TRIBUNAL D’ARBITRAGE
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
Canada
Province de Québec
Dossiers No: S23-041901-NP
S23-041904-NP
S23-041905-NP
9362-0532 QUÉBEC INC.
(« Bénéficiaire »)
c.
DÉVELOPPEMENT GLC INC.
(« Entrepreneur »)
et
Garantie DE Construction Résidentielle (« GCR »)
(« Administrateur »)
ET
NICOLAS CHARBONNEAU
(« Bénéficiaire »)
c.
DÉVELOPPEMENT GLC INC.
(« Entrepreneur »)
et
Garantie DE Construction Résidentielle (« GCR »)
(« Administrateur »)
ET
DAVID CHARBONNEAU
(« Bénéficiaire »)
c.
DÉVELOPPEMENT GLC INC.
(« Entrepreneur »)
et
Garantie DE Construction Résidentielle (« GCR »)
(« Administrateur »)
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Michel A. Jeanniot, CIArb
Pour les Bénéficiaires : Me Étienne Bisson-Michaud
Me Joanie Talbot
Pour l’Entrepreneur : Stéphane Caumartin
Pour l’Administrateur : Me Marc Baillargeon
Dates de l’audition : 25 et 26 mars 2024
Date de la Décision arbitrale: 7 mai 2024
Identification complète des parties
Bénéficiaires : 9362-0532 Québec inc.
144, rue Normandin
St-Jean-sur-Richelieu (Québec) J2Y 1E5
a/s : Me Étienne Bisson-Michaud
DELEGATUS – COLLECTIF D’AVOCATS
438, rue Mc Gill, bureau 500
Montréal (Québec) H2Y 2G1
Monsieur Nicolas Charbonneau
[...]
Bromont (Québec) [...]
et
Monsieur David Charbonneau
[...]
Bromont (Québec) [...]
a/s : Me Joanie Talbot
THERRIEN COUTURE JOLICOEUR
1200 rue Daniel-Johnson Ouest, bureau 7000
Saint-Hyacinthe (Québec) J2S 7K7
Entrepreneur : Développement GLC inc.
201 rue Champlain, Local 102
Bromont (Québec) J2L 3B2
Administrateur : Garantie de Construction Résidentielle (GCR)
4101, rue Molson, 3e étage
Montréal (Québec) H1Y 3L1
a/s : Me Marc Baillargeon
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 25 avril 2023, séparément, pour les 3 dossiers d’arbitrage : S23-041901-NP / S23-041904-NP / S23-041905-NP
Extraits pertinents du Plumitif
13-01-2023 Décision de l’Administrateur
20-03-2023 Réception par le Bénéficiaire (9362-0532 Québec inc.) d’une lettre de l’Administrateur faisant part de sa décision.
19-04-2023 Réception par le greffe du CCAC de la demande d’arbitrage par les Bénéficiaires pour les trois dossiers
18-09-2023 Réception du cahier des pièces de l’Administrateur
25-04-2023 Transmission aux parties de la notification d’arbitrage et de la nomination de Michel A. Jeanniot à titre d’arbitre
30-05-2023 Réception d’un courriel de la GCR indiquant que Me Éric Provençal est le procureur assigné au dossier S23-041901-NP
31-05-2023 Lettre aux parties (S23-041901-NP): recherche des disponibilités pour la tenue d’un appel conférence / conférence préparatoire
09-06-2023 Appel conférence / première conférence de gestion dans le dossier
S23-041901-NP
18-09-2023 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur et annonce que Me Baillargeon remplacera Me Provençal pour la suite
14-03-2024 Courriel de Me Bisson-Michaud annonçant la fusion des cabinets Novalex inc. et Delegatus
10-11-2023 Gestion d’instance et décision quant à la jonction des 3 dossiers
09-06-2023 Réception et transmission aux parties du cahier des pièces du Bénéficiaires (9362-0532 Québec inc.)
