TRIBUNAL D’ARBITRAGE

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Constitué en vertu du Règlement sur le plan de garantie des

bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

 

CANADA

 

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

Dossier no : 316851-1

Dossier no : s13-062602-np

DIANE GRAVEL

 

et

 

STEVE AUBUT

 

 

« Bénéficiaires » / Demanderesses

 

c.

 

9200-2344 QUÉBEC INC. (LES MAISONS GER-TOIT)

 

« Entrepreneur »/ Défenderesse

 

-et-

 

LA GARANTIE ABRITAT INC.

 

« Administrateur »

 

 

 

 

DÉCISION INTERLOCUTOIRE

______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Tibor Holländer

 

 

Pour les Bénéficiaires :

Monsieur Steve Aubut

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Me Marie-Douce Huard

 

 

Pour l’Administrateur :

Me Élie Sawaya

 

 

Date de l’audition :

Le 13 janvier 2014

 

 

 

 

Date de la décision interlocutoire :

Le 4 février 2014

 

Identification des parties

 

« BÉNÉFICIAIRES» / DEMANDERESSES:

Madame Diane Gravel

et

Monsieur Steve Aubut

 

[…]Québec (Québec) […]

 

 

« ENTREPRENEUR » / DÉFENDERESSES:

9200-2344 Québec inc.

(Les Maisons Ger-Toit)

 

2160, boulevard Central

 

Québec (Québec)

 

G1P 3N7

 

 

« ADMINISTRATEUR » DU PLAN DE GARANTIE:

La Garantie Abritat inc.

 

5930, boulevard Louis-H.-La Fontaine

 

Montréal (Québec)

 

H1M 1S7

 

Observations Préliminaires

 

[1]              Aux fins de la présente décision interlocutoire, le Tribunal exposera d’abord les faits, documents et pièces qui sont pertinents à la décision qui est rendue.

 

Mandat

 

[2]              Une demande d’arbitrage a été déposée par les Bénéficiaires en date du 26 juin 2013 et le soussigné a été désigné comme arbitre le 2 juillet 2013.[1]

[3]              Le soussigné a été saisi de la présente demande d’arbitrage suite à décision rendue par l’Administrateur, Madame Anne Delage, le 27 mai 2013 (Pièce A-12) (ci-après «Décision»)[2] en application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.8) (ci-après le «Règlement») en vertu de laquelle les demandes formulées par les Bénéficiaires liés aux points quatorze (14) au quarante-cinq (45) ont été rejetées par l’Administrateur.

[4]              Le 9 septembre 2013, l’audition de la demande d’arbitrage a été fixée aux 2 et 3 décembre 2013.[3]

[5]              Dans un courriel daté du 20 septembre 2013, Me Julien Belanger, représentant les Bénéficiaires, a avisé le soussigné que les Bénéficiaires ont abandonné leur demande d’arbitrage relative aux points 15,16, 19, 24, 28, 30, 35, 38, 44 et 45. Il reste donc les points 14, 17, 18, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 29, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 39, 40, 41, 42 et 43 (ci-après la «Demande d’arbitrage») à l’instance devant le Tribunal.

[6]              Il est à noter que l’Administrateur en s’appuyant sur les faits qui ont été communiqués à elle et sa propre inspection en est venu à la conclusion que les déficiences ayant trait à la Demande d’arbitrage «étaient apparentes au moment de la réception en ce sens qu’ils étaient décelables pour un acheteur raisonnablement diligent.»[4]

[7]              Ce sont les seules questions dont le Tribunal a été saisi et sur lesquelles le Tribunal doit statuer.

[8]              Le 22 novembre 2013, l’Entrepreneur représenté par Me Marie-Douce Huard a informé le Tribunal que son client souhaitait de demander la suspension de l’audience ce qui était prévu commencer le 2 décembre 2013.[5]

[9]              Le 25 novembre 2013, Me Bélanger qui agissait alors pour les Bénéficiaires a avisé le soussigné qu’il cessait de représenter les Bénéficiaires et par conséquent Monsieur Aubut avait choisi de se représenter lui-même.[6]

[10]           Le 27 novembre 2013, Me Huard a communiqué une copie de la «Requête introductive d’instance»[7] qui était en cours d’être signifiée aux Bénéficiaires, en vertu de laquelle l’Entrepreneur réclamait auprès des Bénéficiaires la somme de 24 205,78$, représentant le solde contractuel dû à l’Entrepreneur en ce qui concerne la construction de la maison des Bénéficiaires. La Requête introductive d’instance a par la suite été signifiée aux Bénéficiaires.

[11]           Le 28 novembre 2013, une conférence téléphonique a eu lieu entre les interlocuteurs, afin de discuter de la demande préalable fait par l’Entrepreneur de suspendre l’audience qui était prévue, commencer le 2 décembre 2013.

[12]           Avant le 28 novembre 2013, Me Huard a soumis des copies de la Requête introductive d’instance et les pièces justificatives déposées en preuve à l’appui de la demande de l’Entrepreneur.

