ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, tel qu’amendé, c. B-1.1, r.0.2, 

Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada) Groupe d’arbitrage Juste Décision – GAJD

ENTRE

NICOLE MESSIER ET ALAIN P. TREMBLAY Bénéficiaires

Et

GROUPE PRO-FAB INC (LES RÉSIDENCES P.F.) Entrepreneur

Et

GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR) Administrateur

Nos dossiers / Garantie   :  158152-3491

No dossier / GAJD   :  20200607

No dossier / Arbitre   :  35304-39

SENTENCE ARBITRALE

Arbitre  :

Me Pierre Brossoit

Pour les Bénéficiaires :

Mélanie Messier et Alain P. Tremblay

Pour l’Entrepreneur  :

Mélanie Doyon

Pour l’Administrateur  :

Me Nancy Nantel

Date d’audience  :

3 décembre 2020

Lieu  :

Par visioconférence et en présentiel au Holiday Inn

Express, 33, boul. de la Cité-des-jeunes Est, Vaudreuil-

Dorion

Immeuble concerné   :

[...], Salaberry-de-Valleyfield

Date de la décision  :

Le 18 décembre 2020

LES PIÈCES

[1]  Les pièces produites par le Bénéficiaire sont les suivantes :

B-1: Courriel à M. Preston (Profab) avec le schéma de raccordement aux

réseaux d’égouts de la ville;

B-2: Lettre de l’ingénieur spécifiant les dimensions de la semelle de la fondation;

B-3: Schémas de la running trap normale et avec les contrepentes;

B-4: Photos de la contrepente extérieure;

B-5: Photo de la contrepente intérieure et les notes de M. Descoteaux indiquant qu’il a constaté cette contrepente (point #5);

B-6: Vidéo fait par Roland et Bourbonnais, Plomberie et chauffage à la demande de l’entrepreneur, sur DVD;

B-7: Vidéo fait par Plomberie M-G Service inc. à la demande des Bénéficiaires, format MP4;

B-8: Niveaux d’eau sous la dalle de béton mesuré dans le tuyau d’accès au

clapet;

B-9: Vidéo de l’Écoulement de l’eau par la trappe d’accès au clapet, format MOV;

B-10: Photo du concassé passant sous la semelle de la fondation;

B-11: Méthodologie utilisée pour mesurer le niveau d’eau;

B-12: Facture de l’inspection par caméra du drain français effectué par Plomberie M-G Service inc. et payé par les Bénéficiaires;

B-13: Échanges de courriels pour une demande de soumission pour effectuer les travaux;

B-14: Facture de l’expert représentant les bénéficiaires lors de la présentation en arbitrage. Cette facture sera acquittée par les Bénéficiaires et une demande de remboursement sera soumise par la suite.

[2]               Les pièces produites par l’Entrepreneur sont les suivantes :

E-1: Rapport de Patrick Girard de Roland Bourbonnais, Plomberie et chauffage;

E-2: Rapport et conclusion de l’Entrepreneur suite à sa visite du 19 novembre 2020 chez les Bénéficiaires.

[3]               Les pièces produites par l’Administrateur sont les suivantes :

A-1:

Contrat Groupe Pro-Fab inc. signé le 4 octobre 2018;

A-2:

Contrat de garantie signé le 9 août 2018;

A-3:

Rapport d’inspection préréception et une annexe, datés du 16 mai 2019;

A-4:

Courriel transmis par les Bénéficiaires à l’Entrepreneur le 15 novembre 2019, avec en pièce jointe :

Le formulaire de dénonciation daté du 15 novembre 2019

A-5:

Formulaire de réclamation daté du 9 décembre 2019;

A-6:

Courriel transmis par les Bénéficiaires à l’Entrepreneur le 3 janvier 2020, avec en pièce jointe :

Le formulaire de dénonciation daté du 16 décembre 2019

A-7:

Le courriel de l’avis de 15 jours transmis par l’Administrateur à l’Entrepreneur, le 16 décembre, avec en pièces jointes :

