ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier no : GAMM : 2016-16-005
QH : 76945-9981
ENTRE :
PAMÉLA MÉNARD ET MARC DOYON
(ci-après appelés les « Bénéficiaires »)
ET
3858081 CANADA INC. (LES MAISONS DOMINUS)
(ci-après appelé l’ « Entrepreneur »)
ET
LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
(ci-après appelé l’« Administrateur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Karine Poulin
Pour les Bénéficiaires : Me Jacinthe Savoie
Pour l’Entrepreneur : Absent
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Date d’audience : 18 juillet 2016
Date de la sentence : 15 août 2016
SENTENCE ARBITRALE
I
LE RECOURS
[1] Les Bénéficiaires contestent en vertu des articles 106 et suivants du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (ci-après appelé le « Règlement ») la décision de l’Administrateur rendue le 14 mars 2016 dans le dossier de conciliation 9981 et qui se lit comme suit :
En vertu du texte de garantie, La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître les points 1 à 3 pour les raisons données à leur suite respective :
Les bénéficiaires nous mentionnent avoir dénoncé (voir note A) la situation suivante :
· Commentaires des bénéficiaires au moment de l’inspection
Les bénéficiaires me mentionnent que le revêtement extérieur en fibre de bois se détériore, il gondole et la peinture écaille.
· Constatations du conciliateur
Lors de notre visite, nous avons fait les observations suivantes :
Ø Sous la fenêtre du mur latéral gauche, il y a une section du revêtement qui est gondolée.
(…)
Ø Il y a des traces de coulisse d’eau sur la fondation et au-dessus d’une fenêtre de la façade.
(…)
Ø L’espace de ventilation est variable et restreint à la base du revêtement de fibre de bois usiné.
(…)
Ø L’humidité des moulures a été mesurée avec un hygromètre J-lite et les résultats sont de 30% ou plus.
Ø Les moulures sont gonflées par l’humidité et la peinture est écaillée.
(…)
Ø Les scellants n’offrent plus une bonne protection contre les intempéries.
(…)
Ø À une distance de 6m le revêtement de bois usiné est d’apparence normal.
(…)
Extrait du manuel du propriétaire et guide d’entretien de Qualité Habitation :
(…)
Extrait du guide de garantie résidentielle fourni par la Régie du bâtiment dont voici le lien :
(…)
· Décision
Considérant mes observations ;
Considérant qu’un entretien du revêtement extérieur est recommandé ;
Considérant qu’il est recommandé de reprendre les scellants tous les deux ans ;
Considérant que la méthode d’installation du revêtement de bois usiné était visible, par une personne compétente, dès la réception de l’immeuble. (Espace de ventilation, joint des planches avec scellant, larmier). Les malfaçons sont garanties la première année ;
Considérant que l’installation d’un revêtement extérieur de qualité inférieure, dont l’usure est prématurée par rapport à un produit similaire, peut être considéré comme un vice-caché garanti 3 ans ;
Considérant la présence d’un pare-intempérie, qui est le deuxième plan de protection, la structure et l’isolation du bâtiment n’est pas affecté par la dégradation prématurée du revêtement de bois usiné. Le pare-intempérie constitue une barrière étanche à l’eau et à l’air.
Considérant que les travaux exécutés sur des bâtiments similaires dans le quartier ont démontrés qu’il n’y a pas eu de manque d’étanchéité ni de dommages aux autres éléments du bâtiment. Les réparations exécutées ont été le remplacement de quelques fourrures, l’installation d’un nouveau revêtement extérieur et de nouvelles moulures. Pour assurer une bonne ventilation, une grille de ventilation a été installée à la base du revêtement extérieur.
Considérant que la valeur des travaux de remplacement du revêtement de bois usiné représente près de 6% de la valeur du bâtiment.
Considérant que, lorsque le revêtement extérieur, qui est le premier plan de protection, est retiré, le bâtiment peut être utilisé et il n’y a pas de risque de causer des dommages au bâtiment pendant la durée des travaux.
La situation n’ayant pas été dénoncé (sic) par écrit à l’entrepreneur et à La garantie Qualité-Habitation dans les 3 ans suivant la prise de possession de la résidence par le premier acheteur, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice de construction au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec et pour laquelle l’article 6.4.2.5 du contrat de garantie obligatoire de maison neuve s’applique et dont voici l’extrait:
La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
Or, selon ce qu’il nous a été possible de constater lors de notre inspection, ce point ne peut être considéré comme un vice de construction pouvant entraîner la perte partielle ou totale de l’unité résidentielle.
Par conséquent, La garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat.
[2] Lors de la visite des lieux ainsi qu’à l’audience, les Bénéficiaires ont déclaré maintenir leur demande quant au point 1 et se désister de leur demande quant au point 2 (décision sur ce point non reproduite ci-haut). C’est donc uniquement sur la contestation relative au point 1 que le Tribunal se prononce et il donne acte aux Bénéficiaires de leur désistement quant au reste.
[3] L’Entrepreneur étant en faillite, il n’a pas participé à l’arbitrage et son syndic a indiqué qu’il n’entendait pas prendre part au débat de sorte que l’audition s’est tenue en présence de l’Administrateur et des Bénéficiaires seulement.
II
LES FAITS
[4] Le 29 juin 2011, les Bénéficiaires ont procédé à la réception de leur propriété située rue [...] à Beloeil. À cette date, le revêtement extérieur n’était pas encore installé.
[5] Le 19 novembre 2014, les Bénéficiaires dénoncent à l’Administrateur une situation qu’ils estiment anormale en lien avec la présence abondante d’eau dans les fenêtres, l’espacement des joints entre les planches du revêtement extérieur ainsi qu’un problème d’affaissement du palier de pavé-uni. Il s’agit du dossier de conciliation numéro 8400. Par une décision du 5 mars 2015, l’Administrateur a refusé de reconnaître ces 3 points et les Bénéficiaires n’en ont pas appelé de cette décision.
[6] Par la suite, le 11 janvier 2016, les Bénéficiaires font une nouvelle dénonciation écrite portant sur une aggravation de la situation traitée dans la décision du 5 mars 2015 relative au revêtement extérieur, sur l’apparition de fissures à la fondation et un problème de taches de rouille. L’Administrateur ouvre un nouveau dossier et celui-ci porte le numéro 9981. Cette dénonciation fait l’objet d’une inspection par l’Administrateur le 24 février 2016 et la décision est rendue le 14 mars 2016. C’est de cette décision dont les Bénéficiaires en appellent.
[7] Parallèlement à ce qui précède, le 18 février 2016, les Bénéficiaires communiquent avec l’Administrateur pour apporter une précision à leur dénonciation du 11 janvier 2016 en relation avec un problème de condensation aux fenêtres. Ce point est considéré par l’Administrateur comme faisant partie du premier dossier de conciliation portant le numéro 8400 et fait l’objet d’une décision distincte de celle dont appel bien qu’également datée du 14 mars 2016. Les Bénéficiaires n’en ont pas appelé de cette décision.
III
LA PREUVE
Bénéficiaires
[8] Madame Ménard, Bénéficiaire, témoigne avoir procédé à la réception de sa propriété le 29 juin 2011. Elle indique qu’à cette date, le revêtement extérieur n’était pas fait. Selon son souvenir, le revêtement a été installé en automne seulement.
[9] Elle explique les événements ayant menés à sa première dénonciation en novembre 2014 ainsi que les décisions rendues.
[10] En ce qui concerne la décision dont le présent Tribunal d’arbitrage est saisi, Madame Ménard explique avoir noté un gonflement marqué des cadrages de fenêtre en janvier 2016 ainsi que l’écaillement de la peinture, le décollement des joints de scellant et la présence de moisissure entre les joints de scellant et les moulures au pourtour des fenêtres. Elle rapporte avoir aussi remarqué que le revêtement extérieur gondole. C’est à la suite de ces constats qu’elle communique avec l’Administrateur d’abord par téléphone et ensuite par écrit le 11 janvier 2016.
[11] Selon son témoignage non contredit, la visite de Monsieur Arès, inspecteur-conciliateur pour l’Administrateur, aurait duré environ une (1) heure. Elle indique que ce dernier a alors pris des mesures d’humidité de l’air ambiant à l’intérieur de la maison, dans les moulures des chambres ainsi que sur les murs intérieurs, vis-à-vis des fissures situées à l’extérieur. Par la suite, Monsieur Arès s’est dirigé vers l’extérieur où il a pris des photos, des mesures des espacements au niveau du revêtement extérieur ainsi qu’entre le revêtement et le solage. L’entièreté de la visite d’inspection s’est déroulée au sol, bien qu’elle ait offert de fournir une échelle. À la fin de l’inspection, Monsieur Arès lui aurait indiqué que s’ils ne faisaient rien, ils auraient de la moisissure et des champignons dans l’année.
[12] Suite à ces propos, elle a entrepris des démarches auprès de différentes firmes afin de faire procéder à une expertise de sa propriété. Elle a toutefois attendu de recevoir la décision de l’Administrateur avant de donner le mandat à Burex, experts-conseils en bâtiments.
[13] En mars 2016, Monsieur Christian Breton de la firme Burex se présente à son domicile pour dresser un constat sommaire de la situation. Elle indique que la visite de Monsieur Breton a été longue.
[14] Par la suite, elle dit avoir changé d’idée quant au mandat confié et qu’elle ne voulait plus un constat sommaire mais plutôt une expertise en bonne et due forme. Elle rappelle alors Burex pour informer Monsieur Breton de sa décision. Compte tenu que Monsieur Breton travaille aussi pour l’Association de la construction du Québec (ACQ) et pour éviter tout conflit d’intérêt, c’est Monsieur Sylvain Brosseau qui reprend le dossier et procède à l’expertise demandée.
[15] Elle rapporte que, lors de la visite de Monsieur Brosseau, Pierre Tessier est également présent. Pierre Tessier est un entrepreneur et un ami de la famille. Sa présence se justifie pour le montage d’échafauds afin de permettre à l’expert de travailler en hauteur ainsi que pour prêter assistance lors du retrait des matériaux et leur remise en place. Par ailleurs, informé que Monsieur Tessier est un ami de la famille, Monsieur Brosseau lui a indiqué que Monsieur Tessier ne devait retirer aucun matériau hors sa présence et cette information a été transmise à Monsieur Tessier.
[16] Elle dépose enfin les factures de Burex et de Pierre Tessier. Elle indique que Monsieur Brosseau n’a pas effectué le même travail que Monsieur Breton et qu’elle n’a pas été facturée pour le travail de Monsieur Brosseau alors qu’il vérifiait l’exactitude des informations consignées par Monsieur Breton au dossier. Enfin, elle affirme avoir payé la totalité des factures qu’elle dépose.