[13]           Les principales allégations comprises dans la Requête introductive d’instance de l’Entrepreneur sont citées ci-après :

 «3.     Le ou  vers  le 22  avril  2012, les défendeurs signent, avec la demanderesse, un contrat d’entreprise ayant pour objet la construction d’une maison neuve, le tout tel qu’il appert du contrat d’entreprise produit au soutien des présentes comme Pièce P-2;

9.        Les  défendeurs refusent ou négligent toujours de  payer la somme de 24 205,78$ représentant le solde contractuel suite à la construction de leur maison;

10.      Plus particulièrement, du coût total pour les travaux d’excavation assume par les défendeurs, il reste un solde de 19 133,43$, tel qu’il appert desdites factures d’excavation, produites en liasse au soutien des présentes comme  pièce P-4;

11.      La demanderesse à elle-même acquitte la somme de 19 133,43$ auprès  d’Excavation C.M. Gravel, de sorte qu’elle est pleinement justifiée de réclamer cette somme aux défendeurs qui en ont été les bénéficiaires et qui s’étaient engagés à l’acquitter;

12.      Une somme de 5 072,35$ demeure également impayée pour d’autres travaux supplémentaires effectues par la  demanderesse, à la demande des défendeurs et approuves par ces derniers, le tout tel qu’il appert d’une copie des factures de la demanderesse produite en liasse au soutien  des présentes  comme  pièce P-5;»

[14]           Après avoir examiné la Requête introductive d’instance et les pièces déposées à son appui, le Tribunal n’était pas en mesure de discerner la connexité entre la demande présentée par l’Entrepreneur devant la Cour du Québec et la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires qui devait être entendu  les 2 et 3 décembre 2013.

[15]           Lors de la conférence téléphonique du 28 novembre 2013, Me Huard a stipulé qu’elle demandait la suspension de l’audience d’arbitrage jusqu’à ce que la Cour du Québec ait rendu une décision sur la demande de l’Entrepreneur. Le fondement de la demande de l’Entrepreneur de suspendre l’audience d’arbitrage repose sur l’application de l’Article 11 du Règlement.

 

 

[16]           Afin d’examiner la demande de l’Entrepreneur de suspendre l’audience d’arbitrage des Bénéficiaires, le soussigné a prié Me Huard de présenter  une requête écrite exposant les motifs justifiant de la nécessité de suspendre l’audience de la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires, jusqu’après que la Cour du Québec rend une décision sur la demande de l’Entrepreneur.

[17]           Le 17 décembre 2013, Me Huard a soumis la Requête en suspension de l’arbitrage de l’Entrepreneur (articles 116 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, et 2, 4.1, 4.2 et 20 du Code civil du Québec) (ci-après la «Requête en suspension») ainsi que les pièces qui y sont visées.

[18]           Le 13 janvier 2014, par la voie d’une conférence téléphonique, le Tribunal a entendu les représentations verbales qui lui ont été faites par Me Huard, Monsieur Aubut et Me Sawaya en rapport à la Requête en suspension de l’Entrepreneur.

[19]           Le 15 janvier 2014, Me Huard a informé le Tribunal que l’audience devant la Cour du Québec a été fixée aux 2 et 3 avril 2014.[8]

Plaidoiries - Entrepreneur

 

[20]           L’idée maîtresse de l’argument de l’Entrepreneur se trouve aux paragraphes 14 à 18 de la Requête en suspension ci-après reproduite :

 

«LA SUSPENSION DE L’INSTANCE

 

14.    L’article 11 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le «Règlement») prévoit que pour avoir droit au parachèvement ou à la correction «des travaux, le bénéficiaire doit faire retenir par son institution financière ou verser dans un compte en fidéicommis auprès d’un avocat, d’un notaire ou de l’Administrateur du plan toute somme encore due»;

15.    Tant que la question du solde contractuel ne sera pas tranchée, l’exécution de la présente sentence arbitrale ne pourra être possible, advenant que les Bénéficiaires aient gain de cause;

16.    En effet, l’Administrateur de la Garantie devra exiger des Bénéficiaires le dépôt du solde contractuel dû à l’Entrepreneur, avant que ce dernier puisse entreprendre les travaux correctifs demandés, s’il y a lieu;

17.    Or, les Bénéficiaires contestent ce solde contractuel et avec respect, il n’appartient pas à l’Administrateur de la Garantie ni à l’arbitre de déterminer qui a raison ou qui a tord sur ce sujet du solde contractuel;

18.    Qui plus est, le sort du solde contractuel peut et aura un impact majeur sur le déroulement du présent arbitrage, puisqu’une entente de principe est intervenue entre les parties;

19.    Par conséquent, dans l’intérêt de la justice et des règles de proportionnalités édictées aux articles 4.1 et 4.2 du Code de procédure civile et ce, notamment afin d’éviter des frais supplémentaires, l’Entrepreneur est justifié de demander la suspension du présent dossier jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu dans le dossier dont le numéro de Cour est le C. Q. Q. 200 -22-069484-137;

20.    Les Bénéficiaires n’en subiront aucun préjudice puisque les travaux de corrections demandés ne sont pas urgents et ne risquent pas de s’aggraver;

22.    Il est faux de prétendre que l’Entrepreneur tente, par sa demande de suspension de retarder indûment le dossier des Bénéficiaires;

23.    Au contraire, depuis le mois d’avril 2013 que l’Entrepreneur offre aux Bénéficiaires de régler le présent dossier, mais à toutes les fois qu’une entente semble convenue, les Bénéficiaires refusaient ou négligeaient de respecter leurs engagements, tel qu’il appert de l’échange de correspondance jointe en liasse au soutien des présents sous la pièce R-7;»

[21]           En outre, Me Huard prétend que, si l’Entrepreneur obtient un jugement favorable de la Cour du Québec, il est fort probable que la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires sera réglée.