12-06-2023 Transmission aux parties de la Décision en gestion d’instance tenue le 9 juin 2023
23-08-2023 Demande de disponibilité aux parties pour une nouvelle conférence de gestion
30-08-2023 Courriel de la GCR annonçant la nomination de Me Baillargeon en remplacement de Me Provençal pour les dossiers S23-041901-NP et S23-041905-NP
31-08-2023 Relance de la demande de disponibilité pour un appel conférence
23-10-2023 Courriel aux parties pour confirmation d’un appel conférence le 25 octobre prochain et invitation à Me Talbot de s’y joindre
25-10-2023 Transmission de la Décision en gestion d’instance du même jour
10-11-2023 Audience en visioconférence pour les 3 dossiers pour évaluer la possibilité d’une réunion des 3 dossiers d’arbitrage
20-12-2023 Réception du cahier conjoint des Bénéficiaires
21-12-2023 Transmission de la Décision en gestion d’instance tenue le 10 novembre 2023
20-03-2024 Courriels aux parties des 3 dossiers pour le rappel de l’audience les 25 et 26 mars 2024
25-03-2024 Premier jour de l’audience
07-05-2024 Décision arbitrale
LES ADMISSIONS
[1] Tel qu’il m’en est coutume, je ne reprendrai pas ici en long et en large l’essentiel des éléments de preuve et des documents qui me furent soumis lors de l’audience, je me permettrai de limiter au strict minimum les éléments de preuve et admissions utiles et nécessaires à la compréhension de la présente Décision.
[2] Les parties en demande sont les Bénéficiaires pour avoir tous conclu bon et valable contrat préliminaire entre un représentant de l’Entrepreneur et Bénéficiaire (ou représentant du Bénéficiaire).
[3] Le contrat préliminaire est complet et les dispositions prévues aux points 9.1.1, 9.1.2 et 10.2.1 sont dument complétées, incluant la mention d’acompte initial déboursé.
[4] Des formulaires d’attestation d’acompte indiquant les sommes remises furent remplis et signés par un représentant de l’Entrepreneur ainsi que par le(s) Bénéficiaire(s).
[5] Preuves du déboursé des acomptes ont été transmises à la satisfaction de l’Administrateur.
[6] En janvier 2021, le contrat préliminaire a été signé.
[7] En janvier 2021, les acomptes ont été déboursés.
[8] L’accréditation de l’Entrepreneur auprès du plan de garantie a été fermée en août 2021 et en septembre 2021, la Régie du bâtiment a enlevé les sous-catégories 1.1.1 et 1.1.2 de la licence de l’Entrepreneur.
[9] L’ensemble des demandes ne porte que sur un point de réclamation, à savoir le remboursement d’acompte. L’Administrateur s’est refusé à ce remboursement.
MISE EN CONTEXTE
[10] La présente s’inscrit dans la mouvance des Décisions en gestion d’instance du 9 juin, 25 octobre, 10 novembre 2023, et plus particulièrement, mais sans y être toutefois spécifiquement limitée, la Décision arbitrale du 9 juin 2023, laquelle fait le constat que les trois (3) demandes résultent de la même source (ou d’une source suffisamment connexe) afin qu’il y ait jonction de ces trois (3) instances (bien qu’elles n'étaient pas portées entre toutes les mêmes parties) et donc, qu’elles puissent être entendues simultanément, instruites en même temps et jugées sur la même preuve.
[10.1] Ces instances sont :
S23-041901-NP : 9362-0532 Québec inc. c. Développement GLC inc.
et Garantie de Construction Résidentielle (GCR)
S23-041904-NP : Nicolas Charbonneau c. Développement GLC inc.
et Garantie de Construction Résidentielle (GCR)
S23-041905-NP : David Charbonneau c. Développement GLC inc.
et Garantie de Construction Résidentielle (GCR)
[10.2] Il n’y aura qu’une seule Décision reproduite en trois (3) exemplaires et ayant chacune leur propre numéro de dossier.
[11] Les demandes source des présentes instances sont à l’effet que l’Administrateur se refuse de reconnaître la demande des Bénéficiaires à savoir, remboursement d’acompte puisque, opine-t-il, il s’agit d’unités locatives, i.e. comprendre pas à des fins principalement résidentielles, et que la destination de ce type de bâtiment n’est pas assujettie au Règlement, ni au plan de garantie construction résidentielle de l’Administrateur.
[12] Fait important à noter, il n’existe pas de débat quant à la trame factuelle, non plus que de l’intention des acquéreurs d’unités « d’habitation », objet des présentes, les unités étant, à court ou moyen terme, destinées à la « location » dans la région de Bromont.
[13] Fait à noter ici qu’il s’agit d’un « renversement » de position de l’Administrateur puisque, initialement, ce dernier avait reconnu qu’il s’agissait d’unités privatives dans des immeubles, détenues en copropriété divises et assujetties au Règlement. Ce n’est que le constat postérieur à l’enregistrement du bâtiment et suite à l’information reçue à l’effet que ces unités étaient destinées à la « location » que l’Administrateur prend la position qu’il ne s’agit plus d’unités « principalement résidentielles » selon sa propre lecture et interprétation du Règlement.
GRILLE D’ANALYSE
[14] Nous savons que si un Bénéficiaire débourse un acompte avec une attestation en bonne et due forme, et ce, avant parafe du contrat de construction, ceci ne constitue pas un obstacle à la demande de remboursement d’acompte. Il est de droit arbitral constant que la somme ayant été versée pour la construction d’une maison sur un terrain précis oblige le plan de garantie. [1]
[15] Nous savons de plus qu’à partir du moment où un Bénéficiaire a payé un acompte à un entrepreneur et que ce dernier a remis une attestation d’acompte sur formulaire officiel de l’Administrateur (tel qu’il en est dans le cas présent), cette somme est protégée par le plan de garantie, à moins que la suspension de l’accréditation de l’entrepreneur, l’insolvabilité ou l’inhabilité à performer ses obligations contractuelles n’ait été déjà connue par le Bénéficiaire, avant le dépôt, ce qui ici, n’est pas le cas.
[16] Donc, outre un cas de fraude ou de grossière négligence des Bénéficiaires, ce qui n’est le cas présent non plus, c’est l’Administrateur qui est le mieux placé pour contrôler et gérer les comportements fautifs ou délinquants de son (ancien) membre et qui doit accepter le risque de ses écarts de conduite. En l’espèce, dans le cas présent, les Bénéficiaires étaient de bonne foi et ont été possiblement victimes de manigances de l’Entrepreneur, et par conséquent, ne serait-ce qu’en ce qui concerne ce volet, l’Administrateur doit supporter la perte et rembourser les acomptes.
[17] Ces derniers propos ne sont pas les miens, ils appartiennent à Me Jeffrey Edwards, alors qu’il était notre collègue au CCAC, maintenant juge à la Cour supérieure du Québec.[2]
[18] Nous savons de plus, par bonne mesure, que le plafond établi au Règlement n’inclut pas les intérêts et indemnités additionnels qui peuvent être ajoutés en vertu des dispositions du Code civil du Québec, par contre, l’arbitre peut accorder des intérêts et indemnités additionnels, non pas en vertu des dispositions du code de procédure ou du C.c.Q., mais plutôt en vertu du Règlement qui lui permet de statuer conformément aux règles de droit (et aussi en faisant appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient).[3]
Vers une définition de destination « principalement résidentielle » au sens du Règlement
[19] Nous savons qu’en vertu du Règlement ainsi que du plan offert par l’Administrateur, lequel est calqué sur le Règlement que :
[19.1] Un « Bénéficiaire » est une personne physique ou morale, une société, une association (…) qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf (…).
[19.2] Un « Entrepreneur » est une personne titulaire d’une licence d’entrepreneur général qui l’autorise à exécuter ou à faire exécuter, en tout ou en partie (pour un Bénéficiaire), des travaux de construction de bâtiments résidentiels neufs (sous réserves et limites prévues au Règlement).
[19.3] Un « Bâtiment » est composé d’installations et équipements nécessaires à son utilisation.
[19.4] La « Destination » du bâtiment s’établit à la date de la conclusion du contrat couvert.
[20] Nous sommes donc ici en présence i) de Bénéficiaires et ii) d’un Entrepreneur qui ont contracté pour iii) un Bâtiment tel que ces termes sont définis au Règlement et au plan de garantie de l’Administrateur.
[21] Tel que ci-haut repris, et réside ici le cœur du litige, le bâtiment, objet des postes de réclamation et pour lequel des acomptes ont été déposés, constitue-t-il un bâtiment visé, tel que prévu à l’article 3 du plan de l’Administrateur, lequel prévoit que l’ensemble des garanties offertes couvrent les bâtiments résidentiels neufs lorsque ceux-ci sont destinés à des fins principalement résidentielles.
[22] De façon plus précise, vu les admissions au dossier, et plus particulièrement que les Bénéficiaires n’entendaient pas, à tout le moins, court ou moyen terme, habiter l’ensemble des unités du Bâtiment, l’Administrateur suggère qu’il ne s’agit pas d’un bâtiment destiné à des fins principalement résidentielles et que pour cette raison, il se rétracte, nie couverture et se refuse aux remboursements des avances déposées.
[23] Pour appuyer sa position, une (1) décision nous est offerte[4] par l’Administrateur, une décision à l’effet qu’un demandeur ne pourrait être qualifié de Bénéficiaire au sens du Règlement et qu’il ne pouvait réclamer le remboursement de son acompte puisqu’il avait déclaré n’avoir de réelle intention d’acquérir des unités dans un projet immobilier lorsqu’il a signé les contrats préliminaires. Il cherchait plutôt à permettre à l’Entrepreneur d’obtenir le financement dont il avait besoin.
[24] J’accepte ce raisonnement, mais, et avec respect, elle se distingue de la présente instance. J’accepte que si un Bénéficiaire avait consenti à ce que son acompte serve à d’autres fins que celles prévues au contrat de garantie (ce qui n’est pas ici suggéré ou inféré), il pouvait perdre la protection de son acompte.
[25] S’il est vrai que la transaction aurait pu se structurer différemment pour éviter le malentendu, il faut considérer que le Règlement vise à protéger les Bénéficiaires contre, effectivement, un abus potentiel d’un entrepreneur ou sa déconfiture financière.[5]
[26] Nous savons de plus que l’Administrateur se doit de statuer sur la réclamation de remboursement d’acompte, non pas pour déterminer s’il y a nullité, résolution ou résiliation du contrat, mais en déterminant si les faits présentés permettent en vertu de la loi, avant la réception du bâtiment.[6]
[27] La déclaration des Bénéficiaires à l’effet qu’ils n’entendaient pas résider ou autrement être domiciliés dans les unités (à court ou moyen terme) habilite-t-elle l’Administrateur à refuser couverture prétextant que ces unités n’étaient pas « destinées » à des fins résidentielles pour les « acquéreurs »?
[28] Nous savons que le terme propriété résidentielle désigne l’ensemble des terrains et des structures destinés à un logement privé, que ce soit à titre permanent ou temporaire et qu’une propriété résidentielle peut avoir plus d’un propriétaire.
[29] Nous savons que la destination principalement résidentielle réfère à un usage qui est alloué aux parties privatives en vertu de la déclaration de copropriété, à savoir l’acte constitutif de copropriété, afin que celle-ci soit affectée à l’habitation.
[30] Nous savons de plus qu’une résidence d’une personne ne doit pas avoir un caractère de permanence contrairement à l’adresse du domicile, laquelle est permanente et figure sur l’ensemble des pièces d’identité d’ordre juridique.
[31] Au Québec, le législateur, dans sa codification, nous assiste dans la définition de « destination résidentielle ».