[17] En contre-interrogatoire, elle indique que Monsieur Breton n’a pas rédigé de document distinct mais plutôt que les informations consignées par Monsieur Breton et vérifiées par Monsieur Brosseau se retrouvent dans le seul document déposé en preuve, soit l’expertise signée de Monsieur Brosseau.
[18] Par la suite, le Tribunal entend Monsieur Sylvain Brosseau qu’il reconnaît comme témoin expert.
[19] Monsieur Brosseau indique que son mandat consistait à vérifier l’état du revêtement extérieur et de vérifier s’il y a présence de vice de construction, la cause et les conséquences.
[20] Il explique que le 2 mai 2016, avant de procéder à sa visite d’inspection, il a révisé le dossier avec Monsieur Breton afin de valider ses observation et ses appréciations. Les photos 1 à 5 contenues au rapport sont celles prises par Monsieur Breton. Par ailleurs, il confirme avoir refait les vérifications faites par Monsieur Breton aux fins de préparer son rapport et ne pas avoir facturé les Bénéficiaires pour cette portion du travail qui avait déjà été faite par Monsieur Breton et facturée.
[21] Lors de son témoignage, Monsieur Brosseau reprend chacune des photos contenues au rapport, les siennes et celles de Monsieur Breton, et les commente longuement en expliquant les éléments qui sont déficients.
[22] Lors de son témoignage, Monsieur Brosseau indique que le revêtement extérieur constitue le premier plan de protection du bâtiment et qu’il est normal que l’eau le traverse. Par ailleurs, il insiste sur l’importance des composantes du second plan de protection et ceux situés entre les deux (2) plans afin de permettre le drainage gravitaire des eaux.
[23] À ce titre, il indique notamment que la présence des solins à certains endroits spécifiques est nécessaire de même que leur bon positionnement par rapport aux autres éléments que constituent les fourrures et la membrane pare-intempéries. Son témoignage traite également du positionnement de ces autres matériaux les uns par rapport aux autres, de l’importance de poser ou de s’abstenir de poser, à certains endroits, des joints de scellant.
[24] En l’espèce, plusieurs solins sont absents, la membrane pare-intempéries n’est pas continue par endroit, les fourrures sont posées, à plusieurs endroits, à l’horizontal plutôt qu’à la vertical empêchant ainsi le bon égouttement des eaux. Par ailleurs, l’espace entre le revêtement extérieur et le solage est insuffisant. Il y a également présence de scellant à des endroits où il n’est pas recommandé d’en mettre bloquant ainsi l’écoulement des eaux. Il note également la présence de « ruban gommé rouge » qui n’est pas un matériau de construction et ne peut servir à faire adhérer ensemble des matériaux de façon permanente. L’usage de ce ruban gommé peut être faite mais uniquement à des fins temporaires.
[25] Il commente également le gondolement anormal du revêtement extérieur, l’absence de peinture au bout des planches du revêtement permettant ainsi à l’eau de pénétrer et de gonfler le matériau, la présence de moulures gorgées d’eau lesquelles peuvent atteindre jusqu’à 1,5 fois leur volume original, les fourrures noircies par l’humidité et la moisissure, l’apparition de coulisses jaunes sur le mur du solage, signe que les moisissures sont présentes derrière le revêtement. Il indique aussi que les taux d’humidité prélevés sont nettement supérieurs à ce qui est normal et acceptable. Il indique que les taux normaux sont de 10 % à 12 % et moins
[26] En somme, son témoignage est à l’effet que le bâtiment des Bénéficiaires ne possède pas de plan de drainage efficace.
[27] Il témoigne longuement sur la question du revêtement extérieur, à l’arrière de la maison, près de la galerie, et du plan de drainage à cet endroit. Selon ce qu’il indique, le mauvais positionnement des matériaux les uns par rapport aux autres et l’absence de solin conforme fait en sorte que l’eau qui pénètre derrière le revêtement extérieur s’égoutte mal, s’accumule derrière le revêtement et pénètre les matériaux de construction.
[28] De plus, vu le positionnement des matériaux et le blocage de l’égouttement des eaux, il est possible que la solive de rive située à l’intérieur de la maison soit affectée. S’il s’avérait que ce soit le cas, il est également probable que les poutrelles le soient aussi. Ceci, en soi, peut affecter la solidité du plancher de la maison, en plus de constituer un risque d’infestation par les fourmis charpentières.
[29] Enfin, il indique aussi que la construction n’est pas conforme au Code national du bâtiment[2], que le travail a manifestement été bâclé et frôle « l’amateurisme ».
[30] Il conclut en indiquant que les conséquences de cette construction déficiente sont que la durée de vie utile du revêtement extérieur est grandement diminuée, certaines fourrures sont déjà affectées par la moisissure, la structure du bâtiment se dégrade, il y a possibilité de contamination fongique au niveau du bâtiment ainsi qu’au niveau de la qualité de l’air.
[31] Selon lui, pour corriger la situation, il est nécessaire de retirer la totalité du revêtement extérieur, remplacer les fourrures et autres matériaux affectées par l’humidité et la moisissure, réparer le plancher en porte-à-faux et installer des soffites à cet endroit, remplacer la membrane pare-intempéries si endommagée, installer des solins, remettre de nouvelles membranes pare-intempéries, étanchéifier l’enveloppe du bâtiment, prolonger les fourrures là où nécessaire, remettre un nouveau revêtement extérieur, réparer la toiture là où nécessaire (à la jonction des murs), retirer la galerie arrière afin de procéder aux réparations requises, voir à réparer ou remplacer les solives de rive et vérifier l’état des poutrelles. Advenant que les poutrelles soient affectées, il sera alors nécessaire de travailler de l’intérieur de la maison en raison de la présence d’uréthane ce qui entraînera des travaux supplémentaires de remise en état des lieux.
[32] Il confirme que Monsieur Breton n’a pas émis de rapport séparé du sien et que les factures ont toutes été payées. Quant à sa présence à l’audition, il faut compter 9,5 heures au taux de 135 $ l’heure. Il confirme aussi que Monsieur Tessier n’a pas retiré de matériau hors de sa présence.
[33] En contre-interrogatoire, il réitère que les photos 1 à 5 sont celles de Monsieur Breton et que les autres sont les siennes. Il admet par ailleurs que les photos des fenêtres prises en hiver ne sont pas de lui mais bien des Bénéficiaires.
[34] En ce qui concerne le problème de toiture à la jonction des murs (photos 9 et 10 de la p. 5/28 et photo 5 de la p. 8/28), il confirme qu’il doit y avoir un dégagement de 2 pouces entre le bardeau d’asphalte et le mur et qu’à défaut, l’eau s’accumule à l’arrière pouvant ainsi causer des dommages. Par ailleurs, il admet n’avoir pris aucune mesure du taux d’humidité à cet endroit précis. Il justifie toutefois son omission par le fait que les dommages seront causés non pas à cet endroit précis mais plutôt quelques pouces plus bas, derrière le mur, et non pas sous le bardeau lui-même. Il est peu probable que le contre-plaqué sous le bardeau soit affecté.
[35] Il admet aussi que son rapport ne contient aucune image démontrant une ouverture par laquelle on pourrait observer le phénomène décrit ci-dessus.
[36] Par la suite, il est interrogé sur la date d’installation du revêtement extérieur. Il admet ne pas connaître la date exacte à laquelle le revêtement a été installé mais dit que selon les Bénéficiaires, il aurait été installé à l’automne 2011. Il est d’accord avec le procureur pour dire que le bâtiment a été livré avec pour seul recouvrement le papier Tyvek et il est également d’accord avec lui pour dire qu’il est de bonne pratique d’installer des fourrures par-dessus le papier Tyvek lorsque le bâtiment est livré ainsi.
[37] Interrogé sur les photos 1 et 2 (p. 6/28) et sur la photo 14 (p. 14/28), il indique avoir pris le taux d’humidité sous la moulure, sur le revêtement extérieur pour les photos 1 et 2 alors que la mesure sur la photo 14 a été prise sur la moulure recouvrant le revêtement extérieur. Les taux d’humidité varient entre 36 et 40 %. Toutefois, il indique que ces photos n’ont pas été prises au même endroit sur le bâtiment.
[38] Quant au plancher en porte-à-faux, il n’a pas non plus pris de mesure du taux d’humidité car selon lui, la vue du bois noirci est suffisante pour conclure à la présence d’eau. De plus, il indique qu’à cet endroit, ce ne sont pas des fourrures qui sont noircies mais bien des éléments structuraux.
[39] Quant au papier noir qui recouvre la fourrure située horizontalement au-dessus de la fenêtre (photo 2a, p. 6/28), il convient qu’il aurait pu servir de solin. Cependant, comme il a été posé par-dessus la fourrure et au-dessus de la moulure, son installation ne permet pas de le considérer comme un solin. Pour pouvoir le considérer à ce titre, le papier noir aurait dû être installé de manière à ce qu’une partie remonte derrière la membrane pare-intempéries laquelle doit elle-même être installée derrière les fourrures et au-dessus de la moulure.
[40] Par ailleurs, il confirme avoir enlevé le papier noir qui recouvre la fourrure horizontale et avoir noté que ladite fourrure était intacte. Selon ses dires, il est normal qu’elle soit intacte puisqu’elle était recouverte de papier noir. Il pointe toutefois la fourrure verticale installée juste au-dessus de cette fourrure horizontale laquelle est toute noircie en raison de la présence d’eau. Il admet néanmoins ne pas avoir retiré la fourrure qui était recouverte de papier noir afin de prendre une mesure du taux d’humidité immédiatement derrière celle-ci.
[41] Quant au papier Tyvek non continu, il admet ne pas avoir pris de mesure du taux d’humidité afin de supporter son affirmation relative à l’accumulation d’eau. Par ailleurs, il soutient qu’il est peu pertinent de connaître le taux d’humidité, la discontinuité du papier en soi est problématique puisque la structure est ouverte et laisse pénétrer l’air.
[42] En ce qui concerne la galerie arrière, le témoin indique que parce que le solin est installé par-dessus les fourrures sans qu’une partie du solin remonte derrière la membrane pare-intempéries, l’eau qui traverse le revêtement extérieur et qui descend par gravité pénètre derrière le solin et descend directement sur la solive de rive de la maison plutôt que de passer par-dessus le solin et s’égoutter à l’extérieur du bâtiment. En somme, il indique que la solive de rive de la maison doit être remplacée et être recouverte d’un solin métallique (puisque ce dernier servira aussi à fixer la galerie à la maison), lequel solin doit ensuite être chevauché par la membrane pare-intempéries par-dessus laquelle on ajoute la fourrure et enfin, le revêtement extérieur.
