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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Christian Lalumière et Lyne Parent

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

Construction Horizon inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier APCHQ : 078429-1

No dossier GAMM : 2008-08-005

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour les bénéficiaires :

Me Raymond A. Daoust

 

Pour l'entrepreneur :

Me Frédéric Benoit

 

Pour l'administrateur :

Me Luc Séguin

 

Dates d’audience :

7 et 8 janvier 2009

 

Lieu d'audience :

Granby

 

Date de la sentence :

30 janvier 2009

 

I : INTRODUCTION

[1]                Le 7 juin 2007, les bénéficiaires adressaient à l'entrepreneur, avec copie à l'administrateur, une lettre indiquant les vices de construction à être constatés et corrigés pour une propriété sise au 171, rue du Diamant, à Granby.

[2]                Le 2 juin 2008, l'administrateur émettait, relativement à cette réclamation des bénéficiaires, son rapport de décision comportant 12 points.

[3]                Insatisfaits de certaines conclusions du rapport de l'administrateur, les bénéficiaires, par l'entremise de leur procureur, en date du 26 juin 2008, adressaient à SORECONI (organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment) une demande d'arbitrage relativement aux éléments suivants :

-     absence d'isolant au périmètre du garage principal

-     joint de calfeutrant prématurément détérioré au périmètre de plusieurs ouvertures

-     infiltrations d'air froid aux cadrages des portes et fenêtres

-     formation de givre à la chambre avant et à la salle de bain de l'étage

[4]                Subséquemment, pour des raisons administratives, cette demande d'arbitrage fut transférée de SORECONI au GAMM; ce dernier organisme a désigné le soussigné pour agir à titre d'arbitre dans le présent dossier.

[5]                En cours d'enquête, les témoins suivants furent entendus :

-     M. Christian Lalumière, bénéficiaire

-     M. Denis Chevalier, technicien professionnel

-     M. Daniel Bélanger, entrepreneur

-     Mme Joanne Tremblay, inspecteur-conciliateur

-     M. Denis Roy, ingénieur

-     M. Claude Latulippe, technicien professionnel

[6]                De plus, en cours d'enquête, deux visites des lieux furent effectuées au bâtiment du 171, rue du Diamant, à Granby, soit le 6 novembre 2008 et le 8 janvier 2009.

II : DÉCISION ET MOTIFS

A)        Absence d'isolant au périmètre du garage principal

[7]                La visite des lieux a permis de constater l'absence d'isolant sur le mur de fondation, au périmètre du garage.

[8]                Il s'agit ici d'un achat de propriété au coûtant plus 10 pour cent (+ 10 %), suivant un plan de construction fourni à l'entrepreneur par les bénéficiaires.

[9]                Il a été admis que l'isolation sur le mur de fondation au périmètre du garage apparaît sur ce plan.

[10]            La construction du bâtiment a débuté en 2003, et il a été livré le 10 août 2004.

[11]            L'administrateur a reçu copie de la dénonciation le 20 juin 2007.

[12]            Inspec-Sol inc. est la firme d'experts-conseils dont les services ont été retenus par les bénéficiaires; ce qui suit est un extrait de son rapport daté du 11 avril 2008 :

4.4.11   Isolation manquante sur la face intérieure exposée de la fondation                    dans le garage annexé à la résidence

Il est recommandé d'ajouter l'isolation et le revêtement tel que demandés à la coupe 5-6-10 du plan de construction no 3826, feuille 10-11 et en conformité avec la norme 9.25.2 du CNB 2005, qui demande que tous les murs, les plafonds et les planchers qui séparent les espaces chauffés des espaces non chauffés doivent être suffisamment isolés pour empêcher la formation de condensation et pour assurer le confort des occupants.

[13]            M. Chevalier, de la firme Inspec-Sol, est d'avis que l'absence d'isolation peut causer jusqu'à 20 % de perte de chaleur ainsi qu'une usure plus rapide du béton.