Plaidoiries - Bénéficiaire

[22]           Les Bénéficiaires s’opposent à la Requête de suspension et ils prétendent  que l’Entrepreneur n’a droit à aucune somme d’argent.

[23]           Étant donné que les Bénéficiaires n’étaient plus représentées par Me Belanger, et sans qu’ils indiquent expressément leur position en termes strictement juridiques, le Tribunal en conclut que la position mise de l’avant par les Bénéficiaires est qu’il n’y a pas de connexité entre la demande présentée par l’Entrepreneur devant la Cour du Québec et leur Demande d’arbitrage actuellement en instance devant le présent Tribunal.

[24]           Par conséquent, les Bénéficiaires ont le droit de procéder à leur Demande d’arbitrage et le droit d’être entendus par le présent Tribunal.

Plaidoiries - Administrateur

[25]           L’Administrateur s’en remet à la justice.

Questions en litige

[26]           Est-ce que l’Article 11 du Règlement est applicable en l’espèce?

[27]           Est-ce que les Articles 2, 4.1, 4.2 et 20 du Code de procédure civile sont applicables en l’espèce, de faire droit à la requête de l’Entrepreneur de suspendre l’audience d’arbitrage des Bénéficiaires?

[28]           Est-ce que l’Entrepreneur subira un préjudice irréparable si l’audience d’arbitrage devait avoir lieu avant la décision de la Cour du Québec concernant sa demande?

Analyse

[29]           Afin de faciliter une meilleure compréhension de la décision interlocutoire par les parties en cause, il est opportun de reproduire ici les articles qui reçoivent application dans la présente cause°:

«C.p.C.

2. Les règles de procédure édictées par ce code sont destinées à faire apparaître le droit et en assurer la sanction; et à moins d’une disposition contraire, l’inobservation de celles qui ne sont pas d’ordre public ne pourra affecter le sort d’une demande que s’il n’y a pas été remédié alors qu’il était possible de le faire. Ces dispositions doivent s’interpréter les unes par les autres et, autant que possible, de manière à faciliter la marche normale des procès, plutôt qu’à la retarder ou à y mettre fin prématurément.

4.1. Les parties à une instance sont maîtres de leur dossier dans le respect des règles de procédure et des délais prévus au présent code et elles sont tenues de ne pas agir en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive ou déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.

 

Le tribunal veille au bon déroulement de l’instance et intervient pour en assurer la saine gestion.

 

4.2. Dans toute instance, les parties doivent s’assurer que les actes de procédure choisis sont, eu égard aux coûts et au temps exigés, proportionnés à la nature et à la finalité de la demande et à la complexité du litige; le juge doit faire de même à l’égard des actes de procédure qu’il autorise ou ordonne.

 

20. Si le moyen d’exercer un droit n’a pas été prévu par ce code, on peut y suppléer par toute procédure non incompatible avec les règles qu’il contient ou avec quelque autre disposition de la loi.

 

Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, RRQ, c B-1.1, r 8:

 

SECTION I

INTERPRÉTATION

 

1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:

 

«bénéficiaire»: une personne, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopérative qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf et, dans le cas des parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise, le syndicat de copropriétaires;

 

«entrepreneur»: une personne titulaire d’une licence d’entrepreneur général l’autorisant à exécuter ou à faire exécuter, en tout ou en partie, pour un bénéficiaire des travaux de construction d’un bâtiment résidentiel neuf visé par le présent règlement;

 

11.  Dans le cas d’intervention de l’administrateur pour parachever ou corriger des travaux relatifs à un bâtiment, le bénéficiaire doit faire retenir par son institution financière ou verser dans un compte en fidéicommis auprès d’un avocat, d’un notaire ou de l’administrateur du plan toute somme encore due en vue du paiement final des travaux qui seront exécutés par l’administrateur pour compléter ou corriger les travaux prévus au contrat original ou les travaux supplémentaires prévus à toute entente écrite convenue avec l’Entrepreneur.

106.  Tout différend portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section.

116.  Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»

[Nos soulignements]

i.                 REMARQUES PRÉLIMINAIRES

[30]           Les Bénéficiaires et l’Entrepreneur sont considérés comme parties intéressées, au sens de l’Article 1 du Règlement.