[43] Sur la question plus fondamentale de savoir ce qui arrive en cas de mauvaise ventilation entre les deux (2) plans de protection du bâtiment, le témoin explique que la mauvaise ventilation favorise la rétention d’eau, la condensation, l’ondulation des matériaux et que tous ces éléments favorisent la dégradation des matériaux composants la structure du bâtiment. La rétention d’humidité provoque la moisissure. Il ajoute que le papier Tyvek n’est pas parfaitement étanche et que l’humidité peut pénétrer à travers le papier. La présence continue d’humidité fait pourrir et noircir le bois et donc, il peut y avoir formation de moisissure à l’intérieur de la structure du bâtiment.
[44] Il ajoute qu’en présence de fourrures installées à l’horizontal plutôt qu’à la verticale, lorsque le bâtiment n’est pas encore recouvert de son revêtement extérieur, la présence du vent et de la chaleur assèche les eaux de pluie et les matériaux de sorte que la situation n’est pas aussi problématique. Il en va autrement lorsque le revêtement extérieur est installé et que l’eau stagne sur les fourrures horizontales et reste collée au papier Tyvek. Dans ce cas, tant le papier Tyvek que les fourrures sont affectés.
[45] À la page 12/28, il y a présence d’une fourrure horizontale. Il admet ne pas avoir retiré la fourrure pour voir l’état du papier derrière et prendre une mesure du taux d’humidité à cet endroit. Par contre, il note la présence de clous corrodés et des cernes sur le bois qui indiquent la présence d’humidité.
[46] En fin de contre-interrogatoire, il indique qu’il est vrai qu’il aurait pu prendre des mesures de taux d’humidité à plusieurs endroits où il ne l’a pas fait mais justifie sa décision par la présence d’autres indices qui rendent non nécessaires la prise de ces mesures.
[47] Il confirme que les fourrures, à plusieurs endroits, n’ont pas de fonction structurale et qu’elles servent plutôt à séparer le revêtement extérieur de la structure du bâtiment afin de créer le plan de drainage. Il admet qu’au pourtour des fenêtres, les fourrures n’ont pas de fonction structurale mais il ajoute qu’elles sont toutefois collées aux linteaux qui eux sont structuraux.
[48] Au niveau du plancher en porte-à-faux ce ne sont pas des fourrures noircies que l’on voit mais bien des éléments structuraux.
Administrateur
[49] Monsieur Michel Arès, inspecteur-conciliateur, est l’auteur de la décision dont appel et il témoigne pour l’Administrateur.
[50] Il réitère, pour l’essentiel, la succession des événements et des décisions rendues, tel que relatés par la Bénéficiaire.
[51] Quant au contenu de son rapport à proprement dit, il indique avoir noté la présence de traces jaunes sur le solage. Selon lui, il s’agit de condensation qui se forme en hiver et coule lors de redoux de température comme il est courant d’en voir l’hiver depuis quelques années. Il ignore si celles-ci sont le résultat de scellants non étanches. Il confirme avoir vu la présence de cernes de gouttes d’eau au-dessus d’une fenêtre de façade. Il comprend que de l’eau pénètre derrière le revêtement et coule sur le pare-intempéries et sur le solin membrané (fourrure recouverte de papier noir). Il indique que selon lui, l’eau s’écoule par le bas de la moulure. Il confirme n’avoir fait aucune ouverture lors de son inspection.
[52] Il confirme les dires de Monsieur Brosseau qui affirme que la ventilation est restreinte au bas du revêtement, soit que l’espace entre le revêtement extérieur et le solage est insuffisant.
[53] En ce qui concerne les taux d’humidité qu’il a relevés, il précise que son appareil est limité à un taux d’au plus 30 % d’où la mention dans son rapport que « les résultats sont de 30 % ou plus ». Il confirme que ce taux est trop élevé et devrait être inférieur à 20 %. Il confirme que les moulures gorgées d’eau atteigne 1,5 fois leur volume original dans les pires cas. Il indique que vu l’écaillement de la peinture des moulures, il est possible que l’eau pénètre et traverse les moulures.
[54] En ce qui concerne la référence à ses observations à une distance de six (6) mètres, il indique que c’est la norme que les inspecteurs-conciliateurs se sont donnés afin d’évaluer l’apparence générale d’un bâtiment vu de l’extérieur. Cette norme apparaît dans le guide de l’APCHQ. Il indique que selon lui, à une distance de six (6) mètres, l’apparence générale du bâtiment est correcte.
[55] Commentant le rapport de Monsieur Brosseau, il indique que selon lui, il existe un plan de drainage derrière le revêtement extérieur. Il dit n’avoir vu aucune détérioration après cinq (5) ans au niveau de la jonction du mur et du toit. Il ajoute que la compagnie St-Laurent indique que l’espacement doit être d’un demi-pouce et non de deux (2) pouces comme le prévoit le Code national du bâtiment.
[56] Sur les scellants craquelés entre les planches du revêtement extérieur, il indique qu’il est normal de refaire les scellants après cinq (5) ans.
[57] Quant aux fourrures horizontales, il remet un agrandissement d’un dessin contenu au rapport de Monsieur Brosseau (p. 24/28) et dit que la compagnie St-Laurent indique de poser les fourrures horizontalement autour des fenêtres mais en laissant un espace entre les fourrures horizontales et les fourrures verticales. Selon lui, la fourrure recouverte de papier noire est comme celle sur le dessin du fabricant mais qu’il manque l’espace entre celle-ci et celle verticale d’où la présence de moisissure sur la fourrure verticale.
[58] Par ailleurs, la discontinuité dans la membrane pare-intempéries est fréquente. Il s’agit alors de fermer avec du polyuréthane. Il ajoute d’ailleurs que l’ouverture n’est pas très large, soit environ 1,5 pouce malgré ce qui peut paraître sur la photo.
[59] Pour ce qui concerne la présence de « ruban gommé rouge » mentionnée par Monsieur Brosseau, il indique qu’une entreprise pour laquelle il a longtemps travaillé en met toujours entre les solins et la membrane pare-intempéries mais qu’aujourd’hui il est de mise de sceller avec du polyuréthane.
[60] Quant à la conclusion de Monsieur Brosseau concernant la présence d’un scellant à la jonction du revêtement St-Laurent et de la brique, il se dit en accord avec ses conclusions à l’effet que le scellant empêche toute possibilité d’évacuation des eaux à cet endroit. Par contre, il dit que les fourrures continuent derrière le parement de brique de sorte que l’eau peut s’égoutter par les chantepleures qui se trouvent au bas d’où la présence d’un espace d’air continu. Il admet toutefois qu’un solin est nécessaire à la jonction, comme l’indique Monsieur Brosseau.
[61] Relativement au plancher en porte-à-faux, il est d’accord avec Monsieur Brosseau que la construction actuelle ne permet pas l’écoulement de l’eau. Par contre, il est en désaccord avec la conclusion selon laquelle l’eau s’accumule sous le plancher. Il indique que forcément, l’eau va s’écouler par quelque part. Il se dit d’avis que l’eau va éventuellement rejoindre le plan de drainage de la maison pour s’égoutter.
[62] Il indique aussi que les fourrures présentes au plancher en porte-à-faux ne sont pas de nature structurale. Selon lui, le pare-intempéries est de nature structural et les fourrures sont là pour permettre le clouage du « capage » d’aluminium seulement. Ainsi, contrairement à Monsieur Brosseau, il dit que ce qui est noir, ce sont des fourrures et non des éléments structuraux.
[63] Appelé à commenter les « considérant » de sa décision, il dit s’être basé sur ses observations visuelles et ses instruments de mesure. Il ajoute aussi que la mention relative à l’entretien du bâtiment réfère au manuel du propriétaire et guide d’entretien de Qualité habitation et dont un extrait est inséré à la page 8 de sa décision. Ce point est spécifique aux scellants et à la peinture écaillée.
[64] Quant à la mention relative à la méthode d’installation du revêtement et aux malfaçons apparentes, il rappelle l’importance de l’inspection pré réception d’où la mention qu’il en fait dans sa décision appuyée par un extrait du guide de garantie résidentielle fourni par la Régie du bâtiment du Québec. Ainsi, il indique que plusieurs malfaçons étaient visibles pour un œil avisé et ce, dès la réception du bâtiment et que dès lors, elles auraient dû être dénoncées. Il admet toutefois que ces malfaçons ne sont pas visibles pour un bénéficiaire ne possédant aucune connaissance dans le domaine.
[65] Il indique que la mention relative à la qualité inférieure du revêtement St-Laurent par rapport à son compétiteur CanExel est basée sur le fait que la loi prévoit qu’un acheteur qui aurait su que le matériau était de moins bonne qualité n’aurait pas payé aussi cher.
[66] Quant à la membrane pare-intempéries, il considère qu’elle protège adéquatement la structure du bâtiment. Il précise que pour que l’eau pénètre cette membrane, il doit y avoir une pression de l’eau sur la membrane. Il souligne l’importance de l’équilibrage des pressions. Selon lui, la présence des fourrures empêche que l’eau exerce une pression sur la membrane pare-intempéries.
[67] En ce qui concerne la mention du développement [...], il dit s’être fié à l’expérience de l’Administrateur dans ce développement de Beloeil. Par ailleurs, il souligne que la valeur des travaux correctifs peut avoir une influence sur la manière de qualifier un vice, à savoir s’il s’agit d’un vice caché ou d’un vice de construction. Il s’agit de son interprétation de ce qu’il a lu en jurisprudence. Selon lui, la valeur des travaux correctifs est de l’ordre de 14 000 $ à 15 000 $ et n’est pas suffisante pour conclure à un vice de construction.
[68] Enfin, quant à son dernier « considérant » relatif à l’utilisation possible d’un bâtiment laissé sur le papier Tyvek, il indique que le revêtement extérieur qui constitue la protection de premier plan n’est pas essentiel et que son rôle est purement esthétique. Il ajoute que le revêtement extérieur joue un rôle de parapluie, qu’il n’est pas destiné à étanchéifier le bâtiment, qu’il n’a pas de rôle structural et n’a aucun impact sur l’isolation. Par contre, il est essentiel à la protection du second plan de protection.
[69] En terminant son interrogatoire, le témoin indique qu’il est vrai que les moulures sont gonflées, portent des moisissures et champignons et que l’installation du revêtement extérieur est déficiente. Il ajoute toutefois que le bâtiment pourrait être encore plus détérioré à l’heure actuelle. De plus, il indique que la détérioration va progresser pour s’arrêter aux fourrures. À ce point, les clous «vont lâcher» et le revêtement va tomber mais tous les problèmes se situent à l’extérieur du pare-intempéries ce qui suffit à protéger le bâtiment d’où sa conclusion qu’il ne s’agit pas d’un vice de construction.
[70] Sur les mesures correctives proposées par Monsieur Brosseau, il se dit généralement en accord. Il indique la nécessité de retirer le revêtement, remplacer les fourrures endommagées et retirer les fourrures horizontales pour assurer un bon plan de drainage. Il couperait aussi les fourrures verticales juxtaposées aux fourrures horizontales pour laisser circuler l’air. Il ajouterait aussi du polyuréthane au pourtour des fenêtres. Il dit qu’il faudrait s’assurer que les solins sont présents et biens faits et s’assurer de la méthode d’installation du revêtement. Aussi, les moulures présentement clouées par-dessus le revêtement ne font pas l’objet de règles de l’art ni de recommandation de la part du fabricant. Par contre, il faut s’assurer d’un solinage adéquat.
[71] Suivant une question du Tribunal à savoir s’il y a ou non des solins au pourtour des fenêtres, il indique qu’il y a des solins présentement aux fenêtres, soit les fourrures recouvertes de papier noir. Selon lui, il n’y a eu aucune infiltration d’eau, signe qu’ils font leur travail. De plus, les solins ne portent aucune marque qui laisserait présager d’un manque d’étanchéité.
[72] Quant au plan de drainage du mur arrière de la maison, soit près de la galerie, il indique que le revêtement extérieur est installé sur les fourrures. Il rappelle la visite des lieux au cours de laquelle il dit avoir noté que la solive de rive de la galerie du balcon est recouverte d’aluminium et que celle-ci est attachée à la maison par sa jonction sur la fourrure qui elle-même est installée par-dessus le pare-intempéries.
[73] Il dit qu’il n’a vu aucun solin à cet endroit lors de la visite des lieux puisque l’ouverture a été faite à côté de la porte-patio et non en-dessous et qu’en conséquence, aucun solin n’était nécessaire. Sous la porte-patio, il dit espérer qu’il y a un solin.
[74] Questionné sur le lieu d’écoulement des eaux à cet endroit, il dit que l’eau s’écoule derrière le revêtement extérieur, dans la cavité des fourrures.
[75] Par ailleurs, à cet endroit, la fourrure est horizontale et il dit qu’il faudrait la retirer puisqu’elle n’est pas située sous la porte-patio, donc sous une ouverture.
[76] Par la suite, le Tribunal montre au témoin les photos prises lors de la visite des lieux lesquelles démontrent que l’ouverture a été faite sous la porte-patio, soit à l’endroit où le témoin a dit qu’il espérait qu’il y avait présence d’un solin. Le témoin admet alors que oui, il est vrai que de l’eau peut s’accumuler sur la fourrure. Il ajoute néanmoins qu’avec ce qui a été observé lors de la visite, les dommages possibles sont situés à l’extérieur du bâtiment et non à l’intérieur. Il explique longuement la méthode d’installation de la galerie qui, selon lui, représente la pratique générale dans l’industrie à savoir qu’on recouvre les fourrures d’un solin et que c’est dans ces fourrures que la solive de rive du balcon est vissée et non dans la solive de rive de la maison.
[77] Il termine en disant que même en ayant le bénéfice des photos prises par Monsieur Brosseau, ce qu’il n’avait pas au moment de son inspection en février, il rendrait la même décision.
[78] En contre-interrogatoire, il indique que bien que l’inspection pré réception ne doive pas obligatoirement être faite par un professionnel, il est fortement recommandé de le faire. Il précise toutefois que l’absence de dénonciation au moment de la réception ne constitue pas un motif de sa décision.
[79] Quant à la présence d’un plan de drainage, il affirme qu’il y a bel et bien un plan de drainage mais que celui-ci est déficient.
[80] Sur la question de la fourrure recouverte de papier noir qu’il qualifie de solin, il ne peut dire s’il est adéquat et conforme aux règles de l’art, ignorant de quelle hauteur il remonte derrière le parement. Par ailleurs, il admet qu’il doit être visible de l’extérieur, ce qu’il ne peut dire à la vue des photos.
[81] Quant au papier Tyvek, il indique que sa durée de vie lorsque non recouvert d’un parement extérieur est de six (6) mois en raison de l’exposition aux rayons UV. Il admet que le papier Tyvek doit être continu.
[82] Sur la question des fourrures horizontales, il reprend le dessin du fabricant et dit que le fabricant recommande la pose de fourrure à l’horizontal aux 16 pouces sur toute la hauteur du mur. Par contre, personnellement, il ne recommanderait pas la pose de fourrure à l’horizontal.
[83] Il admet que le Code national du bâtiment a préséance sur les recommandations du fabricant mais il précise que le Code est muet en ce qui concerne la pose des fourrures.
[84] Pour le solinage, il confirme que le Code prévoit la pose de solin au-dessus des fenêtres.
[85] Il admet que le plan de drainage est inadéquat et que les conséquences sont un taux d’humidité supérieur à la moyenne dans la cavité drainante. Accusé de minimiser les conséquences de l’impact de l’absence de solin et la mauvaise ventilation, il dit qu’il ne minimise rien du tout mais qu’il tente de qualifier le vice qu’il observe. Selon lui, il s’agit d’un vice caché puisque le plan de drainage existe, malgré qu’il soit déficient.
[86] Sur la question de l’écoulement des eaux au plancher en porte-à-faux, il dit que l’eau rejoindra le plan de drainage de la maison lorsque la cavité d’une épaisseur de trois quart de pouce sera pleine. Puisque l’eau ne peut monter, forcément, elle descendra.
[87] Quant à l’eau sous la porte patio, il dit qu’elle ruisselle sur le cadrage de la porte et tombe sur le balcon. Si l’eau est à côté de la porte, elle ruisselle derrière le revêtement extérieur, sur le pare-intempéries et elle se « bute » ensuite sur la fourrure horizontale. Par la suite, l’eau va se frayer un chemin, s’imbiber quelque part. Il ne sait pas où l’eau ira mais il indique que la fourrure ne fait pas tout le tour du bâtiment. Il ignore toutefois à quel endroit s’arrête la fourrure.
Bénéficiaires - contre-preuve
[88] Suite au témoignage de Monsieur Arès, les Bénéficiaires administrent une contre-preuve. Monsieur Brosseau témoigne donc de nouveau.
[89] Sur la question de la galerie arrière, il indique que la solive de rive du balcon ne peut être fixée sur les fourrures comme l’indique Monsieur Arès. Elle doit être fixée dans la solive de rive de la maison. De fait, la solive de rive de la maison doit être doublée, puis recouverte d’un solin métallique qui remonte au-dessus de la solive. Le solin métallique doit remonter derrière la membrane pare-intempéries. On ajoute ensuite des fourrures verticales puis du revêtement extérieur de sorte que l’eau ne puisse pénétrer à l’intérieur du bâtiment.
[90] La solive de rive du balcon est alors fixée dans celle de la maison. Les solives de rive sont de nature structurale et font partie de l’intégrité du bâtiment. Chez les Bénéficiaires, le solin d’aluminium recouvre probablement la solive de rive du balcon (et non celle de la maison ni les fourrures) mais vu son installation, l’aluminium ne fait pas office de solin. L’eau peut pénétrer derrière la pièce en aluminium qui recouvre la solive du balcon et non celle de la maison, et qui plus est ne remonte pas derrière la membrane pare-intempéries et affecter la structure du bâtiment.
[91] En contre-interrogatoire, il maintient sa position quant à l’installation du revêtement à l’arrière de la maison et ajoute que les explications de Monsieur Arès ne sont pas plausibles.
[92] Il ignore à quel moment a été installé le balcon mais il indique que le balcon est habituellement installé après le revêtement, étant compris que les ouvriers prévoient la pose des solins lors de la construction initiale, en vue de l’installation ultérieure du balcon.
Administrateur - contre-preuve
[93] L’Administrateur administre également une contre-preuve. À cet effet, il fait entendre de nouveau Monsieur Arès.
[94] Monsieur Arès indique qu’il est peu fréquent de doubler une solive de rive comme le soutient Monsieur Brosseau quoique cela puisse être idéal. Selon lui la situation observée chez les Bénéficiaires est fréquente en ce qui concerne l’installation du balcon sur les fourrures. Il dit que la solive du balcon est recouverte d’aluminium et vissée dans la solive de la maison en traversant la fourrure, le panneau d’OSB et le papier Tyvek à l’aide de boulons de six (6) pouces de long. Bien que ce soit une pratique courante, il dit que celle-ci est devenue problématique en 2012 avec l’arrivée des nouvelles normes éco énergétiques. En somme, l’installation faite en 2011 était correcte à l’époque mais ne le serait plus aujourd’hui.
[95] Contre-interrogé, il confirme que les boulons utilisés font six (6) pouces de long et ont un diamètre d’un demi-pouce. Il ignore combien il y en a chez les Bénéficiaires mais en général, les boulons sont installés aux 16 pouces de sorte qu’il doit y en avoir environ 12 chez les Bénéficiaires en présumant que la galerie mesure 10 pieds de long.
IV
PLAIDOIRIES
Bénéficiaires
[96] Les Bénéficiaires, qui ont le fardeau de démontrer que la décision de l’Administrateur est erronée, soutiennent que nous sommes clairement en présence d’un vice de construction au sens de l’article 10 (5) du Règlement et de l’article 2118 du Code civil du Québec. Ils indiquent que la jurisprudence interprète largement la notion de « perte de l’ouvrage ».
[97] Ils rappellent que l’inspection de Monsieur Brosseau a été longue, contrairement à celle de Monsieur Arès. Monsieur Arès a d’ailleurs confirmé la durée de son inspection.
[98] De plus, Monsieur Brosseau a utilisé des échafauds, fait des trous exploratoires et pris plusieurs photos. Monsieur Arès, pour sa part, est demeuré au sol et n’a fait aucune ouverture.
[99] Il n’existe aucune contradiction entre les témoignages de Monsieur Brosseau et celui de Monsieur Arès quant à la présence de solins inadéquats et même l’absence de solin par endroit. Il est clair que le plan de drainage est déficient et inefficace.
[100] De fait, les fourrures horizontales empêchent tout écoulement des eaux, en plus de la présence de scellants qui s’assurent eux aussi que l’eau reste emprisonnée entre les deux (2) plans de protection du bâtiment. La présence de moisissure sur certaines fourrures et moulures est évidente. Lors de la visite des lieux, le gondolement et le gauchissement sont évidents. La construction n’est pas conforme au Code national du bâtiment.
[101] Toutefois, Monsieur Arès a soutenu qu’il maintient sa décision même après avoir vu les photos de Monsieur Brosseau, photos dont il ne bénéficiait pas en février 2016 lors de son inspection.
[102] De plus, bien qu’il admette que les solins servent à évacuer l’eau hors du bâtiment et que plan de drainage en l’espèce soit déficient, Monsieur Arès ne remplacerait pas les solins ni la ventilation. Il a plutôt soutenu que la membrane pare-intempéries est suffisante pour protéger le bâtiment. Toutefois, en l’espèce, la preuve a démontré que celle-ci n’est pas continue. De plus, Monsieur Brosseau a bien expliqué l’effet de l’eau qui repose en permanence sur le papier Tyvek. Que dire lorsque le papier Tyvek n’est pas continu? L’argument de Monsieur Arès ne peut survivre ici.
