ARBITRAGE
En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs
CANADA
Province du Québec
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC)
No dossier Garantie : 160009-8014
No dossier CCAC : S22-110902-NP
Entre
(la « Bénéficiaire »)
Et
(l’ « Entrepreneur »)
Et
(l’ « Administrateur »)
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Arbitre : | Me Reynald Poulin |
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Pour la Bénéficiaire : | Mme Micheline Leblanc |
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Pour l’entrepreneur : | Me Yannick Richard |
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Pour l’administrateur :
| Me Nancy Nantel |
Date(s) d’audience : | 6 juin 2023 |
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Lieu d’audience : | 79 boul. René Lévesque Est, Québec. |
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Date de la décision : | 24 juillet 2023 |
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[1] L’Entrepreneur porte en arbitrage la décision de l’Administrateur rendue le 3 novembre 2022 laquelle accueille la réclamation de la Bénéficiaire portant sur plusieurs dommages affectant sa résidence et découlant d’un mouvement des fondations du bâtiment, tels que notamment des fissures dans les murs et les fondations ainsi que des infiltrations d’eau.
[2] À titre préliminaire, l’Entrepreneur s’adresse au Tribunal d’arbitrage afin de faire trancher un moyen d’irrecevabilité visant la décision de l’Administrateur.
[3] Précisons d’emblée qu’un moyen d’irrecevabilité à toutes fins similaires a été présenté par l’Entrepreneur dans le dossier d’arbitrage numéro S22-110901-NP concernant d’autres bénéficiaires. Vu les similitudes entre les deux dossiers, les parties ont convenu de procéder à une audition unique sur preuve commune pour la présentation de ce moyen. Bien qu’il ait été requis que le Tribunal rende des décisions séparées, il lui sera loisible de faire référence ci-dessous aux éléments de preuve qui lui ont été soumis dans les deux dossiers lors de cette audition commune.
[4] Essentiellement, l’Entrepreneur prétend qu’il n’a pas agi à titre d’entrepreneur général chargé de la construction de la résidence de la Bénéficiaire et plus spécifiquement qu’il n’a pas exécuté les travaux de fondations.
[5] Son rôle dans la construction se limitant à l’installation de la résidence préfabriquée sur les fondations déjà implantées au terrain, l’Entrepreneur prétend ne pas être tenu d’honorer quelconque garantie à l’égard de la Bénéficiaire pour un problème relatif aux fondations du bâtiment. La décision de l’Administrateur rendue le 3 novembre 2022 lui serait donc inopposable.
[6] Il ajoute qu’une autre entreprise, laquelle n’est pas partie au présent processus d’arbitrage, Action Maisons inc., est plutôt celle qui aurait agi à titre d’entrepreneur général chargé de la construction de la résidence, qui aurait procédé à l’implantation des fondations et donc, qui serait responsable envers la Bénéficiaire d’honorer le contrat de
Garantie Construction Résidentielle (« GCR ») pour ce qui a trait aux vices de fondations. [7] L’Administrateur et la Bénéficiaire soumettent quant à eux que les contrats de garantie GCR et de vente de la résidence ont été conclus entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur partie au processus d’arbitrage, ce qui rend ce dernier responsable de tout vice couvert par la garantie, y compris les vices de fondations.
[8] Voyons ce qu’il en est.
[9] Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le « Règlement ») s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction d’une maison unifamiliale neuve et isolée[1].
[10] Il est établi en jurisprudence[2] que le Règlement est d’ordre public et donc, que les parties à un plan de garantie ne peuvent y déroger contractuellement. Un plan de garantie offert à un bénéficiaire en vertu du Règlement ne peut prévoir une protection moindre que celle prescrite par le Règlement.
[11] Nous reprenons les propos de l’auteur De Andrade[3] qui écrit ce qui suit quant aux objectifs poursuivis par le législateur lors de l’adoption du Règlement, lesquels doivent guider le tribunal dans l’application dudit Règlement :
Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs a été institué par le gouvernement du Québec afin de protéger les acheteurs et améliorer la qualité des constructions neuves.