[14]            Selon M. Daniel Bélanger, entrepreneur, beaucoup d'autres réalisations lors de la construction ne sont pas conformes aux plans, et ce, suite à des discussions avec les bénéficiaires; ce plan n'était qu'un guide.

[15]            L'expert de l'entrepreneur, M. Claude Latulippe, en regard du manque d'isolation, conclut comme suit dans son rapport daté du 8 décembre 2008 :

Isolation manquante sur la face intérieure exposée sur la fondation du garage annexé à la résidence (items 3.5.11 et 4.4.11 du rapport de Inspec-Sol)

Il est vrai de dire que la section haute du mur de la fondation au-delà du niveau de la dalle de béton n'est pas isolée et qu'il serait préférable qu'elle le soit pour un meilleur rendement énergétique (photo # 9). Cependant, considérant l'entente contractuelle existant entre les parties, ces travaux seraient aux frais du bénéficiaire et ce, quelle que soit la méthode préconisée. Il est à noter que cette déficience, si elle en est une, est fréquemment rencontrée. Nous sommes également d'avis que tous matériaux utilisés contre le mur de la fondation risquent d'être sérieusement abîmés par l'usage à laquelle (sic) est destinée la pièce, soit par l'eau, le calcium et autre.

[16]            Toutefois, lors de son témoignage, M. Latulippe a exprimé que les préjudices ne sont pas importants.

[17]            Mme Tremblay, inspecteur-conciliateur pour l'administrateur, témoigne à l'effet que la Loi sur l'économie de l'énergie dans le bâtiment existe depuis 1981, et cette loi oblige de mettre de l'isolation tout le tour du garage; selon le témoin, il s'agit d'une malfaçon pour laquelle la garantie est expirée.

[18]            Le tribunal rappelle que le Code national du bâtiment, même s'il n'a pas force de loi, est un code modèle qui dicte les mesures minimales acceptables en regard de la construction d'un bâtiment.

[19]            Les experts présents au dossier s'entendent pour affirmer que l'absence d'isolation au garage cause une perte d'énergie.

[20]            De plus, il ne faut pas ignorer qu'il existe un espace habitable et habité au-dessus de ce garage.

[21]            Le plan démontre très clairement la présence d'isolant au périmètre du garage.

[22]            La preuve est prépondérante à l'effet qu'il n'y a pas eu d'entente en cours de construction entre les bénéficiaires et l'entrepreneur pour ne point poser cet isolant.

[23]            L'entrepreneur avait donc une obligation contractuelle de procéder à la pose de cet isolant, obligation couverte par le plan de garantie, à l'introduction de son article 10.

[24]            Le tribunal est d'avis que même si M. Lalumière est un agent immobilier, il n'est pas pour autant considéré comme expert en matière de construction et en matière d'isolation; il est de notoriété publique que les agents immobiliers, dans l'exercice de leurs fonctions, font eux-mêmes appel à des experts ou recommandent à leurs clients de faire appel à ces derniers.

[25]            Il ne s'est point écoulé plus de six mois entre la découverte et la dénonciation à l'administrateur, que la découverte ait eu lieu par l'intermédiaire d'Inspec-Sol ou par l'intermédiaire d'un ami de M. Lalumière.

[26]            Le tribunal retient la version d'Inspec-Sol à l'effet que ce manque d'isolation cause une perte importante d'énergie et peut entraîner à long terme une détérioration du béton; sans compter que cet ouvrage va à l'encontre du Code national du bâtiment et de la Loi sur l'économie de l'énergie dans le bâtiment.

[27]            Pour ces motifs, le tribunal considère qu'il s'agit ici d'un vice caché, découvert et dénoncé dans les trois ans qui suivent la réception du bâtiment.

[28]            La présente réclamation est donc favorablement ACCUEILLIE.

[29]            Le tribunal ORDONNE à l'entrepreneur d'effectuer, selon les règles de l'art, les travaux nécessaires pour assurer l'isolation au périmètre du garage principal; la méthodologie d'intervention appartient à l'entrepreneur; le tribunal ACCORDE à l'entrepreneur un délai de six (6) mois à compter de la présente pour compléter ces travaux.