[103] Quant à l’installation du balcon arrière et du revêtement, Monsieur Brosseau a indiqué qu’avec la construction actuelle, l’eau ne s’écoule pas et reste derrière le revêtement.
[104] Par contre, et advenant que Monsieur Arès ait raison, ce qui n’est pas admis, selon le témoignage de ce dernier, la membrane pare-intempéries a été percée à probablement 12 endroits.
[105] Les Bénéficiaires soutiennent que les conséquences de cette construction déficiente sont de nature à affecter la structure du bâtiment notamment au niveau du balcon arrière. Il n’est point nécessaire d’attendre que le bâtiment soit tout pourri : une perte partielle suffit.
[106] En sommes, deux (2) personnes ont inspecté le bâtiment et toutes deux (2) exposent le même problème. Toutefois, pour Monsieur Arès, le problème en est un d’entretien. Or, l’absence ou la pose inadéquate des solins n’est pas un problème d’entretien. Monsieur Arès indique aussi qu’il s’agit d’une malfaçon apparente. Or, tel n’est pas le cas. Quant au problème de revêtement extérieur, Monsieur Arès soutient qu’il s’agit d’un vice caché vu la qualité moindre des matériaux.
[107] En somme, plusieurs motifs invoqués dans la décision se contredisent entre eux. Or, il est impossible que le problème en l’instance soit à la fois un problème d’entretien, une malfaçon apparente et un vice caché.
[108] Quant à Monsieur Brosseau, sa méthode d’analyse est claire, complète et structurée.
[109] Le Tribunal doit s’attarder à la qualité de l’inspection effectuée et, en l’espèce, le présent Tribunal doit s’en référer à l’expertise de Monsieur Brosseau qui est nettement plus complète que l’inspection effectuée par Monsieur Arès. Ils citent la décision de Me Lefebvre qui statue en ce sens[3].
[110] Les Bénéficiaires soutiennent que la jurisprudence est claire à l’effet qu’une perte potentielle ou un problème de nature à rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné suffit[4]. La présence d’un vice susceptible de causer la prolifération de moisissure est suffisante pour considérer que nous sommes en présence d’un vice majeur[5].
[111] En l’instance, la présence de moisissure a été notée aux fourrures, derrière le revêtement (tel qu’en font foi les coulisses jaunes sur le crépi du solage) ainsi qu’au plancher en porte-à-faux.
[112] Par ailleurs, un problème de revêtement extérieur qui peut affecter les autres composantes du bâtiment peut être considéré comme un vice majeur même en l’absence de preuve que la structure est affectée au moment de l’audition[6]. D’ailleurs, en présence d’un problème de solinage généralisé au bâtiment, il faut considérer que nous sommes en présence d’un vice majeur. En l’espèce, chez les Bénéficiaires, la preuve a démontré que les solins sont absents ou inadéquats à plusieurs endroits.
[113] Quant à la valeur des travaux, celle-ci n’est pas toujours déterminante pour disposer d’une réclamation[7].
[114] Enfin, les Bénéficiaires déposent la décision de l’arbitre Claude Dupuis qui dispose d’un dossier exactement comme celui-ci plaident-ils[8]. Ce dossier implique le même Entrepreneur ainsi que le même Administrateur pour le même problème. La défense de l’Administrateur est la même qu’en l’instance. Néanmoins, l’arbitre fait droit à la réclamation des bénéficiaires. Ils demandent que le présent Tribunal rende la même décision.
[115] Sur la question des frais, les Bénéficiaires réclament le remboursement des frais d’expertise encourus de même que ceux de l’entrepreneur ayant participé à l’érection des échafauds, au retrait et à la remise en place des matériaux dans le cadre de l’expertise. Ces frais ne sont pas excessifs ni déraisonnables et l’expertise a nécessairement éclairé le Tribunal. Ils demandent également que l’Administrateur soit condamné aux frais du présent arbitrage conformément au Règlement.
Administrateur
[116] D’entrée de jeu, l’Administrateur invite le Tribunal à ne pas généraliser les cas jurisprudentiels soumis par les Bénéficiaires, soulignant qu’ici, le dossier est différent.
[117] En l’espèce, il indique que, bien que les Bénéficiaires allèguent que l’expertise de Monsieur Brosseau soit meilleure que l’inspection faite par le conciliateur de l’Administrateur, celui-ci n’a pas démontré ses hypothèses. De fait, Monsieur Brosseau a eu de nombreuses opportunités de démontrer le bien-fondé de son opinion. Cependant, il a négligé de faire le pas supplémentaire qui aurait été requis, notamment en prenant des mesures de taux d’humidité additionnelles ou encore en retirant certaines fourrures afin de voir l’état des matériaux derrière. Comment peuvent-ils reprocher à Monsieur Arès de ne pas avoir vérifié plus à fond?
[118] Par ailleurs, le fardeau de convaincre le Tribunal de leur position repose sur les Bénéficiaires et ceux-ci ont échoué. En effet, tout comme dans la décision SDC des habitations Henri-Deslongchamps[9], Monsieur Arès reconnaît l’existence de certains problèmes. Cependant, il n’admet pas que les conséquences soient celles qu’avancent Monsieur Brosseau.
[119] Le problème est l’espèce est l’absence de preuve quant à la dégradation de la structure du bâtiment. Si les Bénéficiaires ont prouvé l’atteinte au premier plan de protection du bâtiment, ils n’ont pas démontré que le second plan est atteint. De fait, tous sont d’accord pour dire qu’il est possible de retirer le revêtement extérieur et de laisser le bâtiment sur le papier Tyvek temporairement sans danger.
[120] De plus, l’absence de continuité de la membrane pare-intempéries dénoncée par Monsieur Brosseau est un problème isolé à un seul endroit sur le bâtiment et rien ne justifie les Bénéficiaires de demander la réfection complète du revêtement extérieur.
[121] Le principal problème ici réside dans l’intitulé de la dénonciation des Bénéficiaires par rapport à ce que décrit le rapport de Monsieur Brosseau. Ce qui est dénoncé en l’instance est un problème de revêtement extérieur alors que le rapport de Monsieur Brosseau indique que le problème, qu’il qualifie de vice de construction, en est un de solinage et de plan de drainage déficient ou inefficace. Par ailleurs, un problème de solinage n’entraîne pas automatiquement comme conclusion qu’il s’agit d’un vice de construction.
[122] Il soutient que le cas ici s’apparente au cas soumis à Me Pierre Bélanger lequel a décidé que le critère du vice caché était celui applicable en présence d’un problème de revêtement extérieur. Dans cette affaire, il a décidé qu’il n’était pas en présence d’un vice caché[10].
[123] Il réitère qu’aucune preuve n’a été faite voulant qu’il y aurait eu des infiltrations d’eau à l’intérieur du bâtiment, ni qu’une contamination fongique existait. Bien que Monsieur Arès ait affirmé que certaines fourrures sont moisies et que le revêtement extérieur est appelé à tomber, cela n’affecte en rien la structure du bâtiment qui est protégée par la membrane pare-intempéries.
[124] Référant au formulaire de pré réception, il souligne que les Bénéficiaires pouvaient être accompagnés d’un professionnel du bâtiment. S’ils ne l’ont pas fait, ils ne peuvent se plaindre de ne pas avoir vu ce qui était visible. Par ailleurs, bien que le revêtement extérieur n’était pas installé au moment de recevoir le bâtiment, le problème de solinage aurait facilement pu être dénoncé.
[125] Sur la question des frais d’expertise, l’Administrateur s’en remet à la décision du Tribunal mais souligne que l’expertise a porté sur certains points qui n’ont pas été traités lors de l’audition. En conséquence, une partie des frais devrait être déduite du total. De plus, quoi que le témoignage et le rapport de Monsieur Brosseau aient été pertinents, il indique que ce dernier émet plusieurs hypothèses et qu’à plusieurs occasions, il a laissé passer la chance de démontrer ses hypothèses. Il suggère au Tribunal d’en tenir compte.
[126] Enfin, considérant ce qui précède, il demande au Tribunal de rejeter la demande d’arbitrage des Bénéficiaires.
Bénéficiaires - réplique
[127] Me Savoie commente les jurisprudences déposées par l’Administrateur et attire l’attention du Tribunal sur les nuances qui doivent être apportées. Notamment, elle indique de prendre en compte que la réception d’un bâtiment, en ce qui concerne les parties communes d’un immeuble détenu en copropriété divise, doit être fait par un professionnel du bâtiment, contrairement aux immeubles unifamiliaux. On ne peut donc tirer de conclusion négative à l’endroit des Bénéficiaires en l’instance qui n’ont pas été accompagnés d’un professionnel ni leur tenir rigueur de ne pas avoir vu ce qu’un professionnel aurait facilement vu.
[128] Également, il faut évaluer l’ensemble de la preuve rapportée dans les décisions dont on demande l’application au présent cas et ne pas s’en tenir aux passages qui sont pointés par l’Administrateur. C’est le cas notamment des décisions SDC du 670 Montée Masson[11] et du SDC Henri-Deslongchamps[12] dans lesquelles affaires les faits sont différents d’ici.
V
ANALYSE ET DÉCISION
[129] Le Tribunal doit décider uniquement de la demande des Bénéficiaires relativement au point 1 de la décision du 14 mars 2016 (dossier 9981), les Bénéficiaires s’étant désisté de leur demande quant au point numéro 2.
[130] Le Tribunal retient de la preuve soumise que tant Monsieur Brosseau que Monsieur Arès reconnaissent qu’il existe un problème de gondolement du revêtement extérieur. Quoique Monsieur Arès estime acceptable l’apparence générale du bâtiment à une distance de six (6) mètres, il reconnaît malgré tout que le gondolement existe.
[131] La preuve démontre également que les témoignages de Monsieur Brosseau et de Monsieur Arès, dans l’ensemble, ne se contredisent pas sur l’existence des déficiences dénoncées. La divergence réside plutôt dans la qualification des vices démontrés, à savoir qu’il s’agit d’un vice caché pour Monsieur Arès et d’un vice de construction pour Monsieur Brosseau.
[132] Messieurs Arès et Brosseau ne s’entendent pas non plus sur les conséquences à court, moyen et long terme des déficiences sur la structure du bâtiment, d’où leur divergence au niveau de la qualification du vice.
[133] Sans reprendre l’ensemble des témoignages relatés ci-dessus, le Tribunal retient des témoignages non contredits de Messieurs Brosseau et Arès que le plan de drainage est clairement inefficace et compromis.