Les dispositions à caractère social de ce règlement visent principalement à remédier au déséquilibre existant entre le consommateur et les entrepreneurs lors de mésententes dans leurs relations contractuelles. En empruntant un fonctionnement moins formaliste, moins onéreux et mieux spécialisé, le système d’arbitrage vient s’insérer dans une politique législative globale visant l’établissement d’un régime complet de protection du public dans le domaine de la construction résidentielle.
[Nos soulignements]
[12] L’identité de la personne morale chargée d’honorer la garantie GCR dépend de l’analyse de la documentation contractuelle convenue entre les parties ainsi que du contexte entourant la conclusion de celle-ci. Il importe donc de revenir sur les faits mis en preuve entourant la conclusion des contrats de vente et de garantie de la résidence de la Bénéficiaire pour déterminer à qui revient l’obligation de garantie.
[13] À l’automne 2018, la Bénéficiaire se rend aux bureaux d’Action maisons inc. à Sainte-Eulalie afin de faire l’acquisition d’un projet de résidence clé en main à construire sur un terrain qui lui appartient. Elle fait alors la rencontre de Mme Sylvie Bruneau qui s’identifie comme la représentante d’Action Maisons inc.
[14] Des maisons préfabriquées modèles vendues par l’Entrepreneur se trouvent sur place afin d’en permettre la visite et des enseignes affichent aussi, sur place, les noms et logos de l’Entrepreneur et d’Action Maisons inc.
[15] Le 11 novembre 2018, la Bénéficiaire conclut trois contrats au moment de procéder à l’achat de sa résidence. Ces trois contrats sont signés aux bureaux de vente d’Action maisons inc. à Sainte-Eulalie par la Bénéficiaire et Mme Bruneau.
[16] Dans un premier temps, la Bénéficiaire conclut avec l’Entrepreneur le contrat de vente numéro 13525[4] pour l’achat d’une maison modèle 740 avec garage et abri de soussol pour le prix de 189 678,86 $, taxes incluses. Le contrat est signé par la Bénéficiaire et Mme Sylvie Bruneau, laquelle y est identifiée comme représentante de l’Entrepreneur. L’Entrepreneur y intervient à titre de vendeur et indique son numéro de licence d’entrepreneur général et spécialisé de la Régie du bâtiment du Québec dans l’en-tête du contrat.
[17] Dans un deuxième temps, la Bénéficiaire et l’Entrepreneur signent un document intitulé « devis de soumission »[5], lequel détaille les inclusions aux travaux prévus, leurs coûts et indique en en-tête que ce devis fait partie intégrante du contrat d’entreprise intervenu entre l’Entrepreneur et la Bénéficiaire. Selon la preuve présentée à l’audition, malgré que l’on utilise les termes « contrat d’entreprise », il est fait référence ici au contrat de vente numéro 13525. Par le biais de cette clause, le devis de soumission est donc intégré au contrat de vente 13525.
[18] Ce devis de soumission comporte le logo de l’Entrepreneur en en-tête de toutes les pages et se divise en deux sections, soit une première section au prix de 164 974 $, taxes en sus (189 678,86 $, taxes incluses) pour l’installation des modules de maison préfabriqués et une deuxième section prévoyant les allocations de travaux de chantier pour le prix de 56 381 $, taxes en sus.
[19] Le logo d’Action Maisons inc. est reproduit avant le début de la section des allocations pour travaux de chantier au milieu de la troisième page du document, laquelle section comporte notamment l’inclusion des travaux de fondations. Néanmoins, le logo de l’Entrepreneur figure également dans l’en-tête au début de la même page.
[20] Le devis de soumission comporte les indications suivantes :
Le présent devis de soumission fait partie intégrante du contrat d’entreprise intervenu entre les parties ci-haut désignées.
1. Les parties conviennent que ce devis daté du 11 novembre 2018 remplace tout autre document précédent à cette date.
2. Les parties conviennent que le nouveau montant du contrat d’entreprise est maintenant de : 221 355 $ + txs et qu’il est conditionnel à ce que l’autorisation de mise en production soit signée avant le 21 nov. 2018. Les modalités de paiement seront ajustées lors de sa signature.