[30]            À défaut par l'entrepreneur de se conformer à la présente ordonnance, le tribunal ORDONNE à l'administrateur de procéder aux travaux correctifs selon les règles de l'art.

B)        Joint de calfeutrant prématurément détérioré au périmètre de plusieurs ouvertures

[31]            Relativement à cette réclamation, les experts de la firme Inspec-Sol se prononcent comme suit :

3.5.4     Infiltration d'air froid aux cadrages de plusieurs portes et fenêtres

Le calfeutrage est déjà décollé sur plusieurs cadrages de fenêtre (photo no 28). L'espérance de vie moyenne d'un calfeutrage installé selon les instructions du manufacturier est de 10 ans. Cette détérioration prématurée du calfeutrage favorise les pertes thermiques et aussi les infiltrations d'eau dans le système de mur pouvant contribuer à la formation de moisissures.

L'inspection thermographique a identifié des infiltrations d'air froid considérables aux coins des portes et fenêtres de la résidence.

[32]            Le soussigné, accompagné des experts des trois parties, a procédé, afin de vérifier les joints de calfeutrant, à deux visites des lieux, soit le 6 novembre 2008 et tout particulièrement le 8 janvier 2009. La plupart des fenêtres ont été inspectées en ce qui a trait aux joints; elles me sont toutes apparues en bon état et sans détérioration prématurée. L'emplacement de la fenêtre montrée à la photo no 28 du rapport d'Inspec-Sol n'a pu être localisé lors de ces visites. Est-elle située sur le garage indépendant non attenant à l'habitation principale? Une chose est certaine, cette fenêtre n'est pas localisée dans la salle à manger tel qu'on l'avait auparavant prétendu.

[33]            La seule découverte lors de la visite des lieux fut l'absence de calfeutrage au joint supérieur (à partir de l'allège) sur une fenêtre située au rez-de-chaussée.

[34]            Si l'on qualifie cette absence de parachèvement, la garantie est expirée.

[35]            Sinon, cette absence, qui ne répond pas à la notion de vice caché au sens de l'article 1726 du Code civil, constituerait une malfaçon.

[36]            Lors de son témoignage, M. Chevalier a très bien expliqué les trois causes probables d'infiltration d'air froid aux cadrages des portes et fenêtres.

[37]            Or, le tribunal n'a reçu aucune preuve convaincante de la part des bénéficiaires comme quoi une des causes serait le calfeutrage.

[38]            Je cite à cet effet un extrait du rapport de M. Latulippe :

Lors de notre seconde visite sur les lieux, il a été demandé au bénéficiaire de nous démontrer les endroits où le scellant s'était détérioré de façon prématurée, endroit autre que celui démontré à la photographie 28 du rapport de Inspec-Sol, puisque nous n'avions pas été en mesure de constater une détérioration à d'autres endroits et ce, même 4 ans après la construction du bâtiment.

[39]            Pour ces motifs, la présente réclamation est REJETÉE.

C)        Infiltrations d'air froid aux cadrages des portes et fenêtres

[40]            Il a été admis par les trois parties que cette situation est réelle et constitue un vice caché.

[41]            Il est aussi admis que la découverte par les bénéficiaires a été faite dans les trois ans suivant la réception du bâtiment.

[42]            Toutefois, le litige demeure au niveau du délai de dénonciation.

[43]            Ce délai est indiqué à l'article 10.4° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :

10.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

(...)

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

(...)

[44]            Ce délai a été considéré par la jurisprudence comme étant de rigueur.

[45]            Rappelons que la dénonciation par les bénéficiaires à l'entrepreneur et à l'administrateur est datée du 7 juin 2007 et elle a été reçue par l'administrateur le 20 juin 2007.

[46]            Mme Tremblay, inspecteur-conciliateur pour l'administrateur, a témoigné à l'effet que lors de sa rencontre avec M. Lalumière le 6 septembre 2007, ce dernier lui aurait affirmé qu'il ressentait de l'inconfort depuis l'hiver 2006, ce que nie le bénéficiaire.