[31]           Dans le cadre du Règlement, les Bénéficiaires ont déposé une demande de réclamation  auprès de l’Administrateur. À la suite de la Décision de l’Administrateur du 27 mai 2013[9], les Bénéficiaires ont déposé une Demande d’arbitrage conformément au Règlement.

[32]           Avant l’audience de la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires, l’Entrepreneur a poursuivi en justice les Bénéficiaires, réclamant un solde de compte impayé de 24 205,78 $, le montant dû par les Bénéficiaires est conformément au «contrat d’entreprise et contrat de garantie», ainsi que de certaines factures déposées à l’appui de sa demande, dûment signé par les parties  en cause le 22 avril 2012[10].

[33]           Le solde restant réclamé par l’Entrepreneur auprès des Bénéficiaires, comprend l’argent prétendument dû pour les coûts associés à l’excavation et pour les travaux supplémentaires.

[34]           Les Bénéficiaires affirment qu’ils ne doivent aucune somme d’argent à l’Entrepreneur.

[35]           Me Huard a reconnu qu’il n’y a pas de connexité entre la demande de l’Entrepreneur qui est en instance devant la Cour du Québec et la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires.

[36]           Le Tribunal n’est pas appelé de statuer sur le bien-fondé des revendications formulées par les parties en cause, qui fait déjà l’objet d’un recours pendant devant la Cour du Québec; ces revendications seront décidées en dernière instance par la Cour du Québec.

 

[37]           Les faits ayant trait à la demande de l’Entrepreneur qui est devant la Cour du Québec n’ont absolument aucune influence sur les questions que le Tribunal arbitral devra statuer, et qui a trait à la décision de l’Administrateur de rejeter les points contenue dans la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires.

[38]           Les questions devant la Cour du Québec et ceux devant ce Tribunal sont distinctes et différentes. La Cour du Québec tranchera si les Bénéficiaires doivent  le montant réclamé par l’Entrepreneur, tandis que ce Tribunal devra décider si la décision de l’Administrateur de rejeter la demande des Bénéficiaires qui s’inscrit dans le cadre de la Demande d’arbitrage était bien fondée ou non.

ii.               APPLICATION DE L’ARTICLE 11 DU RÈGLEMENT

[39]           L’Entrepreneur invoque, l’Article 11 du Règlement à l’appui de la Requête en suspension visant à la suspension de l’audience de la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires jusqu’après la Cour du Québec aurait décidé, de la réclamation de l’Entrepreneur. L’Entrepreneur a formulé deux arguments.

[40]           Tout d’abord, les Bénéficiaires doivent un somme d’argent à l’Entrepreneur, somme d’argent qui découle de la construction de la maison («contrat d’entreprise et contrat de garantie»[11]). Dès lors, les Bénéficiaires doivent faire retenir par son institution financière ou verser dans un compte en fidéicommis auprès d’un avocat, d’un notaire ou de l’Administrateur la somme du 24 205,78$, laquelle somme représente toutes les sommes dues à l’Entrepreneur.

[41]           Deuxièmement, l’Entrepreneur a entamé une procédure contre les Bénéficiaires pour réclamer le paiement de la somme de 24 205,78 $,  soit la partie du montant dû par les Bénéficiaires, une demande pour laquelle ce Tribunal n’a pas compétence.

[42]           Alors que l’Article 11 exige que les sommes dues par les Bénéficiaires à l’Entrepreneur soient verser dans un compte en fidéicommis avant que toutes les mesures correctives nécessaires aient été prises, toutefois, cette obligation ne s’applique que «dans le cas d’intervention de l’administrateur pour parachever ou corriger des travaux relatifs à un bâtiment».

[43]           L’obligation imposée aux Bénéficiaires de verser dans un compte en fidéicommis auprès d’un avocat, d’un notaire ou de l’administrateur du plan toute somme encore due à l’Entrepreneur, avant que toutes les mesures correctives nécessaires aient été prises, est qu’une, mais pas la seule obligation prescrite par l’Article 11. Le simple fait que des sommes d’argent sont dues à l’Entrepreneur ne donne pas lieu à l’application de l’Article 11, à moins que l’Entrepreneur ne puisse pas pour une raison quelconque s’acquitter de ses obligations en vertu du Règlement et l’Administrateur doive intervenir pour effectuer le travail.

[44]           Pour que l’Article 11 s’applique dans le cas présent, il exigera une décision préalable prise par l’Administrateur montrent que des travaux correctifs devait être effectuée par l’Entrepreneur; des travaux que l’Entrepreneur ne pourrait effectuer ou il refusait d’effectuer.  Si de tels faits ou circonstances existent, les Bénéficiaires sont tenus d’agir selon les modalités prévues dans l’Article 11.

[45]           Dans le cas présent, l’ensemble des points qui s’inscrit dans le cadre de la Demande d’arbitrage ont été rejeté par l’Administrateur compte tenu des toutes les déficiences apparentes au moment où les Bénéficiaires ont pris possession de leur maison.

[46]           Aucune preuve n’a été présentée établissant que l’Entrepreneur ne peut ou ne veut pas effectuer le travail relatif aux questions faisant l’objet du litige, qui s’inscrit dans le cadre de la Demande d’arbitrage, ou par rapport à des points que l’Administrateur a rendus en faveur des Bénéficiaires et que l’Entrepreneur est tenu de corriger.

[47]           Sur la base des preuves produites devant le Tribunal, il est évident  que l’Administrateur n’interviendra pas à la correction des défaillances, si ce Tribunal maintient la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires en tout ou en partie.

[48]           Pour ces raisons, l’Article 11 du Règlement ne s’applique pas aux circonstances de la présente affaire.

iii.              APPLICATION DES ARTICLES 2, 4.1, 4.2 et 20 du Code de procédure Civile

[49]           L’Entrepreneur invoque les articles 2, 4.1 4.2 et 20 du Code de procédure Civile de la province de Québec à l’appui de l’audience relative à la Requête en suspension jusqu’à ce que la Cour du Québec se prononce sur la procédure entame par l’Entrepreneur à l’encontre des Bénéficiaires.

[50]           Le Tribunal rappelle et précise ici qu’il s’agit d’une Demande d’arbitrage des Bénéficiaires suivant la Décision de l’Administrateur rendue suivant les termes et conditions figurant au contrat de garantie et adoptée conformément au Règlement.

[51]           Nous savons qu’un bénéficiaire (tout comme un entrepreneur) insatisfait d’une décision peut (dans les 30 jours de la réception de telle décision) exercée que deux (2) seuls recours, soit l’arbitrage ou la médiation. La clause compromissoire est parfaite et entre les parties (l’administrateur, bénéficiaires, l’entrepreneur,) aucune judiciarisation n’est possible;

[52]           En absence de toute(s) représentation(s) à l’effet contraire et sur la foi des allégations que le Tribunal se doit de tenir pour avérer aux fins d’analyse, une révision sommaire du dossier indique que:

[52.1]    la Demande d’arbitrage a été soumise par les Bénéficiaires dans les 30 jours de la réception par courrier recommandé de la Décision de l’Administrateur;

[52.2]    les postes de réclamation des Bénéficiaires ont eu source au plan de garantie;

[52.3]    même si le contrat d’entreprise et contrat de garantie[12],              conformément au Règlement est la source de la demande abordée par les Bénéficiaires, et aussi est en partie à l’origine de la procédure entame par l’Entrepreneur à l’encontre des Bénéficiaires, les questions devant ce Tribunal et devant la Cour du Québec, ne sont pas les mêmes et ne sont le moindrement lié ni en fait et ni en droit;

[53]           Un bénéficiaire est une personne physique ou morale qui a conclu avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf.

[54]           Le Règlement, qui nous le savons est d’ordre public[13], prévoit que l’entrepreneur (une personne titulaire d’une licence d’entrepreneur général l’autorisant à exécuter ou à faire exécuter en tout ou en partie pour un bénéficiaire des travaux de construction d’un bâtiment résidentiel visé par le Règlement) doit adhérer conformément aux dispositions de la section I du chapitre IV à un plan qui garantit l’exécution des obligations légales et contractuelles prévues aux articles 7 et suivants du même Règlement et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire.

[55]           Tel que ci-haut repris, le Règlement prévoit que le bénéficiaire ou l’entrepreneur,  insatisfait d’une Décision de l’administrateur doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage.

[56]           Le Règlement prévoit de plus que le bénéficiaire, l’entrepreneur ou l’administrateur sont liés par la décision arbitrale dès qu’elle est rendue par l’arbitre et que cette décision arbitrale est finale et sans appel.


[57]           Dans de telles conditions :

[57.1]    la clause compromissoire est parfaite et soustrait aux parties leur droit d’ester devant les Tribunaux de droit commun;

[57.2]    le Règlement est d’ordre public, les parties ne pouvant y déroger même par convention;[14]

[58]           Cela étant dit, le Tribunal a compétence exclusive prévue au chapitre IV, section III du Règlement pour entendre le différend qu’il découle d’une décision prise par l’administrateur.   L’Article 106  stipule ce qui suit :

«106.  Tout différend portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section.»

[Nos soulignements]

[59]           Dans le cas présent, le Tribunal a compétence exclusive pour statuer sur le différend qu’il découle de la Décision rendue par l’Administrateur rejetant les points inscrits dans le cadre de la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires.

[60]           Les Bénéficiaires ont le droit de demander l’arbitrage du différend qu’il a découlé de la Décision rendue par l’Administrateur le 27 mai 2013, à condition que ces droits soient exercés dans les délais prescrits par le Règlement.  Les Bénéficiaires ont exercé leurs droits dans les délais prévus à l’Article107 du Règlement[15].

[61]           Il convient cependant de souligner le but et l’objet du Règlement. Dans une décision rendue dans l’affaire de Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d’habitation de), 2013 QCCA 1211 (CanLII), la Cour d’appel du Québec a déclaré ce qui suit :

«°[18] La procédure d’arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public[5], le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l’Entrepreneur ou prises en charge par l’administrateur de la garantie. Par la mise en place d’une procédure arbitrale qui implique non seulement l’Entrepreneur, mais aussi la personne ayant accepté d’agir à titre de garantie, le législateur veille à ce que les propriétaires et les occupants d’un bâtiment neuf ne fassent pas les frais des délais d’un recours en dommages-intérêts pour vices cachés. De cette façon, le législateur cherche à assurer que le nouveau parc immobilier au Québec offre des logements de qualité. De plus, comme le rappelle l’arbitre, un entrepreneur qui omet d’effectuer des réparations requises peut voir son adhésion au plan de garantie annulée et sa licence d’entrepreneur suspendue ou annulée par la Régie du bâtiment[6].

[19] Le juge Dufresne, alors de la Cour supérieure, expose à bon droit les finalités du recours arbitral prévu au Règlement dans La Garantie habitations du Québec inc. c. Lebire [7] :

[69] Le législateur veut, par l’adhésion obligatoire de tout entrepreneur à un plan de garantie dont les caractéristiques sont définies au Règlement, donner ouverture à un mode de résolution des réclamations ou des différends survenus à l’occasion de la construction ou de la vente d’un bâtiment résidentiel neuf qui soit plus souple, plus rapide et moins coûteux pour les parties à un contrat assujetti au Règlement.

[Nos soulignements]

[62]           Le Tribunal a un droit inhérent d’entendre et trancher des requêtes, de remettre ou d’ajourner des audiences. La présente demande de suspendre n’est pas différent, car il vise à suspendre l’audience de la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires, jusqu’à ce que la Cour du Québec se prononce sur la procédure entame par l’Entrepreneur à l’encontre des Bénéficiaires.

[63]           Dans le cas de Résidence St-Eugène (Office municipal d’habitation de Montréal) et Consoltec inc., Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 112510001, 2012-07-03, Me Michel A. Jeanniot, arbitre, a été appelé à se prononcer sur ce qu’il décrit comme étant «une requête «sui generis» pour suspendre la présente demande d’arbitrage. Cette demande est sous la plume des procureurs de l’Entrepreneur Consoltec inc. (Zaurrini Avocats) et recherche l’appui des articles 2, 20 et 46 du Code de procédure civile».

[64]           Me Michel A. Jeanniot a déclaré ce qui suit :

 «La demande d’ajournement sine die

[45]     D’entrée de jeu, il faut rappeler que, même en contexte judiciaire, l’octroi des remises et des ajournements relève de la discrétion du Tribunal, comme le consacre l’article 288 du Code de procédure civile : 

«Le Tribunal peut toujours accorder l’ajournement de la cause, aux conditions qu’il juge à propos.»

[46]     Il est par ailleurs admis par la doctrine et par la jurisprudence que cette discrétion est plus grande encore lorsque l’on se trouve en présence d’institution arbitrale qui, contrairement aux tribunaux judiciaires et administratifs, ne sont assujettis qu’au devoir d’agir équitablement; c’est en effet ce que rappelle le professeur Denis Lemieux dans Droit public et administratif[10]:

«Un organisme administratif est maître de ses règles de preuve et jouira à cet égard d’une liberté plus grande que les tribunaux judiciaires et, dans certains cas administratifs soumis à un cadre procédural strict.

[…]

Un organisme administratif jouira d’un pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de rejeter une telle demande d’ajournement; toutefois, un refus d’ajournement pourra être illégal s’il en résultait un préjudice irréparable pour la personne concernée, sans que ce préjudice ne découle de sa propre négligence ou celle de son procureur.»

[47]     L’enseignement du professeur Patrice Garant est d’ailleurs au même effet. Dans son ouvrage intitulé Droit administratif (Éditions Yvon Blais, 5e édition, Cowansville, 2004), il explique dans les termes suivants les règles gouvernant le droit à l’ajournement devant les tribunaux et organismes administratifs, aux pages 807 et 811 : 

«Le tribunal (inférieur) étant maître de la procédure, il a le pouvoir et le devoir d’apprécier si l’octroi de l’ajournement est vraiment nécessaire ou s’il n’est qu’abusif; les cours de justice n’interviendront que si le refus d’ajournement est injuste ou arbitraire. 

[…]

[48]     Ces énoncés reprennent en réalité la position de principe adoptée sur le sujet par le Cour Suprême du Canada. Ainsi, par exemple, dans l’affaire Prassad c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration[11], le juge Sopinka rappelle le caractère discrétionnaire de la décision disposant d’une demande d’ajournement, ne l’assujettissant qu’à la nécessité de ne pas l’exercer de façon à violer les règles de justice naturelle. Il s’en exprime dans les termes suivants, aux paragraphes 16 et 17 :

 « […] Nous traitons ici des pouvoirs d’un tribunal administratif à l’égard de sa procédure. En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l’absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l’équité et, dans l’exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. Il est donc clair que l’ajournement de leurs procédures relève de leur pouvoir discrétionnaire.

[…] Le juge en chef Jackett, dans la décision Pierre c. Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration, (1978), 2 C.F. 849 , s’exprime ainsi à la page 851 :

«Dans l’examen d’une plainte relative à un refus d’ajournement par un tribunal, il ne faut pas oublier qu’en absence de toute règle spécifique régissant le mode d’exercice par le tribunal de son pouvoir discrétionnaire dans l’octroi d’un ajournement, la question d’accorder ou de refuser l’ajournement est de nature discrétionnaire pour le tribunal même, et qu’une cour supérieure ayant droit de surveillance n’a pas compétence pour réviser un refus d’ajournement, à moins qu’à cause de ce refus, la décision rendue par le tribunal à la fin de l’audience ne soit annulable pour violation des règles de justice naturelle.»

[49]     L’on est dès lors en mesure de constater qu’en matière de justice administrative - et à plus forte raison en matière d’arbitrage puisque cette institution de justice privatisée ne véhicule pas les objectifs de préservation de l’intérêt public poursuivis par les organismes et les tribunaux administratifs -, l’octroi des remises et des ajournements est régi par deux (2) paramètres fondamentaux :

[49.1]    d’une part, il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire que l’instance est maître d’exercer de différentes façons selon les circonstances;

 [49.2]   d’autre part, il ne s’agit pas d’un pouvoir arbitraire : il doit être exercé judicieusement, en fonction du contexte particulier dans lequel la question est soulevée, ce qui commande de prendre en compte certains facteurs comme l’impact de la décision sur la capacité de tenir une audition qui respecte les standards exigés par les règles de la justice fondamentale;

[57]     En janvier 2012, la Cour d’appel du Québec, sous la plume du juge Dalphond[13], auquel ont souscrit les juges Morin et Léger, a réaffirmé que les dispositions du Code de procédure civile ne s’applique pas aux tribunaux administratifs. Nous savons qu’en contexte arbitral plus qu’en contexte administratif, la souplesse est de rigueur et manifeste. Bien que le présent Tribunal puisse s’inspirer des dispositions du Code de procédure civile, ne s’applique pas au présent forum. D’ailleurs, et indépendamment de cette décision de la Cour d’Appel, le législateur n’a pas prévu au Règlement de référence au Code de procédure civile qui plus est et, par l’article 116 du Règlement, il prévoit qu’un arbitre statue conformément aux règles de droit mais qu’il fait aussi appelle à l’équité lorsque les circonstances le justifient;»

[Nos soulignements]

[65]           Le Tribunal peut, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, d’accorder ou de refuser la Requête en suspension de l’Entrepreneur, laquelle pouvoir ne dépend pas de l’application des Articles 2, 4.1, 4.2 et 20 du C.p.C.

[66]           Le Tribunal est d’avis que les Articles 2, 4.1, 4.2 et 20 du C.p.C. n’ont aucune incidence sur  la décision que le Tribunal doit rendre.

iv.              Préjudice Irreparable

[67]           Enfin, le Tribunal examinera si le refus d’accorder la Requête en suspension à  l’Entrepreneur serait de nature à causer un préjudice irréparable à l’Entrepreneur.

[68]           Pour rendre sa décision de ne pas accorder une requête en suspension, Me Michel A. Jeanniot[16] a traité la notion de préjudice irréparable de la              manière suivante :

«[53]     L’on peut dès lors résumer l’état du droit sur la question de la façon suivante. D’abord, l’octroi des remises et des ajournements relève en principe de la discrétion de l’instance décisionnelle. Ensuite, cette discrétion ne peut pas être exercée injustement ou arbitrairement : elle doit plutôt l’être juste et raisonnable. Enfin, est généralement considérée comme étant injuste ou arbitraire une décision refusant une remise ou un ajournement à une partie qui, lorsque ce refus cause à cette partie un préjudice certain et irrémédiable, ce qui nous savons ici n’est pas le cas puisque si l’Entrepreneur peut en tout ou en partie (tôt ou tard) être indemnisé par un tiers (la judiciarisation est d’ailleurs déjà initiée) et ne sera pas préjudicier par l’issue de la présente instance;

[54]        J’ouvre ici une parenthèse pour souligner que l’enjeu du préjudice dont il est question lorsqu’il s’agit de déterminer si une décision discrétionnaire est abusive ou non, diffère de l’enjeu du préjudice dont il est question une fois que la violation des règles de justice fondamentale est constatée : il s’agit de la même expression, mais applicable à deux contextes différents. Dans le premier cas, l’existence ou non d’un préjudice est pertinente aux fins de décider si la décision discrétionnaire de refuser l’ajournement est injuste ou arbitraire. Dans le second, c’est-à-dire en cas de violation avérée d’une règle de justice fondamentale, la partie lésée a droit à la réparation sans avoir besoin de prouver qu’elle en a subi un préjudice sérieux et irréparable[12];

[55]        Il résulte ultimement de ce qui précède que la présente décision discrétionnaire de refuser une remise ou un ajournement ne viole pas la règle audi alteram partem à moins que, au terme de l’audition, la décision finale rendue l’ait été en violation du droit d’être entendu

[Nos soulignements]

[69]           Quel préjudice irréparable subira l’Entrepreneur, si le Tribunal procédait à entendre la Demande d’arbitrage au lieu de suspendre l’audience jusqu’à ce que l’affaire est examinée par la Cour du Québec?

[70]           L’Entrepreneur ne prétend pas qu’il subira un préjudice irréparable si l’audience devait avoir lieu. Au contraire, l’Entrepreneur au paragraphe 20 de la Requête en suspension affirme que les Bénéficiaires ne devront subir aucun préjudice étant donné que le travail associé au devoir de réparer les points qui s’inscrit dans le cadre de la Demande d’arbitrage «n’est pas urgent et ne risque pas de s’aggraver».

[71]           En outre, l’Entrepreneur au paragraphe 18 de la Requête en suspension prétend que « le sort du solde contractuel peut et aura un impact majeur sur le déroulement du présent arbitrage, puisqu’une entente de principe est intervenue entre les parties». Pourtant, au paragraphe 23, l’Entrepreneur affirme que, depuis avril 2013, il a tenté à trouver des façons de résoudre les problèmes avec les Bénéficiaires et qui, apparemment «refusaient ou négligeaient de respecter leurs engagements».

[72]           Les allégations contenues dans le paragraphe 18 sont loin d’être clair en termes de la nature de «l’entente de principe» qui existe prétendument entre les parties en cause et cela ne semble toutefois pas être un facteur déterminant  si on l’interprète de concert avec les allégations contenues dans le paragraphe 23, que les Bénéficiaires ne respectent pas leurs ententes.

[73]           En tout état de cause, le préjudice irréparable doit être subi par l’Entrepreneur et, dans ce cas, il est évident que l’Entrepreneur ne subit pas un préjudice irréparable si le Tribunal procédait à entendre la Demande d’arbitrage avant que la Cour du Québec se prononce sur la procédure entame par l’Entrepreneur à l’encontre des Bénéficiaires liées au paiement des sommes prétendument dues et exigibles par les Bénéficiaires.

[74]           Il semble que l’Entrepreneur compte d’obtenir un jugement favorable et donc, les Bénéficiaires très probablement abandonneront la Demande d’arbitrage.

[75]           Il n’empêche que, dans le cas présent, les Bénéficiaires ont déposé une Demande d’arbitrage selon les dispositions prescrites par le Règlement, et de ce fait, les Bénéficiaires ont le droit d’être entendus.

[76]           Pour l’ensemble des motifs ci-haut repris, le Tribunal est d’opinion que dans cette instance en droit et en équité, qu’il n’y a pas lieu d’accorder la Requête en suspension (sinon la procédure d’arbitrage prévue au Règlement n’aura plus sa raison d’être).[17]

Conclusions

[77]           Suivant l’appréciation des faits et compréhension de la Loi et de la jurisprudence connue, le Tribunal est d’opinion que dans cette instance la demande formulée par l’Entrepreneur pour suspende l’audition peut ne pas être accordé.

[78]           Donc, la Requête en suspension de l’arbitrage est rejetée.

[79]           Le Tribunal, note l’Article 123 du Règlement, quant à la prise en charge des coûts du présent arbitrage.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:

[80]    REJETE la requête en suspension de l’arbitrage formulée par l’Entrepreneur.

[81]    CONSERVE juridiction.

[82]    FIXE une conférence téléphonique qui se tiendra dans les 10 jours suivants la réception de la présente décision afin de fixer la date pour l’audition de la Demande d’arbitrage des Bénéficiaires.

[83]    LE TOUT, AVEC FRAIS ET DÉPENS à suivre.

 

DATE : 4 FÉVRIER 2014

 

 

 

 

 

 

 

 

                    [Original signé]

 

___________________________

 

M Tibor Holländer

 

Arbitre

 



[1] Pièce A-13.

[2] Pièce A-12.

[3] Courriel en date du 9 septembre 2013.

[4] Pièce A-12, page 8.

[5] Lettre en date du 22 novembre 2013.

[6] Courriel en date du 25 novembre 2013.

[7] Courriel en date du 27 novembre 2013.

[8] Courriel en date du 15 janvier 2014.

[9] Pièce A-12.

[10] Pièce A-1.

[11] Ibid.

[12] Ibid.

[13] Desrochers c. Sotramont Québec inc., 2010 CanLII 36091 (QC OAGBRN); Résidence St-Eugène (Office municipale d’habitation de Montréal) et Consoltec inc., Me Michel A. Jeanniot, arbitre, Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 112510001, 2012-07-03

[14] Résidence St-Eugène (Office municipale d’habitation de Montréal) et Consoltec inc., Me Michel A. Jeanniot, arbitre, Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 112510001, 2012-07-03

[15] 107.  La demande d’arbitrage doit être adressée à un organisme d’arbitrage autorisé par la Régie dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur ou, le cas échéant, de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation. L’organisme voit à la désignation de l’arbitre à partir d’une liste des personnes préalablement dressée par lui et transmise à la Régie.

[16] Résidence St-Eugène (Office municipale d’habitation de Montréal) et Consoltec inc., Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 112510001, 2012-07-03.

[17] Résidence St-Eugène (Office municipale d’habitation de Montréal) et Consoltec inc., Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 112510001, 2012-07-03.