[21] Dans un troisième temps, la Bénéficiaire conclut un contrat de garantie GCR[6] avec l’Entrepreneur uniquement. Ce dernier intervient à titre d’Entrepreneur chargé de la construction de la résidence et indique être titulaire d’une licence de la Régie du bâtiment du Québec numéro 5683-4724 ainsi que d’une accréditation délivrée par l’Administrateur pour la construction de la résidence.
[22] Le contrat de garantie GCR désigne la résidence de la Bénéficiaire située au [...] à St-Célestin comme étant l’immeuble concerné par la garantie et réfère au contrat de vente numéro 13525 comme étant visé par la garantie. Il comprend toutes les garanties usuelles qui doivent être minimalement accordées par un entrepreneur général à un bénéficiaire conformément au Règlement, dont notamment la garantie relative aux vices de bâtiment découverts dans les 5 années de la fin des travaux[7]. Aucune exclusion de couverture n’y est décrite concernant les travaux qui seraient effectués par un sous-traitant.
[23] Encore une fois, le contrat est signé par Mme Sylvie Bruneau, laquelle y est identifiée comme représentante de l’Entrepreneur et par la Bénéficiaire.
[24] À l’audition, la Bénéficiaire témoigne à l’effet que le projet de construction résidentielle qui lui est présenté par Mme Sylvie Bruneau le 11 novembre 2018 est un projet clé en main. Aucune indication ne lui est donnée à ce moment à l’effet qu’un entrepreneur verrait à exécuter les travaux de fondations dans un premier temps et qu’un entrepreneur distinct verrait à fabriquer et installer la résidence sur les fondations dans un deuxième temps.
[25] Au moment de signer la documentation contractuelle, Mme Sylvie Bruneau remet à la Bénéficiaire un Cahier de renseignements client[8] comportant en page titre le logo de l’Entrepreneur.
[26] Bien que ce document ait uniquement été soulevé par la Bénéficiaire au stade des plaidoiries alors que les preuves en demande et en défense étaient closes, toutes les parties en ont obtenu copie, ont eu l’occasion de faire des représentations à ce sujet et ont consenti au dépôt en preuve de ce document pertinent au litige.
[27] Nous reproduisons les extraits suivants du Cahier de renseignements client qui sont pertinents au dossier :
Cher client/ Chère cliente,
Vous avez déjà tenu quelques rencontres avec notre conseiller en habitation. Lors de celles-ci, vous avez élaboré ensemble un projet de construction qui convient à vos besoins et à votre budget. […] Ce document est bien plus qu’un outil de référence, car il fera partie intégrante de votre contrat d’achat.
[…]
Garanties
Votre maison est couverte par de solides garanties offertes par Expert Maison et par chacune des entreprises qui ont fourni les produits et matériaux ayant servi à la construction de votre maison. Votre maison est également protégée par le programme de Garantie de Construction Résidentielle qui est conçu pour vous protéger en cas de malfaçon. […] Notre plan de garantie s’applique uniquement aux travaux réellement effectués par Expert Maison ainsi qu’aux matériaux fournis faisant partie du devis de construction et devis de fondation.
6. Fondations (si inclus au devis)
Si votre contrat avec Expert Maison inclut les fondations, la section suivante explique les conditions et politiques d’exécution qui sont généralement incluses. Pour connaître les inclusions et exclusions spécifiques à votre projet, consultez votre devis de construction/devis de fondation que vous signerez avec l’autorisation de mise en production.
12. Travaux de chantier
[…] N.B. : Certains de ces travaux sont disponibles en option chez Expert
Maison. Ils sont peut-être même déjà inclus dans votre devis. Les travaux
prévus à cet effet figurent sur votre devis de construction/devis de fondation signé avec l’autorisation de mise en production.
Liste des travaux qui sont effectués au chantier, soit par Expert Maison (s’ils sont inclus au devis) ou par des sous-traitants :
− L’excavation de la fondation de l’entrée d’eau
− La fondation
[Nos soulignements]
[28] À l’audition, Mme Bruneau témoigne à l’effet qu’une fois le contrat de vente, le devis de soumission et le contrat de garantie GCR signés par la Bénéficiaire, celle-ci les transmet à l’Entrepreneur pour approbation, ce que ce dernier a fait. L’approbation des trois contrats précités par l’Entrepreneur fait l’objet d’une preuve incontestée.