[134] En effet, l’absence de solin a été démontrée à plusieurs endroits de même que la moisissure à certaines fourrures et derrière certaines moulures, tel qu’en font foi les photographies contenues au rapport de Monsieur Brosseau. Quoi que Monsieur Arès en dise, de l’avis du Tribunal, des solins mal installés et qui ne permettent pas l’évacuation des eaux équivaut à une absence de solin.
[135] Les solins doivent également être visibles de l’extérieur. Lors de la visite des lieux, le Tribunal n’a pas vu de solin dépasser quoiqu’il ait porté une attention à cet élément. Aucun dépassement de solin n’est visible sur les photos. Monsieur Arès a également affirmé ne pas être en mesure de voir si les solins dépassent.
[136] Les taux d’humidité prélevés tant par l’un que par l’autre sont plus élevés que ce à quoi l’on s’attendrait.
[137] Quant aux fourrures, leur installation horizontale est problématique de même que la présence de moisissure. Aussi, l’espace entre le bas du revêtement extérieur et le crépi du solage est insuffisant.
[138] Lors de la visite des lieux, le Tribunal a demandé aux parties de retirer la moulure au bas de la porte patio à l’arrière de la résidence des Bénéficiaires afin de voir l’installation faite à cet endroit puisque Messieurs Brosseau et Arès tenaient des propos contradictoires quant aux observations à faire. Pour Monsieur Arès, la pièce métallique serait un solin et elle est positionnée de manière à permettre l’évacuation des eaux vers l’extérieur du bâtiment alors que pour Monsieur Brosseau, elle ne le permet pas et ne peut donc agir comme solin.
[139] Comme demandé, la moulure a été retirée et tous ont pu constater que la pièce métallique était accotée sur le devant de la fourrure. Cette situation n’est pas conforme puisqu’un solin doit remonter derrière la membrane pare-intempéries[13], elle-même située derrière les fourrures.
[140] À la lumière de ce qui a été observé, il ne fait aucun doute dans l’esprit du Tribunal que la théorie de Monsieur Brosseau quant à l’installation du balcon à l’arrière du bâtiment et relatée plus haut est la plus plausible. Par ailleurs, le Tribunal souligne les propos fort révélateurs de Monsieur Arès qui affirmait lors de la visite des lieux et avant que ne soit retirée la moulure qu’il espérait qu’un solin se trouvait sous le seuil de la porte. Ces propos sont révélateurs du fait que la présence d’un solin à cet endroit est essentielle. Or, la preuve a démontré l’absence de solin.
[141] Messieurs Brosseau et Arès sont tous deux d’accord avec le fait qu’il y a présence de scellant à des endroits où il ne devrait pas y en avoir et tous deux ont également constaté le gonflement des moulures qui, parfois, atteignent 1,5 fois leur volume original.
[142] Si Monsieur Arès et Monsieur Brosseau s’entendent sur l’existence de deux (2) plans de protection, ils ne s’entendent pas sur l’impact des déficiences de l’un sur la pérennité de l’autre. Ils ont tous deux parlé de l’importance de l’équilibrage des pressions de l’eau sur la membrane pare-intempéries. Ils sont tous deux d’accord pour dire que la membrane pare-intempéries possède une certaine étanchéité, quoi qu’imparfaite, et que le bâtiment peut, temporairement, subsister sans revêtement extérieur. Monsieur Arès parle d’une durée de six (6) mois.
[143] Monsieur Brosseau estime que la présence continue d’eau sur la membrane en raison des fourrures horizontales, qui font que l’eau stagne sur celles-ci plutôt que de s’égoutter par gravité, exerce une pression suffisante de sorte que l’humidité pénètre à l’intérieur de la structure causant ainsi un risque de prolifération des moisissures vers l’intérieur.
[144] Monsieur Arès, pour sa part, se dit d’avis que les fourrures empêchent que le revêtement extérieur, sous la force du vent, fasse pression sur l’eau qui se trouve entre les deux (2) plans de protection de sorte que l’eau qui stagne sur les fourrures n’exerce aucune pression et ne pénètre pas ladite membrane.
[145] Le Tribunal note le témoignage contradictoire de Monsieur Arès qui affirme, d’une part, que le revêtement extérieur, qui constitue la protection de premier plan du bâtiment, est de nature purement esthétique et, d’autre part, affirme que le même revêtement extérieur est essentiel pour protéger le deuxième plan de protection du bâtiment. Le revêtement extérieur est-il essentiel ou non? S’il l’est, il est faux d’affirmer qu’il exerce une fonction purement esthétique et, s’il ne l’est pas, pourquoi alors le bâtiment ne peut-il rester indéfiniment sur sa membrane pare-intempéries? La réponse s’impose d’elle-même.
[146] Le témoignage de Monsieur Brosseau étant logique et sans contradiction interne, le Tribunal abonde dans le sens de l’opinion de Monsieur Brosseau sur cet aspect.
[147] Il reste maintenant au Tribunal à déterminer si la situation que l’on retrouve chez les Bénéficiaires est couverte par le plan de garantie.
[148] L’Administrateur invite le Tribunal à conclure que le critère de gravité du vice en l’instance est celui du vice caché et il appui son propos de la décision de notre collègue Pierre Boulanger dans l’affaire du SDC du 370 Masson[14] qui en aurait décidé ainsi.
[149] Après lecture et analyse, le Tribunal note que dans cette affaire, l’arbitre décide de la situation en fonction du critère de gravité du vice caché en raison du délai écoulé entre la date de réception présumée de l’ouvrage et celle de la réclamation. Puisque la réclamation a été faite dans la deuxième (2e) année de la garantie, il n’était pas nécessaire d’analyser la preuve sous l’angle, plus exigeant, du vice de construction. En aucun temps il n’est dit qu’un problème comme celui dont était saisi l’arbitre est un vice caché et ne peut être considéré comme un vice de construction.
[150] Par ailleurs, le Tribunal note également de cette décision que Me Boulanger précise que la réclamation est rejetée en raison de l’absence de preuve à l’effet qu’il existait un grave problème de circulation d’air derrière le parement, bien qu’il ait été démontré que l’installation du revêtement extérieur était déficiente.
[151] Dans le cas des Bénéficiaires, la preuve est claire à l’effet qu’il y a un problème de circulation d’air derrière le parement. Par conséquent, cette décision ne saurait trouver application en l’instance.
[152] L’Administrateur soulève l’absence de preuve démontrant que les matériaux sous la membrane pare-intempéries sont affectés et que la structure même du bâtiment est affectée.
[153] Il ressort de la jurisprudence qu’il n’est pas nécessaire que le bâtiment s’écroule pour que la garantie contre les vices de construction s’applique. De fait, « la présence d’un danger sérieux susceptible d’entraîner une perte potentielle de l’ouvrage ouvre droit à la protection. En somme, on dira qu’il y a perte de l’ouvrage lorsqu’il est démontré un vice de construction grave propre à affecter la solidité de l’ouvrage.[15] »
[154] Me Jeanniot s’exprime ainsi au sujet de la gravité du vice requis :
[14] Les parties sont de plus unanimes à l’effet que ce constat est une malfaçon, et/ou que ce constat est un vice caché, tout le litige résulte à savoir s’il s’agit ou non d’un vice majeur, puisque plus de trois (3) ans se sont écoulés depuis la réception des parties communes.
[15] Afin de faire droit à la demande des Bénéficiaires, je dois me satisfaire qu’il s’agit d’un vice qui porte atteinte à l’intégralité ou à la structure du bâtiment et/ou qu’il puisse rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné puisque la norme juridique générale impose un caractère « sérieux » ou « important » du vice, un critère déterminant.
[16] Les décideurs qui m’ont précédés ont aussi accepté de considérer le vice suffisamment important, lorsqu’on est placé dans une situation où il y a perte de l’ouvrage et que le préjudice soit né et actuel, de manière immédiate. La notion de « perte » doit recevoir une interprétation large et s’étendre à tout dommage sérieux subis par l’ouvrage immobilier[1] [16].
[155] Pour sa part, l’arbitre Yves Fournier s’exprime ainsi :
[319] S’agit-il d’un vice de construction ? Le Tribunal répond par la négative. Relativement aux conditions d’application de l’article 2118 C.c.Q., l’auteur J.L. Baudouin écrit[16] :
« 2-273. Extension. La jurisprudence a donné une interprétation large à la notion de perte en l’appréciant par rapport à la destination et à l’utilisation prospective de l’ouvrage. Constitue donc une perte, toute défectuosité grave qui entraîne un inconvénient sérieux et rend l’ouvrage impropre à sa destination. En d’autres termes, le défaut qui, en raison de sa gravité, limite substantiellement l’utilisation normale de l’ouvrage entraîne une perte qui autorise la mise en œuvre du régime [...] (p.257, 258).
2-274. Perte partielle. En cas de perte partielle, la jurisprudence, en pratique, se montre relativement sévère. Elle exige que celle-ci soit grave et sérieuse et refuse de considérer comme rentrant dans cette catégorie de simples dégradations mineures qui ne compromettent ni la solidité globale de l’ouvrage, ni la solidité d’une partie importante de celui-ci, ni son utilisation normale ou sa destination.
...
2-280. Preuve du vice - La preuve de la perte de l’ouvrage n’est pas suffisante pour donner naissance à la présomption que cette perte a bel et bien été causée par un vice. Le propriétaire doit, en effet, démontrer que cette perte est attribuable à un vice, démonstration qui relève essentiellement de l’expertise. [...] Toutefois, la présomption dont bénéfice le propriétaire lui évite d’avoir à démontrer la cause technique exacte de la perte de l’édifice. [...] p.262 et 263) »
Malgré les nombreux points soulevés par l’expert, le Tribunal est d’avis qu’il ne s’agit pas de vice de construction, mais bien de vices cachés. » (nos soulignements)
[320] Monsieur Johanne Dépatis (sic) s’exprimant ainsi dans SDC Les Jardins du Parc et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[17] :
« [52] En somme, la preuve ne démontre pas que les problèmes en litige, qui manifestement n’ont pas amené la destruction de l’ouvrage, puissent non plus en compromettre dans sa solidité. Il est vrai que la durée de vie du toit sera possiblement réduite mais rien ne permet de voir là un problème affectant la solidité de cet ouvrage ou de le mettre en péril ou encore une situation pouvant entrainer des troubles graves dans l’utilisation de l’immeuble au sens de l’article 2118.
[53] Il en résulte que les défauts dénoncés ne peuvent pas malheureusement pour le bénéficiaire être qualifiés de vices de construction. » (nos soulignements)
[321] Ce n’est pas parce qu’on affirme « en raison des nombreux vices de construction » que le Tribunal doit conclure qu’il s’agit ici (James Hardie) des vices de construction. Oui il y a des dommages importants en périphérie des ouvertures, oui il y a absence de solin, oui il y a défaut de ruban d’étanchéité, mais en aucun temps l’expert n’a établi dans son expertise écrite ou dans son témoignage qu’il y avait une perte potentielle de l’immeuble ou d’une partie de l’immeuble au sens de la jurisprudence et de la doctrine.
[322] Le vice doit entraîner un inconvénient sérieux et qui rend le bâtiment impropre à sa destination. Le parement de fibrociment de marque James Hardie n’est pas sur le point de s’effondrer. Il ne montre pas qu’on est en face d’une « perte potentielle » ou encore une « perte probable » à long terme. La preuve ne révèle pas une perte potentielle ou probable[17]. (nos soulignements)
[156] Contrairement à l’affaire relatée ci-haut, la preuve dans la présente affaire démontre, selon le témoignage de Monsieur Arès, que le parement extérieur va éventuellement s’effondrer.
[157] Traitant également de la gravité requise d’un vice au sens de la garantie contre les vices de construction, Me Gagné indique ceci [18]:
[86] Dans l’affaire Paul Bordeleau Syndicat de Copropriété c. Saint-Luc Habitation Inc. et La Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ[14], l’arbitre, qui cite un article de doctrine qu’il a rédigé à ce sujet, considère que perte comprend perte probable à long terme :
Le procureur de l’A.P.C.H.Q. a admis, lors de sa plaidoirie, que la prépondérance de la preuve établit que les travaux de sous-œuvre sont entachés de malfaçons et ont été réalisés en violation des règles de l’art.
Cependant, le procureur de l’A.P.C.H.Q. affirme avec raison qu’il ne suffit pas d’établir la présence de malfaçons ou de vices de construction. En effet, il faut également établir que le vice entraîne ou entraînera, à court ou à long terme, suivant les termes de l’article 2118 du Code civil du Québec, une perte partielle de la Propriété.
Or, suivant une jurisprudence constante et bien établie, la notion de « perte » en vertu de l’article 2118 du Code civil du Québec fait l’objet d’une interprétation large et comprend la « perte potentielle » ou la « perte probable à long terme[1] [15]».
Dans Construction J.R.L. (1977) Ltée c. Zurich Compagnie d’assurances, J.E. 91-824 (C.A.), page 6, la Cour d’appel affirme :
«Sont considérés comme vices de construction susceptibles d’engager la responsabilité quinquennale des constructeurs, les défectuosités qui sont de nature à empêcher l’ouvrage de remplir sa destination ou qui limitent, de façon majeure, l’usage normal de l’édifice... Le vice affectant une composante permanente et importante de celui-ci et sa présence impliquaient nécessairement des probabilités de détérioration grave en l’absence de corrections.»
Dans Commission de la construction du Québec c. Construction Verbois Inc., J.E. 97-2080 (C.S.), page 8, la Cour supérieure affirme :
«La jurisprudence a tempéré la notion de perte totale ou partie de l’édifice l’assimilant plutôt à celle d’inconvénients sérieux : «Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard de travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d’assurer au public une protection efficace, nos tribunaux n’ont jamais appliqué l’article 1688 à la lettre et n’ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les termes « périt en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et des défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux.»
[158] La preuve en l’instance a également démontrée la présence de moisissure à certains endroits et, selon le témoignage de Monsieur Brosseau que le Tribunal estime crédible et prépondérant, la prolifération de moisissure vers l’intérieur du bâtiment est fort probable si rien n’est fait.
[159] La jurisprudence reconnaît que lorsqu’une situation est de nature à compromettre la santé et la sécurité des usagers, il s’agit d’une situation couverte par la garantie contre les vices de construction :
[17] Dans le cas qui nous concerne, je rappelle que les Bénéficiaires sont en demande et que ces derniers ont le fardeau de me convaincre.
[18] Il n’y a pas eu de preuve que l’immeuble est devenu non sécuritaire en raison de vices ou encore qu’il y a danger d’écroulement de certaines parties.
(…)
[22] J’accepte la position de l’Administrateur, à l’effet qu’un dégât d’eau, et ces (sic) conséquences, bien que possiblement lourdes et coûteuses, ne constitue pas toujours un vice majeur. Je suis par contre d’opinion que de ne pas corriger une important infiltration d’eau récurrente, à courts ou moyens termes, créera des problèmes importants de moisissure aptes à rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné.
(…)
[28] Je suis convaincu que cette infiltration d’eau provoquera la détérioration du bois de l’ossature, à moyens ou longs termes, mais et surtout une situation de culture qui indubitablement rendra l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné, voire même porter atteinte à la santé et à la sécurité de ses occupants[19]. (nos soulignements)
[160] Dans l’affaire Tony Jorge et Anne-Marie Centis[20] qui traite d’un problème de solinage, Me Jeanniot écrit :
[8] 1. Absence de solin sur toutes les ouvertures, portes et fenêtres :
[9] L’expertise des Bénéficiaires précise qu’à toutes les fenêtres accessibles, il a constaté l’absence de solin dissimulé sous la cornière métallique.
(…)
[15] Certes, s’il ne s’agit que de une (sic) ou deux absences de solin, il s’agirait que de malfaçon ou vice caché. Avec respect pour toute opinion à l’effet contraire, je crois qu’il en serait tout autre si toutes les ouvertures et fenêtres sont sans solin sous les cornières métalliques. Je m’explique.
(…)
[17] Si toutes les ouvertures connaissent ce même vice de construction, quelle que soit la direction et/ou origine (provenance) de la pluie (et/ou d’eau) la percolation entre le parement et le bâtiment causera indubitablement un taux d’humidité indu. Il est de connaissance courante qu’un taux d’humidité élevé entraîne culture de champignons et/ou de moisissure, des éléments connus comme étant néfastes à la santé et au bien-être des occupants.
[18] Bien qu’il soit possible que cet élément ne porte pas atteinte à la structure et/ou l’intégrité du bâtiment (ce qui n’est pas ici dit, voire même inféré), la présence répandue de champignons et de moisissure risque de rendre l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné constituant ainsi à mon opinion, un vice d’ordre majeur. (nos soulignements)
[161] Dans une affaire traitant d’une situation similaire à celle en l’instance, soit le gondolement du parement extérieur, Me Bernard Lefebvre est d’avis que le problème dénoncé et relatif au gondolement du parement extérieur constitue un vice de construction au sens du Règlement :
[14] M. Wright explique la cause et les effets des ondulations importantes et anormales du clin de vinyle des murs de la maison. Ces ondulations découlent d’une insuffisance du nombre de supports propres à retenir le parement à la paroi de la maison. Le parement continuera à se détériorer en raison des infiltrations d’eau en quantités indésirables et affecteront les autres composantes du revêtement du bâtiment et donnent lieu à un milieu propice à la prolifération de moisissures et causeront une détérioration prématurée des autres composantes de la maison.
(…)
[55] Sur ce sujet l’expert Wright est on ne peut plus précis : le manque de support provoque la détérioration des autres composantes de la maison.
[56] Il est évident que l’expert Wright a non seulement vu mais il a aussi compris les effets de l’insuffisance du nombre de support. Le tribunal doit s’incliner devant la rigueur de l’analyse de l’expert des bénéficiaires et la force de ses conclusions.
[57] Le tribunal décide en conséquence que le manquement relatif au revêtement de vinyle est un vice majeur au sens du Contrat de Garantie[21].
[162] Bien qu’il ne s’agisse pas d’un problème de plan de drainage déficient et inefficace comme en l’instance, l’expert Wright, tout comme Monsieur Brosseau, est d’avis que le problème au parement extérieur provoquera la détérioration prématurée des autres composantes de la maison par la présence d’un milieu propice à la prolifération des moisissures.
[163] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que la situation rencontrée chez les Bénéficiaires rencontre le niveau de gravité requis pour qu’elle soit considérée comme un vice de construction au sens de la garantie. De fait, le fait que le parement extérieur soit appelé à tomber, causant ainsi un risque pour quiconque circule autour du bâtiment et notamment les jeunes enfants des Bénéficiaires est déterminant dans la présente affaire.
[164] L’Administrateur rappelle que le fardeau de la preuve appartient aux Bénéficiaires et qu’en présence d’une preuve contradictoire, il appartient au Tribunal de décider de l’issue de la cause selon la balance des probabilités et ce, même en présence d’un témoignage d’expert[22].
[165] L’Administrateur a invité le Tribunal à écarter le témoignage de Monsieur Brosseau et à préférer celui de Monsieur Arès comme l’a fait l’arbitre Despatis dans l’affaire SDC Henri-Deslongchamps[23]. Dans le présent dossier, contrairement aux faits dans l’affaire précitée, aucun témoin n’est venu démontrer que les observations de l’expert étaient fausses. Les photos contenues au rapport de l’expert et le retrait de la moulure sous la porte arrière, à la demande du Tribunal, suffisent à démontrer que les observations de l’expert Brosseau sont exactes.
[166] Au surplus, ajoutons que Monsieur Arès n’est pas en désaccord avec l’essentiel du témoignage de Monsieur Brosseau. Le différend se situe au niveau des effets prévisibles à court, moyen et long terme de la situation observée et donc de la qualification du vice.
[167] De l’ensemble de la preuve, le Tribunal préfère le témoignage de Monsieur Brosseau qui est posé, logique, appuyé sur le Code national du bâtiment, constant et crédible. Même si parfois il aurait eu avantage à prendre des mesures supplémentaires ou encore, à retirer certains matériaux alors que cela lui était facile, le Tribunal se dit satisfait des explications fournies et de la qualité de l’expertise.
[168] Le témoignage de Monsieur Arès est par contre incohérent et illogique par moment. Bien que le témoin reconnaisse l’existence des nombreux problèmes, il refuse de reconnaître la gravité de ceux-ci en fournissant des explications peu crédibles.
[169] Par exemple, il reconnaît que le Code national du bâtiment prévoit que le plan de drainage doit faire en sorte que les eaux de pluie soient dirigées vers l’extérieur du bâtiment[24]. Par contre, il refuse de qualifier la situation en l’instance comme suffisamment grave pour être un vice de construction puisque le plan de drainage existe, bien qu’il admette à plusieurs reprises qu’il soit déficient.
[170] Il dit aussi qu’au plancher en porte-à-faux, l’eau finira par emplir la cavité de trois quarts de pouce d’épaisseur et qu’elle finira bien par la suite par se diriger vers le plan de drainage de la maison parce qu’elle n’aura d’autre choix plutôt que d’admettre que la cavité se remplie, que l’eau stagne et fait pourrir les matériaux.
[171] Le Tribunal voit mal comment on peut prétendre qu’il existe un plan de drainage si celui-ci ne remplit pas ses fonctions comme le prévoit le Code. Le témoin donne l’impression qu’il sait qu’il s’est trompé et qu'il essaie de se rattraper du mieux qu’il peut. Le Tribunal n’est pas dupe.