     Le formulaire de mesures à prendre par l’Entrepreneur, vierge

     Le formulaire de dénonciation cité en A-4

A-8:

Courriel transmis par l’Entrepreneur à l’Administrateur, daté du 16 décembre 2019, avec en pièces jointes :

     Le formulaire de mesures à prendre par l’Entrepreneur, complété

     Les plans de la maison signés

A-9:

Courriel entre les Bénéficiaires, l’Entrepreneur et l’Administrateur daté du 13 au 21 novembre 2019 (voir pages 4 et 5 du courriel pour l’eau sous la dalle);

A-10: En liasse, la décision de l’Administrateur et la preuve de remise par courriel aux Bénéficiaires, datées du 11 mai 2020;

A-11: En liasse, la décision supplémentaire de l’Administrateur et la preuve de remise par courriel aux Bénéficiaires, datées du 26 juin 2020;

A-12: En liasse, le courriel de la notification de l’organisme d’arbitrage du 7 juillet 2020, auquel sont joints :

     L’accusé de réception de la demande d’arbitrage et la nomination de l’arbitre daté du 6 juillet 2020

     La demande d’arbitrage soumise par les Bénéficiaires le 6 juillet

2020, avec lien vidéo fait par Plomberie JFK

     Le formulaire de demande d’arbitrage

     Les décisions de l’Administrateur soumises en A-13 et A-14 A-13: Curriculum Vitae de Camille Bélanger. LES TÉMOINS ENTENDUS LORS DE L’AUDIENCE

[4]               Pour les Bénéficiaires :

      Marc Gagné

[5]               Pour l’Entrepreneur :

      Marco Descoteaux

      Daniel Vachon Stéphane Bélisle

[6]               Pour l’Administrateur :

      Camille Bélanger

LES FAITS

[7]               Le 16 mai 2019, les Bénéficiaires prennent réception (A-3) de l’immeuble (la

« Maison ») construit par Groupe Pro-Fab inc. (« l’« Entrepreneur ») et sis au [...], Salaberry-de-Valleyfield, Québec;

[8]               Le ou vers le 1er décembre 2019, les Bénéficiaires constatent par hasard (courriel des Bénéficiaires, item 5, A-6) une accumulation d’un à deux pouces d’eau dans le cheminée clapet anti-retour (la « Cheminée »), tel qu’identifié lors de l’audition et reproduit au croquis dessiné par M. Tremblay (B-3);

[9]               Cette constatation fait croire aux Bénéficiaires « que nous sommes en présence d’une contre-pente dans le tuyau » (courriel des Bénéficiaires A-6);

[10]           Le 9 décembre 2019, les Bénéficiaires dénoncent à l’Administrateur une liste d’items (A-5) qu’ils allèguent avoir mal été exécutés par l’Entrepreneur lors de la construction de la Maison;

[11]           Le 11 mai 2020, Camille Bélanger, conciliatrice pour l’Administrateur, rend une décision (la « Décision 1 ») sur chacun des items de la réclamation (A-5) des Bénéficiaires;

[12]           Au sujet de l’item 1 « Apparition d’eau sous la dalle, visible par le drain périmétrique », Mme Bélanger mentionne à la Décision 1 (A-10) ce qui suit :

« Les bénéficiaires dénoncent que de l’eau est visible dans l’un des tuyaux d’accès au clapet anti-refoulement installé sous la dalle de béton, situation qu’ils ont constatée le 8 novembre 2019, après quoi ils l’ont dénoncée par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur le 15 novembre 2019, soit au cours du premier mois suivant la découverte, ce qui nous situe en première année de garantie.

Les bénéficiaires mentionnent qu’à chaque pluie ou à la fonte des neiges, le niveau de l’eau augmente dans le drain, leur faisant craindre un débordement et l’endommagement des matériaux et biens au soussol de leur propriété.