[29] Le 10 janvier 2019, soit près de deux mois suivant les contrats précités, la
Bénéficiaire signe un document comportant le logo d’Action maisons inc. intitulé « soumission de travaux au chantier », lequel comprend notamment une section prévoyant les détails des travaux de fondation envisagés au prix de 42 038 $. Ce contrat n’est pas signé par Action maisons inc.
[30] Aux termes de la preuve présentée devant lui, le Tribunal d’arbitrage conclut que la garantie GCR offerte par l’Entrepreneur à la Bénéficiaire s’étend à l’entièreté de sa résidence y compris les travaux en chantier, et ce, pour les raisons qui suivent.
[31] Bien que le devis de soumission comporte une section distincte pour les travaux en chantier, il y est expressément prévu que l’entièreté du devis, soit la section concernant la fourniture de la maison préfabriquée et la section concernant les travaux en chantier, fait partie intégrante du contrat de vente numéro 13525 intervenu entre l’Entrepreneur et la Bénéficiaire.
[32] Il y est également prévu que le contrat total conclu entre les parties désignées comme étant l’Entrepreneur et la Bénéficiaire est d’un montant de 221 355 $, taxes en sus, ce qui inclut le montant alloué à la construction des fondations de la résidence. L’Entrepreneur est donc lié envers la Bénéficiaire pour la construction entière de sa résidence, y compris la fourniture des travaux en chantier. En signant ce contrat et en ayant fait affaire avec une seule représentante agissant pour l’Entrepreneur, la Bénéficiaire croit avoir retenu les services d’un entrepreneur unique qui lui fournira une résidence clé en main.
[33] Selon le témoignage de la Bénéficiaire que le Tribunal d’arbitrage retient, il n’est pas du tout de son intention à ce moment de retenir elle-même les services d’un soustraitant pour qu’une autre entreprise exécute la section des travaux en chantier. Elle choisit plutôt d’opter pour un service clé en main auprès de l’Entrepreneur qui la rassure et lui procure une paix d’esprit.
[34] Action maisons inc. n’étant pas désignée à titre de partie au devis de soumission, celui-ci ne peut la lier contractuellement. D’ailleurs, le devis est signé par un représentant de l’Entrepreneur et par la Bénéficiaire seulement. Aucun espace de signature n’est réservé à un représentant d’Actions maison inc. Tout porte à croire à la lecture du contrat que l’Entrepreneur s’engage envers la Bénéficiaire à lui fournir un projet clé en main.
[35] Au final, aux termes des analyses de la documentation contractuelle présentée dans son ensemble à la Bénéficiaire et du contexte de signature, le Tribunal d’arbitrage conclut que l’Entrepreneur s’est porté garant de tous les travaux envers la Bénéficiaire, et ce, même si Actions maisons inc. a dans les faits réalisé les travaux d’implantation des fondations à la résidence.
[36] Ceci est confirmé par le fait que seul l’Entrepreneur a conclu le contrat de garantie GCR avec la Bénéficiaire, lequel offre une garantie pour l’ensemble de la résidence sans aucune exclusion relative aux travaux de fondations. Ce contrat fait référence au contrat de vente numéro 13525, lequel inclut tous les travaux de chantier par le biais de la référence au devis de soumission. Ce qui précède est d’ailleurs conforme aux dispositions du Règlement.
[37] Le Cahier de renseignements client remis à la Bénéficiaire au moment de l’achat stipule à juste titre que le plan de garantie offert s’étend aux travaux et matériaux fournis par l’Entrepreneur faisant partie du devis de construction et devis de fondation. Il y est également indiqué de consulter le devis de construction et de fondation remis au client afin de connaitre les inclusions à son projet, dont notamment les travaux de chantier ou de fondations.