[172] Quant à l’argument de l’Administrateur à l’effet que l’expertise des Bénéficiaires fasse état d’un tout autre problème que celui qu’ils dénoncent, le Tribunal ne peut souscrire à cette position de l’Administrateur. En effet, les Bénéficiaires doivent informer par écrit l’Entrepreneur et l’Administrateur de tout problème pour lequel ils entendent demander l’application de la garantie. Ils n’ont pas l’obligation d’en découvrir la source avant d’en informer l’Administrateur et l’Entrepreneur. Par ailleurs, les Bénéficiaires dénoncent les symptômes et l’expert découvre la source et l’origine qui sont à la base des manifestations symptomatiques. En l’espèce, le gondolement du parement extérieur et l’apparition de moisissures et champignons sont les symptômes de l’absence d’un plan de drainage adéquat. Le Tribunal ne peut donc maintenir la décision de l’Administrateur sur la foi d’une dénonciation qui ne serait pas suffisamment précise alors même que les symptômes dénoncés sont en lien direct avec la cause identifiée tant par Monsieur Arès que par Monsieur Brosseau.
[173] Les Bénéficiaires réclament que la présente sentence soit au même effet que celle rendue par notre collègue Claude Dupuis dans l’affaire Lina Paola Daza Espinosa et Juan Camilo Mejia Valencia[25] :
[14] Dès la visite des lieux, le soussigné a été en mesure de constater l’état assez lamentable du revêtement extérieur sur le mur latéral et le mur arrière, soit un revêtement de bois usiné de marque St-Laurent.
[15] On peut aisément apercevoir des gonflements, des gondolements, des joints disloqués, de la détérioration de calfeutrage, des bordures de fenêtre dégradées, etc.
[16] Lors de son témoignage, M. Robillard, conciliateur, nous répète à peu près ces mêmes déficiences (gonflement de déclin, calfeutrage) et il affirme qu’il y a un manque de ventilation à la base; il ajoute de plus que cette installation ne rencontre pas les recommandations du manufacturier.
[17] Interrogé par le soussigné sur les conséquences à venir, le témoin admet que cette situation, à long terme, va causer des problèmes.
[18] Constatant la gravité de son affirmation, M. Robillard a par la suite modifié un peu son témoignage, ajoutant que « les problèmes ne sont pas immédiats, pas obligatoires, la structure n’est pas encore affectée, ça pourrait venir… »
[19] Par problème, on entend évidemment : structure affectée par l’humidité et la moisissure.
(…)
[24] Toujours selon M. Landry, le manque de ventilation cause une accumulation d’humidité pouvant affecter la structure interne du bâtiment. La dégradation actuelle, anormale en regard de l’âge du bâtiment, ne s’arrêtera pas, elle va plutôt se poursuivre.
(…)
[27] Cette qualification par l’expert des bénéficiaires de l’état actuel du revêtement du mur latéral et du mur arrière du bâtiment n’est absolument pas contredite par l’administrateur. Ce dernier, pour expliquer le refus de la présente réclamation, soutient qu’il n’existe aucune preuve à l’effet que la structure interne de l’édifice soit affectée.
(…)
[34] Dans le présent dossier, il n’existe pas de preuve matérielle à l’effet que la structure ait déjà été affectée par l’humidité ou autre.
[35] Toutefois, les deux experts, soit celui des bénéficiaires ainsi que l’inspecteur conciliateur de l’administrateur, affirment que le danger potentiel existe, et ce, à cause de l’installation non conforme du revêtement, et tout particulièrement l’absence de ventilation.
[36] En effet, en ce qui a trait à ces murs extérieurs, la dégradation est constante et elle ne s’arrêtera pas.
[37] La menace de la perte d’ouvrage existe réellement et est même appuyée par le témoignage du conciliateur de La Garantie Qualité Habitation au cours de l’audience, lorsque ce dernier affirme qu’à long terme, il y aura un problème à la structure; comme souligné précédemment, la perte sous 2118 C.c.Q. n’a pas à être totalement réalisée, le danger suffit. Ce qui est exactement notre cas.
[38] Par la suite, le conciliateur a tenté de minimiser les conséquences de son affirmation; toutefois, le premier jet était plein de sincérité.
[39] Conséquemment, le tribunal, selon la preuve recueillie, considère que la situation du mur latéral et du mur arrière du bâtiment concerné répond aux exigences de l’article 2118 du Code civil du Québec.
[174] Le Tribunal fait droit à leur demande.
Frais
[175] Conformément à l’article 123 du Règlement les frais du présent arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.
[176] Quant aux frais d’expertise et les frais connexes réclamés par les Bénéficiaires, le Tribunal fait droit à leur demande et ordonne à l’Administrateur de rembourser la totalité desdits frais aux Bénéficiaires, incluant la facture de l’expert pour sa présence à l’audience. Le Tribunal ne retranche aucune somme de ces factures puisqu’il serait injuste de refuser aux Bénéficiaires le remboursement de frais portant sur le point dont ils se sont désistés le matin de l’audience, ce désistement ayant certainement réduit la durée de l’enquête et audition.
EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
DONNE ACTE du désistement des Bénéficiaires quant à leur demande d’arbitrage portant sur le point 2 de la décision du 14 mars 2016;
ORDONNE à l’Administrateur de remplacer la totalité du revêtement extérieur et de corriger le plan de drainage incluant le remplacement des matériaux endommagés le cas échéant, le tout conformément aux lois, codes et règlements en vigueur de même qu’aux règles de l’art et ce, dans les 30 jours de la réception de la présente sentence;
ORDONNE à l’Administrateur de procéder aux vérifications requises quant à l’état de la solive de rive et des poutrelles à l’endroit où se trouve le balcon arrière et de remplacer les matériaux endommagés le cas échéant, de même que de procéder à la remise en état des lieux s’il y a lieu, conformément aux lois, codes et règlements en vigueur de même qu’aux règles de l’art et ce, dans les 30 jours de la réception de la présente sentence;
ORDONNE à l’Administrateur de rembourser aux Bénéficiaires les frais d’expertise et frais connexes au montant de 3 506,74 $ et ce, dans les trente (30) jours de la présente sentence;
ORDONNE que les frais du présent arbitrage soient payés en totalité par l’Administrateur conformément à l’article 123 du Règlement.
Montréal, ce 15 août 2016
Me Karine Poulin, arbitre
[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, RLRQ c B-1.1, r. 8.
[2] Code national du bâtiment, édition 1995 (ci-après cité « CNB »).
[3] Alexandra Fortier et Jean-François Laporte c. Administrateur de La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Construction Réjean Lamontagne inc., GAMM, 2005-04-002, 2006-10-23, Me Bernard Lefebvre, arbitre.
[4] Syndicat du 3411, au 3417, avenue des Érables c. Devex inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, SORECONI, 061220001, 2007-06-15, Me Michel A. Jeanniot, arbitre; Syndicat de copropriété du 209 Anne-Martin c. Les constructions LGF inc. et La garantie habitation du Québec inc., CCAC, S14-071601-NP, 2015-06-29, Me Jean-Robert Leblanc, arbitre.
[5] 3093-2313 Québec inc. c. Alexandra Létourneau et Louis Bouchard et La garantie des maisons neuves de l’APCHQ, CCAC, S15-022401-NP, 2015-11-02, Me Roland-Yves Gagné, arbitre; SDC du 1884-1890 rue Poupart c. Jean-Pierre Lagacé et 9183-5702 Québec inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SORECONI, 122009001, 2013-05-23, Me Roland-Yves Gagné, arbitre; Tony Jorge et Anne-Marie Centis c. Les constructions Naslin inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SORECONI, 051206001, 2006-03-15, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
[6] Alexandra Fortier et Jean-François Laporte c. Administrateur de La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Construction Réjean Lamontagne inc., préc., note 3.
[7] Syndicat du 3411, au 3417, avenue des Érables c. Devex inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, préc., note 4.
[8] Lina Paola Daza Espinosa et Juan Camilo Mejia Valencia c. 3858081 Canada inc. (Les maisons Dominus) et La garantie habitation du Québec inc., GAMM, 2015-16-003, 2015-10-05, M. Claude Dupuis, arbitre.
[9] Syndicat de la copropriété des habitations Henri-Deslongchamps c. La garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ et Gestion Giovanni Scalia inc., GAMM, 2005-12-007-02, 2006-12-26, Me Johanne Despatis, arbitre.
[10] Syndicat de copropriété du 670 Montée Masson, Mascouche c. Développement Magma inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., CCAC, S10-240901-NP, 2011-12-19, Me Pierre Boulanger, arbitre.
[11] Syndicat de copropriété du 670 Montée Masson, Mascouche c. Développement Magma inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., préc., note 10.
[12] Syndicat de la copropriété des habitations Henri-Deslongchamps c. La garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ et Gestion Giovanni Scalia inc., préc., note 9.
[13] CNB, art. 9.27.3.2.
[14] Syndicat de copropriété du 670 Montée Masson, Mascouche c. Développement Magma inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., préc., note 10.
[15] Syndicat de la copropriété des habitations Henri-Deslongchamps c. La garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ et Gestion Giovanni Scalia inc., préc., note 9; voir aussi Syndicat de copropriété du 209 Anne-Martin c. Les constructions LGF inc. et La garantie habitation du Québec inc., préc., note 4.
[16] Syndicat du 3411, au 3417, avenue des Érables c. Devex inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, préc., note 4.
[17] Syndicat du 18 impasse Huet c. 9153-5914 Québec inc. et Garantie habitation du Québec, CCAC, S13-122101-NP, S-14-051602-NP, S14-102701-NP et S15-090201-NP, 2016-07-15, Me Yves Fournier, arbitre.
[18] SDC du 1884-1890 rue Poupart c. Jean-Pierre Lagacé et 9183-5702 Québec inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., préc., note 5.
[19] Syndicat du 3411, au 3417, avenue des Érables c. Devex inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, préc., note 4; voir aussi l’affaire 3093-2313 Québec inc. c. Alexandra Létourneau et Louis Bouchard et La garantie des maisons neuves de l’APCHQ, CCAC, S15-022401-NP, 2015-11-02, Me Roland-Yves Gagné, arbitre, préc., note 5.
[20] Tony Jorge et Anne-Marie Centis c. Les constructions Naslin inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., préc., note 5.
[21] Alexandra Fortier et Jean-François Laporte c. Administrateur de La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Construction Réjean Lamontagne inc., préc., note 3.
[22] Syndicat de la copropriété des habitations Henri-Deslongchamps c. La garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ et Gestion Giovanni Scalia inc., préc., note 9.
[23] Id.
[24] CNB, art. 9.27.3.1.
[25] Lina Paola Daza Espinosa et Juan Camilo Mejia Valencia c. 3858081 Canada inc. (Les maisons Dominus) et La garantie habitation du Québec inc., préc., note 8.