comme expert dans une firme d’expertise pendant 2 ans. Il est chez l’Administrateur depuis septembre 2001. Il a eu la responsabilité de plus ou moins 600 dossiers dont la plupart en copropriété.
[23] La partie adverse accepte les qualifications de M.Cyr et le tribunal le déclare expert technologue en construction.
[24] Lors de sa visite du 17 novembre 2005, en compagnie de madame Imbeault et un représentant du syndicat, il constate, en soulevant plusieurs bardeaux de toiture, qu’ils ne sont pas collés de façon adéquate l’un sur l’autre. Il ne s’agit pas que d’un seul bardeau mais de plusieurs. Sur une superficie de 100 pieds carrés, la plupart des bardeaux ne sont pas collés.
[25] Depuis, il a constaté que les réparations de l’entrepreneur ne sont pas suffisantes. Ses photos montrent des têtes de clous et un calfeutrage inadéquat.
[26] Selon lui, il s’agit de conséquence provenant d’une pose du revêtement par temps froid. Le film protégeant la bande adhésive sous le bardeau, même si biodégradable, aurait dû être retiré car il n’y a pas eu de chaleur pour entraîner sa dégradation et l’effet de la bande de colle du bardeau. La chaleur est nécessaire pour dégrader la bande de protection et l’adhésion des bardeaux, l’un sur l’autre.
[27] Selon son expertise, la tolérance d’un bardeau d’asphalte au vent doit être d’un minimum de 80 km/h. De façon générale, à 80 km et moins, le bardeau doit rester en place. Il nous fait remarquer que la plainte du détachement d’une partie du revêtement de la toiture initiale est du 28 juin 2005 et qu’avant cette date, selon la pièce E-1, il n’y a pas de vents de plus de 80 km/h.
[28] Il ajoutera que pour une toiture dont la pente est de 6’’/12’’, il doit y avoir une membrane de débord de toit sur une distance égale à 3 pieds de la face intérieure du mur au pourtour du bâtiment pour toutes les sections de plafond isolé donnant dans un espace de vie. Son procureur corrigera cette partie de témoignage car après vérification, M. Cyr l’informera que les normes de construction requièrent que la membrane mesure 1 pied (300 mm) de la face intérieure du mur au pourtour du bâtiment.
PREUVE DES BÉNÉFICIAIRES
[29] Selon le devis déposé par les bénéficiaires, pièce B-1, annexe A du contrat de construction de condominium Les Châtelets, cette membrane est indiquée comme devant couvrir les six (6) premiers pieds du toit.
EXAMEN DES LIEUX
[30] La visite de la toiture a permis de constater que :
Ø Plusieurs bardeaux ne sont pas collés et n’ont pas collé l’un à l’autre;
Ø Un clou est mal ancré et sa tête percera éventuellement le bardeau du dessus;
Ø La membrane auto-collante de départ n’est posée que sur 3 pieds du débord du toit;
Ø Un bardeau est manquant sur la face arrière et un autre sur la face avant;
Ø Les bardeaux avec des traces de calfeutrage montrés sur les photographies, pièce A-8, ne sont plus en place;
Ø Les bardeaux ne sont pas cloués comme en a témoigné Mme Imbeault, mais cloués dans la bande adhésive comme expliqué par M. Cyr;
DISCUSSION ET ANALYSE
[31] L’entrepreneur dit avoir effectué les travaux dont il est question au paragraphe 19 du rapport décisionnel du 19 janvier 2006. Pourtant, notre visite des lieux montre que le problème existe toujours. Des bardeaux de toiture s’envolent au vent et notre bref examen nous a permis de constater que plusieurs des bardeaux de toiture n’ont pas collé l’un à l’autre. En l’absence de cet assemblage de tous les bardeaux de la toiture pour former un revêtement intégral, il m’apparaît évident que chacun des bardeaux devient sujet au clouage pour sa résistance au vent. Contrairement au témoignage de Mme Imbeault, le clouage n’est pas de 5 clous et disposé comme elle nous l’a dessiné. Il est de trois ou quatre clous posés dans la bande adhésive tel qu’expliqué par l’expert.
[32] L’absence de la membrane de départ sur la distance contractuelle, le défaut de l’assemblage intégral par effet de chaleur qui crée le collement des bardeaux d’asphalte de la toiture entre eux et l’arrachement par le vent de bardeau est un vice caché au sens de l’art. 27 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Je considère qu’il était impossible aux résidents des unités d’habitation de découvrir ce vice de construction au sens de l’article 1726 du Code civil du Québec.
[33] Le Petit Robert[1] donne des définitions de malfaçon et de vice caché :
« Malfaçon : Défectuosité dans un ouvrage mal exécuté. »
« Vice caché : Qui rend la chose achetée inutilisable et dont doit répondre le vendeur. »
[34] Dans le Précis du droit de la construction[2] on peut y lire:
« 96. Les vices affectant la solidité de l’ouvrage - Le critère de ‘’solidité’’ provient de l’interprétation libérale apportée sous le Code civil du Bas Canada à l’énoncé ‘’périt en tout ou en partie’’ de l’article 1688 C.C.B.C. Il découle également de l’interprétation libérale de la notion de ruine. Dans l’état actuel du droit, on étend la garantie à tous les vices compromettant la solidité de l’édifice à toutes les défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux. Comme le rappelle l’auteur Rousseau-Houle, le champ d’application de la garantie quinquennale n’est pas restreint aux désordres entraînant la ruine effective des ouvrages. »
« 126. Définition de la notion de malfaçon - Il importe dès maintenant de définir ce qu’est une malfaçon. La langue populaire définit la malfaçon comme étant ‘’une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté.’’ Par ailleurs, les notions de "vice’’ et de ‘’malfaçon’’ se distinguent par le degré de gravité exigé pour l’application de chacun des régimes de responsabilité légale. En effet, contrairement au régime pour la perte de l’ouvrage prévu à l’article 2118 C.c.Q., la malfaçon ne met pas en péril l’ouvrage. La malfaçon se qualifie de ‘’défaut mineur’’. Ainsi, l’obligation de garantie qui est visée par l’article 2120 C.c.Q. concerne la mauvaise exécution de l’ouvrage qui n’entraîne pas une perte totale ou partielle de celui-ci. Il s’agit de travaux mal exécutés qui n’ont aucune incidence sur la solidité de l’immeuble. »
[35] Dans le livre Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commentés[3] :
« L’auteur Jeffrey Edwards, dans son excellent ouvrage sur la garantie de qualité du vendeur, rappelle les quatre conditions pour qualifier un défaut de vice caché au sens où l’entend l’article 1726 du Code civil du Québec.
Le vice doit posséder une certaine gravité. Pour que le vice soit interdit selon la garantie, le déficit d’usage entraîné ne doit pas être d’une quelconque importance. La perte d’usage doit être grave. (…) Le critère déterminant est énoncé dans l’article 1726 C.c.Q. Seul le vice entraînant un déficit d’usage au point ‘’que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix’’ est réprimé.
Le vice doit précéder la vente. En ce qui concerne la garantie, l’acheteur assume les risques d’une perte de qualité se produisant après la vente. Seul est prohibé le vice entachant le bien avant la conclusion du contrat.
Le vice doit être inconnu. Le vice connu de l’acheteur n’est pas un vice caché. Seul le vice que ce dernier ignore peut recevoir cette qualification.
Le vice doit être occulte. Le vice occulte s’oppose au vice apparent. (…) Lorsque le vice se révèle à l’examen (du bien), il est apparent; dans le cas contraire, il est occulte. »
(Les italiques sont du soussigné.)
[36] À la lecture de ces textes, je conclus que la malfaçon qui rend la chose impropre à sa destination ou inutilisable, a un caractère sérieux et ne peut être découverte que par un examen particulier et approfondi, est un vice caché.
[37] Les défauts constatés par l’expert de l’Administrateur et ce qu’il m’a fait voir le jour de l’audition rencontrent chacun de ces critères.
[38] La pièce E-1 montre que la force des vents avant la plainte du 28 juin 2005 est en deçà de 80 km/h. Pourtant, à cette date, des bardeaux de la toiture s’étaient défaits et n’étaient plus en place. Il n’y a pas de preuve d’une force majeure même après cette date puisque les vents n’ont pas dépassé les 80 km/h de résistance que doit posséder un revêtement de toiture fait de bardeaux d’asphalte. Il m’apparaît fort plus probable que la pose inadéquate et un défaut de matériel sont la cause des infiltrations d’eau.
[39] En terminant, je tiens à souligner que le fabricant EMCO dans son courrier du 25 septembre 2006 spécifie que certains des bardeaux n’ont pas collé de façon adéquate. Il s’agit d’un aveu d’un vice qui est opposable à l’entrepreneur.
[40] Je rejette l’argument que les bénéficiaires pouvaient découvrir ce vice par un examen attentif ou qu’il ne s’agisse pas d’un problème important. Une toiture doit être étanche. On ne pouvait demander aux bénéficiaires et à leurs représentants de vérifier que les bardeaux étaient collés l’un à l’autre. S’il y a des infiltrations d’eau dans une unité d’habitation, il y a un vice qui compromet la solidité de l’ouvrage et des inconvénients sérieux. Les infiltrations d’eau sont causées par une pose inadéquate et un revêtement de la toiture défectueux qui sont de nature à causer la perte partielle et importante de l’ouvrage et sont un vice caché.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE l’avis d’arbitrage de l’entrepreneur, avec dépens.
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_________________________________ JEAN MORISSETTE |
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Rudy NEDBAL Viken BARTEKIAN |
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Pour le bénéficiaire
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Mme Diane IMBEAULT |
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Pour l’entrepreneur
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M. Raynald CYR Pour l’administrateur |
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Date(s) d’audience : |
11 octobre 2006 |
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[1] « Le Nouveau Petit Robert : Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française ». Montréal, Dicorobert inc., c1993.
[2] Demers, Nancy. « Précis du droit de la construction », Les Éditions Yvon Blais inc.
[3] Doyon, Gilles et Serge Crochetière. «Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs » Les Éditions Yvon Blais inc.