[38] En l’espèce, le seul devis remis à la Bénéficiaire par l’Entrepreneur constitue le devis de soumission, lequel comprend expressément les travaux de chantier et de fondations, peu importe qui doit les exécuter. Tout consommateur raisonnablement avisé et placé dans les mêmes circonstances que la Bénéficiaire aurait compris, à la lecture du contrat de garantie et du cahier de renseignements clients, que le projet de construction clé en main incluait la fourniture des fondations et une couverture de garantie à l’égard de ceux-ci par l’Entrepreneur.
[39] Le fait que la Bénéficiaire ait payé directement Actions maisons inc. pour la portion des travaux en chantier ne peut avoir pour effet de décharger l’Entrepreneur des obligations de garantie contractées par lui envers ces premiers.
[40] L’Entrepreneur soumet également qu’il n’est pas tenu d’honorer la garantie puisqu’il n’a pas inclus les travaux de fondations dans le formulaire d’enregistrement du bâtiment auprès de la garantie GCR daté du 22 novembre 2018. Cet argument ne lui est d’aucun secours.
[41] Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que l’Entrepreneur ne peut réduire unilatéralement la garantie offerte à la Bénéficiaire par le biais d’un formulaire d’enregistrement du bâtiment qui est transmis à la GCR postérieurement à la signature du contrat de garantie conclu avec la Bénéficiaire. Ce document n’a par ailleurs jamais été porté à la connaissance de la Bénéficiaire avant l’ouverture du processus d’arbitrage.
[42] Il a aussi été mis en preuve que ce formulaire constitue l’unique enregistrement du bâtiment auprès de la GCR et qu’Action maisons inc. n’a jamais procédé de son côté à un tel enregistrement pour les fondations du bâtiment seulement ou pour les autres travaux en chantier qu’elle a effectués à la résidence.
[43] D’ailleurs, l’Entrepreneur n’a jamais exclu du formulaire d’enregistrement du bâtiment les autres travaux en chantier exécutés par Action maisons inc., tels que par exemple, l’électricité et la plomberie. Cet élément milite en faveur du fait que l’Entrepreneur s’est bel et bien engagé envers la Bénéficiaire à garantir l’ensemble de la résidence, y compris les travaux réalisés par Action maisons inc.
[44] La couverture de garantie minimale doit être offerte par l’Entrepreneur conformément au Règlement et ne peut être restreinte unilatéralement par l’envoi du formulaire d’enregistrement du bâtiment à l’Administrateur. Conclure autrement aurait pour effet de priver la Bénéficiaire de la partie de la garantie à laquelle elle a droit en vertu du Règlement pour les fondations de sa résidence, puisqu’elle n’a conclu aucun autre contrat de garantie avec Action maisons inc. et que la résidence n’a pas non plus été enregistrée par cette dernière auprès de l’Administrateur.
[45] Rappelons que le Règlement est d’ordre public et vise la protection des citoyens dans le cadre de l’achat d’importance que représente l’acquisition d’une résidence neuve. Un entrepreneur ne saurait faire usage de tactiques contractuelles afin de semer la confusion ou le doute dans l’esprit du consommateur quant à l’identité du cocontractant avec qui ce dernier transige réellement pour ensuite tenter de réduire unilatéralement la portée de la garantie offerte.
[46] Par ailleurs, mentionnons que le 22 mai 2019, suivant la construction complète de la résidence, l’Entrepreneur et la Bénéficiaire ont procédé ensemble à l’inspection préréception de la résidence[9], ce qui est obligatoire aux termes du Règlement pour l’entrepreneur ayant souscrit un contrat de garantie GCR. Les murs de fondations figurent parmi les éléments inspectés par l’Entrepreneur, tel qu’il appert du formulaire d’inspection signé par M. Jeannot Bélanger, le contremaitre à l’emploi de l’Entrepreneur[10].
[47] Le Tribunal conclut donc l’Entrepreneur se sentait lié, du moins à ce moment, d’honorer la garantie GCR à l’égard des fondations de la résidence envers la Bénéficiaire puisque cet élément n’a pas été exclu de l’inspection pré-réception.
PAGE :
[48] Le Tribunal juge pertinent de distinguer l’arrêt de la Cour d’appel MVP Rénovation (2009) inc. c. Garantie de construction résidentielle (GCR)11, soumis par l’Entrepreneur à l’audition, lequel n’est pas utile dans le cadre du présent litige, puisque la question soumise à la Cour d’appel dans ce dossier visait à déterminer si l’entrepreneur ayant fait des travaux de sous-traitance à la résidence des demandeurs avait l’obligation de fournir un contrat de garantie et d’enregistrer celle-ci auprès de l’Administrateur. Dans cette affaire, les demandeurs avaient agi à titre d’auto-constructeurs en procédant eux-mêmes à l’embauche des sous-traitants pour la construction de leur résidence. Aucun contrat de garantie n’avait été conclu entre les clients et l’entrepreneur et ces derniers n’avaient procédé à aucune inspection pré-réception du bâtiment.
[49] C’est dans ce contexte que la Cour d’appel a jugé que l’entrepreneur n’avait pas agi à titre d’entrepreneur général au bénéfice des clients qui avaient eux-mêmes coordonné les travaux de construction de la résidence et donc, qu’il n’avait pas l’obligation de fournir un plan de garantie au départ.
[50] Cette situation se distingue de la présente affaire où l’Entrepreneur a effectivement conclu un contrat de garantie complet avec la Bénéficiaire et a procédé à une inspection pré-réception de la résidence incluant la vérification des fondations du bâtiment. La preuve présentée au Tribunal d’arbitrage amène ce dernier à conclure que l’Entrepreneur a agi dans les faits en se considérant tenu envers la Bénéficiaire de lui fournir et d’honorer la garantie fournie à l’égard de l’entièreté de la résidence.
[51] Même s’il n’en était pas venu à cette conclusion aux termes de l’analyse de la documentation contractuelle et des témoignages mis en preuve, le Tribunal d’arbitrage aurait tout de même rejeté le moyen préliminaire soumis par l’Entrepreneur. En effet, la preuve présentée ne permet pas de conclure à ce stade-ci que l’Entrepreneur n’a eu aucune implication au niveau de l’exécution des travaux de fondations de la résidence.
[52] M. Normand Roussel, estimateur pour l’Entrepreneur, a témoigné à l’effet que l’Entrepreneur a procédé à la fixation des modules de maison préfabriqués sur les fondations implantées par Action maisons inc. Aucune preuve n’a été présentée quant à la cause exacte des dommages subis à la résidence de la Bénéficiaire pour permettre au Tribunal d’arbitrage de conclure, à ce stade-ci, en l’absence de responsabilité de l’Entrepreneur à ce sujet.
[53] Considérant ce qui précède, le Tribunal doit rejeter le moyen préliminaire soumis par l’Entrepreneur et juge que ce dernier est tenu d’honorer le contrat de garantie conclu avec la Bénéficiaire visant l’entièreté de sa résidence, y compris les travaux de fondations et en chantier réalisés par Action maisons inc. Cette conclusion ne fait évidemment pas obstacle aux recours que pourrait détenir l’Entrepreneur à l’égard d’Action maisons inc.
advenant que sa responsabilité soit retenue sur le fond de l’affaire, le cas échéant.
11 2021 QCCA 1449.
PAGE :
[54] Le dossier d’arbitrage verra donc à poursuivre son cours pour qu’une audition soit tenue sur le fond quant au bien-fondé de la décision rendue par l’Administrateur le 3 novembre 2022.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[55] REJETTE le moyen d’irrecevabilité préliminaire formulé par l’Entrepreneur;
[56] Le tout, frais d’arbitrage à suivre.
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Me Reynald Poulin, arbitre
[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, RLRQ, c B-1.1, r 8, art. 2.
[2] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QC CA).
[3] Avelino De Andrade, « Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs dix ans après » dans Cours de perfectionnement du notariat, vol. 2010-2, Montréal, Chambre des notaires du Québec, 2010, p. 365, citant : Bergeron et 9143-1718 Québec inc. (Aldo Construction), Me Robert Masson, arbitre, Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 071112001 et U-502602 GMB, 2009-01-12.
[4] Pièce A-1.
[5] Pièce A-1.
[6] Pièce A-2.
[7] Pièce A-2, clause 11.1.
[8] 8 Piece B-1.
[9] Pièce A-3.
[10] Pièce A-3.