[47]            Ce témoignage de Mme Tremblay a été entendu lors de l'audience relative au point 8 de son rapport, soit Infiltrations d'air froid aux cadrages des portes et fenêtres. Au point 9 de son rapport, soit Formation de givre à la chambre avant et à la salle de bain de l'étage, Mme Tremblay reprend la même affirmation de M. Lalumière :

Toujours selon ce dernier, la première manifestation serait apparue à l'hiver 2006.

[48]            Quant à M. Lalumière, il témoigne à l'effet que c'est plutôt à l'hiver 2007 qu'il a ressenti beaucoup d'air froid.

[49]            Nous sommes donc en présence de témoignages contradictoires.

[50]            La preuve a fourni des doutes raisonnables pour favoriser la version de Mme Tremblay. Tout d'abord, cette dernière a témoigné à l'aide de ses notes qui reproduisent l'affirmation de M. Lalumière selon laquelle il avait ressenti de l'inconfort en hiver 2006.

[51]            Il y a eu aussi le changement de cap de M. Lalumière lors de son témoignage relatif à l'absence d'isolant au périmètre du garage; dans un premier temps, il a déclaré que c'était le personnel d'Inspec-Sol qui l'avait informé de cette absence; après avoir constaté que les dates ne concordaient pas, il a modifié son témoignage et a affirmé qu'il avait plutôt été informé par un ami.

[52]            Les défectuosités aux fenêtres soulevées par les experts d'Inspec-Sol sont importantes et admises; ces défectuosités sont permanentes et présentes depuis la prise de possession; il ne s'agit pas ici de détérioration de matériel, mais plutôt d'absence de matériel; il est donc hasardeux de prétendre qu'il ait fallu trois hivers pour s'en rendre compte, alors que M. Lalumière a admis qu'il ne s'absentait que peu fréquemment.

[53]            Il a été mis en preuve que durant les deux hivers précédant l'hiver 2007, les bénéficiaires ont tenté de régler un problème d'inconfort en faisant appel à des experts en climatisation et chauffage. Ceci constitue donc un aveu d'une découverte d'inconfort à cette époque par les bénéficiaires; toutefois, ces derniers n'ont pas jugé bon d'en informer ni l'entrepreneur ni l'administrateur.

[54]            Enfin, dans son dernier témoignage, lequel relève quelque peu de la haute voltige, M. Denis Roy, expert d'Inspec-Sol, a vraiment donné l'impression de vouloir excuser son client pour ne pas avoir découvert l'infiltration avant l'hiver 2007. En accord avec Me Séguin, le soussigné estime que les témoins experts se doivent d'être au service du tribunal afin de l'aider à saisir une situation problématique.

[55]            Or, Inspec-Sol, après avoir insisté sur la gravité des problèmes, tente de prouver que ces derniers étaient difficilement détectables à cause de la grandeur des pièces, de la localisation des meubles et de la direction des vents; cette défense manque de rigueur scientifique.

[56]            Pour ces motifs, le tribunal MAINTIENT la décision de l'administrateur et REJETTE la présente réclamation.

D)        Formation de givre à la chambre avant et à la salle de bain de l'étage

[57]            Contrairement à la réclamation précédente, il n'y a pas d'admission quant à la nature du manquement relativement à la formation de givre.

[58]            Cependant, les procureurs des trois parties ont convenu que la preuve et les argumentations relatives à la formation de givre, en ce qui a trait au délai de dénonciation, seraient les mêmes que celles énoncées à la réclamation précédente, soit Infiltrations d'air froid aux cadrages des portes et fenêtres, et que conséquemment, la conclusion serait identique.

[59]            Vu cet accord, le tribunal MAINTIENT la décision de l'administrateur et REJETTE la présente réclamation.

[60]            Conformément à l'article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l'administrateur.

 

BELOEIL, le 30 janvier 2009.

 

 

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre