SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

 

 

                                                                         ARBITRAGE EN VERTU DU

                                                                         RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

                                                                         DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

                                                                         (décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

 

 

                                                                         Organisme d’arbitrage autorisé par la

                                                                         Régie du bâtiment : Le Groupe d’arbitrage

                                                                         et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

                                                                         MME RENÉE CYR

                                                                         et

                                                                         M. MARTIN ST-AMOUR,

 

                                                                                                      bénéficiaires;

 

                                                                         - et -

 

                                                                         9041-8930 QUÉBEC INC.,

 

                                                                                                      entrepreneur;

 

                                                                         - et -

 

                                                                         LA GARANTIE DES BÂTIMENTS

                                                                         RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.,

 

                                                                                                      administrateur.

 

                                                                             

 

 

                                                  M. Claude Dupuis, ing., arbitre

 

 

                          Audience tenue à St-Philippe-de-Laprairie le 13 février 2004

                                                 Sentence rendue le 12 mars 2004

 


I :         INTRODUCTION

[1]        À la demande de l’arbitre, l’audience s’est tenue à la résidence des bénéficiaires afin de faciliter la visite des lieux.

[2]        À l’audience, les bénéficiaires se représentaient eux-mêmes, l’entrepreneur était représenté par M. Martin Poitras, tandis que l’administrateur était représenté par Me Sonia Beauchamp; M. Pierre Rocheleau, inspecteur-conciliateur, a témoigné pour l’administrateur.

[3]        Suite à une demande de réclamation des bénéficiaires, l’administrateur a déposé un rapport d’inspection daté du 7 novembre 2003 ainsi qu’un rapport d’inspection supplémentaire daté du 28 novembre 2003.

[4]        Après avoir pris connaissance de ces rapports, les bénéficiaires, dans une lettre datée du 29 novembre 2003, ont précisé que leur demande d’arbitrage portait sur les éléments suivants des rapports d’inspection :

   Point 3 :          Infiltration d’eau à une fenêtre du sous-sol

   Point 4 :          Moulure de transition au plancher de la chambre secondaire

   Point 5 :          Ajustement requis à deux fenêtres

   Point 6 :          Renflement au parement de briques de la façade

   Point 7 :          Mauvais alignement des colonnes de briques en façade

   Point 8 :          Rampes et mains courantes mal vernies

   Point 9 :          Porte de l’entrée principale

   Point 10 :        Support de couverture perforé

   Point 11 :        Fissure au parement de briques

   Point 12 :        Trou dans le parement d’aluminium

[5]        En cours d’enquête, en plus de plusieurs photos déposées par les parties, l’administrateur a soumis les documents suivants :

         Marier c. Habitations Germat inc. et La nouvelle garantie des maisons neuves de l’APCHQ, Jacques E. Ouellet, arbitre, 2001-01-30.

         « Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs », Gazette officielle du Québec. Partie 2, 130e année, no 27, 30 juin 1998, p. 3484-3506; « Règlement modifiant le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs », Gazette officielle du Québec. Partie 2, 133e année, no 33, 15 août 2001, p. 6034-6035.

         Pierre-Gabriel JOBIN, La vente dans le Code civil du Québec, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., [s.d.], p. 119-129.

         APCHQ. L’abc... du briquetage dans le secteur résidentiel, 1re éd., septembre 2002 (EN-703), p. 72.

         Briques en béton (Norme CSA, A165.2-94), Octobre 1996, p. 23, 26; Maçonnerie des bâtiments (Norme CSA, A371-94), Avril 1995, p. 13, 54.

 

II :        DÉCISION ET MOTIFS

Point 3 :       Infiltration d’eau à une fenêtre du sous-sol

Point 10 :     Support de couverture perforé

Point 11 :     Fissure au parement de briques

[6]        Relativement à ces trois éléments, le tribunal n’a pas juridiction, puisque l’administrateur a déjà tranché en faveur des bénéficiaires en exigeant que l’entrepreneur apporte les correctifs nécessaires.

Point 4 :       Moulure de transition au plancher de la chambre secondaire

[7]        Tout comme l’administrateur, le soussigné considère qu’il s’agissait d’une situation apparente qui n’a pas été dénoncée au moment de la réception du bâtiment par les bénéficiaires.

[8]        De plus, la visite des lieux n’a permis de constater aucune malfaçon quant à  l’installation de cette moulure de transition.

[9]        Pour ces motifs, cette réclamation est rejetée.

Point 5 :       Ajustement requis à deux fenêtres

[10]      Lors de la visite des lieux, les volets des fenêtres de la chambre des maîtres et du salon n’ouvraient pas du tout, même en forçant les manivelles.