L’installation à contre-pente du drain n’est pas conforme aux règles de

l’art. »

[13]           Mme Bélanger n’a toutefois pas constaté d’« une contre-pente du drain », cette conclusion lui étant suggérée par les Bénéficiaires et découlant de leur compréhension de la présence d’eau dans la Cheminée et représenté au croquis (B-3) dessiné par les Bénéficiaires;

[14]           Le 14 mai 2020, l’Entrepreneur mandate l’entrepreneur en plomberie Roland Bourbonnais, Plomberie et chauffagePlomberie R B ») pour effectuer une inspection du drain français et pluvial de la Maison;

[15]           Patrick Girard de Plomberie R B relate comme suit son inspection :

« Nous avons inspecté le drain français en passant par le clapet sur une distance de 80 pieds. Tout est conforme et les pentes sont adéquates.

Nous avons, par la suite, inspecté le drain pluvial toujours en passant par le clapet sur une distance d’environ 60 pieds (jusqu’à la rue). Tout est conforme et les pentes sont adéquates. Un DVD nous a été [sic] pour appuyer ce présent rapport.

La cheminée du clapet n’est pas un élément étanche, puisqu’il est simplement embouveté un dans l’autre, sans joint torique, ni colle. S’il y a une accumulation d’eau sous le niveau du drain français, il est possible que cette eau s’accumule sous le bâtiment et s’infiltre dans la cheminée du clapet.

À noter qu’avec ce type d’installation, il y a une dénivellation entre le drain français, le clapet et le drain pluvial, puisque ce système est gravitaire. Le fait que le drain français est le plus haut, et que le clapet est forcément plus bas que le niveau du drain français, il est possible que l’extérieur du clapet soit dans l’eau sous la dalle de béton, ce qui cause une petite accumulation d’eau dans la cheminée.

Au moment de la construction, nous avions installé un bassin avec pompe, afin d’éliminer l’eau du drain français et l’eau qui s’accumule sous la dalle de béton. Cette installation a été enlevée, à la demande de la ville, et nous avions été dans l’obligation d’installer une running trap (l’installation présente) au lieu du bassin avec pompe.

Il serait possible d’ajouter un bassin et une pompe pour tenter d’éliminer l’eau sous le bâtiment avec l’approbation de la ville. De cette manière, nous serons en mesure d’éliminer l’eau qui s’infiltre dans la cheminée du clapet.

Cout approximatif pour l’installation d’un bassin et d’une pompe : 1 700 $. »

[16]           Le 15 novembre 2019, insatisfaits de cette réponse de l’Entrepreneur, les

Bénéficiaires déposent une réclamation auprès de l’Administrateur;

[17]           Le 26 juin 2020, Mme Bélanger rend une nouvelle décision (la « Décision 2 »);

[18]           Se fiant notamment sur le rapport de M. Girard, Mme Bélanger conclut à la Décision 2 (A-11) « que les travaux qui ont été réalisés par l’Entrepreneur respectent les normes en vigueur ainsi que les règles de l’art. » et rejette ainsi l’item 1 « Apparition d’eau sous la dalle, visible par le drain périmétrique »;

[19]           Le 7 juillet 2020, les Bénéficiaires demandent l’arbitrage de la Décision 2 (A-12), dont dispose la présente sentence;

QUESTION

[20] Les Bénéficiaires ont-ils fait la démonstration d’une malfaçon à l’égard du système de drainage mis en place par l’Entrepreneur?

LA CHEMINÉE

[21]           Comme il a été expliqué par les parties à l’audition, la Cheminée traverse la dalle de béton (4 3/8 ”), l’isolant et pare-vapeur (1”) et ensuite de la roche concassée sur une profondeur d’environ 16”;

[22]           Tel que mentionné précédemment, suite à la découverte d’accumulation d’un à deux pouces d’eau en décembre 2019 (item 5, A-6), les Bénéficiaires craignent que l’eau souterraine (la nappe phréatique) monte par la Cheminée et inonde le sous-sol de leur Maison, lors de fortes pluies ou à la fonte des neiges;

[23]           Selon les Bénéficiaires, lors de fortes pluies ou à la fonte des neiges, la semelle qui soutient la fondation de la Maison baigne dans l’eau, ce qui avec le temps pourrait provoquer un mouvement de la structure et occasionner des dommages importants à la Maison;

[24]           La semelle de 54” de largeur, d’une hauteur de 10”, est située sous la dalle de béton (4 3/8”) et l’isolant pare-vapeur (1”);

[25]           Ainsi, la base de la semelle se trouve à près de 6” de la base de la Cheminée où se situe le bouchon qui fait partie du tuyau pluvial;

[26]           Entre le 1er janvier et le 5 août 2020, à l’occasion de fortes pluies ou à la fonte des neiges (28 jours distincts), les Bénéficiaires ont pris le relevé (E-8) du niveau d’eau au-dessus de la base de la Cheminée;

[27]           Selon le relevé E-8, lors de ces 28 jours distincts, le niveau d’eau a fluctué entre 0” et 6 ¼”, la très grande majorité des relevés étant toutefois entre 5” et 5 1/2”;

[28]           Prenant pour avérés les relevés effectués par les Bénéficiaires (B-8), on ne peut donc pas affirmer que la semelle de la Maison baigne dans l’eau comme le suggèrent les Bénéficiaires. En fait, sur une période de 18 mois, ce n’est qu’à quelques occasions que de l’eau se retrouve à la base de la semelle, pour ensuite s’évacuer naturellement;

[29]           Aucune expertise n’a été déposée par les Bénéficiaires et la Maison n’a subi aucun dommage des prétentions alléguées par les Bénéficiaires (crainte d’être inondés et mouvement des fondations);

[30]           En l’absence d’une preuve prépondérante d’une malfaçon au système de drainage de la Maison, la crainte des Bénéficiaires de dommages futurs est insuffisante pour exiger de l’Entrepreneur à refaire le système de drainage;

[31]           Les Bénéficiaires reconnaissent que l’installation d’un bassin et d’une pompe éliminerait l’eau sous la Maison lors de fortes pluies ou à la fonte des neiges. Les Bénéficiaires ont d’ailleurs obtenu l’approbation de la ville pour exécuter ces travaux évalués à 1 700 $;

[32]           Les Bénéficiaires refusent toutefois cette solution en raison de leur crainte qu’une panne d’électricité empêche la pompe de fonctionner en tout temps opportun. La décision appartient aux Bénéficiaires, mais elle est pour le moins discutable;

LE DRAIN FRANÇAIS

[33]           Le ou vers le 3 juillet 2020, les Bénéficiaires mandatent le plombier Marco Gagné de Plomberie M-G Service Inc. pour faire l’inspection par caméra des drains de la Maison;

[34]           M. Gagné constate de la vidéo (B-9) l’existence d’une contre-pente à la jonction du drain français avec le tuyau pluvial;

[35]           Cette contre-pente empêche une partie des eaux du drain français de s’écouler dans le tuyau pluvial, mais l’eau finit quand même par s’évacuer naturellement;

[36]           M. Gagné ignore si cette situation est susceptible de causer des dommages, mais il est d’avis que la contre-pente diminue la performance d’évacuation d’eau par le drain français;

[37]           Mme Bélanger défend la Décision 2 en affirmant avoir consulté les professionnels de son équipe, visionné le vidéo de M. Girard et s’être assurée que le drain français est situé sous la semelle de fondation, comme il est requis au Code national du bâtiment;

[38]           Cette démarche, et l’absence de dommage, a mené Mme Bélanger à conclure que le drain français remplit les fonctions pour lesquelles il a été installé, malgré l’existence d’une possible contre-pente;

[39]           Les Bénéficiaires n’ont pas présenté une preuve prépondérante de l’existence d’une malfaçon au système d’évacuation des eaux (drain français et pluvial) de la Maison, justifiant ainsi le Tribunal à rejeter leur demande d’arbitrage;

LES FRAIS D’ARBITRAGE

[40] S’autorisant de la discrétion prévue à l’article 123 du Règlement, le Tribunal ordonne que les frais du présent arbitrage soient à la seule charge de l’Administrateur. 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;

ORDONNE que les frais d’arbitrage soient payés en totalité par l’Administrateur.

À Montréal, le 18 décembre 2020

 

Me Pierre Brossoit, arbitre