[32] Pour qu’il y ait une destination résidentielle, c’est l’usage qui est alloué aux parties privatives en vertu de la déclaration de copropriété qui, nous savons, est l’acte constitutif de copropriété, afin que celle-ci soit affectée à l’habitation. Ce qui est d’ailleurs spécifiquement prévu à la déclaration de copropriété initiale (pièce BCC-4).
[33] Le législateur a donné une importance à cette notion de destination de l’immeuble puisque plusieurs articles de notre Code civil du Québec (C.c.Q.) y réfèrent :
[33.1] L’art. 1053 du C.c.Q. énonce que l’acte constitutif de copropriété définit la destination de l’immeuble, des parties privatives et des parties communes.
[33.2] L’art. 1056 C.c.Q. prescrit que la déclaration de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires, sauf celles justifiées par la destination de l’immeuble, ses caractères ou sa situation.
[33.3] L’art 1063 C.c.Q. indique que chaque copropriétaire use et jouit librement de sa partie privative et des parties communes, à la condition, bien entendu, de respecter le Règlement de l’immeuble et de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble (qui dans le cas présent, nous le savons, est résidentiel).
[33.4] L’art 1098 C.c.Q. prévoit que l’assemblée des copropriétaires peut autoriser, à certaines conditions, un changement de la destination de l’immeuble ou à l’aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au maintien de la destination de l’immeuble.
[33.5] L’art 1102 C.c.Q. proclame le droit des copropriétaires de ne pas se faire imposer, tant par le conseil d’administration que par l’assemblée des copropriétaires toute modification à la destination de leur partie privative.
[34] Subsidiairement, notre gouvernement fédéral définit la propriété résidentielle comme étant l’ensemble des terrains et des structures (comprendre bâtiments) destinés à un logement privé, que ce soit à titre permanent ou temporaire. Une propriété résidentielle peut avoir bien entendu plus d’un propriétaire.
[35] Nous savons que nous devons faire une distinction entre résidence et domicile. La résidence d’une personne (physique ou morale) est le lieu où elle « réside », à une adresse où elle n’est pas nécessairement en permanence et ceci, contrairement à l’adresse du domicile, laquelle est permanente et figure, entre autres, sur les pièces d’identité. Le domicile, comme pour la résidence, permet de définir la situation juridique par rapport au lieu où il y a une habitation.
[36] Dans le régime de la Common Law, une résidence est le lieu ordinairement où il y a résidence, l’endroit où une personne peut être présente physiquement. La notion de résidence en Common Law est une question de fait alors que celle du domicile est une question de droit concernant l’intention d’une personne d’établir une résidence en lieu, soit l’animus manendi ou, sa variante lexicale, l’animus morandi.
[37] Nous savons de plus que si une personne n’a qu’un seul domicile, elle peut par ailleurs avoir plusieurs résidences ce qui n’implique aucune obligation d’y être en perpétuelle demeure. Le service de Statistique Canada, de taxation, et autres, acceptent qu’il y ait résidence au Canada et à l’étranger, résidence saisonnière, résidence communautaire, universitaire, privée, commune, hôtelière, de location, possédée en copropriété permanente, temporaire, régulière, légale, de travail, de loisir ou de vacances (le souligné est du soussigné).
[38] Nous savons que, à tout le moins depuis 2007, l’état du droit (comprendre la jurisprudence arbitrale constante) prévoit que le Règlement n’exige pas que le Bénéficiaire habite « lui-même » l’immeuble.[7]
[39] Nous savons aussi que l’art. 9 du Règlement prévoit que le plan de l’Administrateur doit prévoir (et ce dernier le prévoit) qu’un manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant réception doit être couvert.
JUGÉ
[40] Vu que les Bénéficiaires ont payé les acomptes à l’Entrepreneur et que ce dernier a remis aux Bénéficiaires une attestation d’acompte sur formulaire officiel de l’Administrateur;
[41] Vu absence de fraude ou de grossière négligence des Bénéficiaires;
[42] Vu la primauté de l’art. 1053 du C.c.Q. qui énonce que l’acte constitutif de copropriété définit la destination de l’immeuble et que cette destination est résidentielle;
[43] Vu que l’usage alloué aux parties privatives en vertu de la déclaration de copropriété, à savoir l’acte constitutif, détermine que celles-ci doivent être affectées à l’habitation;
[44] Vu que le Règlement n’exige pas que le Bénéficiaire habite « lui-même » l’immeuble;
[45] Vu que les unités sont essentiellement des appartements avec cuisine, salle de bain, chambres, tout ce qu’il faut pour résider, habiter, demeurer, se loger, je suis d’opinion que je me dois de faire droit à la réclamation des Bénéficiaires.
[46] Certes, louer une unité résidentielle à court, moyen ou long terme peut constituer une activité commerciale, mais cela ne fait pas de l’unité résidentielle une unité commerciale, et la destination du bâtiment qui s’établit à la date de conclusion du contrat couvert par unité résidentielle vaut pendant toute la durée de la garantie et la garantie s’applique à l’ensemble du bâtiment. La preuve non contredite est à l’effet que toutes les unités du bâtiment sont destinées à des fins exclusivement résidentielles.
[47] L’arbitre désigné est autorisé par la Régie à trancher tout différend découlant des plans de garantie. Ceci inclut toute disposition de fait, de droit et de procédure, mais la réclamation doit, bien entendu, prendre source dans le Règlement (et le plan qui est son accessoire).
[48] Dans mon appréciation (souveraine) des faits et ma compréhension de la loi, de la jurisprudence connue, je me dois de faire droit à la demande des Bénéficiaires.
[49] L’ensemble des motifs ci-haut repris, je me dois d’accepter la position des Bénéficiaires, renverser la décision de l’Administrateur et condamner l’Administrateur au remboursement des acomptes versés pour lesquels les attestations furent délivrées.
[50] Conformément à l’art. 123 du Règlement, les coûts de l’arbitrage seront assumés par l’Administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCEPTE ET ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires.
ORDONNE à l’Administrateur remboursement des acomptes pour lesquels attestations et certificats furent émis par l’Entrepreneur.
LE TOUT, incluant le remboursement des acomptes et frais d’arbitrage, avec intérêt au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter d’un délai de grâce de trente (30) jours.
Montréal, le 7 mai 2024
_______________________
Michel A. Jeanniot, ClArb.
[1] Oboo et J.A.C. Construction inc. (Maison Lagacé) (O.A.G.B.R.N., 2023-07-10), SOQUIJ AZ-51969080.
[2] Agudelo et Verre Azur inc. (IMM Habitation) (O.A.G.B.R.N., 2007-09-19), SOQUIJ AZ-50452409.
Tabisa Oboo et Gimarley Kambi, bénéficiaires, et JAC Construction inc. / Les maisons Lagacé, entrepreneurs, et la GCR, arbitre Jean-Philippe Ewart, CCAC, S09-131001-NP, 2011-08-30.
[3] Cour supérieure, district judiciaire de Montréal 2016-11-01, jugement rectifié 2016-11-02, 2016 QCCS 5593, juge Marie-Anne Paquette j.c.s.
[4] Entreprises Conrad Sevigny Ltée et Entreprises Gilles Duquette &Fils inc. (O.A.G.B.R.N., 2023-04-17), SOQUIJ AZ-51945499, Me Jacinthe Savoie – Soreconi.
[5] Marguerite Côté, bénéficiaire, et 9137-7937 Québec inc. (Attitude Nord Immobilier), entrepreneur, et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Me Jean-Philippe Ewart, arbitre CCAC, S09-170401-NP, 2010-01-18.
[6]Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Dupuis, juge Michèle Monast de la Cour supérieure, dossier 505-17-002506-055, 2007-10-26 (Requête en révision judiciaire d’une sentence arbitrale rejetée).
[7] Décision Champagne et Groupe Lagacé Habitations inc. (O.A.G.B.R.N., 2007-07-23 – Soreconi) SOQUIJ AZ-50445856.