[11]      La date de réception du bâtiment est le 27 mai 2002; la réclamation des bénéficiaires relativement à ces deux fenêtres est datée du 15 août 2003.

[12]      La présente réclamation ne peut être accueillie selon les termes de l’article 10.3° (malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception) du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, puisqu’il s’est écoulé plus de douze mois entre la réception et la dénonciation.

[13]      On ne peut invoquer non plus qu’il s’agisse d’un vice caché au sens des articles 1726 et 2103 du Code civil du Québec, puisque cette situation n’affecte pas l’utilité de la propriété.

[14]      Rappelons de plus que par froid intense, l’hiver, il arrive régulièrement que les fenêtres ouvrantes ne fonctionnent pas. Par ailleurs, l’automne dernier, selon le rapport d’inspection, quoique difficilement, il était tout de même possible d’opérer les manivelles.

[15]      L’ajustement de ces deux fenêtres, vu le délai de dénonciation, n’est pas couvert par le plan de garantie.

[16]      Le tribunal rejette donc cette réclamation.


Point 6 :       Renflement au parement de briques de la façade

[17]      L’administrateur, dans son rapport d’inspection du 7 novembre 2003, reconnaît cette malfaçon.

[18]      La visite des lieux nous l’a aussi clairement fait voir. En se plaçant de chaque côté de la maison, on constate que le parement de briques de la façade avant n’a pas été installé verticalement et que sa surface est convexe.

[19]      À juste titre, l’administrateur a souligné que ce mur n’avait pas été installé verticalement et que tout laisse croire qu’il était dans cette position lors de la réception du bâtiment.

[20]      S’agit-il d’une situation apparente qui, contrairement aux exigences de l’article 10.2° du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, n’a pas été dénoncée par écrit au moment de la réception?

[21]      Le tribunal ne le croit pas. Certes, on ne peut nier que ce vice était existant au moment de la réception, tel que l’a démontré l’administrateur. Toutefois, ce vice n’est pas probant.

[22]      L’administrateur a déposé une sentence arbitrale[1], dont voici quelques extraits :

Sur ces deux (2) points, 12 et 13, le mis en cause et l’entrepreneur font porter leurs interventions respectives davantage sur l’entière possibilité qu’avait l’appelant de dénoncer les malfaçons en question au moment de l’inspection de réception ou dans les trois (3) jours suivants.

L’arbitre croit de même. L’évidence de la mauvaise finition des murs est probante. Il ne s’agit pas uniquement de petites bavures ou d’égratignures mineures. [...]

Enfin, l’appelant tenta d’expliquer qu’au moment de l’inspection de réception de sa maison le 17 juin 1999, il était bousculé par les événements. [...]

L’appelant connaissait ses obligations et il ne pouvait les ignorer. L’arbitre est d’avis qu’il aurait pu dénoncer les problèmes liés aux points 12 et 13, lors de l’inspection de réception, aussi bien qu’il a par ailleurs dénoncé les problèmes et les malfaçons notés aux listes de parachèvements et d’éléments à corriger et à réparer, apparaissant au document de Déclaration de réception du 17 juin 1999. Son excuse, à l’effet qu’il était pressé par les événements à ce moment-là, ne peut être acceptée. L’arbitre rejette donc ses requêtes reliées aux points 12 et 13 du Rapport de l’inspecteur du 11 septembre 2000.

 

 

[23]      Dans le présent dossier, il ne s’agit pas d’un défaut apparent de peinture, d’une moulure manquante ou d’un défaut apparent dans une brique. Quelqu’un pourrait circuler 200 fois devant cette propriété sans jamais détecter ce renflement. En effet, pour le déceler, il faut s’aligner de façon très précise de chaque côté de la façade.

[24]      La définition de « vice apparent » est contenue à l’article 1726 du Code civil du Québec :

1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

 

[25]      La façon de mesurer la tolérance permise à l’alignement vertical d’un mur de briques n’est pas nécessairement connue d’un acheteur diligent. Dans l’esprit du soussigné, le législateur, par l’adoption de l’article 10 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, n’a pas voulu soustraire à l’entrepreneur la responsabilité qui lui incombe d’inspecter et vérifier les travaux en cours ainsi que les travaux complétés sur son chantier et de laisser au seul bénéficiaire la responsabilité de le faire.

[26]      Selon un document déposé par l’administrateur relativement aux tolérances normales émises par la CSA, la tolérance de l’alignement vertical du plan du mur est de  20 mm.

[27]      En cours d’enquête, des écarts variant de 12 à 20 mm ont été mesurés.

[28]      Toutefois, la méthode de mesure de ces écarts n’est pas spécifiée dans les documents déposés.

[29]      Après une inspection visuelle et selon des photos prises par l’administrateur en date du 27 octobre 2003, ces écarts apparaissent inacceptables. En effet, le renflement actuel existe sur une petite surface (façade d’une maison de petites dimensions), alors que quiconque pourrait constater un meilleur alignement sur une propriété dont la surface est de beaucoup supérieure. En d’autres termes, la tolérance spécifiée de  20 mm devrait se lire - 20 mm pour petites surfaces et + 20 mm pour grandes surfaces.

[30]      La pose des briques en façade et l’érection des deux colonnes supportant l’avant-toit ont été confiées au même sous-traitant; considérant le mauvais alignement des colonnes (voir point 7 de la présente décision), tout laisse croire que ce sous-traitant n’a pas non plus respecté les règles de l’art dans le cas du parement de briques de la façade.

[31]      Les bénéficiaires ont payé une somme en supplément pour avoir une façade toute recouverte de briques; or, la preuve est prépondérante à l’effet que l’alignement de ces briques est inadéquat.

[32]      En conclusion, le tribunal considère cette situation comme un vice caché au sens de l’article 10.4° du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, une telle malfaçon pouvant éventuellement affecter le prix de revente de la propriété.

[33]      Pour ces motifs, le tribunal ordonne à l’entrepreneur d’effectuer les réparations nécessaires au parement de briques de la façade.

[34]      Le tribunal accorde à l’entrepreneur un délai de cinq (5) mois à compter de la présente pour effectuer ces travaux.

Point 7 :       Mauvais alignement des colonnes de briques en façade

[35]      Il s’agit de deux colonnes de briques supportant l’avant-toit. La visite des lieux a permis de constater un écart d’un demi-pouce en hauteur entre ces deux colonnes; en outre, les distances mesurées entre la face intérieure de chaque colonne et la façade de la maison varient de deux pouces.

[36]      Après avoir constaté ces anomalies lors de la visite des lieux, l’entrepreneur a convenu de reprendre ces travaux.

[37]      Le tribunal accorde à l’entrepreneur un délai de cinq (5) mois à compter de la présente pour apporter les correctifs nécessaires.

Point 8 :       Rampes et mains courantes mal vernies

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[38]      Cette situation, qualifiée d’apparente par les bénéficiaires, n’a pas été dénoncée par écrit au moment de la réception du bâtiment.

[39]      De plus, en accord avec l’entrepreneur, le soussigné est d’avis, après avoir visité les lieux, que cet ouvrage est exempt de malfaçon apparente.

[40]      Pour ces motifs, cette réclamation est rejetée.

Point 9 :       Porte de l’entrée principale

[41]      Le tribunal partage l’opinion de l’administrateur en ce qui concerne ce point. Il s’agit d’un petit défaut dans la partie supérieure (du côté extérieur) de la porte, à peine visible et de nature esthétique, qui disparaîtra suite à une retouche ou à l’application d’une autre couche de peinture sur la porte.

[42]      Pour ces motifs, cette réclamation est rejetée.

Point 12 :     Trou dans le parement d’aluminium

[43]      En accord sur ce point avec l’administrateur, le soussigné estime que cette anomalie, bien que très visible, n’a pas été dénoncée au moment de la réception. Toutefois, en cours d’enquête, l’entrepreneur a consenti à effectuer les réparations nécessaires.

[44]      À cause de sa situation particulière avec son sous-traitant, le tribunal accorde à l’entrepreneur un délai de dix-huit (18) mois à compter de la présente pour effectuer ces travaux.

Conclusion

[45]      Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal :

   DÉCLINE juridiction relativement aux réclamations suivantes :

S         Infiltration d’eau à une fenêtre du sous-sol

S         Support de couverture perforé

S         Fissure au parement de briques

 

   REJETTE les réclamations relatives aux éléments suivants :

S         Moulure de transition au plancher de la chambre secondaire

S         Ajustement requis à deux fenêtres

S         Rampes et mains courantes mal vernies

S         Porte de l’entrée principale

 

   ACCUEILLE favorablement la réclamation relative à l’élément suivant :

S         Renflement au parement de briques de la façade

 

   CONFIRME l’entente intervenue relativement aux éléments suivants, en y ajoutant les délais d’exécution :

S         Mauvais alignement des colonnes de briques en façade

S         Trou dans le parement d’aluminium

 

[46]      Conséquemment, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l’administrateur.

 

SENTENCE rendue à Beloeil, ce 12e jour de mars 2004.

 

                                                                              Claude Dupuis, ing., arbitre



[1]        Marier c. Habitations Germat inc. et La nouvelle garantie des maisons neuves de l’APCHQ, Jacques E. Ouellet, arbitre, 2001-01-30, p. 4.